- Vous avez une consigne, dit Mr Fuller, vous devez vous écrire une lettre à votre futur vous, la personne que vous serez dans trois ans.  

Mes mains tremblent, je n'ai pas envie d'écrire cette lettre, mais je suis obligée. Je soupire et prends une feuille. Je regarde ma voisine qui a déjà commencé à écrire. Je prends un stylo et reste hésitante devant ma feuille. Puis sans réfléchir, les mots coulent, j'écris sans m'arrêter. Quand j'ai enfin fini, je fais tourner mes poignets. Je me lève et rends ma lettre. Sans attendre Sophie, je pars. 

***

Trois ans plus tard

- Et voilà les enfants, dit Mr Fuller. Même si vous n'êtes plus des enfants. Nous avons passé trois ans ensemble et c'est un chapitre qui se termine, mais un autre qui commence. Avant que vous ne partiez, j'ai un cadeau pour vous. 

Il sort vingt-et-une enveloppes de son sac. 

- Les lettres que vous avez écrites il y a trois ans. 

Il les distribue sans dire un mot. Quand il a fini, il se revient devant nous. 

- Et voilà, c'est la fin d'une grande aventure. Je vous souhaite tout le meilleur du monde. Je voudrais vous dire tellement plus de choses, mais c'est surfait. Je vous souhaite que tous vos rêves se réalisent. Ça a été un honneur et un plaisir de vous enseigner. 

Et c'est fini. C'est bizarre le gymnase, on n'y est allé par choix, mais sans grande envie mais on est quand même triste quand c'est fini. La fin des cours, ça me fait tout drôle. Je rentre chez moi, ma lettre à la main. Quand j'arrive, je suis seule chez moi. Je vais directement dans ma chambre et ferme derrière moi. Je m'assieds sur mon fauteuil et prends ma lettre. Trois ans après son écriture, je ne me souviens de rien. J'ouvre la lettre et commence à la lire. 

27 août 2018, Luna Devons

Salut, dear future me, 

Je n'ai jamais su commencer une lettre, j'espère que aujourd'hui, tu sais le faire. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi j'ai écrit mon nom à côté de la date, une mauvaise habitude je suppose. 

Il y a tellement de choses que je souhaite te dire. Installe-toi bien, tu vas avoir un choc. 

Tout d'abord, j'espère sincèrement qu'à l'heure où tu lis ces mots, tu as arrêté de te faire du mal. J'espère que tu as arrêté de te mutiler et que tu vas mieux. 

Ensuite, je ne sais pas si tu as réussi à t'assumer, je sais que je ne suis pas hétéro, mais je n'arrive pas à l'assumer. J'espère que trois ans après, j'arrive, nous arrivons à assumer les choix que fait notre cœur. 

Pour finir, j'espère que tu vas bien, que tu rêves toujours en grand. J'espère que tu es heureuse. Mais surtout, c'est bizarre de le dire, j'espère que tu es encore vivante. C'est horrible, cette lettre est supposée être pleine d'espoir et de rêves, et moi, tout ce que je veux, c'est espérer que quelqu'un sera encore en mesure de lire cette lettre.  Parce qu'au moment où j'écris ces mots, mon seul souhait est de mourir. 

Tout ce que j'espère, c'est que tu es encore en vie. 

Fais attention à toi, future-moi. 

Luna, 16 ans. 

Les larmes coulent sur mes joues. Je me souviens maintenant de cette période. Je pense que si la fille que j'étais il y a trois ans pouvait me voir, elle serait déçue. Je n'ai pas arrêté de me faire du mal et quand à mon coming-out, je suis toujours bien cachée au fond de mon placard. J'ai failli le faire, mais j'ai découvert que ma classe est complètement homophobe. J'ai vécu un véritable enfer pendant ses trois dernières années, l'envie de me faire du mal ne m'a jamais quittée. Je suis toujours aussi seule qu'il y a trois ans, voire même plus. Je range ma lettre dans son enveloppe et la planque dans mon tiroir de la haine. Dans ce tiroir, il y a mes rasoirs, des pansements, des bandages, du désinfectant, des mouchoirs et des lettres écrites à moi-même, des textes de haine que j'ai écrits. J'y ajoute ma lettre et referme ce tiroir. Je me laisse tomber sur mon lit et me roule en boule. Je passe machinalement mes doigts sur mes blessures que j'ai au poignet. Je suis affligée de voir que trois ans après, ma situation n'a absolument pas changé. Je me redresse et m'approche de ma fenêtre. Je l'ouvre et passe mes jambes de l'autre côté. Je suis épuisée, épuisée de vivre, épuisée de souffrir, épuisée de subir toute cette haine. Je suis épuisée et tout ce que je souhaite, c'est en finir avec tout ça. Je me balance doucement, comme pour me donner du courage, me donner envie d'en finir. Il ne me restait plus grand chose avant de tomber, c'était presque fini. 

- Luna?

Je sursaute et me jette en arrière. J'ai toujours les jambes dans le vide, mais j'ai arrêté de me balancer. 

- Oui? 

- Tu es où? 

- Dans ma chambre. 

Puis je réfléchis. Ce n'est pas ma mère, mais alors, qui est-ce? Je n'ai pas envie de réfléchir. 

- Luna! 

La voix de Alison se brise, tout comme mon cœur. Je suis folle amoureuse d'elle depuis trois ans, mais je n'ai jamais eu le courage de lui dire. Je l'ai déjà vue avec des garçons et ça m'avait complètement découragée. 

- Luna, murmure-t-elle, qu'est-ce que tu fais?

- J'en ai marre de ma vie. 

- Je t'en supplie, ne le fait pas. 

- Et pourquoi, ce n'est pas comme si quelqu'un allait me regretter... 

Alison s'approche et se retrouve face à moi. 

- Tu te trompe, dit-elle. 

Elle pose sa main sur ma joue et pose ses lèvres sur les miennes. Je me fige, choquée par ce baiser inattendu. Puis, je lui rends son baiser. 

- Je ne comprends pas, je finis par dire. 

- Je n'ai jamais eu le courage de te dévoiler mes sentiments. J'avais tellement peur qu'ils ne soient pas réciproques. Mais maintenant...

Sans lui laisser le temps de finir, je rentre à l'intérieur et l'enlace. 

- Tu veux dire... que..., je tente. 

- Je veux dire que je t'aime. 

Mon cœur loupe un battement. 

- Je t'aime, je dis. 

Puis, nous nous embrassons, encore, encore et encore. 

- Est-ce que... est-ce que ça veut dire que tu es ma copine? demande Alison. 

Pour toute réponse, je l'embrasse. Je souris doucement. Peut-être que tout peut changer et pas forcément que en mal... Je souris de plus belle et embrasse ma copine. Au final, peut-être que la Luna d'il y a trois ans ne serait pas si déçue que ça... 

*** 

J'ai tenté un truc déprimant mais qui se finit un peu près bien, je crois. Bref, j'espère que ça vous a plu!

Bisous!

Emy~