Sumarbrander
Vous pensez vraiment que Freyr, le dieu le plus pacifiste de la mythologie nordique, avait comme ami une épée, la plus tranchante des neuf mondes qui plus est ? Si vous croyez cela, c'est que vous êtes vraiment naïf. Donc laissez moi vous raconter la véritable histoire de Sumarbrander et de Freyr, une histoire oubliée par tristesse ou détournée par honte.
Cette histoire se déroule en Norvège, dans des temps anciens que même certains écrits ne retracent pas, une époque où dieux et mortels se fréquentaient encore. La plupart de ce que vous pensez être des mythes se sont déroulés durant cette période. Mais ils sont bien réels : Hyacinthe est bien devenu une fleur, Syrinx un roseau et Ulysse a bien quitté ses terres et sa famille pour une pomme. Malgré la proximité du monde mythologique et humain, les habitants de la Terre vivaient paisiblement entre quelques guerres ou une malédiction divine. Cette tranquillité touchait même les petits villages méconnus des cartes, dont celui d'un jeune barde. Ce poète était parti depuis peu longtemps explorer les diverses contrées environnantes pour chercher le dieu Bragi et lui demander, voir le supplier, de le prendre en apprenti. Cependant, sa famille voyait ça comme un gâchis de talent. Non pas que son chant était détestable, mais que le garçon avait des capacités guerrières qui lui auraient assurées une place dans l'armée du Royaume. Encore frais en âge et à l'esprit mature mais pourtant frivole, son profil et sa destinée semblaient tracés à combattre pour la paix.
Comme vous vous en doutez, l'épéiste ne partageait pas cette optique de se battre pour une paix incertaine alors qu'on pouvait apporter le réconfort en chant ou en poème. Le jeune adulte s'était donc enfui le matin où l'armée devait venir le chercher. Lui et sa fidèle lyre sillonnaient donc prairies et collines depuis déjà des jours vers le sud. Pour ne pas perdre sa joie de vivre communicative, il chantait ses compositions. Partout où le barde passait, les plantes poussaient pour l'entendre, le vent jouait avec les feuillages dans la même mélodie et les animaux se réveillaient. Malgré ses appellations de sorcier, d'enchanteur ou encore d'esprit des forêts, les habitants célébraient avec joie le retour en avance du printemps grâce à lui. Mais, dans ce lot de gens l'acclamant, un le voyait comme un problème. Cette personne se nommait Freyr et était le dieu du printemps et de plein d'autres choses. La divinité paraissait tellement exaspérée de se faire voler son métier par un simple mortel que les temps cléments n'arrivaient plus dans les pays censés se déneiger. Heureusement pour les habitants le priant de les dégeler, un plan se tissa dans sa tête. Le lendemain à l'aurore, le dieu se déguisa en paysan sans rien de particulier,sauf peut-être sa beauté, et attendit le passage de l'usurpateur qui arriva telle une torche dans la nuit profonde.
-Et bien bonjour mon ami agriculteur ! Je vois que votre brouette est renversée, avez-vous besoin d’aide ? Peut-être que mon chemin sera le vôtre.
Le dieu ne répondit pas, époustouflé par la beauté naturelle du jeune homme.
-Oh ! Vous êtes muet ou sourd… ou les deux ! Je m'excuse d’avance mais ma pratique de la langue des signes est un peu rouillée.
-Non, je ne suis ni l’un ni l’autre. J’étais encore engourdi de ma chute à cheval, la vilaine créature s’est misérablement enfuie ! Êtes-vous le jeune barde dont les villes parlent ?
-Je pense que oui, si ce "jeune barde" est appelé Nishyder. Pourquoi voulez-vous savoir ?
-Mr. Nishyder, vous me comprenez sûrement mais je n’ai pas envie d’être fermier comme mon père. Je suis donc parti en cherchant de la compagnie pour voyager jusqu’à n’importe quelle destination. Cette brouette n’est point la mienne mais elle m’a permis une sieste à l’abri. Accepteriez-vous que je vous accompagne ?
-Ma foi, un peu de compagnie ne me dérange guère. Ne m'appelez pas comme ça, les demoiselles et messieurs me vieillissent déjà assez ! Je me nomme Jack, et vous ?
-Mes parents m’ont donné le fâcheux prénom de Mirg.
-Effectivement, votre prénom ne va pas avec votre splendeur.
C’est en rougissant que le dieu se leva et qu’ils partirent pour faire route vers l’habitation de Bragi, tout au sud du pays. Jack parlait beaucoup de lui, à l’avantage de Freyr, ou Mirg, qui ne pouvait pas trahir sa couverture. Ils devinrent rapidement proches, trop proches. Au point que le dieu oublia presque sa mission. L’aède lui raconta sa quête d’aller chez Bragi pour devenir son apprenti loin de la pression parentale. Sans savoir pourquoi, un vilain sentiment de jalousie encombra son cœur quand il sut que le mortel allait rester chez lui. Pour leur dernière nuit ensemble, ils logeaient dans une grotte inhabitée, heureusement. Pendant que le dieu du printemps dormait, car même les immortels se reposent, Jack le regardait en affûtant son épée. En la pointant sur sa gorge, il réveilla son ami qui, surpris, commença à briller.
-Jack ! Que fais-tu ?
-Je suis encore jeune mais je ne suis pas stupide, vous n’êtes pas un paysan. Votre brillance m’indique que j’ai raison. Un dieu ? Si oui, pourquoi vous déguisez pour marcher avec un simple barde ?
-Je n’ai jamais douté de ton intelligence mais je ne me doutais pas que tu m’aurais démasqué. Effectivement, je suis un dieu, je suis Freyr. Pour le pourquoi du comment, laisse-moi t’expliquer avant de m'égorger. Ton merveilleux chant a fait venir le printemps alors que je le contrôle. En attirant le printemps, tu m’as attiré. Au début, je voulais me venger de ma honte mais au final, je trouve que je suis bien tombé.
-Comment ça ?
-Et bien, je croyais avoir affaire à un malandrin qui essayait d’imiter les dieux mais tu es un charmant jeune homme.
Jack approcha son visage de celui du dieu. La douce respiration de ce dernier le réchauffait doucement. Avec la lenteur d’un escargot, le mortel retira l’arme de la gorge. Cet acte poussa Freyr a scellé leurs lèvres. Un simple baiser qui produit pourtant comme une explosion dans le cœur et la tête du barde. Après s’être séparés seulement quelques secondes, la chaleur divine lui manquait déjà.
Le lendemain matin, ils arrivèrent à la demeure du dieu de la poésie. Par talent ou par chance, le mortel réussit à se faire embaucher. La joie de l'entretien se mêla rapidement à la tristesse de quitter Freyr, même s’il savait que les dieux n’avaient jamais des relations constantes. Cependant et à sa grande surprise, la divinité lui promit de le revoir dans une dernière étreinte.
Les mois passèrent en laissant la chaleur de l’été recouvrir la fraîcheur printanière de la contrée. Comme chaque soir après les heures de chant, de compositions, de poésie ou de ménage, Jack était assis sur l’herbe encore humide de l’orage du midi. La prairie embaumait une délicate odeur de terre mouillée pendant que le soleil couchant la baignait d’une lumière vivifiante. Du point de vue de la clairière, on voyait les champs de blé se prolonger à l’infini jusqu’à s’écraser sur les montagnes lointaines. Seuls quelques lacs brisaient cette immensité blondinette. Derrière le garçon se tenait un petit bois, inexistant il y a encore quelques mois. Apparu à cause des chants incontrôlés, il abritait maintenant un lot de créatures ayant trouvé un abris. Maintenant, ses chansons avaient l’air plus fluides et puissantes, causant chez son professeur un certain embarras et une jalousie certaine. Ses doigts passaient d’une corde à l’autre de sa chère lyre, cherchant à réaliser une mélodie plus ou moins harmonieuse. Soudain, une douce odeur de fleur recouvra celle de terre. Une silhouette se forma dans l’air montagneux, celle d’un blondinet à barbe et au cheveux emmêlés donnant une follle envie de les coiffer. Comme d’habitude, un sourire illuminait son visage chaleureux. Ça faisait cinq mois qu’ils ne s’étaient pas vu donc le jeune mortel tenta de le bouder mais le revoir produisit sur son visage un sourire incontrôlable
-Freyr ! Que fais-tu ici ?
-Je prenais le thé avec Bragi pour parler affaires. Je comptais aussi te voir mais il m’a appris que tu étais ici, dans cette plaine.
-Tu voulais me voir… Je peux savoir pourquoi ?
-Bragi m’a dit que tu avais réussi avec brio ton examen. Lui-même partira bientôt en voyage donc il m’a proposé de rester avec toi pendant ce temps, pour se balader comme avant. Si tu veux bien !
-Ne m’en dis pas plus, je vais chercher mon épée et j’arrive.
Avant que le dieu ne puisse réagir, il partit en courant. Quand le jeune homme revint, ils partirent vers de nouvelles contrées. Les amis commencèrent par explorer les neufs mondes qui bientôt n’eurent aucun secret pour eux : Nidavellir et les nains aux mains d’or, Muspellheim et ses chaleurs invivables, Jotunheim et ses géants, Helheim et ses fantômes cadavériques, Niflheim et ses températures du Pôle Nord, Alfheim étant le royaume de Freyr et même Asgard, la demeure de tous les Ases. Seul Vanaheim n’avait pas été découvert, l’immortel ayant une peur muette pour sa sœur, et surtout ce qu’elle pouvait faire. Le dieu et leur mortel poursuivaient donc leur balade à travers les mondes et les lieux en se rapprochant de plus en plus. Jusqu'à ce jour spécial, où Freyr, et donc Jack, étaient invités à une soirée Olympienne. Laissez-moi vous mettre en situation…
C’était le début de l’Août et la fin d’une lourde journée d'été. Le soleil finissait sa course en colorant le ciel méditerranien dans des tons vibrants tandis que la nuit étendait son voile sombre. Les quelques nuages brisant la perfection rarissime de l’horizon prenaient une teinte d’un rose fluorescent que même les peintres n’utilisaient pas. En bas de la falaise où était installée le palais mobile, des vagues s’écrasaient dans un fracas relaxant tout en projetant de l’écume. La mer avait l’air particulièrement agitée cette soirée-là, brisant l’ambiance paisible des vallées bercées par la mélodie du vent agitant le feuillage des oliviers. La vue semblait irréelle pour le norvégien habitué au froid torride. Celui-ci regardait l’horizon mélancoliquement en pensant pour la première fois depuis longtemps à ses parents, surtout à sa mère qui devait être déçue. Elle qui avait prévu une carrière dans la ferme ou dans l’armée à tous les frères et celle des deux jumelles dans la boulangerie, la maman devait être frustrée de la décision de l'aîné. Soudainement, une main inconnue se posa sur son épaule, chose qui lui fit oublier sa contemplation.
-J'aurais cru que c'était un dieu mais tu n'es qu'un mortel. Tu es le coup du soir de qui ?
-Le coup du soir d’un dieu ? Vous devez vous tromper de personne.
-Plus qu’un coup d’un soir ? C’est rare avec un dieu. Ah, tu dois être “l’ami” de Freyr, un gars sympa ce nordique. Joins toi à la fête, regarder l’horizon ne t’apportera aucune réponse. En plus, ton petit-ami devra être surveillé : en parlant vin avec Dio’, son bourrage est assuré.
-Ce n’est pas mon petit-ami !
Le mortel se retourna pour montrer sa consternation mais c’était sans compter le véritable rayon de soleil qui se tenait devant lui. Le dieu semblait amusé par la situation mais se détourna vers la salle. En jetant un dernier regard vers le paysage, le jeune homme franchit la porte pour entrer dans la pièce. L’ambiance tranquille de l’extérieur contrastait avec celle intérieure, comme si l’endroit n’appartenait pas vraiment à cette région bucolique, ce qui était le cas. De toutes parts, des divinités affluaient vers le bar ou dansaient. L’odeur rance d’alcool se rajoutait à la chaleur pesante pour créer une atmosphère de taverne. Il essaya de repérer son compagnon dans la foule, redoutant sa conversation avec ce “Dio”. Dans un coin illuminé par une lampe à huile, le printanier parlait avec un homme efféminé avec une pinte à la main. Malgré la banalité de la situation, son ventre se tordit et l’envie de vengeance encombra son esprit. Pour chasser ce sentiment inconnu, l’apprenti de Bragi s’assit à l’opposé, surveillant les possibles écarts. Beaucoup de divins lui jetaient des regards interloqués, sûrement surpris de voir un simple humain dans une soirée de dieux. Étrangement, être entouré d’autant d’êtres mythologiques ne le dérangeait pas et ne l'empêchait pas de gratter les cordes de sa lyre. Les heures coulèrent comme de l’hydromel mais la concentration jalouse de Jack ne faiblissait pas. Quand enfin il décida d’abandonner, les deux parleurs partagèrent un léger baisé qui fit affluer une colère sourde en lui.
-Et toi ! Je pense que tu as autre chose à faire que d’embrasser mon ami après l’avoir saoulé…
Le dieu le dévisagea pendant qu’il avançait, comme si l’immortel était partagé entre regarder la scène ou le transformer en pot de chambre. Heureusement, il opta pour la première option, laissant l’opportunité au jaloux d’embrasser son ami. Alors que le scandale commençait à parcourir la salle, une délicieuse odeur de fleur envahit la pièce en transportant les tourtereaux dans un autre monde… Le plancher avait laissé place au champ de fleur et l’ambiance plus que pesante semblait tranquillisée. Proche des deux “amis” s’embrassant, une femme à la beauté étincellante les attendait. Quand le baiser fut fini, ils remarquèrent enfin la maîtresse de Fólkvangr, ce qui fit rougir les deux garçons.
-Par tous les dieux, ne rougissez pas comme ça ! Vous vous êtes bécotés devant une cinquantaine de dieux sans souci mais pas devant la déesse de l’amour, ta sœur et ta future belle-sœur. Surtout que mon frère est saoul...
-Future belle-sœur ? Pourquoi tout le monde pense qu’on est ensemble !
-Car on ne trompe pas la déesse de l’amour voyons !
-Freya, laisse Jack tranquille.
-Tu vas devoir décuver mon pauvre frère… Cependant, je ne veux pas de mal à votre joli couple. Au contraire, je vous donne ma bénédiction. Tant que personne ne vous maudit, vous vivrez heureux. En attendant, vous pouvez dormir ici, à Fólkvangr.
Les deux jeunes hommes logèrent donc à la demeure de Freya avant de repartir quelques jours plus tard, pour continuer leur découverte des mondes. Cette fois-ci en jeune couple fier de l'être. Un jour, ou plutôt une nuit, le dieu printanier se fit inviter par Sol, la déesse du soleil parce qu’ils devaient parler. La chaleur dans le char rappelait celle méditerranéenne, fatiguant le Vanir surtout habitué à la douceur norvégienne. Au milieu du véhicule était assise la déesse au cheveux de feu, littéralement.
-Bien le bonjour Sol, cela faisait longtemps. Pourquoi voulais-tu me voir ?
-Bonjour Freyr. Comme indiqué sur l’invitation, pour te parler…
-N’y va pas par quatres chemins, tu veux parler de quoi ? Ma transition, celle de mon printemps à ton été, fut réussi à la perfection. Aucun problème que tu devrais signaler...
-Je voulais parler de mes sentiments envers toi. Un beau dieu du printemps comme toi devrait se marier à une belle déesse du soleil comme moi.
-Je ne peux pas accepter ta déclaration Sol. Mon cœur appartient déjà à quelqu'un d'autre.
-Non, ce n'est pas possible !
La déesse ferma les yeux en proie à une colère noire. Sa chevelure de flamme redoubla pendant que les pommettes rougirent de frustration.
-Ce simple mortel, barde et fin épéiste pacifique… Comment peux-tu préférer un stupide humain à la vie si frêle à une déesse puissante ! Tu as commis une grave erreur…
-Tu n'oserais pas nous faire quelque chose, je suis plus puissant que toi et je t'interdis de me parler comme un vulgaire torchon !
-Je n'oserais pas te faire quelque chose pauvre fou, mais à ton cher Jack, oui. Tu l'aimes tellement, sa belle voix te chantant des poèmes et des chants, son rire merveilleux, sa dualité d'épéiste et de pacificateur. Je vais le transformer en une chose que tu ne pourras jamais aimer, une chose à l'encontre de ta nature paisible. Quelque chose faisant le mal, le sang, la violence. C' est une fine lame pas vrai ? Et bien, il le sera littéralement maintenant !
-Tu n'as pas osé !
-Va le voir si tu ne me crois pas… Amuse toi bien avec ta "fine lame" !
Le dieu se téléporta dans les bras de son amant sous les rires moqueurs de la nouvelle ennemie. Cette nuit-là, il enlaça encore plus fort son petit-ami mais cela n’empêcha pas ce dernier de se tordre de douleur en sentant son sang se figer et ses membres se raidir, se transformer et se fusionner. Et le lendemain matin, Freyr se réveilla les bras blessés car au lieu du beau jeune homme se tenait une épée.
Même sa voix et son rire semblaient s’être transformés : la première plus rouillée, le deuxième rappelant un marteau frappant une enclume. Une belle épée pour un beau mortel… Le plus douloureux était que l’épée avait une conscience et se souvenait de tout. Ses souvenirs accentuant la douleur de la transformation, Jack se fit rebaptisé en Sumarbrander, l’épée de l’été. Comme le dit un nain que connaissait Freyr, c’était un réel paradoxe : “une arme qui n’était pas censée être une arme” et “une épée qu’il vaut mieux utiliser en lâchant prise”. Suite à ça, ils redeviennent amis, juste amis. Quand le dieu dut se séparer du métamorphosé, il le fit avec le cœur lourd mais avec le sentiment que c’était la bonne chose pour passer le cap. Jusqu’au jour où un simple mortel le trouva dans l’eau, un humain qui lui rappela son prénom oublié depuis longtemps. Jack, l’épée de l’été, l'épée qui n'aurait jamais dû en être une.
Bon et bien voilà la fin de ce chapitre ! Je le trouve assez moyen mais je ne serai pas écrire plus. Comme vous vous envoûter, le jeune mortel est Magnus.
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