La nuit sombre engloutissait le quartier défavorisé de Busan, tout autour des bâtisses craquelées, certaines d'entre elles ornées de graffitis, dont quelques-uns se voulaient artistiques, d'autres proférant des menaces en tout genre ; des jardins étaient laissés à l'abandon, boîtes aux lettres pleines à craquer, poubelles renversées, lampadaires clignotants.

Le motard sortait de la maison plongée dans le noir, quand il entendit non loin de lui des bribes de conversations. La main encore sur la poignée de la porte, il fît pivoter son visage en direction des voix. Quatre hommes, tapis dans l'ombre, encerclaient sa moto.

Jungkook sentit son sang bouillonner, comme mû par un réflexe, il rouvrit brusquement le battant de la porte – déjà en piteux état –, traversa à vive allure la cuisine pour en ouvrir un tiroir, en sortir l'objet désiré, puis rebrousser chemin en trombe.

« J'ai jamais loupé une cible, alors j'vous conseille de vous barrer vite fait », lança-t-il aux intrus d'un ton ferme, en s'avançant l'arme pointée droit sur eux.

Un des hommes passa sa main derrière son dos pour saisir l'opinel dans sa poche. Aussitôt dissuadé par un autre qui, lui attrapant le bras fermement, l'entraîna dans sa fuite. Ils disparurent aussitôt de son champ de vision. Rassuré, le brun baissa son bras et retourna à l'intérieur ranger l'arme à sa place.

Une fois ceci fait, alors que ses pas le ramenaient vers sa moto, il entendit soudain le moteur de la vieille voiture qu'il aurait reconnu entre mille. Il soupira à la pensée de la voix douce bien qu'un tantinet sévère de sa propriétaire, qui n'allait manquer de le réprimander encore une fois pour lui avoir laissé une enveloppe.

« Tu allais partir sans me prévenir que tu étais venu ? » interrogea la voix fatiguée, émanant du véhicule.

« J'allais te laisser un message », répondit Jungkook, le regard fuyant.

« C'est vrai ce mensonge ? » le rire angélique résonna dans la rue, l'illuminant soudainement. « Allez viens faire un câlin à ta maman que ça fait longtemps qu'elle ne t'a pas serré contre elle », sourit la femme, tout en lui tendant les bras pour que son fils vienne s'y réfugier.

Le beau brun fit quelques pas, réduisant l'espace entre eux, et prenant la seule femme de sa vie contre lui, la serra fort, tellement fort qu'on aurait pu croire que s'il la lâchait, elle allait s'envoler. Il inspirait son odeur, toujours ce même parfum sucré qui avait bercé son enfance.

« Tu viens boire un bon café ? » lui proposa-t-elle, se détachant de son enfant qui avait un peu trop grandi, mais qui à ses yeux restait ce petit garçon hyperactif qui pleurait quand on avait le malheur de lui enlever sa peluche Salamèche.

« Comment refuser ? Tu fais le meilleur café du monde. »

*

Sur la route du retour, Jungkook repensait à son entrevue silencieuse et pourtant tellement agréable avec sa mère. L'avoir revue lui avait redonné de la hargne, puisque la raison pour laquelle il participait à ces courses de motos clandestines n'était pas sans rapport : madame Jeon devait enchainer plusieurs boulots tristement mal payés pour l'énergie qu'elle y mettait, sans parler des dégradations qu'ils entrainaient sur sa santé physique et mentale. C'est pour cela qu'une fois par mois depuis 4 ans, il attendait qu'elle s'absente pour déposer subrepticement chez elle une enveloppe contenant quelques billets.

Mais cette fois-ci, cet incident avec les voleurs l'avait retardé, l'empêchant de repartir à temps pour éviter de la croiser. Le motard adorait sa mère, bien sûr que oui, il admirait également la femme forte qu'elle était ; le petit hic était qu'avec elle, il redevenait l'enfant de 6 ans venant de se faire choper en train de faire une bêtise, le regard penaud, se baladant partout sauf sur le visage de sa génitrice lui faisant face.

Il avait honte, honte de ne pas lui rendre visite plus souvent, de mettre sa vie en danger pour lui apporter cet argent sale, qui pourtant lui était tellement nécessaire.

Il avait tout simplement honte de ne pas être le fils que sa mère aurait voulu qu'il soit.

« Qu'est-ce que ta mère a bien pu faire pour mériter un incapable comme toi en guise de fils ? Elle aurait honte de toi si elle savait d'où venait cet argent. En fait non même pas honte, elle en serait dégoûtée et tout autant de toi ! »

**

À chaque réminiscence de cette phrase qui l'impactait si lourdement, il avait décidé d'en faire un rituel : un rappel, un tatouage. C'est ainsi qu'il se retrouvait assis, le torse collé au dossier du fauteuil en cuir du salon de tatouage éclairé par des néons violets. Un dessin de plus à l'encre noire se formait sur son corps, cette fois-ci il avait opté pour un Triskèle entre les omoplates, signe symbolisant le passé, le présent et le futur.

Un morceau du groupe Oasis était diffusé à travers les différents amplis qui jonchaient la pièce, le tatoueur tapait du pied au rythme de Waiting for the Rapture. Jungkook avait les yeux fermés, appréciant douloureusement les brûlures que lui procuraient les aiguilles entaillant sa peau.

Il aimait la sensation qu'elles provoquaient au contact de son épiderme, c'était un moyen pour lui de ne pas flancher, aussi bête soit-il. Se faire tatouer avait un côté relaxant, que ce soit le bourdonnement du dermographe, le mouvement répétitif des piqûres s'insinuant dans sa chair, l'ambiance apaisante autour de lui ou encore le fait que son tatoueur ne posait jamais de questions indiscrètes.

La clochette au-dessus de la porte d'entrée retentit, signalant l'entrée d'un nouveau venu, la machine s'arrêta tandis que le tatoueur se levait pour l'accueillir. Le tatoué, profitant de pouvoir bouger, s'étira les muscles dorsaux ; la sueur faisait scintiller son corps d'Apollon, au même titre que son front qu'il essuya d'un revers de main.

« Jeon c'est pour toi », annonça le patron de la structure, revenant dans la salle, accompagné de l'individu.

« J'pense que j'te dois des explications », déclara le client, le visage rivé sur le carrelage.

« Commence déjà par me regarder dans les yeux quand tu t'adresses à moi Baejin. »

Le Bleuté leva son regard pour rencontrer les billes noires de son semblable ; le tatoueur avait repris son travail, tapissant d'encre le dos crispé de son client. Il posa une main sur son épaule, lui intimant de se détendre.

« Maintenant tu vas m'expliquer ce qu'il s'est passé, sans oublier aucun détail, et j'insiste bien sur le mot aucun », énonça-t-il, le ton catégorique.

***

Jimin descendait les escaliers à toute vitesse, téléphone en main, il pouvait déjà entendre la musique sortant des haut-parleurs grésillant depuis la voiture de son ami. Poussant la porte du bâtiment, il vit au loin la silhouette qui l'attendait adossée contre la carrosserie.

« T'as intérêt d'avoir une bonne raison pour me faire sortir à cette heure-là », souffla le blond cendré, montrant sa fatigue.

« Courses de motos clandestines ça te dit ? De toute façon je te laisse pas le choix, on y va », sourit Chanhee, en s'installant au volant de son véhicule.

« Pourquoi on va là-bas au juste ? » questionna-t-il tout en attachant la ceinture de sécurité.

« Tu te rappelles du garçon que j'ai rencontré au bar la semaine dernière ? Et bien il m'a invité au Racers, il fait des courses là-bas, n'est-ce pas trop dément ? » s'écria le conducteur, tout excité à l'idée d'assister aux courses de motos clandestines les plus convoitées du pays.

« Super et t'as pensé aux flics ? Au possible accident ? Ou aux embrouilles qu'il pourrait y avoir ? » demanda le blond, ce à quoi son ami répondit négativement d'un signe de tête.

« C'est cool de voir que tu t'es vachement renseigné sur les possibles merdes qui pourraient nous arriver », lui souffla-t-il tout en déverrouillant son téléphone, afin d'entreprendre quelques recherches sur ces fameuses courses appelées Racers.

« 78 morts l'année dernière, sans surprise, tous d'un accident de moto lors de ces foutus courses », déclara Jimin, les yeux rivés sur l'écran, son pouce glissa vers le haut pour lire l'article situé en dessous. « Une jeune fille de 16 ans s'est tuée le mardi 8 juillet 2020 lors d'une énième course dans le port de Busan. L'adolescente a été retrouvée sous une dizaine de motos, victime d'un carambolage inévitable d'après les dires d'un témoin. »

Un lourd silence s'installa, aucun des deux n'osait sortir le moindre commentaire sur ce qui venait d'être lu, les deux garçons avaient du mal à déglutir tellement ça leur faisait froid dans le dos.

« Une fille de 16 ans, quand même, tu te rends compte ? »

« D'accord, bon je vais voir Younghoon et on repart », assura-t-il en regardant son passager tandis que le feu passait au vert.

****

La bande de potes se retrouvait à leur endroit habituel, un peu éloigné des autres, profitant d'être un peu plus au calme, à l'écart de la sono et de la foule bruyante à souhait. Jungkook regardait ses amis, un à un, gravant dans sa mémoire leurs sourires rayonnants de bonheur.

« Eh vieux tu m'écoutes ou je parle à un mur ? » demanda Hoseok en claquant des doigts devant le visage du motard.

« Ouais désolé, j'étais dans la lune », s'excusa-t-il en souriant à son ami, qui lui lança un regard se voulant interrogateur.

« Tae veut encore parier 100 balles. »

« Et si on pariait nos motos ? Baejin et moi, maintenant », cracha Younghoon, s'approchant sauvagement du Bleuté.

Rapidement, la bande se mit autour de la personne visée, protégeant leur congénère, telle une meute de loups préservant leur louveteau d'un danger imminent.

« Mesure-toi à moi avant de t'en prendre à lui, j'donne pas cher de ta peau », déclara Namjoon, s'avançant jusqu'à coller son torse contre celui de son adversaire, le regardant de haut.

« Rangez vos muscles, on n'en a pas besoin. Par contre j'veux bien que votre petit protégé s'excuse d'avoir laissé Hyunjae pour mort », ordonna Seokjin, s'interposant entre les deux garçons, mains dans les poches.

« J'ai eu la trouille, pendant quelques minutes j'me suis senti invincible, et oui j'ai voulu l'envoyer dans le décor. Mais quand j'ai repris mes esprits j'ai dérivé sur la gauche pour le laisser passer, puis j'suis parti parce que j'étais complètement flippé », expliqua le coupable, se touchant le front à plusieurs reprises.

Le Bleuté avait clairement pris la fuite comme un lâche, sans se retourner pour voir si son adversaire avait la vie sauve. Ça avait été pour lui un trop plein d'émotions, mélangé à l'accumulation du stress et l'adrénaline, son cerveau avait décidé de se mettre hors service, le faisant même s'effondrer sur le sol.

« Tu penses qu'on va te plaindre ? Qu'on va avoir pitié ? Ici t'es chez les Racers, t'es pas au secours populaire », fulmina Younghoon, s'avançant à toute vitesse pour asséner son poing à la figure de Baejin.

« Eh ! Non mais qu'est-ce que vous faites ? » cria une voix masculine au loin, stoppant soudain le poing du frappeur qui s'apprêtait à s'écraser sur le visage de sa victime.

L'inconnu s'approcha accompagné d'un autre homme, tous les regardaient, suscitant des messes basses à l'encontre de celui ayant osé s'interposer entre les deux clans rivaux.

« Cendrillon est venu me voir courir ? », ricana Jungkook en voyant la tête blonde se diriger vers eux tandis qu'il s'attirait des regards remplis d'incompréhension.

« Tu le connais ce petit ? », questionna Hoseok en désignant du menton le blond cendré qui avait arrêté sa course, et se retrouvait au milieu du cercle qui s'était créé autour de lui.

« Il a voulu faire la course avec moi y'a quelques jours, sa voiture a fini encastrée dans un mur », expliqua-t-il sans émotion, sortant son paquet de cigarette pour en attraper une entre ses lèvres.

Un grésillement d'haut-parleur retentit dans le port, coupant court à l'altercation. Tous tournèrent leurs visages en direction du conteneur. Sur ce dernier y était juché Seungyoun, l'organisateur, regardant du haut de son perchoir l'attroupement de personnes devant lui.

« Mes chers Racers, la course de la soirée va débuter, que les deux coureuses se présentent sur la ligne de dé... Putain barrez vous y'a les flics ! », s'exclama-t-il en voyant au loin les sirènes bicolores se diriger vers eux.

La foule s'empressa de se disperser, certains manquant de se percuter dans la précipitation, d'autres n'arrivant pas à démarrer leurs motos dans leur hâte. Le blond et son ami regardaient autour d'eux, ne sachant plus quoi faire au milieu de cette soudaine agitation.

« Chanhee monte ! », cria Youngyoon, en s'arrêtant à ses côtés pour l'inciter à grimper sur sa moto.

Jimin regarda son ami avec incompréhension en le voyant passer ses jambes par-dessus l'engin. Le garçon à la chevelure jaune fluo mima un « désolé » avant d'enfiler le casque que lui tendait le conducteur.

Seul au milieu de cette foule, dénué de solution face au danger qu'il encourait, Jimin pensa avec angoisse que s'il finissait les poignets menottés, il pouvait dire définitivement adieu à sa réputation hautement placée.

« Monte vite ! »

Son sauveur était là.

Hello, j'espère que vous allez tous et toutes très bien et que votre rentrée s'est bien passé (même si ça fait quand même un petit moment que ça a repris) ! Pour ma part je fais la mienne le 4 octobre ^^

Je suis désolée encore une fois pour le retard qu'à pu prendre ce chapitre, j'ai dû le recommencer 3 fois jusqu'à que je trouve la version qui me plaît le plus, et la voilà ! Puis le temps de la correction aussi qui a demandé du temps, étant donné que ma correctrice s'occupe d'autres écrits d'auteurs qui eux sont publiés.

Sinon qu'avez vous pensez de ce chapitre ? De qui était cette phrase que Jungkook s'est remémoré à votre avis ? Vous savez enfin ce qui s'est passé pour Baejin... Et nous voici reparti pour une course poursuite !

D'ailleurs je vous remercie infiniment pour les 1k, je suis si heureuse que je ne pourrais décrire toute ma gratitude. Je tenais à remercier les personnes ayant bien voulu lire mon histoire, elle représente beaucoup pour moi et je suis tellement heureuse et chanceuse de vous avoir comme lecteurs/lectrices ♡

En attendant la suite, je vous souhaite de passer une excellente semaine, surtout prenez soin de vous et portez vous bien ! J'espère vous revoir très rapidement, luvvv très fort