Une vie de putois
— Tad ! Espèce d'idiot ! Tu as encore laissé la potion d'envol au soleil ! gronda le magicien.
— Pardon maître ! s'excusa le jeune homme.
— Et comment je fais moi maintenant pour voler ? Hein ? Parfois je me dis que je n'aurais pas dû prendre un apprenti !
Tad lui pensait souvent qu'il n'aurait jamais dû devenir l'apprenti du magicien. Celui-ci était dure, l'insultait à la moindre contrariété et le punissait toujours de manière désagréable sans compter qu'il ne cessait de le dénigrer et qu'il n'avait pas le fait le moindre progrès en magie. D'ailleurs il le vit prendre sa baguette avec crainte.
— Puisque tu as tout gâché, encore une fois, tu vas le regretter.
Il tourna sa baguette en incantant et la pointa sur lui. Le jeune garçon fut pris de frisson et se métamorphosa en putois. Encore.
— Maintenant va ! Ou tu vas encore gâcher mes préparations.
Mécontent, Tad grouina, mais obéit. C'était déjà suffisamment humiliant, si en plus il n'obéissait pas le magicien ne le retransformerait pas avant un bon moment.
Il se reposait dans le jardin, loin de son maître quand il aperçut un autre magicien entrer dans la maison. Stephen recevait rarement de visite des siens pourtant.
Il entendit des éclats de voix, du bris de verre, de la fumée s'échappa de la fenêtre et le nouveau venu partit, visiblement furieux.
Tad mourrait d'envie de voir ce qui s'était passé mais si son maître le voyait fureter il se mettrait probablement plus en colère encore. Au bout d'un long moment de silence il se faufila pourtant à l'intérieur.
Le spectacle qu'il découvrit le laissa horrifié. Sur le sol son maître était allongé, une gigantesque mare de sang sous lui, mort.
Ah non ! Surtout pas ! Son maître mort comment allait-il redevenir humain ? Il ne pouvait pas rester sous cette forme définitivement ? Sous la forme d'un putois tout de même. Et pourtant il était seul dans cette chaumière. Plus aucun magicien. Et celui responsable de son apparence était allongé là, mort.
Il n'avait pas eu d'autre choix que de partir vivre en forêt. Il avait bien essayé de rester dans la maison, s'attendant à ce que quelqu'un finisse par arriver, mais il ne pouvait pas mener une vie de maison sous cette apparence. Il s'était d'abord tenu aux abords de la maison. Quand on était entré, il s'était tenu là tout fier, avait tenté de parler, en vain. Les hommes l'avaient chassé à coup de balais. On avait emporté le corps et plus personne n'était venu. Alors il s'était enfoncé dans les bois. Chasser les grenouilles et campagnols l'avait beaucoup dégoûté au début, mais la faim s'était faite plus forte. Lors des nuits froides il rêvait néanmoins de son ancien lit chez son maître. Ce dernier était peut-être souvent sévère. Parfois très injuste mais il avait une vie bien plus confortable là-bas. Il n'avait pas le choix. Il lui fallait trouver un magicien.
Discrètement il s'approchait des habitations de campagne, se glissait sous les fenêtres écoutant les conversations pour peut-être espérer entendre parler d'un magicien. Bien souvent on le chassait à coup de pierre ou de balais, faisant battre son cœur désormais si petit à folle allure, avant d'apprendre quoi que ce soit d'intéressant. Il vivait dans la peur constante et le froid. Enfin une après-midi de printemps il entendit une information lui donnant espoir :
— Il va falloir qu'un des enfants se rende chez la magicienne derrière la colline me chercher encore un peu de potion pour la toux, dit une voix de femme.
Derrière la colline. Là-bas il trouverait sa libération.
Il courut en direction de la colline. Une fillette arriva de son dos sur le même chemin, sans doute une des enfants évoqués par la femme. Peut-être pourrait-elle le porter jusque là-bas. Mais quand elle le vit elle hurla et lui jeta son panier au visage.
Il couina de douleur et se cacha, attendant qu'elle parte pour reprendre le chemin.
De ses petites pattes il la monta à bout de souffle. Tout en haut il aperçut un charmant cottage.
Cela devait être là-bas. Il descendit la colline tandis que la nuit tombait. Un orage explosa alors dans le ciel et la pluie se fracassa sur son poil. Il chercha partout un trou où se réfugier, mais cette maison était trop bien entretenue. Il était trempée, frigorifiée et n'avait nulle part où se réfugier. Puis il vit le poulailler, un espace assez large sous la porte lui permettait de passer. Il s'y glissa sans difficulté, un chien aurait pu y entrer aussi. Et se retrouva à l'abri. Les poules caquetèrent à son arrivée, le coq lui courut après, tentant de lui donner des coups de bec. Il lâcha son odeur nauséabonde qui le sauvait des attaques d'autres animaux habituellement et se réfugia tremblant dans un coin. Un renard surgit alors dans le poulailler et ce fut la panique. Personne n'était sauf ici. Il se glissa entre les pattes des poules qui tentaient de fuir, évitant les crocs du renard. Son cœur allait lâcher avant de pouvoir la magicienne.
La porte claqua alors et une cage s'abattit sur le renard. Cage tenue par un bras de femme.
— C'est bon les filles ! C'est fini ! hurla-t-elle à ses poules.
Elle s'assura que chacune rejoignit sa place, qu'aucune n'était blessée. Puis elle vit Tad tremblant.
— Tiens qui es-tu toi ?
Elle le souleva par la peau du cou, il se laissa faire, conscient que c'était sa seule chance de fuir cette vie.
— Ce n'est pas ta vraie forme ça !
Et le tenant toujours d'une main, la cage de l'autre elle le ramena le renard et lui au cottage. Elle posa le cottage dans un coin. Sa maison était un vrai bric à brac en désordre. Rien à voir avec la maison de son maître.
Elle fouilla son livre des sorts et chanta longuement.
— Alors je t'écoute ! On vient m'espionner ?
— Non ! s'écria Tad.
Il pouvait parler ! Vraiment parler ! Des mots humains ! C'était sa propre voix qu'il entendait ! Il bondit partout de joie.
— Calme-toi ! J'attends des explications. Pourquoi tu es chez moi alors ?
— Je suis coincé sous cette forme, j'espérais qu'une grande sorcière comme vous saurait me libérer, flatta-t-il.
— Comment t'as fait ton compte ? s'amusa-t-elle.
— Mon maître m'a transformé pour me punir. Puis il est mort avant de me retransformer.
— Tiens tu t'y connais alors un peu en magie ?
Il gonfla d'orgueil.
— Oui. J'en étais à ma troisième année d'apprentissage.
Elle tapota des doigts sur sa table.
— Qu'est-ce que tu es prêt à m'offrir en échange de ta libération. J'imagine qu'un jeune apprenti n'a pas d'argent.
— En effet. Mais je ferais n'importe quoi pour redevenir humain.
— N'importe quoi ? répéta-t-elle avec un haussement de sourcil. C'est d'accord.
Et elle claqua des doigts. Aussitôt il redevint humain. Il tomba à ses genou, pleurant, baisant ses mains.
— Merci ! Merci ! Merci ! Je ne vous remercierez jamais assez. Que voulez-vous de moi en récompense ?
— Je nous ai déjà liés magiquement. À partir de maintenant tu es mon esclave et jusqu'à ma mort. Tu feras tous mes sorts et potions qu'on te demande, cuisinera mes plats, en échange je finirais même ton apprentissage.
Une pierre tomba dans son estomac.
Tad avait beaucoup de travail chez sa maîtresse. Bien plus qu'avec son précédent maître sans en plus la moindre chance de partir. Mais ce n'était pas grave. Il apprenait de nombreux sorts. Suffisamment pour se venger. Se venger de tous ses humains qui lui avaient fait du mal alors qu'il n'était qu'un pauvre putois. Ils allaient payer. Il avait déjà mis un peu de poison dans un remède pour la fillette qui avait jeté son panier sur lui. Quant à sa maitresse il espérait bien que le magicien qui avait tué son maître viendrait ici aussi le libérer.
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