Partie unique
1
En apparence, Clara Jiggers avait la vie idéale. Étudiante à la Faculté des Sciences, elle obtenait de bonnes notes, parfois même les meilleures, sauf lorsqu'elle passait trop de temps à sortir et à faire la fête avec ses amis. Évidemment, ce n'était pas tout : elle possédait un physique avantageux et un visage plaisant, ce qui lui assurait une popularité non négligeable au sein du campus où elle étudiait. Oui, elle était la fille parfaite. Du moins, c'est ce que disaient les garçons d'elle, ajoutant qu'elle était serait très bien dans leur lit.
De plus, Clara était une sportive dévouée. Grâce à sa taille d'un mètre quatre-ving et à sa forme physique, elle était l'une des favorites de l'équipe de handball et remplaçante dans l'équipe de basket, bien qu'elle n'ait même pas postulé pour cette dernière. C'est grâce (ou à cause) du groupe de cheerleaders qu'elle avait été recrutée, car les filles n'avaient pas mâché leurs mots en évoquant son talent et les garçons sa beauté. Ainsi, sa popularité avait grimpé en flèche et même le coach était venu l'évaluer.
Personne n'oubliait sa grande gentillesse, son dévouement et la joie quotidienne qu'elle apportait. Elle savait prendre soin de ses amis et défendait souvent les autres lorsqu'ils se trouvaient dans des situations injustes. Clara possédait son propre appartement, un adorable studio qu'elle avait acheté au dernier étage avec accès au toit, où elle cultivait des plantes avec l'aide de la mamie qui vivait en dessous. Elle n'osait pas vraiment s'en vanter, même s'il y avait de quoi, car après tout, elle n'avait obtenu qu'un peu d'aide financière de son père et avait travaillé depuis ses seize ans en parallèle de ses études pour pouvoir se le payer. Si beaucoup la jalousaient, d'autres l'admiraient et la convoitaient.
Pourtant, derrière ce masque de femme parfaite, derrière cette popularité et cette vie idéale, Clara n'était pas si enviable que cela.
Un peu avant ses neuf ans, sa mère prit sa valise, la jeta dans le coffre de sa voiture d'occasion, et après avoir signé les papiers du divorce, elle disparut. Elle ne donna plus jamais signe de vie. Clara ne parlait pas souvent d'elle, il n'y avait rien à dire. Camilla, si c'était bien le nom inscrit sur son extrait de naissance dans la case « mère », était une ordure. Les seuls souvenirs qu'elle avait d'elle étaient des bribes d'absurdité où elle préférait boire une bière plutôt que de passer du temps avec sa fille. Elle l'avait portée pendant neuf mois, et pendant neuf ans, elle lui avait rabâché que c'étaient les pires années de sa vie.
Ce n'est pas tout, son père, souvent absent pendant les premières années de sa vie afin de ramener assez d'argent pour nourrir la petite famille, ne s'était rendu compte de la monstruosité qu'était sa femme que le jour des huit ans de Clara. Ce jour-là, Clara s'en souvenait comme si c'était gravé dans sa mémoire.
Heureuse d'avoir huit ans, comme tout enfant qui se respecte, Clara avait sauté sur le lit de ses parents en répétant sans cesse que c'était son anniversaire. Son père s'était alors levé, avait embrassé son front puis celui de sa femme avant de la câliner avec amour et d'aller lui préparer un merveilleux petit déjeuner. Sa mère, en revanche, ne lui montra pas beaucoup d'affection. Elle lui tapota la tête puis partit sous la douche. Camilla vivait pour sa sécurité financière, elle aimait les bières, les clopes, mais en dehors de ces achats impulsifs, elle ne dépensait jamais un sou, et ce n'était pas le sourire de ce gamin ni ces quelques sous en moins à payer aux impôts qui allaient la faire changer d'avis.
À ce moment-là, rien n'avait encore dérapé, le monde de Clara tournait très bien, et son sourire ne vacillait pas.
— Tiens ma grande, voilà pour toi, avait dit son père en lui tendant une assiette de pancakes.
La petite avait tendu les mains et pris l'assiette. Elle mangea et conversa la bouche pleine avec son père dans la plus grande des joies. Laurent était heureux de voir sa fille. Cela faisait des semaines, voire des mois, qu'il n'avait pas passé de temps avec elle, et il avait fermé son bar, car en temps normal, il menait une vie décalée par rapport à la sienne. Ce n'était pas toujours facile de rentrer le matin et de dormir quelques heures dans la journée. Il prit à son tour son déjeuner et laissa une part à sa femme sous une assiette pour que cela reste chaud.
Ce fut lorsque Laurent lui offrit un cadeau que la journée vira au cauchemar.
— Tu n'as pas besoin d'acheter ces trucs, dans quelques années, elle n'y touchera plus, s'agaça Camilla.
— Laisse-la profiter, chérie, c'est son anniversaire, rétorqua doucement Laurent.
Camilla s'approcha de sa fille et regarda par-dessus son épaule. Elle s'énerva.
— Un puzzle n'est pas utile, s'entêta-t-elle.
— À son âge, si, ça lui apprend la patience et...
— Tu aurais dû lui en prendre un avec plus de pièces, deux cents ne suffiront pas dans ce cas.
Laurent ferma son poing sur son pantalon. Il ne voulait pas se disputer devant sa fille. Il se détendit, caressa les cheveux doux de la petite avant de lui demander :
— Monte dans ta chambre, ma grande, va jouer avec. J'arrive dans pas longtemps.
Clara ne répondit pas, mais elle se pressa de prendre la boîte de jeu et de l'essayer. Pas une seule seconde, elle ne se douta que ce serait son dernier anniversaire avec ses deux parents ensemble.
Finalement, même si la perte d'une mère n'était pas favorable à l'équilibre d'un enfant (aussi horrible qu'elle ait été), Clara sut que c'était pour son bien. En plus, cela lui permit de se rapprocher de son père.
Ensuite, à ses douze ans, Laurent se remaria avec une femme adorable, plus jeune que lui, mais cela ne posait aucun problème, et refit sa vie. Il eut deux enfants avec elle. Pourtant, même si Clara s'habitua à cette nouvelle vie, cette nouvelle famille aimante, elle préféra devenir rapidement autonome et laisser son père embrasser ce deuxième amour bien plus sincère. Avec plus de maturité, elle aurait avoué se sentir de trop. C'est pourquoi, dès ses seize ans, elle chercha un emploi et, dès qu'elle le put, partit. Elle revenait tout de même les week-ends pour profiter de ses deux petites sœurs.
Ainsi, ce n'était qu'en apparence que Clara Jiggers avait une vie idéale.
2
— Clara ! cria Zoé.
Elle frappa contre la porte un peu plus fort.
— Bordel, Clara ! On a un examen ce matin !
Avec ses cheveux longs relevés en une queue de cheval, mince et élancé, Zoé Bridge était la meilleure amie incontestée de Clara Jiggers. Les deux filles s'étaient rencontrées au collège et avaient noué des liens après une stupide bagarre pour un garçon, Martin, qui d'ailleurs avait beaucoup apprécié de voir deux demoiselles se battre pour lui. Aucune des deux n'avait eu ce petit con d'ailleurs.
— Je te jure, je vais...
— Gueule pas si fort, Zoé, les voisins vont se plaindre, la coupa Clara en ouvrant la porte.
— Si tu préfères que je te laisse dans la merde, dis-le moi. Au moins ça m'évitera de faire un putain de détour, grommela la blonde en entrant.
Clara haussa les épaules et Zoé soupira.
Son amie avait beau être une perle — et surtout l'une des personnes qu'elle chérissait le plus au monde —, Clara était une incurable lève-tard et devenait la pire des connasses tant qu'elle n'avait pas pris son café matinal. Bien évidemment, sa mauvaise langue n'était en aucun point comparable à celle de la blondinette, elle était toujours très piquante.
— Bouge ton cul, l'épreuve commence dans vingt minutes, insista Zoé.
Clara ne releva pas, mais passa à la douche pendant que Zoé prenait ses aises. Elle ouvrit la fenêtre et alluma une clope. Elle ne s'en grillait pas souvent, une tous les lundis pour se motiver si elle était déprimée à cause de la semaine qui commençait, et une ou deux autres lors des fêtes pour être un peu plus pété parce que l'alcool lui filait la nausée.
— Passe-moi ma serviette, je l'ai oubliée sur l'étendoir ! tonna Clara depuis la salle d'eau.
— Quoi, t'as peur que je voie ton p'tit cul blanc si tu viens le chercher ? Faut pas avoir honte.
— Fais pas chier, Zoé, t'as pas dit qu'on était pressé ? rétorqua Clara.
La blonde tira sur sa cigarette, puis la coinça entre ses doigts. Elle entra dans la cuisine et passa la petite porte qui s'ouvrait sur une petite pièce à ranger. Quelle chieuse, j'te jure, se dit-elle silencieusement en pensant à Clara. Elle lui amena sa serviette puis termina sa clope à la fenêtre. Elle jeta proprement son mégot à la poubelle après l'avoir appuyé contre l'évier humide ; elle en avait déjà jeté une à demi allumée dans une poubelle et elle avait pris feu, ainsi que son ancien pull préféré, de quoi retenir la leçon.
Clara sortit de la douche cinq minutes plus tard et s'habilla dans sa chambre.
— C'est bon ? La princesse est prête ? s'impatienta Zoé.
— Ouep, je suis prête Raiponce, répondit Clara.
Elle apparut dans le salon sur ces mots, habillée et sac sur l'épaule. Elle se moqua bien du regard irrité de sa meilleure amie et la prit par l'épaule.
— Bon, en avant pour mater les jolis culs ! siffla Clara.
— Faudrait que t'aies Vivian devant toi, sinon j'donne pas cher de ta peau, se moqua-t-elle en sortant de l'appartement.
Clara se crispa. Zoé nota le changement d'attitude très rapidement, elle lui lança un regard appuyé lorsqu'elles entrèrent dans l'ascenseur. Clara n'était pas du genre à parler beaucoup, surtout lorsqu'il ne s'agissait pas de choses joyeuses, pourtant, Zoé restait la seule personne à qui elle osait parler franchement.
— On a rompu, déclara Clara après un moment de silence.
— Quoi ? s'étonna l'amie.
— Hier soir, on a rompu, répéta-t-elle en évitant son regard.
— Ah.
Zoé n'avait pas vraiment les mots face à la nouvelle. Clara et Vivian avaient été en couple depuis presque un an maintenant, et même si les disputes avaient pris une grande place dans leur relation, l'amour passionnel qu'ils avaient les avait toujours rapprochés. Jusqu'à hier soir apparemment.
— Et il s'est passé quoi ? Il t'a plaqué ? demanda Zoé, perplexe.
— Non, en fait, c'est moi qui l'ai plaquée. Il a commencé à me disputer avec sa voix de "je connais mieux la vie que toi" tu sais, et j'ai décroché à la première phrase. Après on s'est engueulés et j'en pouvais plus, je tenais à lui mais aussi à ma peau, si on se dispute autant on n'arrivera jamais à construire quelque chose.
Zoé écouta les explications de sa meilleure amie. À vrai dire, Vivian était un mec avec un fort caractère, et même si Clara était quelqu'un de très patiente, elle était aussi du genre à ne pas se prendre la tête et préférait filer loin des problèmes inutiles. Elle ne comprenait pas les personnes jalouses et détestait celles qui lui reprochaient des absurdités infondées. Elle était fidèle, mais ça, avec son joli visage, personne ne le saisissait. Il aimait bien se pavaner devant ses potes de sport, ce qui n'arrangeait pas sa condition d'ailleurs.
— Et ça va ? demanda Zoé.
— Ouais, t'inquiète, ce sera pas le dernier mec que j'aimerai.
Cependant, il le fut, et ce pendant un bon moment.
3
Clara Jiggers sortit de l'enceinte de l'université avec Zoé à ses côtés. Leur examen était enfin terminé, et Clara était impatiente de passer à autre chose. Zoé s'apprêtait à rentrer, elle avait un rendez vous médical, tandis que Clara avait décidé de se rendre à la bibliothèque.
— On se voit ce soir ?
— Hum, chez Rachid pour 20h, acquiesça Zoé.
Elles se saluèrent et partirent chacune de leur côté.
Les couloirs du bâtiment des sciences étaient moins fréquentés que d'habitude, ce qui était une bonne chose pour Clara qui cherchait à se concentrer. Alors qu'elle marchait d'un bon pas, absorbée par ses pensées et surtout par son téléphone dans lequel elle vérifiait ses messages, elle ne remarqua pas tout de suite la silhouette qui se trouvait devant elle.
Elle heurta quelqu'un de plein fouet, et un bruit sourd résonna alors que la personne tombait lourdement au sol. Clara se précipita pour aider, un sentiment de panique envahissant ses yeux alors qu'elle se penchait pour aider l'inconnu.
— Oh mon Dieu, je suis désolée ! s'exclama Clara en tendant une main vers la personne au sol.
Une jeune femme aux cheveux châtains bouclés et aux yeux timides, leva lentement la tête. Elle était en train de se relever, le visage légèrement rouge de gêne et de douleur. Clara remarqua tout de suite à quel point elle était mignonne, malgré son air un peu perdu.
— Ça va ? demanda Clara en se penchant davantage pour l'aider à se relever.
Elle se frotta les genoux, visiblement embarrassée.
— Oui, ça va, merci... Je suis vraiment désolée, je ne regardais pas où j'allais, répondit-elle d'une voix douce.
— C'est moi qui devrais m'excuser. Je ne t'avais pas vue, expliqua Clara avec un sourire rassurant.
Elle évita le regard de Clara, se concentrant sur ses affaires éparpillées autour d'elle. Clara remarqua un petit carnet qui était tombé près d'elles. Elle le ramassa et le tendit à la fille, qui le prit avec un soupir de soulagement.
— Non non ne t'embête pas, murmura-t-elle, ses joues devenant encore plus rouges.
— J'insiste, je suis en partie fautive.
Il y eut un silence, puis la plus grande le brisa.
— Je suis Clara, au fait.
— Rachel, répondit-elle poliment.
— Tu allais à la bibliothèque aussi ?
— Oui, j'ai un exposé à faire.
— Je t'accompagne.
Rachel rougit. Elle accepta l'offre et se remit en marche, suivie par Clara. Les deux filles commencèrent à discuter, et Clara découvrit que Rachel avait un intérêt particulier pour la biologie, ce qui les amena à échanger des anecdotes et des petites histoires sur leurs cours.
En se rendant à la bibliothèque, Clara constata que Rachel était très agréable et que sa timidité ne faisait que masquer une personnalité charmante et intéressante. Elle décida même de lui proposer de se retrouver une fois prochaine.
Qui sait si elle arriverait plus vite que prévu ?
4
Clara passa en revue de nombreux mecs qui se trouvaient sur cette application. Elle n'en reconnut pas un seul, soit parce qu'ils se trouvaient à des kilomètres de son pays, soit parce qu'ils portaient des pseudos bizarres accompagnés de photos mal prises. Plus sérieusement, elle se dit que finalement, elle avait fait une erreur. Et si elle tombait sur un psychopathe ? Ou bien un mec qui se faisait passer pour ce qu'il n'était pas ? De plus, aucun ne lui plaisait réellement. Ils étaient beaux, oh ça oui, mais aucun n'avait suscité cette étincelle de curiosité.
Jusqu'à ce qu'elle reçoive une notification.
« Monsieur R souhaite discuter avec vous. »
— Monsieur R ? , répéta-t-elle à voix haute.
Et alors qu'elle était à deux doigts de supprimer son compte, elle accepta.
5
Personne ne fut réellement curieux de la vie sentimentale de Clara, quoique Zoé lui ait demandé ce qui la rendait aussi joyeuse ces derniers temps. La brune, qui discutait depuis quelques semaines avec ce Monsieur R, était en effet de très bonne humeur. Ce gars n'était pas venu lui parler avec des phrases bancales comme "Salut, d'où tu viens ?" ou encore "Hey, ça va ?". Non, ce charmant Monsieur R avait directement engagé une conversation qui avait suscité l'intérêt de Clara. D'ailleurs, un petit jeu de séduction s'était installé entre eux : l'interlocuteur, qu'elle savait être sur son campus, s'amusait à lui cacher des post-it où elle trouverait des informations sur lui. Pour l'instant, elle ne connaissait que ses passions, quelques morceaux de son passé, et vraiment peu de choses sur son physique.
— Qu'est-ce que tu fais ?" demanda Zoé en sortant de la douche de son amie, une serviette autour de la taille.
Hier soir, elles étaient allées en boîte, et comme souvent, la blonde était allée chez sa meilleure amie pour terminer la soirée et décuver.
— Je viens d'envoyer un message à Monsieur R, répondit Clara.
— Ah, le fameux dont tu ne connais toujours pas le nom ? ricana-t-elle.
— Exactement.
La brune se leva finalement, puis avant que son amie ne puisse la taquiner, elle lui arracha sa serviette de bain.
Zoé lâcha un cri de surprise et se couvrit ses parties intimes.
— Je vais à la douche !
— Connasse, l'insulta Zoé en se pressant d'aller enfiler ses affaires.
Du fond de la salle de bain, Clara explosa de rire. Elle adorait ces petits moments où elle faisait tomber le masque de froideur de son amie. Contrairement à son apparence presque mignonne avec ses longs cheveux blonds, la teinte claire de sa peau et ses traits fins, Zoé était plutôt discrète et assez mystérieuse. Son humour se résumait souvent à la misère des autres, et elle ne manquait jamais une occasion de briser les moments de bonheur de ses amis ; cependant, elle avait la décence de se retenir lorsque le sujet était sensible.
Clara se débarrassa de son haut, posa la serviette, et entendit qu'elle venait de recevoir une notification : Monsieur R venait de lui répondre.
Clara :
"Raconte-moi tes secrets, Monsieur R,"
Monsieur R :
"T'es plutôt matinale pour un dimanche, et je suppose que j'ai beaucoup de secrets pour toi,"
"Je pourrais passer mes journées à regarder des Films et à manger du Nutella. Ça compte ?"
Clara :
"Mouais, c'est un peu léger. Tout le monde regarde des films et mange du nutella, hier aprem on s'est vu Blanche neige pour te dire"
Monsieur R :
"Ahah, tu sais que je pourrais ruiner ta réputation avec une info pareille ?"
Clara :
"Tu peux essayer, mais avec ça, ton secret sera exposé,"
Monsieur R :
"Tu ne connais vraiment pas le but des rumeurs. Personne ne saura que ça vient de moi"
Clara :
"Tu ne comptes toujours pas me dire qui tu es ?"
Monsieur R :
"Tu n'as toujours pas trouvé qui je suis, nuance."
Clara :
"Un indice alors ?" demanda Clara.
Monsieur R :
"Têtue, hein ? Dans ce cas, je peux te dire que le 'R' de mon pseudo ne vient pas de mon nom de famille."
Clara :
"De ton prénom alors ?"
"Monsieur R ?"
Elle n'obtint sa réponse que bien des semaines plus tard.
6
— Moi, je suis sûr que le 'R' est la première lettre de son prénom, affirma Stan d'abord. Il ne répond jamais à cette question parce que si il le fait, ça éliminera beaucoup de gars.
— Tu le fais exprès ou t'es juste con ? soupira Miriam. Elle enleva ses lunettes de soleil pour le regarder droit dans les yeux. « Raphaël, Romain, Renaud, Rayan, Robin, Rodolphe, Rudy, Rémi, Rémy - Y - Robert, Ruben, énuméra-t-elle rapidement, « même si ça élimine une bonne partie du campus, ça n'avancera en rien. »
— Y'a aussi Rachid, mais ça match pas. Monsieur R a dit qu'il aimait visiter les aquariums, Rachid préfère les sushis, se moqua Zoé.
— Moi et mes rondeurs on t'emmerde, rétorqua la demoiselle.
La blonde lui tira effrontément la langue.
— Faudrait qu'il te donne une description physique », spécula Gautier.
Clara et ses amis approuvèrent. En réalité, tant qu'elle n'avait pas plus d'informations personnelles, et surtout corporelles, la chasse à la sorcière ne pouvait pas réellement avancer. D'ailleurs, ce n'était pas avec quelques anecdotes de la vie courante qu'elle pouvait trouver qui était Monsieur R ; après tout, les bêtises de l'enfance pouvaient se ressembler d'une personne à une autre. Tout le monde s'était déjà coupé les cheveux au moins une fois dans sa vie, avec pour résultat le droit à une tête d'œuf ou à une frange, tout le monde avait fait pipi dans un endroit peu recommandable, tout le monde s'était pris la honte en classe.
Pour trouver ce Monsieur R, il fallait à Clara quelque chose de plus singulier.
— Et pour peu, 'R' c'est même pour un autre mot, genre 'R' comme Romantique, rajouta Gautier.
— J'sais pas, non j'y crois pas trop, ce serait super tordu, réfuta Clara.
— Tu ne le connais pas réellement, et puis, confia-t-il, il est déjà assez mordu pour faire cette histoire de Monsieur R sur un site de rencontre ».
Gautier s'enfonça dans son siège. Il avouait avoir remarqué le changement de son amie depuis qu'elle parlait à cet inconnu. Même s'il n'appréciait pas l'idée de tomber amoureuse d'une personne rencontrée sur les réseaux sociaux, surtout avec un gars qu'elle ne voyait pas, il retrouvait le sourire qu'elle avait perdu suite à sa rupture avec Vivian.
— J'pense... , commença Clara, que je l'aime bien. Ça fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi détendue en parlant à un gars.
Miriam se mordit la lèvre, mal à l'aise. Tout portait à croire qu'elle savait quelque chose, mais l'intéressée ne releva pas, n'y ayant pas fait attention.
— Ne t'enflamme pas trop quand même, Clara, ce n'est qu'une personne derrière un écran.
7
Clara se réveilla en sursaut, un éclat de lumière venant directement du soleil filtré à travers les rideaux de son appartement. Elle avait l'impression d'avoir à peine fermé l'œil, mais le réveil affichait déjà midi passé. Avec un grognement, elle se leva et se dirigea vers la cuisine pour préparer un café bien mérité.
Elle avait à peine commencé à boire son café quand un coup à la porte la fit sursauter. En traînant les pieds, elle se rendit à la porte et l'ouvrit pour découvrir Zoé, un sourire en coin et les bras chargés de sacs de courses.
— Tu déconnes ? soupira la blonde en entrant sans invitation.
— Quoi ? souffla Clara, toujours en train de siroter son café, sa voix encore endormie.
— C'est 11 heures trente passées et tu viens de te lever ? s'étonna Zoé en secouant la tête.
Clara haussa les épaules avec un sourire désinvolte. Zoé, en levant les yeux au ciel, posa les sacs sur le comptoir et se mit à déballer tout un assortiment de produits : des légumes frais, du pain croustillant, du fromage, et même des pâtisseries. Clara observa la scène avec un mélange de surprise et de gratitude.
— D'ailleurs, pourquoi t'es là ? C'est dimanche, il me semble, fit-elle remarquer en se frottant les yeux.
Son amie lui lança un regard sans appel.
— Je peux toujours repartir avec ce que j'ai acheté, tant pis pour ton estomac, dit-elle en agitant un paquet de croissants sous le nez de Clara.
L'estomac de Clara, qui protesta bruyamment, sembla lui donner raison. Elle soupira et se dirigea vers le comptoir.
— Aide-moi au lieu de ruminer, espèce d'imbécile, ordonna Zoé en mettant les légumes dans le réfrigérateur.
— Ravie de te voir aussi, Raiponce, répondit Clara avec un sourire en coin.
Clara se mit au travail aux côtés de Zoé. Les deux amies commencèrent à préparer le brunch ensemble, mélangeant des ingrédients avec une synchronisation presque parfaite. La cuisine de Clara devint bientôt un véritable champ de bataille culinaire : des tomates tranchées se mélangeaient à des morceaux de fromage, des épices et des herbes volaient de tous les côtés, tandis que le doux parfum des pâtisseries et du pain grillé emplissait l'air.
— Vivian m'a appelé ce matin, il te demandait car tu ne répondais pas, Fit Zoé.
Clara comprenait maintenant la raison de sa venue. Elle grimaça.
— On en a déjà parlé. Vivian est un chapitre clos.
— Tant mieux, c'était un vrai con.
— Et pour l'instant, je me concentre sur autre chose.
Zoé la regarda de biais.
— Ne me dis pas...
— Il est vraiment cool Zoé. Genre vraiment.
— Je n'ai rien à te dire.
Clara ne renchérit pas. Elle comprenait bien ce que lui disait son amie, mais elle se contenterai de faire la sourde oreille.
Clara et Zoé passèrent l'heure suivante à dévorer le brunch, avec des rires et des taquineries ponctuant leur repas. Zoé avait toujours ce talent pour rendre les tâches les plus banales amusantes.
Clara sourit, satisfaite de la réaction de son amie. Elles continuèrent à discuter, plaisanter et profiter du repas jusqu'à ce que Zoé vérifie l'heure sur son téléphone.
— Bon, je dois filer. Je dois passer à la pharmacie et voir Mamie. Et puis, il paraît qu'il y a une nouvelle expo en ville. Je pensais y aller après, tu veux venir ?
— Ouais, si je ne pars pas me redormir.
— Tu es désespérante.
Clara acquiesça — elle n'allait pas la contredire, c'était vrai —, et Zoé quitta l'appartement.
8
Clara décida de se préparer pour sortir un peu, finalement, elle avait accepté l'offre de sa meilleure amie et s'était préparée, avant de quitter son appartement.
En marchant dans les rues animées de la ville, Clara se dit qu'elle avait un peu de temps devant elle et se rendit au café du coin, un lieu populaire parmi les étudiants, pour se détendre avec un bon livre et peut-être rencontrer quelqu'un de nouveau.
Elle poussa la porte du café, accueillie par le doux parfum du café fraîchement moulu et le murmure des conversations animées. Les tables étaient presque toutes occupées, mais Clara repéra une place libre près de la fenêtre et s'y installa.
Alors qu'elle commandait un cappuccino au comptoir, elle remarqua une silhouette familière en train de coller des post-it sur les gobelets. C'était Rachel, vêtue d'un tablier avec le logo du café et concentrée sur sa tâche. Clara hésita un instant, son esprit tourmenté par une pensée étrange.
Rachel leva les yeux en la voyant et offrit un sourire timide.
— Clara ! Quelle surprise de te voir ici.
— Salut, Rachel. Je viens juste pour un café. Et toi, tu travailles ici ?
Rachel hocha la tête en souriant.
— Oui, je travaille ici les weekends. Ça me permet de gagner un peu d'argent en plus de mes études.
Clara s'approcha du comptoir pour payer et observa Rachel en train de poursuivre son travail, collant méticuleusement des post-it avec des messages encourageants et des dessins amusants sur les gobelets.
— Ces post-it sont pour les clients ? demanda Clara en s'adressant à Rachel.
— Oui, c'est une idée du patron. Ça ajoute une touche personnelle et fait sourire les gens.
Clara sourit, touchée par le geste. En prenant son café, elle sentit son téléphone vibrer dans sa poche. En le consultant, elle vit un message de Zoé lui rappelant l'expo en ville.
— Je vais y aller. Peut-être qu'on se verra plus tard ? proposa Clara.
— Oui, ce serait sympa, répondit Rachel avec un sourire.
Clara se dirigea vers la sortie, son esprit encore hanté par cette pensée bizarre concernant Rachel. Et si ? Non, impossible. Monsieur R ne pouvait pas... Non.
Elle décida de ne pas laisser cette idée l'embêter davantage et de profiter de sa fin de journée.
A dire vrai, peut-être que son idée était pas si folle.
9
Anders Foster, le nerd reconditionné en intello mignon, avait organisé une petite fête chez lui suite à une semaine chargée avant les vacances. Ils étaient une vingtaine d'étudiants, un peu serrés dans l'appartement qu'il louait avec son cousin.
Le petit groupe d'amies, dont Clara, y avait fait un saut, bien décidé à profiter d'une soirée festive.
— J'avais raison, ce jean te fait un cul d'enfer, souffla la brune à son amie.
— C'est bien pour ça que je l'ai mis, répondit Zoé.
Son sourire béat traduisait son ivresse certaine. Si Clara avait déjà bu quelques bons verres, tenant encore bien sur ses jambes bien que sa pensée ne fût plus au summum de ses capacités, Zoé était dans un autre monde après l'immonde merde qu'elle venait de fumer. Lola, alias la Sam des soirées, prenait du bon temps avec Miriam et Rachel, qui avaient pris place sur le divan, puisqu'elles ne pouvaient plus tenir debout (note à elles-mêmes pour le lendemain : elles ne mettraient plus jamais de talons aussi hauts si elles comptaient se bourrer la gueule).
— Faut que j'envoie un message à Monsieur R », déclara Clara subitement.
La blonde ne put que hocher activement la tête, préférant de loin danser contre les autres corps brûlants, et laissa Clara marcher en direction du balcon. L'accès n'y était pas interdit, même si, pour la sécurité des étudiants ivres-mortes, il aurait fallu. Clara prit une bouffée d'air frais.
Elle voulait savoir qui elle était, ça la rongeait. Elle ne pouvait pas dire avec certitude qu'il s'agissait de l'amour, mais elle appréciait ces moments de confession et de partage, bien plus sincères qu'avec n'importe quelle autre de ses conquêtes. Puis une idée naquit dans son esprit. Peut-être que si elle l'appelait, Monsieur R répondrait, et elle entendrait sa voix.
Elle pressa le bouton d'appel.
Et il décrocha.
— Allô ? fit une voix masquée par un brouhaha.
— Monsieur R ?
— Hein ?
Clara se passa la langue sur les lèvres, bien plus confuse que stressée à l'idée de parler avec l'inconnu mystérieux. Quelque chose ne tournait pas rond. Pourquoi entendait-elle le fond de la même musique qui passait dans l'appartement où elle se trouvait ?
Cela ne pouvait pas être une coïncidence.
Elle se tourna, sondant d'un regard hébété les personnes autour d'elle. Son pouls s'accéléra.
— Allô ? C'est qui ?
La brune redevint sobre dès l'instant où elle comprit ce qui se passait. L'incertitude, la colère aussi, animèrent son cœur, et elle raccrocha. Ses pieds prirent d'eux-mêmes la direction de la sortie.
10
— Putain Clara, j'étais super inquiète ! s'écria Zoé lorsque son amie ouvrit la porte.
La blonde, après avoir recouvré ses esprits, avait passé des heures devant son appartement en espérant qu'elle rentre chez elle. Elle avait fini par rendre les armes, avait fait demi-tour vers son domicile et, après un sommeil vain pour effacer sa fatigue, elle était retournée chercher son amie.
— T'as disparu sans rien dire à personne et tu répondais pas ! Qu'est-ce qui t'a pris ? lui reprocha-t-elle.
Zoé entra, se fichant pas mal de la tête défoncée que pouvait avoir son amie.
— Alors ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Hier, j'ai appelé Monsieur R, répondit Clara.
— Et ? Qu'est-ce que ça peut me foutre sérieux ?
Clara croisa les bras sur son torse, excédée.
— Il a décroché, commença-t-elle avant de se reprendre, ou devrais-je dire, ELLE a décroché. »
Le visage de Zoé perdit des couleurs. « ELLE a décroché », se répéta-t-elle, comme si elle n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait.
— Tu captes maintenant ? demanda Clara avec colère, c'est TOI qui as répondu putain !
La blonde arrêta de respirer. Elle aurait pu lui sortir une excuse idiote du genre qu'elle s'était trouvée avec Mademoiselle A pendant la soirée et qu'on lui avait pris son portable. Mais quelles étaient les probabilités que ce soit arrivé de toute manière ? Elle était tellement défoncée hier, elle se félicitait presque d'avoir saisi que son portable avait sonné.
Clara la regarda un moment. Et rit. Putain. Maintenant elle comprenait tout. Monsieur R. R pour Raiponce ! Comment avait-elle fait pour ne pas le voir avant ?
Zoé s'était fait prendre la main dans le sac.
— C'est allé trop loin, je suis désolée.
— Désolée ?
— Je ne comptais pas te faire de mal, je voulais juste me sentir plus proche de toi malgré ce corps de femme, avoua-t-elle.
Clara cogna son poing contre la table.
— Frappe-moi si ça peut apaiser ta colère, mais je ne veux pas qu'on arrête ce qu'on a, souffla Zoé, impuissante.
— Ce qu'on a ? » ricana-t-elle. On n'a rien, Zoé.
Elle la regarda avec écœurement puis ajouta :
— Tu m'as vraiment pris pour une conne, cracha-t-elle d'abord. T'étais ma meilleure amie ! Comment as-tu pu faire ça sérieux ?
— Je suis désolée.
— Garde tes excuses, j'en ai pas besoin.
Clara se sentait trahie, humiliée. Si elle avait mis des barrières avec certains de ses amis qui se fichaient éperdument d'elle, la jeune femme n'aurait jamais pensé que sa meilleure amie soit capable d'une telle chose. Jamais elle n'aurait cru que Zoé puisse lui faire un coup pareil. Elle ne voulait rien savoir, ni de ses excuses ni de ses explications. Elle avait joué avec elle, c'était tout ce qu'elle avait fait.
Elle pointa la porte.
— Sors de chez moi.
Zoé se leva, les larmes aux yeux, et sortit.
11
Les jours passèrent, les vacances aussi, et la rentrée arriva. Zoé n'avait pas cherché à contacter Clara depuis la révélation de son terrible secret. Elle lui avait envoyé un long message d'excuses juste après avoir été mise dehors, mais rien de plus. Elle avait besoin de temps, du moins assez pour se faire à l'idée qu'elle portait des sentiments plus qu'amicaux et se remettre de cette histoire avec Mademoiselle A.
Malgré cela, l'inévitable arriva. Zoé fit face à Clara.
Son (ex) meilleure amie la considéra un instant, ne sachant pas comment aborder le fait qu'elle ne voulait plus la voir devant ses amis. Elle tenta de l'ignorer, mais la blonde la rattrapa. Les regards se firent curieux dans le couloir, car tout le monde savait que ces deux filles avaient été jusqu'alors inséparables.
— Fais comme si je ne ressentais rien, mais ne m'ignore pas, demanda doucement Zoé, mal à l'aise.
— Parce que tu crois que c'est ça qui m'inquiète ? rétorqua Clara, se dégageant de sa prise.
— Je m'en fous que tu sois lesbienne ! s'emporta-t-elle, lui adressant un regard noir. Je n'aurais jamais dénigré tes sentiments si tu me les avais confessés avant de faire cette merde. T'avais pas confiance en moi ? C'était quoi ton problème ?
Les joues de Zoé rougirent. Leurs amies, et d'autres personnes curieuses qui se trouvaient là, hoquetèrent de surprise. Jamais Clara Jiggers n'avait haussé la voix sur son amie.
— Tu me connais, non ? Je n'aurais jamais traité ces sentiments de façon stupide ou quoi que ce soit, insista Clara.
— Je ne pouvais pas savoir que tu aurais réagi différemment de lorsque Léo a avoué qu'il était gay ! se défendit Zoé.
Clara ne se détendit pas.
— Léo, c'est Léo, putain. C'était un idiot avec des gros bras qui pensait qu'à se faire bien voir. On en a rigolé mais c'est jamais allé plus loin. On ne l'a jamais humiliée.
Zoé n'ajouta rien. Que pouvait-elle dire de plus de toute manière ? Elle ne voulait rien entendre, faisait la sourde oreille, et bien qu'elle détestât ça, la blonde admettait que c'était totalement sa faute. Elle n'avait pas voulu la blesser, mais c'était ce qu'elle avait fait.
Elle n'avait pas non plus voulu lui cacher qu'elle aimait les hommes, et à vrai dire ce n'était pas totalement vrai. Les femmes l'attiraient, mais en tombant sous le charme de Clara après l'avoir côtoyée pendant des années, elle avait compris que l'amour ne se résumait pas à un genre. Elle aurait pu tomber amoureuse de n'importe qui d'ailleurs, une femme rondement généreuse, un gringalet adorable, une gothique sympathique, ou bien le soi-disant stéréotype du gay. Cela n'avait pas d'importance, elle aimait une personne pour ce qu'elle était. Et elle, Zoé Bridge, était amoureuse de sa meilleure amie.
La brune se tourna et affronta le regard de ses amies.
— Vous le saviez ? demanda-t-elle.
Elle n'avait pas besoin de préciser ses dires. Que ce soit Miriam, Lola, Stan ou Aglaé, tous étaient au courant.
— Vous n'êtes pas mieux qu'elle, souffla-t-elle, avant de tourner les talons.
12
Un long mois était passé depuis que Clara avait appris la vérité. Sa colère avait été remplacée par de l'amertume, et elle avait beaucoup pensé à Zoé.
Elle ne cautionnait pas ce que Zoé lui avait fait. Rancunière comme elle était, elle pourrait lui en vouloir pendant encore longtemps. Pourtant, après réflexion et après avoir passé de longues heures à essayer de se mettre à sa place, elle avait saisi le problème qui s'était posé à la blonde. Elles entretenaient une relation amicale depuis des années, et par-dessus le marché, Clara n'avait eu que des petites amies éphémères avant Vanessa. Alors s'attendre à ce que Zoé se confie directement à elle était plus facile à dire qu'à faire.
Mais maintenant, que faisait-elle ? Devait-elle retourner tranquillement à son quotidien et faire comme si rien ne s'était passé ? Devait-elle continuer à l'ignorer ?
Ou alors devait-elle répondre à ses sentiments ? Clara avouait que l'idée l'avait travaillée. Zoé était une belle fille, mince et élancée, et correspondait aux attentes qu'elle avait de son amante. Par attentes, elle entendait que la blonde était quelqu'un de bien, qu'elles pouvaient avoir des conversations sérieuses et qu'elles avaient cette joie de vivre commune. Pouvait-elle l'aimer plus qu'une simple amie ? Les sentiments ne se contrôlaient pas, elle ne pouvait pas s'imposer d'aimer Zoé en un claquement de doigts.
Son portable se mit à sonner et ce qu'elle lut fit trembler ses doigts.
Monsieur R souhaite partager un appel avec vous.
Clara hésita. Pourquoi son cœur s'emballait-il rien qu'à la pensée d'entendre sa voix ?
Elle décrocha.
« Clara ? »
L'interpellée ne répondit pas, mais Zoé sut qu'elle l'écoutait.
« Je sais que j'ai merdé avec notre relation. J'aurais dû te parler de ce que je ressentais au lieu de jouer avec toi. C'est allé vraiment trop loin et je m'en excuse. Il n'y a pas un jour où je me réveille en me disant que j'aurais dû faire autrement. J'ai compris que tu ne voulais plus me voir, et je respecte ça. Je... je changerai de place en cours, je t'éviterai à la fac et je resterai plus avec... »
— Je crois que je t'aime aussi, la coupa Clara.
Elle entendit Zoé lâcher un cri.
« Quoi ? »
— T'as toujours été ma meilleure amie, et tu as beau être une fille, j'ai toujours cherché quelqu'un qui te ressemblait, avoua-t-elle.
Depuis l'autre bout du fil, Zoé avait dû s'asseoir, troublée par ce qu'affirmait son amie.
— Bon, je vais avoir un peu de mal avec... ce que tu as en plus, mais je ferai avec, dit-elle d'abord, et puis je risque d'avoir besoin d'un peu de temps pour m'acclimater à ce que nous soyons un couple...
Elle entendit subitement le bip.
— Zoé ? hoqueta-t-elle. Elle vient de me raccrocher au nez ?!
Sa surprise fut de courte durée lorsqu'elle entendit, quelques minutes plus tard, quelqu'un toquer à sa porte. Clara ouvrit sur Zoé, les joues rouges et les cheveux en bataille.
— T'es sérieuse ? demanda-t-elle d'une voix haletante.
— Va pas croire que je te pardonne, je vais t'en faire baver, Raiponce, rétorqua Clara.
Qui sait, c'était peut-être le début de leur happy end ?
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