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Réécriture Les Rôdeurs du Nord - chapitre 1

Bonjour, bonjour ! Je suis actuellement en pleine réécriture de mon tome 1 des Rôdeurs du Nord, et j'aimerai des avis sur ce premier chapitre si possible ! J'ai du mal à estimer si ça passe, ou pas (en soit, il ne change pas tant de la première version, mais un peu quand même)

Le voici :
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An 872. Laencaster. Rosieia. Royaumes de l'Est.

Tout n'était que feu et sang. Un vacarme assourdissant résonnait sur le champ de bataille : le bruit froid des fers qui s'entrechoquaient, les cris des soldats qui agonisaient, les hurlements de désespoir. Dans la nuit noire, dansaient les flammes qui inondaient de leur lumière incandescente l'arène des combats. Des ombres mouvantes glissaient sur le sol en un ballet ardent. La sueur se mêlait au sang, la boue aux viscères. Il n'y avait plus une once d'humanité ici-bas, elle avait déserté le cœur des hommes pour laisser place à une démence bestiale, carnassière. Le théâtre de la violence était devenu un lieu suffoquant, où les pires démons se trémoussaient et se gaussaient gaiement. L'effluve âcre de la fumée qui s'infiltrait dans les poumons, faisait tousser la gorge, irritait les yeux. La puanteur du sang qui retournait les entrailles, celle des cadavres éventrés, dont les yeux vitreux fixaient un ciel étoilé qu'ils ne verraient plus jamais. L'odeur de la mort.

Tout n'était que chaos et désolation, les combats faisaient rages tout autour dans une frénésie absurde. L'expression de la brutalité la plus extrême explosait sur le champ de bataille, même le plus pieux des hommes s'adonnait à un massacre sanglant avec une satisfaction indiscutable. Rien n'avait plus de sens, la folie les avait tous frappés ici-bas.  Les épées tranchaient la chair, les haches fendaient les crânes, les flèches transperçaient les corps. Dans chacun des camps, on se vouait une haine féroce, presque obsessionnelle, une rancune qui n'avait pas de raison d'être. Personne ne savait pourquoi, mais on exécrait l'autre avec hargne. C'était survivre quelques minutes de plus à cette mêlée macabre, ou périr comme un misérable dans la boue et la cendre.

L'attaque avait été rapide, imprévisible. Profitant de l'obscurité de cette nuit sans lune, l'ennemi avait approché la cité et lancé l'assaut. La tour de garde Est avait été la première à tomber. Ainsi, l'envahisseur pénétra dans la cité. Aussitôt, l'armée royale de Rosieia avait envoyé du renfort afin de repousser la marée sanguinaire. Un second assaut les avait alors frappés : tout aussi déroutant, mais beaucoup plus brutal. Une vague de cavaliers montés sur des chevaux aussi noirs que leurs armures était parvenue à franchir la porte Sud et avait entrepris de massacrer tout sur son passage. Ils ne faisaient aucune distinction entre soldats et civils et propageaient des flammes ardentes dans leur sillage.

Les étendards qu'ils arboraient fièrement ne laissaient aucun doute quant à leur appartenance : un drapeau écarlate au centre duquel se trouvait une grande lune noire. « Silghofor nous attaque ! Silghofor nous attaque » tels avaient été les premiers mots d'avertissement donnés par les rescapés de l'assaut de la tour de garde Est. D'autres paroles bien plus inquiétantes proférées par l'envahisseur avaient aussi résonné dans la cité en feu. « Le roi Soris est mort ! Rosieia est tombée aux mains de Silghofor ! Vive le roi Héron ! ». Ces mots avaient aussitôt fait de sombrer la capitale Laencaster dans la panique, et sapé le courage des cœurs des soldats rosieiens.

Parmi le tohu-bohu des combats, un jeune écuyer du nom de Bran tentait tant bien que mal de se frayer un chemin dans la masse sanglante. Sur le dos de sa monture, il slalomait entre les combattants, ignorant s'ils s'agissaient d'alliés ou d'ennemis car la cendre lui brûlait les yeux. Il croisait parfois le fer, puis reprenait sa course effrénée vers le centre des combats, haletant et stupéfait chaque seconde qui passait de respirer encore. Son cœur palpitait sous l'effort, et aussi serré par l'angoisse. Tous ses sens lui hurlaient de galoper dans la direction opposée, de mettre le plus de distance possible entre cette scène de l'expression de la violence des hommes et sa personne. Seul son devoir lui permettait d'aller de l'avant, car Bran avait une mission de la plus haute importance à accomplir.

-         Capitaine Loskas ! Capitaine Loskas ! hurlait-il, incertain que quiconque puisse l'entendre.

Le capitaine de la garde était introuvable. Peut-être est-il déjà mort, qu'il git sous ces piles de cadavres à n'en point finir, comme mon pauvre père, pensa-t-il, incapable d'empêcher la pensée sinistre de s'immiscer dans son esprit. Une épée siffla près de son visage, Bran se baissa de justesse pour ne pas se faire arracher la mâchoire. Son pouls tambourina dans ses veines. Il songea à sa pauvre mère. Etait-elle saine et sauve ? Serait-elle abattue de perdre son fils unique au combat ? Bran n'eut même pas le temps de relever sa propre arme que son ennemi s'effondra aux pieds de son cheval, une flèche en travers de l'œil. Lui était-elle destiné ? Pétrifié, le jeune écuyer reprit ses esprits, puis se remit à chevaucher. Ma chère maman, je vivrai un instant de plus.

Son regard repéra soudain parmi la mêlée la familière armure blanche au heaume surmonté d'une plume immaculée.

-         Capitaine Loskas ! s'écria Bran, la poitrine réchauffée par un sentiment d'espoir.

La bataille n'était pas encore perdue. L'écuyer tira sur les rênes de sa monture pour la faire dévier de sa trajectoire et cavala sans attendre vers le capitaine de la garde. Le visage recouvert d'un sang qui n'était pas le sien, l'homme d'un âge mûr se battait avec la férocité que sa réputation lui prêtait. Son épée sifflait autour de lui, elle voltigeait entre ses mains avec la dextérité d'un jongleur qui effectuait une danse macabre. Le capitaine mettait à terre les ennemis à l'armure noire les uns après les autres, sans essuyer de blessures sérieuses. Ses yeux sombres étaient consumés d'une flamme guerrière. Autour de lui, il n'y avait que des soldats silghoforiens qui gisaient, morts.

Bran mit pied à terre et s'élança vers son capitaine pour lui transmettre un message en provenance de la rive Sud. Le capitaine de la garde venait d'abattre son adversaire du tranchant de l'épée d'un coup dans la nuque lorsque l'écuyer parvint à sa hauteur. Le guerrier essuya le sang qui lui obstruait la vue du revers de la main, et posa un regard interloqué sur le nouvel arrivant.

-         Des nouvelles du front Sud-Est, mon capitaine ! L'armée de Silghofor s'est emparé du pont Migrir ! L'ennemi a traversé la Naldra !

Le capitaine Loskas fit une grimace. La nouvelle était de mauvaise augure, Silghofor n'avait que trop progressé. Bientôt, Laencaster tout entière sombrerait.

-         Quels sont vos ordres, capitaine Loskas ? demanda le jeune Bran, le regard débordant d'une confiance aveugle.

Hélas, coup du sort pour le vaillant, il n'eut jamais l'occasion d'entendre la réponse. Une flèche lui traversa la gorge et il cracha du sang, avant de s'écrouler à genou, les yeux écarquillés de terreur et levés avec supplice en direction de son capitaine. Sa pauvre mère ne serrerait pas son fils entre ses bras ce soir, ni aucun autre.

Loskas contempla avec pitié le corps délaissé par la vie de ce brave garçon dont il ne connaissait même pas le nom. Il était bien trop jeune, jamais il n'aurait dû connaitre pareille horreur, fustigea-t-il, furieux contre Silghofor, le roi Héron et la folie qui l'avait mené sur le chemin de la guerre. Le temps n'était cependant pas aux lamentations. « L'ennemi a traversé la Naldra ». Les paroles de l'écuyer lui revinrent à l'esprit. Ainsi, ce n'est qu'une question de temps avant que les armées de Silghofor atteignent les portes du palais, songea Loskas. D'un instant à l'autre, les cavaliers noirs débarqueraient sur la place et le capitaine lui-même serait emporté par la déferlante. Son regard glissa de la silhouette du palais dans l'obscurité de la nuit à ses hommes qui se battaient autour de lui. Si nous demeurons ici, nous sommes perdus. Il n'y avait pas d'hésitation à avoir, même si le déshonneur lui coûtait. L'ordre fatidique franchit les lèvres du capitaine de la garde :

-         Soldats de Rosieia ! Repliez-vous ! Rejoignez les murs du palais ! Repliez-vous !

D'un même mouvement, les soldats en armure blanche se ruèrent en direction du château pour y trouver refuge. Loskas attrapa la bride d'un cheval sans cavalier, se hissa sur sa croupe et galopa à toute allure. Je dois prévenir la reine Shilla de notre défaite. Cette seule idée obsédait son esprit. Il savait ce qui lui restait à faire. Il n'avait toujours eu qu'une seule mission : protéger la famille royale.

Galvanisés par le repli de leurs adversaires, les soldats silghoforiens furent transcendés par l'élan de la victoire et chargèrent avec d'autant plus de vigueur. Beaucoup de rosieiens n'atteignirent pas les portes du palais, leurs corps gisaient à jamais sur ce qui fut le lieu de leur dernière bataille. Des visages familiers, parfois amis s'effondrèrent autour de Loskas, mais pas une fois, il ne se retourna, le cœur lourd d'injustice et d'amertume. Impuissance, colère, désespoir.

Sans freiner l'allure de sa monture, le capitaine franchit les grandes portes et se retrouva aussitôt mêlé à une foule de soldats en détresse qui attendaient les ordres : les gardes du palais. Nombreux le reconnurent et vinrent solliciter ses directives. Loskas jeta un regard par-dessus son épaule. Les premières lignes silghoforiennes approchaient dangereusement. Accablé de chagrin, il dut se résoudre à ordonner à ce qu'on barricade les portes, peu importaient les malheureux qui n'eurent pas le temps de se replier. Les battants des portes coulissèrent en un vacarme assourdissant, plus claquèrent avec fracas. Le silence s'installa dans le grand hall, l'ennemi disparut de leur champ de vision, en même temps que leurs camarades abandonnés à leur triste sort.

Loskas mit pied à terre et fendit la foule sans oser affronter le moindre regard. Ces individus autour de lui, tous ces visages levés vers lui, leurs yeux débordant d'une confiance déméritée, étaient perdus. Le palais de Laencaster allait tomber, les grandes portes ne demandaient qu'à s'effondrer. D'un instant à l'autre, la marée noire envahirait le hall et tous seraient massacrés.

Il les ignora tous et ses pas le menèrent jusqu'à la salle du trône. Les conseillers du roi l'avaient déserté, ayant abandonné l'idée même de conseiller le souverain. Ce n'était pas le roi qui siégeait. Il n'y avait qu'une femme aux longs cheveux de sable assises sur le trône, une main protectrice sur son ventre arrondi, vêtue d'une unique tunique de nuit bleu azur. Toute couronnée et fière qu'elle était, la reine Shilla semblait minuscule et frêle sur ce trône qui ne lui seyait pas, aussi vulnérable qu'une enfant. A l'abris des regards, la jeune femme s'était recroquevillée sur elle-même et ses yeux d'un vert éclatant exprimaient l'abysse de peur qui la hantait. Impuissante, l'incertitude la dévorait. Loskas eut pitié d'elle, accablée de terribles responsabilités par un coup du sort alors qu'elle n'était ni une guerrière, ni une brillante stratège, ni une meneuse d'hommes. En l'absence du roi, le sort de Laencaster et de ses habitants reposaient pourtant sur ses épaules.

Loskas s'approcha du trône dans un bruit métallique d'armure et s'agenouilla, avant de prendre la parole.

-         Votre Altesse, nous devrions nous enfuir avant qu'il ne soit trop tard.

Le capitaine vit dans les yeux de la reine qu'elle hésitait à abandonner son peuple. Elle serrait les accoudoirs du trône avec une conviction féroce, comme si elle redoutait qu'on ne l'arrache de son siège.

-         Il est noble de votre part de vouloir partager le sort du royaume, mais il est du devoir de la couronne de perturber pour guider les citoyens. Morte, vous ne serez d'aucune aide.

Voyant qu'elle ne semblait toujours pas convaincue, il ajouta :

-         L'enfant que vous portez doit survivre. Il est l'héritier du roi Soris et l'avenir de Rosieia. Notre unique espoir.

Une larme roula sur la joue de la souveraine.

-         Mon époux, Soris, le roi, est-il mort ? s'enquit-elle d'une petite voix étranglée.

La mâchoire de Loskas fut saisie d'un sursaut. Cette même question lui taraudait l'esprit depuis que les premières clameurs de Silghofor avaient résonné entre les murs de Laencaster. Le roi se trouvait à la frontière Nord-Est avec la Lakecie, un petit royaume voisin, appelé sur le terrain quelques jours plus tôt, alerté par la présence de soldats du royaumes de Silghofor en territoire allié. La crainte d'une tentative d'invasion par l'ennemi d'hier avait ressurgi, le spectre de la guerre pas tout à fait oublié, et Soris s'en était allé accomplir son devoir. Hélas, comment prévoir une telle attaque à un moment où Laencaster était vulnérable ? Le chaos avait éclaté de manière inattendue, rien ne laissait prévoir un conflit. La paix régnait sur le nord depuis bien des années. Pourtant, ils étaient là. La reine Shilla et le capitaine de la garde Loskas et, dans la plus grande ironie, privés de leur roi.

Incapable d'apporter à sa reine une réponse et du réconfort, le soldat secoua la tête de dépit. Shilla acquiesça avec lenteur, une seconde larme roula sur sa peau de porcelaine puis, elle se leva de son trône.

-         Allons-y, capitaine Loskas.

La fine main de la reine se plaça entre celles gantées du soldat et ils s'engagèrent dans les couloirs du palais de Laencaster. Ils ne mirent guère de temps pour trouver le passage dans la bibliothèque qui menait à des couloirs secrets dissimulés au cœur des murs du château. Ils les arpentèrent d'un pas vif, fouettés par la terrible peur d'être rattrapé. Les hurlements de terreur, les heurts des épées résonnaient de plus en plus proches dans le lointain ; l'ennemi avait forcé les portes du palais.

Lorsqu'ils parvinrent à l'air libre, dans une petite cour déserte, la cendre vint titiller leurs poumons. Le reine Shilla toussota, alors Loskas s'empressa de la mener vers une minuscule écurie cachée derrière un imposant arbuste. Il y avait toujours des chevaux ici, une issue de secours à l'intention de la famille royale, réservée aux temps de crise comme ce soir-là. Le capitaine aida la reine à monter sur une belle jument alezan après l'avoir recouverte d'une cape sombre pour la dissimuler aux yeux indiscrets. Un instant, il s'inquiéta des dispositions de la jeune femme à chevaucher. Loskas secoua la tête, chassa ses craintes, puis monta derrière elle, avant de partir au galop.

Les fugitifs croisèrent les combats à peine après s'être éloignés du palais. Loskas tenait d'une main la bride du cheval et de l'autre son épée pour éliminer quiconque menaçait la sécurité de la reine Shilla. Ils s'engouffrèrent parmi la cohue sans jamais s'y mêler vraiment. Le destin devait leur être encore favorable, puisqu'ils la traversèrent sans égratignure. Après une bifurcation, ils atteignirent une ruelle épargnée. Loskas reconnut les lieux, ils se trouvaient non loin de la porte Nord. Avec un peu de chance, l'ennemi n'avait pas encore envahi les lieux.

Ils cavalèrent ainsi de longues minutes, sans cesser de jeter des coups d'œil angoissés derrière eux, et les habitations défilèrent autour d'eux. Des maisonnées vides, désertées par ses résidents qui avaient fui dès les premières minutes de l'assaut. Laencaster était devenue une ville fantôme, hantée par la colère et les hurlements qui résonnaient entre ses murs.

Une ombre mouvante attira soudain l'œil du capitaine. Il eut tout juste le temps de crier, qu'à peine ils eurent pilés net, qu'une colonne de soldats montés s'était déployée face à eux et leur barrait la route. Des bruits de sabots dans son dos apprirent à Loskas qu'ils étaient encerclés. Un piège, songea-t-il, gagné par l'effroi. Il plissa les yeux pour percer l'identité de ses ennemis malgré les ténèbres de la nuit, et retint alors un hoquet de stupeur.

Ce n'étaient pas des soldats portant l'armure noire affublée de la marque de la Lune Noire qui les avaient rejoints. Sur leurs armures immaculées apparaissaient le familier griffon doré, l'emblème de la famille royale de Rosieia.

L'un de leurs poursuivants se détacha du groupe et s'avança vers eux, son armure immaculée cliquetait doucement au rythme de ses pas. Un homme de taille moyenne, aux yeux aussi sombres que son cœur, dont le visage anguleux était douloureusement familier à Loskas. Le nouveau venu était un des membres de la garde personnelle du ministre de la guerre.

-         Eh bien, eh bien, mon cher Loskas, on va quelque part ?

-         Que signifie cela, Petyr ?

L'autre ricana. Le garde sentit la main tremblante de sa protégée se serrer autour de son avant-bras. Devant lui, la tête rentrée dans les épaules, la reine Shilla tentait de lui dire quelque chose.

-         Tu ne comprends vraiment pas, Loskas ? continuait Petyr. Es-tu idiot ? C'est pourtant très simple, et je ne crois pas que tu sois un sot. Le seigneur Gregothor a su reconnaître qui était le meilleur camp et s'est allié à Silghofor. Le roi Soris est mort, et bientôt Gregothor siègera à sa place sur le trône.

Un guet-apens, comprit le garde royal. Ils prévoyaient cela depuis longtemps et ils connaissaient le plan d'évacuation. Lentement, avec une grande prudence, il se laissa glisser au sol, ignorant les mains suppliantes de la reine qui s'accrochaient à lui avec désespoir.

-         Maintenant, poursuivit Petyr avec un rictus. Tu vas gentiment me céder celle que tu comptais garder pour toi. Gregothor la réclame, ainsi tu vas me la remettre. Tu sais que c'est ce qu'il y a de plus intelligent à faire, n'est-ce pas Loskas ? Parce que tu n'es pas un idiot.

Ses compagnons se rapprochaient pas à pas. L'un d'eux pointait son arbalète dans leur direction. Loskas n'eut pas l'ombre d'une hésitation. Pour le roi Soris, pensa-t-il, et lorsque, d'un geste vif, il dégaina son épée et fit un pas vers ses ennemis, son cœur ne frémissait plus d'aucune peur. Il était prêt à sacrifier sa vie pour sa reine. La respiration du capitaine se fit de plus en plus rapide alors qu'il défiait le traitre du regard. Petyr eut un rire mauvais. Loskas retint son souffle, et l'autre tira un carreau.

Par un miracle inespéré, celui-ci n'atteignit jamais sa cible. Une force invisible l'avait comme détourné de sa trajectoire et le carreau alla s'enfoncer dans l'herbe.

Loskas reprit son souffle, trop surpris de la chance insolente qu'il venait d'avoir. Il aurait dû giser au sol, mort, le cœur transpercé, mais il n'en était rien et il ne se l'expliquait pas. Il releva la tête avec lenteur. Un voile blanc d'une pâleur extrême oscillait devant lui et l'enveloppait d'une aura protectrice. Que vient-il de se passer ? s'étonna-t-il, encore sous le coup de la surprise. C'est alors qu'il remarqua le regard de Petyr. Le traitre fixait avec crainte quelque chose dans le dos du garde. Lentement, Loskas pivota. Une voix inconnue s'éleva. Les cheveux clairs de la reine Shilla, qui était toujours montée sur son cheval, ondulaient dangereusement autour de son visage fin, comme soulevés par une force magique. Les lèvres de la jeune femme remuaient, prononçaient des mots dans une langue qui n'était pas la leur. Une langue ancienne, très ancienne. Un murmure de panique s'éleva parmi les rangs ennemis.

-         Saisissez-la maintenant ! Attrapez-la ! s'écria alors Petyr à ses troupes. Elle ne doit pas nous échapper ! Le seigneur Gregothor la veut vivante !

Tous les soldats se ruèrent vers les deux fugitifs, épées en main, prêts à les éliminer. Une puissante décharge d'énergie déferla soudain et ils furent projetés en arrière. Les premières lignes retombèrent au sol, assommées. Par réflexe, Loskas s'était ramassé sur lui-même pour se protéger le visage, il fut épargné. Stupéfait, il se laissa tomber à genou et regarda avec des yeux ébahis sa reine qui était à l'origine de cet étrange phénomène. Était-ce de la magie ? Jamais il ne s'était douté qu'elle en était capable. Pourtant, elle se dressait face à l'ennemi, les yeux brillants d'une lueur qu'il ne lui avait jamais connu.

Dans son dos, Petyr venait de se relever, épée au poing, et grinçait des dents. Le félon était furieux et ses yeux hargneux foudroyaient la reine du regard.

-         Il nous avait prévenu que nous rencontrerions une résistance, gronda-t-il alors qu'il s'essuyait du revers de la main du sang qui s'échappait de ses lèvres écarlates.

Petyr siffla et aussitôt, un épais brouillard s'éleva. Des bruits de sabots claquèrent sur les pavés de la route et soudain, une silhouette se dessina dans la brume. Un homme monté à cheval, recouvert d'une cape grise, puis un visage aux traits tirés et au teint cireux, dont les yeux reflétaient l'étendue de ses intensions malveillantes. Loskas ne connaissait pas cet homme encapuchonné, mais la reine le reconnut car elle murmura d'une voix froide :

-         Braus Anagreth.

Les muscles de Loskas se raidirent, ce nom ne lui était pas inconnu. Il sut qu'il avait affaire à un völur Aesir au service du roi Héron de sinistre réputation. Tout grand guerrier qu'il était, le capitaine sentit sa prise sur son épée s'affaiblir et ses membres trembler. Il n'était pas de taille face à la puissance des éléments déchainés.

Le visage de Braus Anagreth se fendit d'un sourire doucereux à faire froid dans le dos, qui dévoila des dents blanches alignées. Un ricanement sinistre s'éleva du fond de sa gorge. Ses mots, rêches et acérés, que Loskas ne comprit pas, sonnèrent comme un avertissement.

-         Chère Shilla, je refusais d'y croire et pourtant vous voilà devant moi, en vie et en chair, alors même que vous ne devriez plus être de ce monde. Voilà un étrange mystère.

Reine et mage se défièrent quelques instants du regard, un affrontement d'esprit muet, puis le Seydr gronda.

Il y eut d'abord un craquement étouffé, puis la terre s'ébranla sous leurs pieds et Loskas manqua de perdre l'équilibre. Les chevaux se cambrèrent et hennirent à cause de leurs jambes flageolantes. Des crevasses apparurent dans la roche, une lumière aveuglante s'en échappa et des bouts de pierre se détachèrent et s'élevèrent dans les airs, comme soulevés par une énergie invisible. Les particules se mirent à tournoyer, s'amassèrent toujours plus nombreuses en un large cercle graniteux devant la jeune femme dont les yeux brûlaient désormais d'un feu ardent. La lumière envahissait l'espace, chaque instant plus incandescente que le précédent.

Braus Anagreth ricana de plus belle, et répondit par le feu. Un sourire carnassier étirait ses lèvres, il jubilait alors qu'une puissance dévastatrice envahissait la ruelle et remplissait d'effroi le cœur de spectateur. Loskas, Petyr, les autres, tous ne purent que contempler, pétrifiés, la déferlante qui menaçait de les emporter. Un vent terrible s'était levé, les entrailles de la terre grondaient, le monde autour d'eux ne demandait qu'à s'ébranler.

Shilla écarta les mains, paumes face à son adversaire, et les pierres fusèrent en direction du völur Aesir et de ses alliés. Les pierres acérées lacérèrent la chair, transpercèrent les gorges. L'odeur poisseuse du sang envahit l'air, les cris se noyèrent dans la souffrance, les corps chutaient au sol dans des bruits de craquement sourd. Braus Anagreth se protégea de ses flammes, mais sans remarquer les quatre marques lumineuses qui venaient de l'encercler. Une seconde d'inattention pour préserver sa vie lui avait coûté tout. Le völur Aesir comprit qu'il était perdu à l'instant même où des colonnes blanches jaillirent des marques, qui se transformèrent en un cercle brillant. Une prison de lumière.

Une explosion, un souffle. L'instant d'après, l'obscurité redevint maîtresse. Braus Anagreth avait disparu.

Le calme était retombé dans la ruelle. Loskas haletait, son cœur palpitait d'une peur effroyable qu'il n'avait jamais connu, son épée pendait mollement au bout de ses doigts. Petyr et ses hommes gisaient plus loin, morts ou gravement blessés. Le calme était retombé, mais l'atmosphère restait chargée des relents de puissance.

Loskas revint à la réalité lorsque la reine Shilla s'effondra sur l'encolure de sa jument, le front ruisselant de sueur, vidée de ses maigres forces. Il en oublia aussitôt la décharge d'énergie avec laquelle elle avait terrassé les traitres, ainsi que les étranges évènements des derniers instants. Sa loyauté et son devoir reprenaient le dessus. L'heure n'était pas à l'étonnement.

Le garde rejoignit sa reine sans attendre et se hissa derrière elle sur la croupe de leur monture. D'un coup de talons, il fit partir son cheval au galop et bientôt, les corps de leurs ennemis furent loin derrière eux. Ils franchirent les murs de défense de la cité. Une fois à l'extérieur, Loskas jugea judicieux de s'éloigner de la route principale d'où ils seraient trop facilement repérables, et il s'enfonça sans attendre dans les ténèbres des bois. L'état de la reine Shilla l'inquiétait, elle semblait d'une extrême faiblesse et avait perdu connaissance. Fort heureusement, Loskas savait exactement où aller. Ou plutôt, chez qui.

***

Satbury. Royaume de Rosieia. Royaumes de l'Est.

Le jour n'était pas encore levé lorsque Loskas parvint à la petite ville de Satbury, au nord de Laencaster. Il n'y avait pas âme qui vive dans les rues. Les habitants avaient certainement déjà entendu parler des évènements de la capitale et s'étaient empressés de s'enfermer dans leurs grandes maisons en brique. Ainsi, personne ne se manifesta lorsque des bruits de sabots résonnèrent sur les pavés.

Alors qu'il venait de s'engager dans une nouvelle allée, Loskas tira sur les rênes de son cheval pour lui faire marquer un arrêt. Le capitaine mit pieds à terre et fit descendre la reine Shilla à son tour. Il la porta dans ses bras du mieux qu'il put, lui-même essoré par les combats, l'angoisse et la longue chevauchée. La malheureuse n'avait toujours pas repris connaissance et semblait de plus en plus désertée par ses forces.

Loskas s'avança vers une bâtisse d'apparence miteuse dont l'étage était légèrement penché sur le côté et menaçait de s'effondrer. La maisonnée semblait être retenue par quelques artifices magiques. Le garde tambourina contre la porte. Il ne cessait de jeter des regards anxieux autour de lui pour s'assurer qu'ils n'étaient pas épiés. Les cheveux couleur de sable de la reine n'étaient pas très communs, et reconnaissables. L'inquiétude eut raison de sa patience et il donna de nouveaux coups brutaux contre la porte en bois, et s'étonna presque de ne pas la faire sortir de ses gongs. Il crut un instant qu'il n'y aurait aucune réponse, mais elle s'ouvrit tout à coup dans un grincement.

Une femme d'une beauté peu commune se tenait désormais en face de lui. Elle était vêtue d'une élégante robe bleu sombre au col ornementé de broderies florales de fils d'argent. Sa tenue mettait parfaitement en valeur son teint hâlé, et un collier d'or serti de diamants venait décorer son cou délicat, signe de son statut social élevé. Ses cheveux bouclés retombaient avec souplesse sur ses épaules. Tant elle était belle, la femme semblait presque hors du temps. Son regard perçant se posa aussitôt sur la reine que Loskas tenait dans ses bras.

-          Je sais ce qui est arrivé au palais. Entrez, murmura la femme.

Loskas pénétra dans l'étrange demeure. Son hôtesse jeta un regard dans la rue sombre et ferma la porte derrière elle, qu'elle prit soin de verrouiller à l'aide d'un enchantement chuchoté. Le garde fut surpris de constater que la façade de la demeure n'avait rien à voir avec l'intérieur. Alors que la maison lui avait semblé miteuse, la pièce dans laquelle il se trouvait désormais était propre et bien rangée. Guéridons d'or, table en verre, chaises brodées, les meubles semblaient avoir valeur inestimable et laissaient transparaitre l'aisance financière de leur propriétaire.

La femme passa devant Loskas et lui fit un signe de la main pour l'inviter à le suivre. Ils traversèrent un long couloir étroit sur les murs duquel étaient accrochés de nombreux tableaux. Au bout, se trouvait une nouvelle pièce circulaire au centre de laquelle se dressait un lit. La femme l'invita à y déposer la reine Shilla, Loskas obtempéra sans protester.

Fasciné et malgré l'urgence de la situation, le soldat ne put s'empêcher de parcourir du regard l'étrange bureau dans lequel il se trouvait. Ses yeux curieux remarquèrent de nombreux objets d'aspect étrange dont il ignorait l'usage. Sur les étagères étaient également parfaitement alignés des sachets contenant des herbes, ou encore des bocaux remplis de substances parfois peu ragoutantes. Rien en ces lieux n'était ordinaire car Tysse Sorelyor était une völva Aesir, celle du royaume de Rosieia. Elle était en train de passer ses mains aux poignets recouvert de bracelet dorés au-dessus du ventre de la reine, les yeux clos. Loskas comprit qu'elle l'examinait.

-         Elle est faible, très faible. C'est à peine si elle respire.

Loskas ouvrit la bouche pour en expliquer la raison mais la mage l'en empêcha d'un ton sec.

-         Tu me raconteras en détail tes péripéties plus tard, soldat. Maintenant, sors de cette pièce. Son enfant va bientôt naître.

Ce fut d'abord la surprise qui envahit Loskas, puis la crainte. Il voulut protester pour rester auprès de sa reine mais le regard brûlant de la magicienne l'en dissuada. Le Seydr allait être manipulé en cette pièce d'ici peu et Loskas ne désirait pas être témoin de l'invocation des forces mystiques une fois encore. Il jeta tout de même un regard hésitant à sa reine, dont le visage dégoulinait de sueur et exprimait une intense souffrance. C'était une affaire de femmes, voilà ce qu'il conclut en son for intérieur. Désireux d'obéir, il ne se fit pas prier deux fois et prit congé, conformément aux ordres de Tysse Sorelyor.

De nouveau dans le couloir, toute la pression accumulée de la nuit s'abattit sur lui sans prévenir. Fébrile, Loskas se laissa glisser le long du mur. Ses lèvres tremblaient, des larmes roulaient sur ses joues à mesure qu'il réalisait les vies perdues en cette soirée marquée par le sceau de la malédiction. Un hurlement résonna dans le bureau de Tysse Sorelyor, le travail avait commencé.

Loskas se prit la tête dans les mains, saisit d'une intense migraine. Des flashs de mémoire défilaient dans son esprit, les tours de garde en feu, les corps qui s'écroulaient au sol, la fumée âcre, le son des os qui craquaient sous l'acier. La reine Shilla qui gémissait de douleur. « Le roi Soris est mort ! Le roi Soris est mort ! ». Des cris toujours plus forts, plus terrifiants. Le souvenir du jeune écuyer, une flèche au travers de la gorge. L'odeur du sang.

La tête lui tourna et le capitaine eut soudain la nausée. Ses muscles se raidirent et il se recroquevilla sur lui-même. Loskas ne sut pas s'il avait crié, peut-être n'était-ce que son esprit, mais il demeura dans le couloir un temps qui lui parut infini, jusqu'à ce que la tempête fut passée.

Lorsque Loskas revint à lui, plus aucun son ne provenait du petit bureau. Il releva la tête, des larmes séchées sur les joues. Il se remit sur pied, les membres soudain lourds d'appréhension. Indécis, il demeura de longues minutes face à la porte, incapable de décider s'il allait entrer ou non à l'intérieur de la pièce. Le capitaine de la garde prit une grande inspiration, rassembla son courage, actionna la poignée et franchit le pas.

Le spectacle qui l'attendait lui glaça le sang. La reine Shilla gisait inerte sur le lit d'opération, sa tunique gorgée de sang. Loskas ne pouvait pas apercevoir son visage, mais il ne voyait pas ses côtes se soulever au rythme de sa respiration. Tysse Sorelyor était penchée vers la reine, une larme solitaire roulait sur sa joue.

-         Elle était trop faible, chuchota-t-elle d'une voix ébranlée, sans lever les yeux vers le soldat. Je n'ai rien pu faire.

De sa main droite, la völva Aesir abaissa avec une infinie tendresse les paupières de la jeune reine, dont les yeux se fermeraient à jamais. Le chagrin saisit Loskas à la gorge avec une violence inouïe. Il sentit ses jambes chanceler et dut se retenir à une petite table pour ne pas s'écrouler. Cette soirée est un cauchemar. En une nuit, les rosieiens avaient perdu son roi et sa reine. Ils étaient perdus, Silghofor avait gagné, il n'y avait plus d'espoir pour Rosieia. Dans un bref instant de lucidité, Loskas demanda :

-         L'enfant ?

-         Une fille.

Tysse Sorelyor désigna un petit berceau dans son dos. Loskas bondit presque à sa rencontre et son regard se posa bientôt sur le visage d'un nouveau-né emmitouflé dans une couverture. L'enfant ne gigotait pas, elle n'émettait pas le moindre son. Loskas retira son gant et tendit la main pour effleurer du bout des doigts le visage de l'héritière du trône. Le nourrisson était d'une froideur glaçante. Le capitaine leva des yeux alarmés vers la völva Aesir, qui secoua la tête de dépit. Le cœur de la princesse ne battait pas.

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