Je pensais savoir ce que "être en manque de quelqu'un" signifiait, mais je me trompais. Je pensais que passer quelques jours sans parler à quelqu'un par message et avoir un pincement au cœur, c'était un manque. Je pensais que ne pas pouvoir appeler quelqu'un et attendre le prochain, c'était du manque. Je pensais qu'être couchée dans son lit, son téléphone à la main, c'était être en manque. Alors, de manière globale, en effet, c'est un manque, mais pas comme on l'entend au sens large du terme. Quand tu parles avec quelqu'un par messages et/ou par appels, on s'habitue à cette présence et en quelque sorte, à une routine, parce qu'à force, ça devient une routine. Et une routine, c'est rassurant, ça calme et permet d'avoir des repères. Dès que cette personne ne nous répond pas, on a cette impression que cette personne nous manque, mais c'est plutôt qu'on a l'habitude et que c'est l'échange qui nous manque, pas la personne en elle-même. 
Je n'ai appris la définition de ''Tu me manques'' avec ma copine. C'est une relation longue distance ce qui fait qu'on ne peut pas se voir longtemps ni très souvent. Je me souviens encore de la première fois que je l'ai vue et je m'en souviendrais toute ma vie.

***

Mes mains serrées en poing étaient posées sur mes genoux, ma respiration sifflante et la tête qui tourne. Mon père, concentré sur la route, me lançait un regard de temps en temps.

- Pas trop stressée ? me demande-t-il
- J'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter tellement il bat vite.
- Je n'ai jamais vécu d'expérience comme la tienne, donc je ne peux pas dire. Mais ça fait plus d'un an que vous vous parlez et un peu plus de six mois que vous êtes ensemble. Entre les messages écrits et vocaux et les appels vidéos ou non, il n'y a pas de raison que ça se passe mal. Qu'ont dit tes sœurs quand tu leur a dit que tu partais en France ?
- Aria était ravie, elle a vu Stella lors d'un appel et elle l'adore. Elle sait qu'elle me rend heureuse et c'est ce qu'il y a de plus important.

Je souris en riant un peu. Ma petite sœur prend soin de moi alors que c'est censé être le contraire. Et ma jumelle a été plus que supportive. Elle a en quelque sorte la même situation que moi, si ce n'est que son copain habite à quarante minutes et qu'elle peut le voir au minimum une fois par mois, alors que ma copine ne vit même pas dans le même pays que moi. Surtout qu'elle m'a énormément aidée quand j'ai commencé à m'interroger sur mes propres sentiments. 

   - Et Angel est adorable avec moi, donc, hormis maman, tout le monde accepte. 

Mon père sourit doucement et se concentre sur la route. Je retiens un soupir. Si on n'échange qu'une poignée de mots par heure, les sept heures et des poussières vont être longues. Heureusement qu'il y a la radio, sinon je ferai une crise de panique. On est partis à 6h30, donc Stella n'est pas encore réveillée, je vais devoir attendre un peu pour pouvoir lui parler. Mon téléphone est sur mes genoux et je pianote dessus avec mes doigts. Même si je connais Stella, que je l'aime et que j'ai envie plus que tout au monde de la voir, je suis terrifiée à l'idée de la voir en vrai. Mon père me dit d'arrêter de faire du bruit inutilement parce que je l'agace. Je soupire et pose mes mains à plat. J'ai mis le mode vibreur pour être au courant si je reçois un message. Au bout de trois heures de trajet et de silence, mon téléphone vibre une fois. Avant de partir, j'ai envoyé un message à Stella pour lui dire que je partais maintenant. 

My Shooting Star: Hello Darling~ Oh, ça fait déjà trois heures que tu es sur la route? Il te reste pratiquement cinq heures. Oh mon Dieu, dans cinq heures, tu seras devant moi, mais cette fois-ci, sans écran pour nous séparer. 
Elena: Cinq heures, ça me semble être une éternité. Mais je dois admettre que je suis morte de panique
My Shooting Star: Oh, mais je te comprends! Moi aussi! 

On a passé le reste du trajet à se parler. Jusqu'à ce qu'on arrive dans la ville. 

Elena: J'arrive dans cinq minutes 
My Shooting Star: °-° Je crois que mon cœur va s'arrêter
Elena: Le mien aussi. Mais en fait, pourquoi on est stressées?
My Shooting Star: ...Je ne sais pas. Oh God, c'est ta voiture? 
Elena: Oui... 

Mon cœur est prêt à exploser, mais je suis aussi heureuse que stressée, ce qui est peu dire. Mon père stoppe la voiture et me regarde. Incapable de le regarder, je fixe le pare-brise, jusqu'à ce que la porte d'entrée s'ouvre. Je vois une femme blonde sortir, suivie d'une jeune fille dont je connais les traits par cœur. Stella. Sans la moindre hésitation, j'ouvre la portière et sors. Je récupère mon sac et fourre mon téléphone dans ma veste. Après tout, je n'en ai pas besoin, la seule personne avec qui j'utilise mon téléphone est en face de moi. Je crois entendre mon père sortir, mais je ne suis pas sûre ; mon attention est dirigée ailleurs. Je me trouve devant Stella et sa mère. Je sens la présence de mon père derrière moi. J'avance d'un pas vers la mère de Stella et tends ma main. 

   - Je suis enchantée de vous rencontrer, Madame Hall. 

Elle me regarde avant de prendre ma main et de lâcher un petit sourire. 

   - Je suis ravie Elena, mais je t'en prie, appelle-moi Karla. 

  - Je vais faire au mieux.

Karla me sourit et lâche ma main. Je me tourne vers l'amour de ma vie et je reste scotchée. Stella était déjà belle par appels vidéos, mais en vrai elle est plus que magnifique. Quand je croise ses yeux, elle sourit tendrement. Mes jambes tremblent mais j'arrive à avancer. Sans hésiter, je la prends dans mes bras et la serre contre moi. Stella m'enlace doucement avant de me serrer de toutes ses forces. Dans ses bras, je me sens en sécurité et c'est comme si tous les morceaux brisés de ma vie venait de se rassembler. Comme si tout ce que j'avais vécu jusqu'à maintenant avait enfin un sens. Je recule doucement, mais je garde mes bras autour d'elle. Je vois des larmes briller au coin de ses yeux. Une larme coule doucement le long de ma joue avant d'être suivie par plusieurs. Je souris doucement en voyant que Stella pleure aussi. 

   - On a réussi Sweetheart, je murmure. 
 - Je n'ai jamais douté de nous Darling, répond-t-elle avant de me serrer contre elle. 

***

Avoir pu sentir Stella contre moi, sa main dans la mienne, ses lèvres pressées contre les miennes m'a donné une force folle et mon amour n'a fait que croître, ce que je ne pensais pas être possible. La voir en vrai me fait l'aimer encore plus et j'ai plus qu'envie de la revoir. Et je rêve de la prochaine fois qu'on pourra se revoir, parce que ça fait six mois et elle me manque. Mais pas seulement la sensation de manque, c'est plus que ça. Elle me manque physiquement. J'ai littéralement mal, mon cœur cogne douloureusement dans ma poitrine et j'ai tout le temps froid. J'ai beau mettre des pulls ou des vestes, j'ai toujours froid. Et au fond je sais pourquoi ; j'ai besoin de sa chaleur.
J'adore les appels vidéos, mais ça me fait toujours un pincement au cœur, parce que je l'ai réellement vue. À travers l'écran, je ne pouvais pas voir la cicatrice vers son sourcil, je ne pouvais pas voir les paillettes dorées dans ses yeux. Et si je contentais d'imaginer la douceur de ses cheveux, la délicatesse de ses mains et la passion de ses lèvres, maintenant que je les ai expérimentées, je donnerai tout ce que j'ai pour pouvoir traverser l'écran et l'embrasser encore et encore. Mais tout ce que je peux faire, c'est relire nos conversations et rejouer mes souvenirs encore et encore, même si je les connais par cœur. Et j'ai même décidé de tout coucher sur papier, pour être vraiment sûre de ne jamais les oublier. Et j'aime bien relire sur papier, ça donne un aspect plus réel, plus concret, presque... officiel. Je pense que je vais écrire dans un cahier les souvenirs que j'ai avec Stella avant de lui envoyer. Ça m'occupera pendant les cours et je suis sûre que ça plaira à Stella. De plus, ça fait un moment que je ne lui ai envoyé un colis.
J'aime Stella, plus que tout au monde, même si je donnerai tout pour qu'elle vive plus près... ou pour que je vive plus proche de chez elle. Il y a des jours où la distance est supportable, mais il y a des jours où elle me tue, littéralement. Certains jours, je suis roulée en boule dans mon lit, une peluche serrée contre mon cœur et une douleur qui me déchire complètement. J'en ai parlé à de amis qui m'ont demandé si ça en valait la peine. 
Dans ces moments-là, je me remémore le visage de Stella, nos messages, nos appels et surtout, nos souvenirs, ce qui me fait sourire. Je sais que ce n'est pas facile, mais toute relation est compliquée et je crois que c'est la seule chose que je reproche à la mienne, c'est la distance. Stella en vaut la peine, même si on ne se voit pas souvent, chaque fois est magique et plus on attend, plus les retrouvailles sont merveilleuses et uniques.
Stella me manque, mais je garde le moral parce que dans trois mois, je vais la voir. Trois mois, soixante-deux jours. Rien qu'à cette idée, le douleur dans mon cœur disparaît et un sourire naît sur mes lèvres. Quoiqu'il peut arriver, dans soixante-deux jours, je vais retrouver ma douce et tendre moitié.
Je m'installe à mon bureau et prends une feuille pour commencer à noter mes idées pour le cadeau de Stella. Quand j'écris pour Stella, je me sens pousser des ailes et je sais que je ne peux pas me tromper, parce que j'écris avec tout ce que j'ai. Ma tête et mes doigts évidemment, mais également mon cœur et mes tripes. Tout mon être est impliqué dans ma tâche.
Tu me manques Stella, mais je t'aime. Je suis prête à attendre toute une année pour une seule semaine à tes côtés. Je t'aime, my Shooting Star.