Le capitaine Altran
C'est lorsqu'il sort de l'immeuble où Pam Rosewood lui a donné rendez-vous que le bâtiment est pris d'assaut par une véritable mer de policiers. Il n'a que le temps de se barricader à l'intérieur avant de s'enfuir vers les étages, vers un cul-de-sac évidemment, Pam est assez paranoïaque pour que son appartement ait une autre sortie mais personne ne le laissera y avoir accès. Il est pris au piège.
Quitte.
Non, ça pas question.
Il sonne à toutes les portes. Il n'y a quasiment que des bureaux dans cet immeuble et ils sont tous déserts, mais en face de l'appartement de Rosewood il y a une série de studios.
De l'un d'entre eux émerge un homme assez jeune qui le regarde comme s'il débarquait tout droit de la lune, ce qui est bien la dernière des préoccupations de Félix en cet instant.
Sans hésiter il braque son arme vers le visage émacié de l'autre et l'oblige à venir avec lui. Jusqu'au toit de l'immeuble. Là-haut il sera en position de négocier.
Quelque part au fond de sa conscience une petite voix lui dit qu'il aggrave son cas, qu'avec un simple otage il n'a pas la moindre chance d'échapper à l'armada d'uniformes qui cerne l'immeuble, qu'il ne sait même pas ce que les clones lui reprochent, qu'il ferait mieux de se rendre et d'être sage.
Cette voix est noyée par la rage d'avoir échoué. Aussi risqués que soient ses plans, ils ont toujours réussis, ils doivent toujours réussir !
Une fois de plus il tente le tout pour le tout. Tant qu'il lui reste une chance même sur cent millions, il n'a pas encore perdu.
Arrivés sur le toit, Félix et son otage sont accueillis par les projecteurs du stationneur qui les survole. Le garçon montre bien son arme. Une voix retentit, électroniquement amplifiée, sans doute celle d'Altran :
« Relâchez votre otage et rendez-vous !
Le kidnappeur ricane. Il crie :
‒ Laissez-moi passer et je le relâche !
Silence (tout relatif, meublé par le hululement des sirènes et le ronronnement du moteur) du stationneur. Puis la proposition inattendue :
‒ Acceptez-vous d'échanger votre otage contre le capitaine Altran ?
Félix est plus que méfiant de nature et il cherche immédiatement le piège. C'est trop beau pour être vrai. Mais sa situation est désespérée, pouvoir parler directement au terrible chef de l'équipe 5 ne peut qu'augmenter ses chances de parvenir à manipuler son monde et à s'en sortir, sans oublier qu'il préfère de loin tenir Altran au bout de son laser qu'un pauvre malheureux qui ne lui a jamais rien fait.
‒ J'accepte ! »
L'otage en pleurerai de soulagement. Son cauchemar a duré moins de cinq minutes mais il s'en souviendra toute sa vie.
Le stationneur se place exactement à la verticale du toit. Une plate-forme en descend en lévitant, le grand luxe. A son bord, comme prévu, un seul homme, le capitaine Altran.
Il est... décevant, ne peut s'empêcher de penser Félix. Ils ont le même âge, à peu de choses près, mais Altran semble particulièrement juvénile, avec sa petite carrure et les quelques taches de rousseur brunes qui lui ornent les joues. L'effet est amplifié par ses cheveux châtains coupés trop courts et son long manteau qui semble taillé pour quelqu'un qui ferait une taille de plus. Son expression extrêmement sérieuse fait davantage penser à un enfant qui tente de se faire bien voir qu'à un dangereux policier. Le tout donne envie à Félix de lui ébouriffer les cheveux. Et ce serait ça, son ennemi, le redoutable chef des clones qui hante ses cauchemars depuis plusieurs semaines ? Quelle blague !
En attendant, il doit se sortir de là, et pour ça rester concentré.
La plate-forme se pose. Avant d'en descendre Altran montre qu'il n'est pas armé.
Bien sûr ça ne veut rien dire, il pourrait cacher n'importe quoi sur lui, il faut un scan pour déceler les armes de pointe que les clones policiers ont sûrement à foison. Tant pis. Le jeune homme lui fait signe d'avancer.
Pour chaque pas que fait Altran en avant, l'otage en fait un vers la plate-forme. Lorsqu'il estime être assez près il finit le trajet en courant, tremblant de tous ses membres. La plate-forme retourne immédiatement au sein du stationneur qui s'éloigne.
Les mains en l'air, Altran regarde Félix d'un air furieux. Enfin le stationneur est parti, personne ne peut les voir ni les entendre, il baisse les mains et s'écrit :
« Bordel Chat mais à quoi tu joues ? Je me suis fait un sang d'encre !
L'amnésique est pétrifié. En un éclair il repasse la phrase dans sa tête, l'intonation, l'attitude, sans parvenir à autre chose que deux théories évidentes : soit le féroce, l'implacable capitaine Altran est réellement de son coté, soit il est en train de le manipuler en sachant pertinemment qu'il a perdu la mémoire.
S'il le manipule, alors c'est un maître dans un art où Félix ne serait qu'apprenti. Il a vraiment l'air d'un gentil garçon, dont l'allure un peu débraillé indique plus de maladresse que de rébellion contre le système, il foudroie l'autre du regard pour lui faire un reproche et surtout cacher son soulagement, il n'a pas peur de l'arme que Félix braque sur lui. Il lui fait signe nerveusement de l'écarter en disant :
‒ Et enlève-moi ce truc de sous le nez tu sais bien que je déteste ça !
Mais c'est d'un accident qu'il paraît avoir peur, pas du jeune homme. Apparemment il est persuadé que l'autre ne lui tirera jamais dessus. Oui, si c'est un menteur, c'est le plus extraordinaire menteur que Félix ai jamais rencontré.
S'il se fiait uniquement à son sixième sens, il dirait même que c'est une personne parfaitement digne de confiance. Ce qui est absurde : il ne peut avoir confiance en personne et certainement pas en un flic.
‒ Gardez les mains en l'air, capitaine.
Pour la première fois Altran regarde vraiment son adversaire. Ce qu'il voit n'a pas l'air de lui plaire. Il sort alors son regard de flic.
‒ Chat, qu'est-ce que tu es en train de faire ? Où tu étais ? Et pourquoi ?
‒ Je ne sais pas, moi... Comment vous m'avez retrouvé ?
‒ L'enlèvement de Lynn Dlera. C'était trop parfait, toutes les caméras de sécurité ont mis les images à la poubelle puisqu'il n'y avait aucune violence. C'était signé Chat.
‒ ARRÊTES DE M'APPELER CHAT ! DONNES-MOI MON PUTAIN DE VRAI NOM !
Altran a les mains en l'air, il regarde le garçon qu'il appelle Chat d'une façon étrange, blessé mais compatissant, perdu mais cherchant d'abord à aider.
Ces façons de bon samaritain excèdent l'autre qui envisage très sérieusement de lui tirer dessus – pas une décharge mortelle,mais une bonne dose paralysante – pour le décider à cracher enfin son nom, ce fameux nom qui est la clé de tout ce qu'il a perdu.
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