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19. Sylvia

Seigneur... qu'ai-je fait ?

Allongée sur le lit de Duncan, les bras autours de mes jambes, le front sur mes genoux, je revis la scène pour la millième fois. Cette lueur carnassière qui luisait dans les prunelles sombres s'est éteinte à jamais. Par ma faute. Parce que je n'ai pas pu m'empêcher d'appuyer sur le déclencheur. Parce que j'ai vu en lui le criminel qui m'a privée de mon père. Parce que je me suis vue propulsée à ce dix-neuf septembre, à ce jour maudit où mon père fut assassiné sous mes yeux.

Ce jour-là, si j'avais eu un revolver à portée de main, je n'aurais pas hésité à m'en servir, c'est une certitude.

Cet incident ne fait que confirmer ce que je savais déjà : Duncan est un gangster. Et pas des moindres. Il a une cinquantaine d'hommes sous ses ordres. Des hommes qui le craignent, qui se plient en quatre pour appliquer le moindre de ses souhaits. Il en a d'autres qui le menacent, qui rêvent de le voir vaincu. Plus encore, il compte à son actif un palmarès de victimes. Je ne sais combien d'otages sont retenus dans son sous-sol, séquestrés, torturés, mutilés peut-être ?

Je devrais être terrorisée à l'idée de le côtoyer. De m'abandonner si facilement à lui. Sans faux-semblants. Sans barrières. Et pourtant, il n'en est rien.

Bien au contraire. Je ne fais que m'accrocher davantage. Encore et encore.

Et ce soir, j'ai tué pour lui...

Ce soir, j'ai atteint un point de non-retour dans ma vie.

Ce soir, j'ai failli à mon devoir. À ma mission.

Ce soir, j'ai pris une vie, à défaut de la sauver.

J'observe mes mains. Elles sont blanchâtres, et légèrement bleutées aux extrémités. Mes ongles se sont plantés dans ma paume qui saigne légèrement. Ces mains, qui jusqu'alors étaient consacrées à guérir et panser, viennent de tuer. Sans relâche, ni remords. Elles sont souillées pour l'éternité et font de moi une criminelle, au même titre que ceux dont on dépeint les portraits au journal télévisé quotidien.

Duncan ressort de la salle-de-bain intégrée à sa chambre à coucher une serviette nouée autour de sa taille. Les écorchures qu'il arbore au visage sont superficielles. Elles disparaîtront d'ici quelques jours. Mais cet hématome qui commence à apparaître sur son ventre est préoccupant. Il s'installe sur le divan qui fait face au lit en se frottant les cheveux à l'aide d'une serviette grise.

Tout dans cette chambre transpire le mâle par excellence. Les murs d'un gris clair, les draps et le divan couleur anthracite, et ce dressing dans lequel s'enchaînent les costumes, tous d'un noir profond.

Je surprends son regard insistant sur moi. Je l'évite précautionneusement. Depuis que nous avons quitté la scène de crime, je n'ai plus osé le regarder droit dans les yeux.

— Tu as peur ? me demande-t-il d'une voix douce.

— Je devrais ?

— Vu tout ce que tu viens de voir... et de subir, ça serait légitime.

Je hausse les épaules et me mure dans le silence. Curieusement, ce n'est pas de la peur que je ressens. Je ne ressens rien, en réalité. Je me sens vide. Comme si je n'étais qu'une spectatrice de ma propre vie. Comme si j'évoluais hors de ma propre enveloppe charnelle.

Duncan se rapproche de moi et me soulève le menton pour m'examiner de près. Il veut lire en moi. Plonger dans mon âme et y déceler les méandres. J'écarte mon visage de sa prise et me concentre sur son ventre.

— Tu as reçu de sacrés coups à l'abdomen. Ça te fait mal quand j'appuie là ?

— T'en fais pas pour moi. Je suis plus résistant que j'en ai l'air, chérie. Aaarrrggghhh !

Je n'ai fait que l'effleurer, mais visiblement, il est plus mal en point qu'il ne le laisse transparaître. Il s'obstine à faire le fier devant moi, mais son attitude ne trompe personne.

— Duncan, tu n'es pas devant tes hommes, ne joue pas la comédie devant moi. Où est ton nécessaire à pharmacie ?

— Je vais m'en occuper, Sylvia. T'as été trop malmenée cette nuit, et le soleil va pas tarder à se lever. Faut que tu dormes un peu.

— Je ne pourrais pas dormir. Laisse-moi me sentir utile. Laisse-moi... faire quelque chose de bien.

Ma voix se casse et m'empresse de ravaler mes sanglots. Je n'ai pas pour habitude de pleurer, encore moins devant un public.

Il acquiesce non sans me dévisager d'un air grave. Je désinfecte ses plaies une à une, dans un silence religieux. Je m'efforce de focaliser mes pensées à la tâche à laquelle je m'adonne, mais cette légère douleur sur sa main, vestige de la détonation du revolver, ne fait que me rappeler ce que j'ai fait.

Duncan décèle mon trouble. Il me tient la main avant de la porter à ses lèvres et ramène une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. Cette marque de tendresse me surprend. Elle détonne totalement avec la barbarie qui a eu lieu dans son jardin, ou même la passion dévorante qu'il a mis dans le corps à corps charnel qui a précédé.

— Je sais exactement comment tu te sens, Sylvia.

Je ne réponds pas et me contente d'enduire ses côtes d'une crème anti-inflammatoire.

— Merci pour ce que tu as fait, s'obstine-t-il. Tu m'as sauvé la vie. Encore une fois...

— À quel prix...

Duncan m'attire à lui et pose ma tête contre son pectoral droit. Je me love contre son buste protecteur et sens tout le poids qui me submerge s'estomper, comme si cette simple étreinte suffisait à me décharger de cette culpabilité. 

Culpabilité avec laquelle je vais devoir apprendre à vivre désormais.

— Tu es donc chef de gang...

Duncan semble retenir son souffle avant de me répondre par un simple « oui ». Il commence à desserrer sa prise sur moi, mais je m'accroche à son bras. J'en ignore la raison, mais malgré ce qu'il vient d'avouer, de confirmer, je sens que j'ai besoin de lui. 

— Sylvia, soupire-t-il en se détachant de moi. Je suis pas celui que tu crois. J'ai fait beaucoup de choses dont je suis pas fier au cours de ma vie.

— Je sais très bien qui tu es. Je crois que je l'ai toujours su, au fond de moi. Je l'ai senti dès que je t'ai vu sur ton brancard d'hôpital. Tu transpires le danger. J'étais simplement dans le déni. Jusqu'à ce soir.

— Qu'est-ce qui t'a fait douter ?

— Ton tatouage. Ta façon d'être. Tes contradictions. Ce manoir, ce ghetto. J'ai été trop sotte pour ne pas le voir avant maintenant... Et puis tous ces hommes qui ne te lâchent pas. Même à deux heures du matin, merde ! Ces hommes qui, bizarrement, portent la même marque que toi... sans parler de votre code vestimentaire.

— C'est mes sous-fifres. Ceux qui portent les chemises noires sont mes bras droits directs. Les autres sont sous leurs ordres à eux.

— Comment en es-tu arrivé là ?

— J'ai jamais connu rien d'autre.

— Explique-moi... Comment peut-on être chef de gang et opérer dans l'humanitaire ?!

— L'un n'empêche pas l'autre...

Sa réponse ne me satisfait pas. Un début de migraine me déchiquette la tête tant elle tourne à pleine vitesse.

— Ecoute Sylvia... je peux pas tout te raconter pour pas t'impliquer.

— Tu ne veux pas m'impliquer ? Mais je suis déjà impliquée, Duncan. J'ai tué un homme pour toi !

Le formuler à haute voix suffit à me faire prendre conscience de l'étendue de mon crime. J'étouffe, mais paradoxalement, une envie viscérale de fumer m'envahit. Je me saisis du paquet de cigarettes de Duncan, situé sur la table de nuit. C'est d'une main tremblante que je tente d'actionner le briquet mais chacune de mes tentatives est vouée à l'échec. Flegmatique, Duncan le fait à ma place et réussi du premier coup.

La nicotine ne tarde pas à rejoindre mon cerveau et me donner une illusion éphémère de bien-être. Et pourtant, mon asphyxie psychique ne s'arrange pas.

— Bon sang, reprends-je dans un murmure. C'était le fils de quelqu'un. Il avait peut-être des enfants. Et moi... je lui ai ôté la vie. Sans scrupules. J'ai décidé qu'il valait mieux qu'il meure pour que toi, tu vives. De quel droit ai-je fait ça ? Si mon père était là...

Les mots se meurent dans une vague de sanglots incontrôlés. Cette fois, je n'arrive pas à les contenir davantage. Mon ventre se tord de douleur. Mon cœur n'est plus qu'une rude boule de plomb qui m'écrase la poitrine. Je me recroqueville sur moi-même et réalise que je suis sur le parquet grinçant. Je ne me souviens même plus être tombée.

La chaleur du torse de Duncan vient épouser mon dos et ses bras s'enroulent autour de mes épaules dans un geste protecteur.

— La mort de ce mec, j'en assume pleinement la responsabilité, m'assure-t-il d'une voix déterminée. Ça restera entre nous deux. Personne, à part toi et moi, saura ce qu'il s'est réellement passé ce soir. T'as ma parole.

— Tu ne comprends pas, Duncan. Je suis médecin. Je suis sensée sauver des vies. J'ai failli à mon devoir... j'ai rompu le serment d'Hippocrate.

Duncan m'attire plus fermement contre son torse et caresse doucement mes cheveux.

— Je comprends mieux que tu le crois.

J'entends les battements réguliers de son cœur frapper contre mon dos. Je me sens bien dans ses bras. Si bien que mes sanglots finissent par s'estomper. Sa respiration régulière me berce, et une vague de sérénité m'envahit. Duncan me porte vers le lit, toute habillée, et s'engouffre auprès de moi sous les couvertures.

Le soleil début sa lente émergence dans le ciel auroral et crache ses premiers rayons à travers les stores entrouverts de la chambre de Duncan. Nous n'avons pas dormi de la nuit, et pourtant, je n'en ai pas envie. Continuer à discuter avec lui m'apaise plus que la perspective de plonger dans un sommeil que je sais imbibé de cauchemars.

— Je t'ai déjà dit que mon père a été assassiné, n'est-ce pas ?

— Ouais, je m'en souviens.

— C'était le jour de mon anniversaire. Je l'avais supplié de m'acheter un téléphone. À l'époque, c'était la mode des Motorolla qui s'ouvrent d'un coup de pouce. Il m'a accompagnée alors qu'il était débordé au travail. Juste pour me faire plaisir. Je ne pouvais pas savoir... je ne pouvais pas prévoir qu'on serait pris en otage au cours d'un braquage à mains armées de la boutique. Je m'en souviens comme si c'était hier... ils étaient trois. Trois hommes. Ils nous menaçaient. 

Les caresses de Duncan le long de mon bras me font l'effet d'un anesthésiant qui atténue ma douleur. Je me sens cependant incapable d'arrêter mon récit. Duncan ne fait rien pour rompre le silence et je lui en suis reconnaissante. Il se contente d'écouter, d'être là.

— Mon père s'est interposé et a appelé la police, poursuis-je, la gorge nouée. Ils l'ont tué pour le faire taire, mais il avait déjà composé le numéro. J'ai hurlé... je me suis précipitée vers lui... mais il ne me répondait plus. 

Dans mon esprit, je revis ces événements traumatisants comme si j'y étais. Je me sens à nouveau comme cette adolescente fragile à qui on retire son idole sous les yeux. Je me sens abandonnée, fragile... faible. 

Duncan raffermit son étreinte sur moi et embrasse ma tempe. Une geste d'un douceur qui contraste avec le chaos qui règne en moi.

— C'est moi qui aurait dû mourir, affirmé-je sur un ton amer. C'est moi qui l'ai attiré dans cette boutique. C'est ma faute. 

— Culpabilité du survivant...

— C'est ce que m'a dit la psy que ma mère m'a forcée à voir pour sortir de l'état post-traumatique dans lequel je me trouvais. C'est aussi pour ça que j'ai choisi d'être médecin. Aucune vie ne me rendra celle de mon père. Mais je peux sauver celle des autres. Me rendre utile...

— Et c'est exactement ce que tu as fait ce soir. Tu m'as sauvé la vie. 

— Pas de la bonne façon.

Ma voix se fait murmure, noyée dans une marée de nouvelles larmes qui surgissent à nouveau. Je cache ma tête dans le cou de Duncan qui me réceptionne jusqu'à ce que je me calme, en apparence seulement. 

— Un inconnu parmi les otages m'a portée dans ses bras et m'a guidée vers un tunnel souterrain, poursuis-je en caressant distraitement les bras de Duncan. Il m'a ordonné de m'échapper. Je ne sais même plus comment il s'appelle. Tout ce dont je me rappelle, c'est ses yeux. Bleus comme l'océan. Rassurants. Bienveillants. Je me suis retrouvée dans un tunnel sombre, livrée à moi-même. Je le vois toujours dans mes cauchemars. J'ai couru, couru, couru, jusqu'à me retrouver à la sortie de la ville. Je me suis effondrée sur le bord de l'autoroute et quand j'ai repris conscience, j'étais à l'hôpital avec ma mère.

J'ai la gorge sèche à force d'avoir parlé. Duncan respecte mon silence et ne le rompt jamais. Je sais cependant qu'il ne dort pas au vu des caresses lénifiantes qu'il m'octroie. Sa respiration régulière me berce et je finis par m'endormir dans la « sécurité » de ses bras. 

Les bras d'un gangster... 

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