Chapitre un
Les rues sombres des petites villes désertes sont les choses les plus rassurantes en temps de guerre. Tant que l'on ne croise personne, tout va bien. C'est lorsque l'on entend des pleurs et des hurlements que l'on a peur. Peur de se retrouver un jour à la place de ces gens qui souffrent. Alors on reste seul. On ne peut compter que sur soi-même de nos jours. Enfin, avant je pouvais aussi compter sur ma famille. Ils ont disparu. Je ne peux pas me permettre de pleurer en pensant à eux car je sais qu'un jour, ce sera mon tour.
Me cacher ne servirait à rien. Ils m'ont implanté cette puce d'identité à la naissance. A moi comme tant d'autres. Pour nous « protéger ». Désormais ils s'en servent pour nous retrouver. Pour savoir quand ils pourront venir nous chercher pour nous enrôler de force dans la guerre. Une guerre que mon pays a déclenchée. Mon pays. J'ai honte d'en faire partie. Cette septième région de la terre, ce septième anneau, « Septimus ».
Après la troisième guerre mondiale dans les années 2120, la Terre a été découpée en huit parties égales en suivant les parallèles. Sous prétexte que tout le monde aurait autant de territoire et que nous arrêterions enfin de nous battre. Ce n'est pourtant pas égal. Car ils ont oublié de prévoir que près d'un siècle plus tard, les pôles auraient fondu. Réduisant le peu de territoire que Septimus possédait déjà. Le gouvernement du septième anneau a exigé une redistribution des terres, équitable cette fois. Leur demande a été refusée par les dirigeants des autres Etats lors du Congrès de Anneaux. Ils ne pouvaient pas refaire toute une carte du monde. Partout sur Terre, les gens auraient dû s'habituer à leur nouveau pays, s'habituer à leur nouvel environnement. Tout ce changement aurait entrainé des révoltes. Les dirigeants ne pouvaient pas se permettre cela.
La demande de Septimus a été refusée depuis maintenant près d'un siècle. Nous sommes aujourd'hui en 2321. La guerre entre Septimus et les autres pays a éclaté. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de déclencher cette guerre ? Septimus compte bien trop peu d'habitants. Comment lever une armée avec si peu de sujets ?
Il y a quelques années, des êtres humains particuliers ont été découverts. On les appelle les miraculeux. Ces personnes-là peuvent tout changer. Elles ont des pouvoirs. Certains les envient. Ils ont tort. Les miraculeux n'ont pas la vie facile. Le gouvernement de Septimus les maltraite et les torture pour les forcer à coopérer. Ce qu'ils ne font pas. Ils restent indifférents aux menaces. Je suppose qu'ils ne peuvent pas se permettre de commettre un massacre en obéissant au gouvernement. Leurs pouvoirs sont dangereux et ils le savent. Ils peuvent entrainer la destruction du monde d'un simple claquement de doigt. Se dire que l'on dépend entièrement de ces personnes fait peur. S'ils le voulaient, ils pourraient tous nous éliminer. Pourquoi n'ont-ils pas exterminé le gouvernement de Septimus qui les maltraite ? Je l'ignore. Ils sont sans doute bons et ne se permettent pas d'arracher une seule vie. Ou alors ils préparent secrètement une vengeance. Il y a tant de possibilités. Elles sont infinies et je ne les voie pas toutes. Personne ne peut toutes les voir.
Septimus est en train de perdre la guerre. Tant que les miraculeux ne coopéreront pas, le gouvernement continuera d'envoyer chaque habitant à la guerre. Dès leurs treize ans, les enfants sont emmenés à l'entrainement. Trois longues années d'apprentissage pour savoir manier les armes et s'endurcir avant de partir faire la guerre. C'est horrible. C'est la guerre. D'ici quelques mois, c'est moi qui serai emmenée. Comme tout le monde, je n'en ai aucune envie. Je ne veux pas tenir une arme, me battre et faire le mal autour de moi. Je ne veux pas tuer des innocents. Je préfèrerais mourir.
Je colle mes mains contre mes oreilles. J'en ai marre de ces pensées d'adultes qui me prennent la tête. Je ne suis qu'une jeune fille de bientôt treize ans, je voudrais penser comme tout le monde. Comme les enfants de mon âge. M'inquiéter de cette guerre comme tout le monde sans chercher plus loin. Sans rechercher de causes ni réfléchir aux nombreuses possibilités de malheur qui pourrait encore nous arriver. Cela ne fait que m'inquiéter davantage. Je voudrais être naïve et croire que tout va s'arranger. Pourtant, une petite voix me souffle que le pire est encore à venir. Je m'efforce de faire le vide dans ma tête.
Je marche le long des immeubles, sur la route. C'est fou de se dire qu'il y a une vingtaine d'années, le paysage n'était absolument pas le même. Bien sûr il y avait déjà des immeubles, mais tout a été rénové. Cela fait longtemps que l'on a remplacé la vieille route en béton sur laquelle je marche par un mélange fait de métal et de plastique. J'ai cru comprendre que le revêtement de cette route est rempli de centaines de millions de micro-aimants qui permettent aux voitures de circuler plus vite. Les bâtiments blancs en métal mêlé à du béton ont remplacé les dernières maisons. Toujours des rénovations pour aller plus vite, plus haut, plus facilement. Toute l'activité qui animait ce quartier a été perdue. C'est comme si la guerre avait provoqué un arrêt dans le temps et recouvert de poussière les habitations.
J'arrive enfin devant mon foyer. L'orphelinat. Toute ma famille a été appelée à la guerre. Mon frère, ma mère, mon père, et bientôt moi. Je n'ai aucune nouvelle d'eux. Je ne sais pas et ne saurai sans doute jamais s'ils sont encore en vie ou non. Il me reste mes grands-parents. Je ne peux pas aller les voir. Ils habitent tous à Quartus. C'est de là que je viens. J'ai déménagé il y a semble-t-il des décennies alors qu'il ne s'est écoulé qu'une dizaine d'années. C'était lorsque l'on pouvait encore voyager, avant que la guerre n'éclate. Je préférerais largement être auprès de ma seule famille restante que d'être coincée dans ce maudit pays qui m'a tout pris.
Je m'approche à contre-cœur du capteur face à la porte d'entrée de l'orphelinat. J'essaie de ne pas cligner de yeux lorsque s'allume le flash caractéristique du scan qui m'examine avant d'émettre un sifflement sonore et de faire coulisser la porte d'entrée.
« Bienvenue Odakdi Wyssle »
Je grimace. Cette voix d'automate, vide d'émotions me donne envie de démolir le petit micro installé juste au-dessus de la porte. Je l'entends tout le temps. Que ce soit le soir ou le matin. Cette voix qui me dicte quoi faire. Cette voix qui m'appelle d'abord par mon nom de famille comme si j'étais une adulte.
Je traverse le couloir qui mène à l'ascenseur et appuie sur le bouton. J'entends un léger vrombissement suivi d'un grincement qui m'indique que les portes ne tarderont pas à s'ouvrir. Juste au moment où la cage de l'ascenseur apparaît devant moi, une secousse me fait tomber au sol, aussitôt suivie d'un bruit d'explosion.
Voilà pour ce premier chapitre, j'espère qu'il vous a plu. Je ne publierai peut-être pas souvent mais les chapitres seront généralement assez longs.
Bise mes poulpes ❤️
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