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Après les cours, je traîne un peu avec Mick dans la salle de musique qu'on appelle aussi la salle de répet de l'école. C'est presque un copié-collé de celle dans Glee hormis qu'il n'y a pas de Rachel Berry qui se défonce les cordes vocales sur du Sia. Il y a juste nous. Les instruments de musique en plus.
Je sais que je ne dois pas trop traîner parce que mon service au Klei's commence dans moins d'une heure et que je dois faire une dissertation de cinq cent mots pour demain sur le pays de mes rêves. Mais, je dois aussi penser au groupe car le groupe est mon futur.
- On commence quand le coaching Monsieur le professeur ? Lui demandé-je.
- Quand on aura trouvé une bonne chanson, répondit-il.
Il sort de sa sacoche une farde cartonnée, un peu pliée avec des centaines de feuilles. Il la feuillette et sort une feuille qu'il me tend. Je ris en voyant le nom.
- Sérieusement ? The best day ever de Bob l'éponge ?
Je sais que ma voix a besoin de beaucoup d'entraînement mais quand même. Un dessin-animé pour enfant ? Il ne faut pas abuser non plus.
- Excuse-moi princesse. Je ne savais que Madame voulait déjà se la jouer Reine de la pop, s'agace-t-il.
Merde. Je viens de vexer le seul mec qui n'est pas la moindre trace susceptibilité en temps normal. Faut vraiment que je me laisse faire. Sinon, je vais encore perdre un membre et là, j'aurais l'obligation d'annuler.
- Désolée. C'est juste que j'ai pas l'habitude d'être dirigé par quelqu'un d'autre que moi-même. C'est assez...bizarre.
- Ok. Tu en veux une autre ?
Je secoue la tête, un brin honteuse de me comporter en diva. Il regarde à nouveau ses feuilles et me tire une nouvelle feuille en français. Mon cœur se serre lisant les paroles de la chanson. Ta reine d'Angèle parle d'un rejet amoureux, de l'amour entre deux filles et du regard des autres. J'ai les larmes aux yeux. Mick s'approche de moi et me passe une main dans le dos.
- Ça ne va pas ? Evidemment que ça ne va pas. Tu pleures donc j'imagine bien...
- Non. Ce n'est rien. C'est magnifique. La chanson et ses paroles sont juste... Wow !
Il hausse un sourcil en l'air et croise les bras sur sa poitrine.
- Je pensais que tu ne parlais pas français vu tes notes, s'étonne-t-il.
Je fais les yeux ronds. Je viens de me vendre et je vais devoir lui donner certaines explications.
Il attend et s'assoit en face de moi. Un bon mètre nous sépare et pourtant, j'ai l'impression de manquer d'oxygène. Ma gorge est sèche et ma tête me fait mal. Je sors ma bouteille d'eau en attendant qu'il me bombarde de questions comme pourquoi tu fais semblant d'être nulle dans cette langue ? Ou comment ça se fait que tu parles cette langue ? Mais, il reste aussi muet qu'une tombe.
- Pourquoi tu ne dis rien ? M'inquiète-je.
- Parce qu'il doit y avoir une bonne raison à toute cette histoire de "je ne parle pas français mais en réalité si" et que je n'ai pas le droit de te forcer a en parler si tu n'en as pas envie.
Je retiens un rire nerveux. Comment se peut-il qu'un garçon soit aussi gentil en apprenant que je mens comme une arracheuse de dents ? En dix-sept ans d'existence sur cette planète, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi compréhensif et de gentil sans vouloir autre chose derrière.
Après quelques minutes de silence, je décide de me lancer e de lui raconter en partie mon histoire.
- Je sais parler français parce que mon père l'était et qu'il me parlait la langue de Molière quand j'étais toute petite pendant que ma mère me parlait en anglais. J'étais dans un collège français avant d'être ici.
- Oh. Désolé pour ton père.
Si tu savais ce qu'il a fait, tu n'aurais jamais dit ça...
- Tu n'as pas à l'être. Ce n'était pas quelqu'un de bien.
On pourrait donner beaucoup d'adjectif et d'autres types de mots pour décrire l'homme qu'on dit être "mon père". Vous pouvez demander à ma mère ou à mon frère. Aucun de nous ne dira qu'il est désolé qu'il soit mort ou encore que sa perte est une douleur déchirante chaque jour depuis qu'il est parti. Le mot qui conviendrait serait délivrance.
- C'est pour ça que tu fais semblant en cours ? C'est pour oublier que cette langue te rattache à lui ?
J'hoche simplement. Je suis incapable de parler plus de lui car un) je vais pleurer et il ne mérite pas mes larmes et de deux) je risquerais de tout déballer à Mick et on aurait de graves problèmes maman, Sammy et moi. Et je ne peux pas nous mettre à nouveau en danger. En aucun cas.
Mon téléphone sonne et je vois un message de ma mère qui s'affiche sur mon écran.
Maman : Tu sais aller chercher Sam à son entrainement de foot avant d'aller au Klei's ? J'ai un cas sérieux à l'hôpital.
Je lui renvoie une réponse positive et attrape mon sac à dos en essuyant mes larmes.
- Je suis désolée mais je dois aller chercher Samuel au foot.
- Pas de soucis. On se retrouve ici avant les cours avec la chanson que tu veux ?
J'acquiesce et ouvre la porte. Mick me rappelle deux secondes plus tard.
- Oui ?
- Merci de t'être confiée. Ton secret est bien gardé avec moi.
Je lui souris pour seul réponse en espérant que ce moment de faiblesse ne m'en coûtera pas d'avantage à l'avenir.
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