Il était ouf. Spectaculaire. Grandiose. Dans son réalisme effrayant. Ici, pas d'effets spéciaux grandiloquents à la Marvel, juste un personnage et son ascension vers le rang de méchants iconiques. Une backstory à la hauteur du personnage porté par un acteur faut pour le rôle.

Si Randall n'avait pas donné son pistolet, le Joker se serait sans doute suicider après avoir découvert la vérité sur sa naissance et essuyé échec sur échec. C'est hallucinant parce que le film montre que ce n'est pas une accumulation de petite chose qui ont fait de Fleck le Joker. Ça a été un déclic, une libération pour lui, un simple cadeau. Le moyen de réaliser son rêves le plus fou qu'il n'osait même pas imaginer. Se venger.

Arthur est devenu un monstre par la force des choses oui, mais il était un fou bien avant que les choses ne dégénèrent. Victime d'hallucinations et de crises de rires hystériques il ne pouvait pas sombrer plus profondément. Il ne pouvait plus que s'élever. Tel un phoenix, renaître de ses cendres et montrer au monde son vrai visage. Un masque grimaçant au sourire ensanglanté, un clown tueur avant l'heure.

Et tout dans la musique suggérait cette apothéose, les violons, lourds et sombre accompagnent les moments clés de cette période de sa vie, où telle une chenille, il tisse son cocon pour devenir un papillon rouge et or.

Sans le pistolet, il n'aurait jamais pu se rendre compte du fait qu'il AIMAIT tuer, pas juste que ça ne le dérangeait pas. Instigateur sans le vouloir de la mort des parents de Batman c'est pour moi le seul problème du film.

La chronologie est bancal, je vous laisse faire le calcul, Arthur a 30 ans et Batman 10 a tout casser. Dans 20, le futur Batman affronterait un homme certes bien conservé mais dont le physique ne pourrait certainement pas lui permettre de s'échapper. Je ne sais pas comment le Joker est dans les autres Batman que je n'ai pas vu mais je les voyais à peut près du même âge, la quarantaine flamboyante.

Mais le plus beau dans tout ça, c'est quand Arthur va voir Thomas Wayne et lui demande s'il est son père. Il est ruiné, au chômage, maigre comme un clou et sa mère mourante. Mais il ne lui demande RIEN. Il n'est pas comme les autres, parce qu'il sait comment cette société est pourrie, il ne veut pas lui ressembler. Il ne veut pas être un monstre. Mais la métaphore de la société le rejetant alors qu'il tente d'être normal signe son arrêt de mort. La méthode douce n'a pas marché, très bien, passons donc à la forte.

Pourtant je pense qu'il a improvisé face à Murray. À mon avis il prévoyait de se suicider en direct, une dernière blague avant de tirer son chapeau. Et au dernier moment il a choisi de lutter à la manière de Moriarty. Faire de Gotham une scène de crime géante et de tisser sa toile en attendant le seul fou qui osera le défier. Le seul suffisamment courageux pour oser s'interposer dans ce chaos sans foi ni loi.

Et cette fin, l'apothéose de sa vie. Je crois qu'avant il n'avait pas réalisé que ce mouvement - non content de reprendre son masque - l'avait adopté comme symbole. Toute sa vie il a voulu être reconnu pour ce qu'il faisait, sans qu'on s'arrête à la barrière du handicap qui faisait de lui un paria. Désormais, il est idolâtré par des centaines de manifestants qui ne le jugeront pas, parce que pour eux, toute cette folie et ce rire font du Joker le Joker. Et ils ont raison. Les seules personnes épargnées par sa folie sont celles qui l'ont traités comme une personne normale même s'il s'agissait d'illusion.

Plus que d'être une critique de la société, Joker est une leçon sur la tolérance et le respect d'autrui mais également sur le fait qu'oublier trop souvent les mécontents ne fait que retarder l'inévitable. Et nous avons déjà eu des Joker. Des hommes et femmes qui mirent le feu aux poudres et déclenchèrent des révolutions, volontairement ou non. Lénine, les révolutionnaires de 1789, tous les dictateurs menés au pouvoir par une révolution. Tous ont semés les graines de la discorde et du chaos avant de rendre le pouvoir.