Routine
J'appréciais de plus en plus nos rendez vous quotidiens, depuis la première fois où j'avais étiqueté une bonne partie de la maison, nos leçons étaient devenues quasi indispensables et j'en faisais un récit précis tous les soirs à Sarah.
Ses mises en gardes, précieuses à mes yeux, me permettaient de garder les pieds sur terre. Il me tardait qu'elle arrive. Plus que quelques jours à attendre.
Cela faisait un mois que j'étais là et mes habitudes étaient bien établies.
https://youtu.be/K-3P7QOwm7E
Mes fréquentes visites à Londres me ravissaient, je mettais un point d'honneur à découvrir chaque week-end un nouveau quartier, un nouveau musée. Alexander avait même concédé à ce que je puisse y aller de temps en temps en métro. Avait-il comprit qu'il fallait me laisser respirer un peu ?
Nous avions étendu nos rencontres dans la propriété, faisant de longues promenades à pied et même à cheval une fois ou deux.
Comme j'avais aimé ces moments là. Retrouver mes sensations. Le plaisir de sentir la puissance de l'animal. Alexander voulait me faire découvrir les alentours boisés de Wimbledon. Un grand parc et un golf se trouvaient juste derrière la maison.
Nous avions profité d'une belle journée pour partir deux heures durant lesquelles, entre deux cours de botaniques en français, nous avions parlé de nos vies si différentes. Lui tentant de me convaincre combien sa vie pouvait être compliquée et moi faisant l'apologie d'une vie simple dans le sud de la France. Nos points de vues bien qu'opposés convergeaient vers la même aspiration : la tranquillité.
Et lorsque nous arrivâmes dans la clairière déserte dont le chant des oiseaux composaient ce lieu, nos regards se croisèrent l'un voulant dire à l'autre « Vous voyez ce que je veux dire ».
Nous avions en fin de compte pas mal de points communs. J'arrivai mieux à le comprendre, à saisir pourquoi il en voulait tant aux journalistes qui avaient contribué au mauvais déroulement de son divorce, il me parla de son fils pour lequel il avait du se battre pour l'avoir pendant les vacances. Pourtant, il ne semblait pas ressentir d'animosité pour son ex-femme. Il savait qu'il avait ses torts lui aussi. Ils ne s'aimaient plus fin de l'histoire. Jamais il n'avait voulu imposer à son fils l'image fausse d'un couple. Trop de choses, de gens autour de lui se chargeaient déjà de véhiculer une image déformée de la réalité.
Curieux de ma vie, il demandait des nouvelles de mon père qu'il appréciait beaucoup. Mais je n'étais pas aussi expansive que lui, gardant au plus profond de moi, les histoires que je n'étais pas prête à raconter. Il aurait certainement souhaité que je lui en dise davantage mais j'estimai que ma vie n'avait pas un très grand intérêt. Sans cesse revenant à la charge, je devais faire preuve d'imagination pour détourner la conversation ou même son attention.
Il avait fini par capituler.
Nous terminions toujours nos balades par un thé sur la terrasse ou la véranda lorsque le temps ne s'y prêtait pas. Mais cela n'arrivait pas si souvent que ça.
Il y eut aussi ce jour où surpris par un orage nous fûmes contraint de courir au plus vite vers la maison. Il avait pris ma main pour m'aider à aller plus vite, me devançant pour m'ouvrir le chemin. Je l'aurai suivi au bout du monde. La chaleur de sa main réchauffait la mienne. Nous n'arrêtions pas de rire. Lui se moquait de chacun de mes cris à chaque éclair.
Mes jambes partaient dans tous les sens essayant de suivre son pas de course. Malheureusement pour moi, une flaque d'eau de trop me fit trébucher et ayant finalement lâché sa main pour ne pas l'entraîner dans ma misérable chute je me retrouvai à quatre pattes dans la boue. Le tableau devait être forcément comique car il éclata de rire sans se gêner, je me maudissais me sentant pitoyablement ridicule. Dans une vaine tentative de me venger de ses moqueries j'essayai de l'éclabousser, évidemment plus agile que moi, il esquiva mon attaque et revint me chercher toute boueuse que j'étais. Il avait essuyé mon visage avec un mouchoir qu'il avait sorti de sa poche.
Brûlure sous la pluie fraîche alors que sa main effleura ma joue pour la première fois. J'en fus terriblement troublée . Je le regardai me sourire. Un nouvel éclair me fit tressauter, nous poursuivîmes notre course pour nous mettre à l'abri.
En rentrant à la maison, Harold s'était précipité avec des serviettes. Ses cheveux plus vite secs que les miens, il se mit à m'aider à les sécher. Je devais ressembler à un chien mouillé pourtant, à ce moment précis, dans son regard, je crus percevoir de la tendresse... ou était-ce de la pitié ? Non je ne pus le croire. Quoiqu'il en soit je fus mal à l'aise encore une fois et encore une fois je le fuyais prétextant d'aller me changer.
Dans les escaliers je m'étais retournée et le surpris à me suivre du regard. Mon cœur s'arrêta une seconde. Peut être deux.
Tous les jours passés avec lui devenaient plus intenses plus intimes dans nos conversations, nos gestes, nos regards, notre complicité. Un sentiment de peur me gagnait au fur et à mesure des journées. Mon attirance pour lui était plus qu'évidente.
Comment pouvait-il ne pas s'en apercevoir ?
https://youtu.be/qhduQhDqtb4
Et puis il y avait Mathieu. Ce prénom avait encore le don de me faire froid dans le dos. Encore aujourd'hui j'avais du mal à comprendre comment il avait pu en arriver là. Psychose obsessionnelle avaient décrété les psychiatres.
Pourtant notre relation avait été tout ce qu'il y avait de plus banal. Une rencontre, un amour sincère qui s'était installé au fil du temps et puis la jalousie. Jaloux de tout ce qui pouvait m'approcher. J'avais beau essayer de lui expliquer qu'il n'y avait que lui, il se débrouillait toujours pour voir le mal. Je me souvins de son regard le jour où nous avions rencontré un ancien camarade de classe. J'avais ressenti une telle violence, une telle haine. Ce dernier m'avait appelé quelques temps plus tard pour me dire qu'il avait été menacé très sérieusement par Mathieu à la sortie de son travail et que sa voiture en avait fait les frais. Cela m'avait glacé le sang. Comment avait-il pu faire ça ? Au nom de quoi ?
Je me souvins de l'angoisse qui s'était installée jour après jour, la sensation d'être suivie, observée. Le téléphone qui sonnait sans personne de l'autre côté.
Finalement, je tranchai dans le vif et la rupture me sembla évidente mais elle avait déclenché dans la tête de Mathieu un cataclysme qu'il fut incapable de maîtriser.
Il me suivait partout, il me montrait qu'il était là. Toujours. Quelque soit l'endroit où je pouvais me trouver ou me rendre. Il pouvait m'attendre des heures. Il prenait cet air de chien battu qui me faisait pitié. Il m'arrivait d'aller prendre un café avec lui pour discuter de cette situation pour essayer de le raisonner mais le lendemain il recommençait de plus belle. J'avais même finis par fermer mes volets autant le jour que la nuit de peur qu'il puisse voir ce qu'il se passait chez moi. De colère, il avait téléphoné pendant des heures pour m'ordonner de les rouvrir.
Le lendemain je demandai une injonction du tribunal pour qu'il ne s'approche plus de moi. Ma tranquillité perdura quelques semaines et je pensai qu'il s'était enfin fait une raison jusqu'à ce fameux soir où rentrant d'une soirée avec Sarah, il m'attendait devant chez moi. Je me souvins de la peur qui m'avait cloué sur place quand il s'était approché de moi. Son visage avait perdu la douceur que je lui connaissais. Il avait maigri et des cernes noirs accentuaient la couleur déjà sombre de ses yeux lui donnant un air des plus menaçants. Il m'avait tourné autour comme un animal sauvage prêt à bondir sur sa proie.
- Aurais-tu peur ?, m'avait-il demandé en me souriant.
Je n'avais pas répondu mais je tremblai tellement que toute réponse fut inutile. Il s'était rapproché de moi et me soufflait dans le cou.
- Chhh... Allons... tu sais bien que je ne pourrais jamais te faire de mal.
Il avait ce ton dans la voix, calme et effrayant à la fois que l'on est censé entendre dans les films de psychopathes. Il me tétanisait. A ce moment précis il aurait pu me tuer s'il l'avait voulu mais il était bien plus sadique que ça. Son but était de me terroriser.
- Tu es à moi, tu ne seras à personne d'autre, je serais toujours là quoique tu fasses. Ne l'oublie jamais, avait-il continué de me dire au creux de mon oreille avant de s'évanouir dans la nuit et de me laisser complètement décomposée devant ma porte d'entrée.
Je me souvins qu'à partir de ce soir là, je pris la décision de ne plus sortir de chez moi. Je sombrai peu à peu dans une angoisse permanente, une peur de l'extérieur, de lui, du moindre bruit. Je m'enfermai donc, ne m'approchant des fenêtres que très rarement ou à distance. Tout était contrôlé pour que mes contacts soient réduits au minimum. Un judas sur ma porte pour vérifier même l'arrivée d'une personne de confiance. J'étais devenue suspicieuse et ne parvenait à faire confiance qu'à très peu de gens.
Seuls mes proches pouvaient accéder à ma forteresse. J'avais fait installé un système de digit code dont j'étais la seule à déterminer la combinaison et à changer tous les jours.
Mon ordinateur était le lien, le cordon ombilical qui me permettait de me sentir encore en vie, nourrie et qui permettait aussi à ceux qui m'étaient chers de garder le contact, de me soutenir dans cette épreuve même si selon eux j'aurais du affronter le problème et aller plus loin dans mes démarches juridiques. Mais c'était au dessus de mes forces. Mathieu avait fini par anéantir ma personnalité, par créer un sentiment d'insécurité et un manque de confiance tellement profond que l'envie de mettre fin à toute cette paranoïa une bonne fois pour toute me saisit un soir. Je me souviens des comprimés sur la table qu'il m'aurait simplement fallu avaler en grande quantité avec une grande dose d'alcool. Je les avais pris dans ma main prête à les enfourner dans ma bouche pour enfin m'endormir et ne plus me réveiller, pour faire taire cette souffrance qui m'empêchait de vivre ma vie d'avant, celle dans laquelle je me voyais rire, aimer, danser, celle dans laquelle mon avenir semblait évident. Je me souviens avoir pleuré longuement maudissant ma faiblesse de ne pas avoir le cran d'aller jusqu'au bout, me demandant ce qui m'attendait de mieux ailleurs dans cette vie là. Je me souvins avoir envoyé les comprimés à travers l'appartement et je m'étais mise à hurler. Mon ventre s'était tordu au point de vouloir vomir et pour la première fois je fis sortir ma douleur. Ce cri rauque, violent sortant de mes entrailles enleva une partie de moi, de mon âme mais un soupçon de vie encore en moi me retint et il me fallu tisser à nouveau les liens pour me raccrocher à la lumière.
Ma routine, mon quotidien tout était magnifiquement bien orchestrés : mes courses m'étaient livrées, mes commandes s'effectuaient sur Internet de façon très anonyme pour éviter toute fuite. J'aurais certainement pu vivre encore six mois de plus ainsi si un jour en ouvrant ma porte je ne m'étais pas retrouvée nez à nez avec lui. Pourtant j'avais bien vérifié le couloir, une fois, deux fois, trois fois avant d'ouvrir mais il était vraisemblablement plus malin que ce que j'avais pu imaginer. Mon souffle s'était coupé en le voyant me sourire ironiquement. Ma tentative de lui renfermer la porte dessus avait échoué et il l'avait repoussé tellement fort que j'étais tombée à terre.
« Je t'avais dit que je serais toujours là. Pourquoi ta essayé de m'échapper ? ça ne sert à rien tu le vois bien »
Mes yeux s'étaient remplis de larmes, ma vision se troublait, ma gorge serrée par la terreur qu'il m'inspirait.
Il continuait de se rapprocher de moi calmement sereinement, le regard toujours aussi menaçant, un sourire sur les lèvres pendant que je tentai désespérément de me relever.
Sa hargne finit par éclater et il s'agenouilla à côté moi, m'attrapa par les cheveux. Je m'étais mise alors à crier tellement il me faisait mal. Une main sur ma gorge, prête à la serrer, l'autre caressant mes cheveux comme si j'étais un petit animal soumis. Ce que j'étais en effet à ce moment là. Sa colère multipliait sa force et son envie de me faire du mal était maintenant bien réelle.
- Mais qu'est-ce que tu veux à la fin ? lui avais-je hurler en essayant de soutenir son regard.
Il se mit à rire.
- Mais c'est toi que je veux, pour moi tout seul. C'est quand même pas difficile à comprendre non ?, m'avait-il répondu en frottant son visage dans mon cou tout en tenant fort ma chevelure.
- S'il te plait Mathieu laisse moi partir, l'avais-je supplié.
- Je peux pas Elizabeth, continua-t-il à crier. Je peux plus faire marche arrière. Et puis regarde le joli cocon que tu nous as préparé. On a tout ce qu'il faut pour être heureux.
Mes forces m'abandonnèrent. Impossible de le supplier , je savais que c'était inutile. J'avais beau essayer de le repousser du mieux que je pouvais, il était trop fort. Il m'avait relevé et jetai à nouveau par terre. Je l'entendis rire à gorge déployée. Ma faiblesse augmentait son plaisir de me posséder.
- Je ne vais pas te tuer tu sais, me dit-il.
- Alors laisse moi partir, avais-je répondit.
- Jamais, souffla-t-il.
Sa main sur ma gorge commençait à me serrer fort puis soudain l'air passa à nouveau. J'ouvris les yeux.
Je me souvins avoir vu son visage se figer puis je le vis lever les mains au ciel, derrière lui une silhouette. Un policier armé. Il lui ordonna de ne plus bouger. Je me dégageai de lui et sortit de l'appartement. Je courus dans les escaliers, fébrile, tremblante. A l'extérieur, mes parents, une ambulance. Je m'étais jetée dans leur bras et mise à pleurer comme une enfant. Mon père m'expliqua qu'il avait remarqué que j'avais changé ma petite habitude quotidienne de brancher mon ordinateur et de me connecter. Il n'avait pas voulu prendre le risque d'une erreur.
Mathieu avait été arrêté et interné. Il fallait qu'il se soigne. En ce qui me concerne, j'avais changé d'appartement et pris du repos jusqu'à ce que mon père me propose de venir ici.
Une année s'était écoulée depuis mais les cauchemars étaient toujours là, la peur aussi. La peur de trop m'ancrer dans une routine qui finirait par se retourner contre moi, contre ceux que j'aime.
Alors même si ici je me sentais en sécurité, je ne pouvais m'empêcher de garder au fond de moi la crainte qu'il ne revienne un jour.
Oui, la routine avait du bon. Le changement faisait peur mais quelques fois aussi le changement c'était la clé.
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