La technique et le ??? de l'écriture
Honnêtement, je ne sais même pas quoi mettre en second mot de ce titre. Du coup je n'ai rien mis. Alors qu'on sait tous qu'il y a autre chose. Il y a forcément autre chose.
J'ai commencé ce billet en me disant que je lisais trop de trucs sur les techniques d'écriture, récemment. Surtout sur Tumblr, où j'ai trouvé plein de profils intéressants. Et je reste toujours très fan des gens qui prennent le temps de réfléchir et faire des recherches pour apporter des réponses sérieuses à des questions qui semblent random, et qui sont en fait passionnantes ("et si des fées vivaient à l'université avec les humains", "comment est-ce que la magie d'un univers de fantasy pourrait aider des personnes souffrant de maladie mentale", etc...). Loin de tuer le coté "magie de la magie", je trouve que ces problématiques et leurs différentes réponses, les différents angles pour y répondre, élargissent notre imaginaire et poussent toujours à de nouvelles questions. Aucun problème de ce coté là.
Non, ce qui me gêne en fait ce sont les aspects techniques de l'écriture en elle-même. Les conseils après lesquels j'ai couru avidement, on ne va pas se mentir. Comment faire une bonne scène d'introduction, un bon personnage, une bonne description, un bon enjeu. Le héros aux milles visages (oui, bon, je ne l'ai pas lu, mais comme tout le monde sur internet je connais le résumé du résumé). Et même des techniques pour se mettre dans l'ambiance pour écrire, avec des routines, etc...
Je n'adhère pas à tout ce que je lis ou entends. Après tout, j'écris des fictions depuis plus de vingt ans (oui, j'ai commencé très jeune, et oui j'ai mis des années avant d'écrire quelque chose qui tenait la route, je n'ai pas été un petit prodige ou quoi que ce soit), donc je sais ce qui fonctionne pour moi ou ne fonctionne pas. J'ai déjà écris quatre romans complets et une sacrée quantité de nouvelles, je sais de quoi je parle. Pourquoi je vais lire tout ça, maintenant, à trente ans passé ? Après avoir passé mon adolescence à vomir l'analyse de texte qui "détruit la magie", alors que je n'avais pas envisagé une seconde de faire des études de littérature (qui était la voie où à peu près tout le monde me voyait...), pourquoi maintenant que je me focalise là-dessus ?
Au départ, je voulais progresser un peu plus facilement. Oui, j'ai écris des histoires, mais elles auraient pu être meilleures. La preuve, si je les écrivais maintenant, elles seraient meilleures. J'ai progressé en passant des années à écrire à tâtons, en avançant par essai-erreur, en passant de l'imitation candide de mes auteurs préférés à l'utilisation de mes propres trucs préférés. Je vois devant moi des champs entiers de domaines d'écriture dans lesquels je ne me sens pas à l'aise, et si d'autres personnes peuvent me donner des moyens de progresser sans avoir besoin de faire tout ce chemin seule en partant de zéro, ça serait super.
Mais au final, trop d'analyses m'ont surtout ranimé un fort sentiment d'illégitimité.
C'est de ma faute. Je n'ai pas juste regardé vers l'avant et ce que je voulais mettre en place dans mes histoires. J'ai aussi regardé en arrière. Vers ce que j'ai déjà écris. Et... forcément, ce n'est pas toujours beau. Ou clair. Ou bien structuré. Qu'est-ce que je voulais dire, là ? Quel est le sens de cette scène ? De ce personnage ?
En général, la réponse est : ça paraissait cool sur le moment. Cette scène était badass, j'aime ce personnage et sa manière de réagir, j'avais envie de voir la suite. Basiquement, j'écris que ce j'ai envie de lire. Des nouvelles avec zéro description, qui t'embarquent pour un enjeu et le résolvent en dix pages, parce que pourquoi faire du background dans une nouvelle, on n'est pas là pour s'attacher. Des romans fleuves qui se la jouent "série" parce que j'aime avoir plein de détails et de point de vue sur les personnages qui évoluent, et que j'aime en avoir plein. Un roman idée, parce que j'étais sûre que c'était intéressant, et ok l'héroïne et l'intrigue sont moins importantes mais je me suis bien amusée à me balader là-dedans. Des fanfictions sur des "et si...", parce que c'est toujours intéressant de prendre les mêmes personnages, de changer un détail et de voir en quoi ça influence tout le reste. Et des fanfictions-essais pour travailler les styles où je suis mauvaise, mais avec du matériel de base que j'aime sinon je vais m'ennuyer.
Non, je ne pense pas beaucoup au lecteur quand j'écris.
Sauf que maintenant, des lecteurs, j'en ai. Sur Wattpad en gratuit, et même des gens qui payent mes histoires auto-édités.
Argh.
(ce argh est un mélange de ouais c'est génial ! et de putain mais du coup il va falloir que je fasse attention à ce que je fais !)
Je crois que je ne m'attendais pas à réussir, en fait. Même si on reste sur une réussite à petite échelle, ça fait du monde qui apprécie de lire mes histoires (j'ai toujours du mal à me représenter ça en fait) et qui a envie que la suite soit tout aussi bien. Et justement, c'est ce que j'écris en ce moment, la suite.
Autant vous dire que j'ai du mal.
Et tout les conseils que j'ai lu ne font que me freiner davantage.
Je sais ce que j'ai mis en place dans le premier tome. Je sais ce que je veux raconter dans le deuxième. J'ai caractérisé mes personnages et je sais quelle évolution je vais leur donner.
A partir de là, quand j'écrivais le premier tome avec la foi de celle qui tente d'écrire un roman pour la deuxième fois et n'est pas plus certaine de le finir que le premier, je me contentais de me poser devant l'ordinateur en me disant : "bon, j'en étais où ? Ah oui. Alors voilà ce qui se passe ensuite". Pas de plan, pas de structure équilibrée, juste un bon vieux "Sauras-tu ?" comme dans Misery. Avec parfois des blocages assez tout ou rien (type "je suis nulle, personne n'aura jamais envie de lire ça"), parce que sinon c'est pas drôle.
Mais maintenant je sais que je suis capable de finir un roman. Et je me pose beaucoup trop de questions sur la réception des lecteurs. Est-ce que c'est assez prémâché, calibré, compréhensible ? Ou est-ce que ça l'est trop ? Qu'est-ce qu'ils vont penser de l'évolution de ce personnage ? Est-ce que c'est du déjà vu ? Est-ce que ça va surprendre ? Est-ce que les lecteurs vont avoir de l'empathie pour ce personnage ? Est-ce que je ne valide pas implicitement les mauvais comportements de ce personnages ?
Je crois que ce n'est pas le moment de me poser ces questions. Elles sont légitimes. Mais je n'ai pas de réponses, puisque pendant que je me prends la tête JE N'ECRIS RIEN.
Si certains arrivent à planifier tout ce qui va arriver dans leur histoire, bravo à eux. Moi, je ne peux pas analyser à l'avance. L'histoire ira là où mes centres d'intérêts/obsessions/problématiques inconscientes vont me porter. Si les lecteurs ne les voient pas, il faudra que je corrige, que je sois plus claire, plus incisive, ou autre chose, je verrai a bien en fonction du problème. Si les lecteurs ne sont pas d'accord, ben... on n'est pas d'accord. Voilà. Ça arrive.
Je pense que les analyses littéraires sont utiles pour élargir l'intérêt que peut avoir une histoire, en permettant de mettre à jour des sens cachés. C'est important pour les lecteurs. Les techniques d'écriture, quand à elles, sont des outils à manier avec précaution quand on est auteur. C'est important de ne pas se retrouver à essayer de réparer ce qui n'est pas cassé. L'expérience et le retour des autres sont toujours utiles pour s'améliorer, mais la surcorrection est aussi un ennemi de l'écriture.
J'ai l'impression d'être très arrogante en disant ça alors que je suis loin d'être estampillée "écrivain à succès", mais je pense que pour l'écriture de son histoire, il faut d'abord se faire confiance. Plus tard, des bêtas lecteurs vont aider à voir toutes les incohérences qu'on a pu rater. Mais déjà, il faut écrire une histoire qu'on peut lire soi-même avec plaisir, au premier degré, sans la passer à la moulinette de notre analyse. Le moment de se confronter au regard des lecteurs et de corriger vient toujours bien assez tôt.
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