Le piège
Dans le petit appartement, Félix et Lynn profitent de l'absence de Mia pour faire le point. Plus précisément, la femme d'affaire alpague le jeune homme avant qu'il ne s'éclipse pour suivre Mia dans une soirée où il aurait parfait sa couverture de musicien rebelle et hyper-branché.
Il ne sait plus où il a apprit à jouer de la musique mais ça lui plait beaucoup. Sans oublier que personne ne se souvient de la fin de ces soirées-là et qu'il peut facilement s'éclipser et se renseigner auprès de certaines personnes sans que Lynn ne le sache, Mia lui servant d'alibi brumeux.
Mais ce soir Lynn veut faire un point précis et découvrir ce que le jeune homme lui cache depuis quelques temps. Elle est bien décidée à mettre le paquet. Le garçon est coriace en matière d'interrogatoire, mais elle aussi et elle a bien l'intention de lui faire cracher le morceau.
« Où en es-tu ? gronde-t-elle.
Félix sait qu'il pourrait l'attendrir avec une attitude qui ferait ressortir son jeune âge. Depuis bientôt deux semaines qu'ils se connaissent, Lynn y est toujours sensible, même si ça la fait enrager. Il préfère lui parler d'adulte à adulte, de professionnel à professionnel, au moins dans le ton.
‒ Je vous ai transmis toutes les informations que j'ai récupéré. Il n'y a plus qu'à attendre que le piège fonctionne.
‒ Au contraire, tu m'as caché beaucoup trop de choses. Tu es doué en esquive. Comment as-tu fait pour entrer aussi vite en contact avec mon mari et avec mon chef de la sécurité ?
‒ Je me suis servi des informations que vous m'avez donné. Votre mari voulait de vos nouvelles, je lui en ai promis. Votre chef de la sécurité voulait de l'argent, je lui en ai promis aussi.
‒ Comment tu as fait pour qu'il te croie ?
‒ Je suis quelqu'un de convaincant.
‒ Tu as découvert quoi ensuite ?
‒ Je vous l'ai dit, je pense que la fuite vient de votre sosie Brachelle dont la mort n'est sûrement pas accidentelle.
C'est Lynn qui lui a donné le nom de la traîtresse. Elle a du mal à se retenir de crier :
‒ Mais à qui elle en a parlé, nom d'un chien !
‒ Je ne sais pas.
Lynn l'attrape par les épaules et le secoue. Normalement, elle garde son sang-froid dans ce genre de circonstances, mais le jeune homme a su avoir exactement le sourire et le regard je-m'en-foutiste qui la mettent hors d'elle.
‒ Tu le sais forcément puisque tu es en train de lui tendre un putain de piège !
Elle se ressaisi et lui adresse un regard glacé.
‒ Dis-moi qui tu soupçonnes et pourquoi. N'oublie pas que je te soutiens même si tu te bases uniquement sur tes intuitions. Tu as des intuitions fiables.
Sauf en ce qui concerne l'équipe 5, pense Félix. Il ne les a pas vu venir. Pour le moment, les nombreuses précautions qu'il prend semblent porter leurs fruits, mais il a peur qu'ils soient tout simplement en train de tisser leur piège dans lequel il tombera dès qu'il tentera de bouger.
Il n'ose déjà plus aller dans les quartiers sécurisés et utiliser les transports en commun. Ils pourraient se cacher n'importe où. Crimian le fantôme pourrait être en train de le guetter à chaque seconde, suivant son enquête pas à pas, traquant la moindre preuve permettant de faire tomber un maximum de personnes avec lui.
Le jeune homme ne sait plus pourquoi il s'est engagé dans cette course insensée pour retrouver l'assassin de Lynn, après tout même s'il le découvre il y en a une vingtaine d'autres qui attendent derrière, et cette femme n'est rien pour lui. A part qu'il lui a sauvé la vie.
Il se dit qu'une fois qu'il saura tout de cette affaire, ce sera lui qui tirera les ficelles de Lynn et de son ennemi, et qu'un des deux lui offrira bien un moyen d'échapper aux clones. Mais rien n'est moins sûr et ça l'enrage.
‒ J'ai cherché à qui votre mort profiterait et j'ai étudié leurs états d'esprit. Il faut une certaine tournure pour commettre un meurtre de cette manière. C'est moins qu'une intuition, c'est une idée très floue...
‒ Vas-y.
‒ J'ai plusieurs pistes.
‒ Les noms.
‒ Très bien. Sercléra, Amérti, Surfit, O'roule, Ramacha, Istakuju, Meyo, Scari, Mché'tala, Tiu, Upios...
‒ Quoi ?
‒ Et aussi Recjiro, Misa, Touya, Conney et Chen.
‒ Tu soupçonnes la moitié des dirigeants de mes entreprises, mes deux enfants et deux de mes protégés !
‒ Je me suis limité à ceux qui, après étude, me paraissent remplir le bon profil pour tenter de vous assassiner.
‒ Absurde !
‒ Ma foi...
Le jeune homme tente de profiter de la colère de Lynn pour s'éclipser mais elle le rattrape par le col.
‒ Et ton piège, petit malin ? Comment est-ce que tu comptes trouver mon assassin là-dedans ?
Une pause, ou plutôt un silence menaçant, puis elle continue d'un ton lourd de sous-entendus :
‒ Tente ne serait-ce que le début d'une esquive et je considérerait notre marché comme nul et non avenu. Les clones seront ravis d'avoir ton ADN à mettre dans leurs pisteurs.
Félix la regarde, puis baisse les yeux, laissant malgré tout échapper une petite flamme de colère de son regard. Qu'elle ne s'imagine pas qu'il veuille lui mentir, parce que c'est bien ce qu'il est en train de faire.
‒ Je pensais vous vendre, dit-il d'un ton guindé.
‒ Me vendre à eux ?
‒ Tous ceux que j'ai abordé m'ont fait des propositions pour vous retrouver et les autres devraient en faire autant. Pour vous sauver, bien sûr. Ils sont tous disposés à vous cacher le temps de mettre la main sur votre assassin. D'ailleurs nous avons de nombreux enquêteurs privés aux fesses.
‒ Tu es sûr que...
‒ Ils sont faciles à semer. Très facile. Emetteur implantés sous la peau pendant la poignée de main, recherche par caméras municipales, et même filature en chair et en os. Je les ai laissé sur place sans aucun mal.
Sauf les clones, pense Félix. Eux, il n'a pas vu un seul de leurs mouvements. Il a découvert, souvent au dernier moment, les méthodes que leur surveillance l'empêche d'utiliser.
Ils savent sûrement qu'il se cache dans ce quartier, le seul endroit sans informatisation de la vie privée qui appartient à des gens assez riches pour que les policiers ne fassent pas de visites surprise à domicile. Ils le laissent passer le temps de comprendre exactement à quoi il joue. Après quoi ils refermeront la nasse et il sera définitivement pris au piège.
La seule idée des clones le rend paranoïaque et il déteste ça. Il ne se laissera pas piéger par sa peur, non, pas lui.
Il continue sans que la femme d'affaire ai repéré son hésitation :
‒ Je vais organiser votre meurtre à nouveau et le leur proposer. Celui à qui ça plait devient mon suspect numéro 1. Simple.
‒ Il faudrait que tu lises dans leurs pensée.
‒ Je fais confiance à mon talent. Vous avez dit que vous lui faites confiance aussi.
‒ Et bien que ton talent trouve mieux. Je sais qu'il n'y a pas que ça. Je sais que tu caches un autre plan dans ta petite cervelle tordue. Et je veux le connaître. Tout de suite.
‒ J'ai appris des choses sur chacun d'eux et je vais les utiliser pour les emmener dans un coin discret. Ils viendront parce que je vais leur laisser croire qu'ils pourront se débarrasser de moi à ce moment-là. Et vous serez là.
‒ Tu comptais m'y emmener comment ?
‒ Persuasion. Tout sera mis en place pour votre effacement discret et efficace. Ceux qui appuieront sur le bouton rouge seront suspects.
‒ A quel moment tu me trahis et tu me tue vraiment ?
‒ Je vous laisserai vérifier que la mise en scène est sans danger et que le bouton n'est relié à rien.
‒ Effectivement, c'est persuasif...
‒ Maintenant, j'aimerai aller...
‒ Mets-moi d'abord par écrit tout ce que tu as découvert sur eux, avec tes interprétations et tes fameuses intuitions.
‒ Par écrit ?
‒ Papier. J'aimerai avoir une trace très personnelle de tes recherches.
Et surtout une trace qui constituerai une preuve de son implication au cas où Lynn appellerait les clones à son secours. Peu probable mais on ne sait jamais. De plus, ce serait facile à détruire en cas de problème.
‒ Bien. Je m'en charge, Mme Dlera. »
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