Nous sommes rangés dans la boite. Bien en place.

Tout à l'heure, nous entendions des bruits dans la cuisine, des discussions et quelques rires. Maintenant, le calme est revenu.

Ils sont installés dans leur fauteuil, face à la boite qui parle. Deux d'entre nous vont disparaître ce soir. Nous n'en sommes pas tristes, nous avons été créés pour cela. Il nous faut être vigilants, ils n'ouvrent jamais la boite à la même heure. Pourquoi ? Personne ne le sait. Ah ça y est ! Elle se lève, c'est presque toujours elle.
Elle s'approche de la boite, soulève le couvercle. Elle est souriante mais semble fatiguée.
Sa main plonge dans la boite, et deux des nôtres se retrouvent face à leur destinée. J'entends un gémissement de plaisir. Elle a avalé un des miens et le laisse fondre tranquillement dans sa bouche. Demain ce sera peut-être mon tour.

Plusieurs jours ont passé, plusieurs des nôtres ont eu la chance d'être choisis. Pas moi. Je suis inquiet. Les discussions sont moins vives, et les rires de moins en moins nombreux. Je sais que je ne suis pas un être capable de réflexion, juste une gourmandise. Mais, depuis quelque temps, j'ai l'impression que le plaisir qu'elle ressent n'est plus le même, comme si c'était juste un geste automatique.
Serait- elle malade ? Et puis il semble que la température est plus froide, ma couche de chocolat est plus dure.

Il y a quelques jours, elle a pleuré longtemps sur le canapé. Je ne sais pas pourquoi. Nous ne sommes plus beaucoup dans la boite. Hier, elle ne l'a pas ouverte. Comme si elle n'avait pas envie de déguster l'un de nous. Mes compagnons et moi sommes d'accord, il se passe quelque chose. Mais que faire ? Nous sommes muets.

Nous ne sommes plus que deux, donc ce soir, je serai choisi. Elle a encore pleuré, seule, puis quand il est arrivé, tous les deux. Puis ils sont partis, et on ne les a pas revus.

Trois jours qu'elle n'a pas ouvert la boite. Ni lui d'ailleurs. Il y a peu de bruits dans la maison. Elle semble moins fatiguée. Pourquoi n'ouvrent-ils plus cette boite ?

Je ne sais plus depuis combien de temps nous sommes tous les deux à attendre. Mais, ce matin, il y avait de la musique. Et je crois avoir entendu un rire. Je crois.

Ils sont entrés dans la pièce, et la boite qui fait du bruit a été allumée. Cela faisait un sacré moment. Elle se lève, lève le couvercle et nous attrape tous les deux. Elle lui donne mon frère
et je reste avec elle.

- Aujourd'hui, une personne m' a dit que je pouvais me faire plaisir. Et bien, je vais le faire, car j' en ai envie.

Elle rigole et me met dans sa bouche. Juste avant de mourir, je me rappelle ce que me disait mon père.

" Nous sommes là pour leur plaisir, mon fils. Ne l'oublie pas. Sois - en fier, comme tous les autres nounours en guimauve"

Et juste avant de disparaître, j'entends son gémissement de plaisir.