Une terrible rencontre
Sans qu'Hitomi le réalise, deux semaines passèrent au rythme effréné qu'Akina imposait à tout son département. Personne ne protestait jamais car elle reflétait avant tout sur elle-même ce qu'elle exigeait des autres. Même Sai, qui ne savait jamais quand la fermer, filait doux confronté à sa supérieure hiérarchique. Kakashi aussi évitait de provoquer l'ire de sa patronne, même s'il arrivait systématiquement en retard quand elle ne le menaçait pas – bien consciente du pouvoir entre ses mains, elle n'abusait jamais de ce chantage.
— Yûhi-san, demanda la jeune femme tandis que la salle de réunion se vidait un matin, est-ce qu'on vous a enseigné à l'Académie la bonne manière d'égorger quelqu'un ?
Interloquée, la jeune fille secoua la tête. Elle croisa le regard impassible de Sai, qui devait à nouveau se charger de l'intendance ce jour-là et ne protestait jamais quand c'était son tour. Au contraire, il semblait presque heureux de se voir attribuer de telles tâches. Il y avait bien plus d'humanité, de sentiments et de faim de socialisation à l'intérieur de lui qu'il ne le soupçonnait lui-même. Danzô ne l'avait pas détruit, ne l'avait pas dévasté ; il s'était contenté de construire un mur entre ces parts de sa personnalité et celles qui pouvaient lui être utiles.
— Non, pas vraiment, finit-elle par répondre d'un ton réservé. Je sais juste qu'il ne faut pas rejeter la tête de la cible vers l'arrière.
Elle battit des paupières, le souvenir des derniers instants de Tayuya revenant à l'avant de son esprit. Certes, elle avait tiré sa tête en arrière quand elle l'avait égorgée pendant l'invasion, mais elle ne savait pas, à l'époque. Elle n'avait appris les premières subtilités de cet art qu'entre les mains d'Ensui, durant leur second voyage, et elles n'incluaient pas la bonne manière d'égorger quelqu'un. Akina se redressa sur son siège et posa son menton sur ses mains jointes.
— Dans ce cas, on va s'en occuper maintenant. Un volontaire ?
Le cœur d'Hitomi s'emballa dans sa poitrine tandis qu'elle posait un regard éberlué sur sa supérieure. Kakashi, Ai et Shômei s'agitèrent ; seul Sai resta impassible, aussi la surprise de la jeune Yûhi s'approfondit-elle encore quand ce fut lui qui prit la parole :
— Moi, Akina-sama.
— Bien. Yûhi-san, levez-vous et placez-vous derrière lui. Sai-san, restez assis, vous êtes trop grand pour qu'elle puisse le faire si vous vous levez.
Tout en luttant pour dissimuler son assaut de nervosité, Hitomi s'exécuta. Ses mains tremblaient légèrement quand, sous les instructions d'Akina, elle lui courba le cou sur le côté à l'aide de sa main droite, jusqu'à ce que son menton se trouve contre son épaule gauche. De l'autre main, elle tenait un kunai contre sa carotide ; la peau de Sai était si pâle qu'elle la voyait battre à travers, délicate et fragile.
Il lui était impossible d'en détourner les yeux. Si elle pressait son kunai dans cette direction, si sa main était agitée du moindre tremblement, il mourrait en quelques secondes. Même Tsunade ne pourrait pas le sauver. Le Murmure s'éleva en elle comme une vague, tentatrice, hypnotique. Sai ne remuait pas d'un cil entre ses mains, comme s'il lui vouait une confiance aveugle – comme s'il ne craignait pas le moins du monde de mourir. Au vu de son passé avec la Racine, Hitomi savait laquelle de ces deux hypothèses se vérifierait.
— Voilà, lança Akina au bout de quelques secondes de silence parfait. Vous savez comment trancher une gorge maintenant, Yûhi-san.
Lentement, elle éloigna sa lame, le relâcha et se rassit à ses côtés, prenant garde à ne pas le toucher. Ses yeux sombres ne cessaient de revenir sur elle et il ne tentait même pas de s'en cacher. Il ne se souciait pas des inhibitions qui perturbaient la vie de la plupart des gens, même les shinobi, ni ne connaissait les règles de politesse qui auraient dû l'empêcher de la regarder de cette façon. Elle se contraignit à l'ignorer et se concentrer plutôt sur Akina, qui avait changé de sujet et assignait une nouvelle mission à Kakashi au Pays des Vagues. Une fois que le Ninja Copieur fut parti, la jeune femme se tourna vers Hitomi et Sai.
— Il est temps que notre dernière recrue accomplisse sa première mission, mais pas en solo. Yûhi-san, Sai-san, voici un ordre d'assassinat pour un noble du Pays des Crocs.
En silence, Hitomi parcourut le parchemin que sa supérieure lui tendait, gravant les informations dans son esprit. L'homme était accusé d'avoir fourni des prisonniers et mendiants de la petite ville touristique qu'il gouvernait à Kabuto. Il ne pouvait être arrêté ou exécuté directement par le Daimyô du Pays des Crocs à cause des alliés qui sécurisaient sa position à la cour – c'était pour cela que le seigneur féodal avait demandé une mission aux shinobi de Konoha, ni alliés ni ennemis, qui ne risquaient pas de trahir ce secret tant qu'il n'y avait pas de raison de se retourner contre lui.
— Il faut que ça ait l'air naturel ou d'un accident, pas vrai ? demanda Sai d'une voix tranquille.
— C'est mieux, mais si ce n'est pas possible, faites en sorte qu'on puisse accuser Kabuto Yakushi.
— Il est très âgé, nota Hitomi en examinant la photo de la cible. Avec le Murmure, si la blessure est discrète, il aura l'air de s'être éteint dans son sommeil.
— Vous avez un plan, dans ce cas. Vous pouvez y aller, les Chûnin de garde savent que vous partez aujourd'hui.
Les deux jeunes gens comprirent qu'elle les congédiait et se levèrent. Hitomi échangea un regard quelque peu incertain avec son camarade puis se dirigea vers la porte. Kakashi se trouvait déjà hors de portée de ses sens, y compris celui qui lui permettait d'identifier les sources de chakra alentours. Elle aurait aimé le rattraper et lui demander conseil concernant la marche à suivre avec Sai, mais il était sans doute déjà sorti du village : elle avait découvert qu'il n'aimait pas traîner avant le départ quand il travaillait seul. Il rendait son hommage coutumier à Obito, Rin et aux mille âmes perdues au cours de sa vie puis se consacrait à sa tâche avec la froide concentration qu'on n'apprenait que dans l'ANBU.
Elle devait se débrouiller seule avec Sai.
Ils traversèrent le village en silence, sans passer par les toits puisque rien ne pressait. Le jeune homme regardait devant lui et avançait d'une démarche souple. Chacun de ses pas trahissait l'entraînement impitoyable auquel la Racine l'avait soumis depuis la petite enfance. Pouvait-il lire le même genre d'informations chez elle ? Si oui, comment avait-il appris, lui qui était incapable de tenir une simple conversation sans que son inaptitude sociale n'apparaisse comme le nez au milieu de la figure ? Une fois les formalités de sortie du village réglées, ils s'élancèrent parmi les Chênes d'Hashirama.
— Tu aurais sans doute dû me tuer, Hitomi-chan, affirma Sai au bout d'une dizaine de minutes de voyage en silence. Certains de tes problèmes auraient disparu avec moi.
Prise de court au point de perdre l'équilibre, la jeune Jônin ne dut qu'à une brutale torsion des hanches de ne pas s'effondrer au sol, trente mètres plus bas. Les sourcils froncés de concentration, elle rattrapa Sai, qui avait eu la courtoisie de s'arrêter.
— Pourquoi est-ce que je t'aurais tué ? demanda-t-elle tandis qu'ils se remettaient en route.
— Hitomi-chan, ne jouons pas à ce jeu-là. Nous savons pourquoi. Ça aurait été facile aussi. Un simple tremblement de la main, tu dirais que c'est la nervosité qui l'a provoqué, et les problèmes que je représente auraient disparu.
Hitomi garda le silence pendant quelques minutes, un choix que Sai respecta. Son cœur battait la chamade, un phénomène qui n'avait rien à voir avec la vélocité de leur course d'arbre en arbre. Elle avait à nouveau l'impression terrifiante, grisante, de se trouver face à un choix crucial dont les conséquences la suivraient jusqu'à la fin de sa vie dans ce monde. Finalement, elle répondit, avec l'impression de tout jouer sur quelques mots à peine :
— Je ne veux pas te tuer, Sai-kun. Et je crois que tu ne veux pas mourir.
Un faux sourire trouva sa place sur les lèvres de son camarade – elle le voyait uniquement parce qu'elle se trouvait à sa hauteur mais l'aurait sans doute deviné autrement.
— Je n'ai ni envie de vivre ni de mourir. En tant que shinobi, ces désirs ne m'appartiennent pas. Seule compte la mission, tout ce qui peut se placer sur son chemin doit disparaître.
— Ah, oui, soupira Hitomi avec le plus discret mépris. Ce principe crée des armes et des machines excellentes... Mais souvent, tu auras besoin d'un esprit humain pour effectuer tes missions. Comment pourrais-tu t'infiltrer dans une petite communauté sans comprendre les mille subtilités des interactions humaines ? Ce n'est un exemple, je pourrais t'en lister d'autres. Beaucoup d'autres.
— Hokage-sama peut simplement envoyer quelqu'un d'autre pour ce genre de missions. Elle possède une grande variété d'armes.
— Et si elle décide que ça doit être toi ? Tu veux la satisfaire quelle que soit sa demande, pas vrai ? Ta vie lui appartient, et c'est à elle d'en faire ce qu'elle veut. C'est comme ça qu'on t'apprend à penser, non ?
Il ne nia pas. Il n'essaya même pas, comme s'il sentait que c'était peine perdue. Il décida plutôt de changer de sujet – comme quoi, ses compétences sociales n'étaient pas aussi abyssales que ça à certains niveaux.
— Pourquoi n'as-tu pas envie que je meure, Hitomi-chan ?
Elle se sentit à nouveau contrainte de soigneusement peser sa réponse tandis qu'ils fendaient la forêt comme si les arbres n'étaient que des pavés adroitement disposés sur la route et pas le possible outil de leur trépas.
— Tu es un shinobi de Konoha, finit-elle par répondre. Un citoyen de Konoha. J'ai juré de protéger ta vie avec la mienne... Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je veux que tu vives. Je veux que tu vives parce que je pense que tu as de la valeur en tant qu'être humain, parce que ta mort briserait les cœurs d'Ino et Chôji, qu'Asuma serait triste aussi de te perdre. Tu as de la valeur, ne serait-ce qu'au travers des yeux des autres.
Malgré les mille bruits paisibles de la forêt, Hitomi entendit la respiration de Sai s'arrêter pendant un instant. Il la regarda pendant de longues, longues minutes, décalant son corps sans difficulté pour atterrir sur une branche plus solide que sa cible initiale, le tout sans détourner le regard d'elle.
— Tu n'es pas... Tu es l'une des héritières des clans de Konoha. Tu ne devrais pas penser comme ça.
— Et comment je devrais penser alors ?
— Comme quelqu'un qui a de l'importance dans le village. Comme un futur leader, qui se soucie des forces disponibles avant de songer aux hommes qui les fournissent.
Hitomi renifla avec amusement.
— Shikaku-sama ne pense pas comme ça. Parce qu'il pense aux membres de son clan, à leur bien-être, ils veulent lui être utiles. Si j'ai la chance d'accomplir les vœux de mon grand-père et de perpétuer notre lignée, si j'assure l'existence de notre clan pour quelques décennies encore, j'aimerais être une cheffe semblable à Shikaku-sama.
— Est-ce que motiver les gens par l'amour et la dévotion est si efficace que ça ? Ces sentiments ne sont pas éternels.
— C'est le devoir d'un chef de clan de donner une raison à ceux qui le suivent de continuer de faire de leur mieux pour l'assister.
Sai ouvrit la bouche comme pour la contredire mais sembla se raviser et se détourna simplement pour regarder à nouveau la route. Ils gardèrent le silence des heures durant, fendant la forêt d'un pas vif et assuré en direction de la frontière. Les coordonnées du manoir où vivait le gouverneur qu'ils devaient assassiner se trouvait bien trop près du Pays des Rizières au goût d'Hitomi, qui confia ses craintes par écrit à Itachi le soir venu. Quand Sai l'interrogea sur le carnet communicant, elle mentit sans la moindre honte, prétendant qu'elle était simplement romancière, comme Jiraiya, et que puisque ce n'était pas son tour de monter la garde elle préférait écrire un peu plutôt que de rester à ne rien faire.
— Dans ce cas, quand ce sera ton tour, j'en profiterai sans doute pour dessiner, commenta-t-il simplement.
Elle acquiesça distraitement, passant aux lettres à destination de Shikaku – elle lui avait offert son propre carnet afin qu'il ne dépende plus de celui de Shikamaru – Gaara et Haku. Elle leur reporta également la situation dans laquelle elle se trouvait mais veilla à ne pas trop les inquiéter ; ils ne disposaient pas, après tout, de la liberté de mouvements qu'Itachi devait à son statut de nukenin. Quelques heures plus tard, au cœur de la nuit, un corbeau se percha sur une branche de l'arbre sous lequel Hitomi s'était assise pour monter la garde et croassa à deux reprises. Elle n'eut pas besoin de lever les yeux pour reconnaître Yatagarasu. Son familier se trouvait donc dans la région, lui aussi...
Elle ne dormit pas exactement cette nuit-là, errant aux frontières de sa Bibliothèque jusqu'à ce que l'aube effleure l'horizon. Elle se leva sous le regard tranquille de Sai, qui n'avait pas remué d'un cil depuis le début de son tour de garde. Il semblait attendre quelque chose de sa part, mais du diable si elle savait quoi. Quand elle s'agenouilla près de lui, devant le feu, et commença à préparer du thé, il se redressa légèrement et s'étira, lui effleurant le dos d'une main. Elle n'aurait su dire si c'était volontaire... Jusqu'à ce qu'il prenne la parole.
— Je ne comprends pas pourquoi, mais je pense que j'ai envie de te toucher depuis que tu t'es tenue si près de moi, le premier jour. Est-ce que c'est quelque chose de normal ?
Elle se concentra sur ses mains, qui préparaient assez de thé pour eux deux, mais lui répondit d'une voix calme, à peine plus forte qu'un murmure :
— Je ne sais pas, Sai. Je n'ai pas toutes les réponses à ce genre de questions, je ne suis pas une experte. Tout ce que je sais, c'est que si tu veux toucher quelqu'un pour votre plaisir, par exemple pour un baiser ou une caresse, tu dois être sûr que cette personne le veuille aussi.
— Pourquoi ?
— Parce que ce genre d'actes sont censés apporter de la joie aux deux participants, et pas seulement à toi. Il n'y a rien de plus gratifiant que d'offrir du plaisir à un partenaire, et de voir l'effet de ce plaisir sur son visage, dans tout son corps. Si tu imposes tes désirs à un partenaire, non seulement tu le blesseras, mais en plus tu ne trouveras rien de tout ça.
Bien entendu, il existait encore mille raisons aux yeux d'Hitomi pour respecter le consentement d'un partenaire, mais elle n'était pas certaine que Sai soit prêt à les entendre. Elle préférait mettre en avant ce qu'il pouvait retirer de ce principe plutôt que de l'assaillir avec des concepts moraux auxquels il ne connaissait rien, dont certains qu'elle comprenait à peine elle-même.
— Tu sais de quoi tu parles, pas vrai ? Tu es sortie avec Hinata Hyûga et Rock Lee à Konoha. Tu étais avec Rock Lee pendant notre examen.
— J'ai plus d'expérience que toi, ça, c'est certain. Aucun de mes partenaires n'a jamais essayé d'outrepasser mon consentement et, crois-moi, j'ai aimé chaque seconde en leur compagnie.
Elle ne mentionna pas les gens qu'elle avait aimés et qui n'étaient pas de Konoha ; Sai, conditionné depuis l'enfance à donner son être tout entier à son village, n'aurait pas compris qu'elle offre son corps, ses attentions, son amour même parfois à des étrangers. Peut-être comprendrait-il un jour, mais il n'était pas prêt. Il en était même loin. Il reprit la parole avec lenteur, comme s'il essayait de peser chacun de ses mots :
— Hitomi-chan, si je demandais à t'embrasser, est-ce tu le voudrais aussi ? Moi, je crois que j'en ai envie.
Elle haussa les sourcils et se tourna vers lui, un petit sourire aux lèvres. Il n'avait plus tout à fait l'air aussi inexpressif que d'habitude : ce qui ressemblait fort à une pointe d'anxiété s'agitait dans ses yeux noirs. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, bien consciente de ses cheveux qui coulaient sur son épaule découverte en réaction au léger mouvement. Le regard de Sai se posa à cet endroit avant de se reporter sur ses lèvres puis le reste de son visage.
— Je n'y serais pas opposée. Tu es sûr de vouloir le faire maintenant ? Nous sommes en pleine mission, après tout.
Il sembla y réfléchir pendant quelques secondes, pesant soigneusement le pour et le contre, apparemment incapable de cesser de la regarder pendant tout le temps que prit sa réflexion, puis hocha la tête.
— Je suis trop curieux pour attendre... Sauf si toi, tu veux attendre, rajouta-t-il après une petite pause.
Elle sourit, une once d'affection dans le regard. Il apprenait, et il apprenait vite. Elle se rapprocha de lui, s'installant entre ses jambes tendues tandis qu'il la dévisageait comme s'il essayait de la comprendre, d'expliquer son comportement par des notions strictement rationnelles, intellectuelles. Oh, qu'il essaye. Le pauvre ne savait pas à quoi il s'attaquait. Elle se redressa mais, même ainsi, il devrait se courber pour que leurs visages se trouvent à des hauteurs compatibles. Comme il ne semblait pas comprendre ce simple fait, elle dut prendre son visage en coupe entre ses mains et l'attirer jusqu'à elle.
Ses lèvres étaient douces, le genre de douceur due à un entretien régulier. Elle parvenait presque à sentir l'odeur très neutre du baume qu'il utilisait. Elle l'embrassa longtemps, avec douceur, patience et attention. Puisqu'il ne semblait pas savoir que faire de ses mains, elle prit l'une d'elle et la guida jusqu'à sa nuque ; ses doigts calleux profitèrent de l'occasion pour caresser la peau chaude et lisse, lui tirant un agréable petit frisson. Finalement, elle entrouvrit les lèvres et toucha les siennes du bout de la langue. Manifestement, cela lui plaisait, si elle en croyait la manière dont il ferma les yeux et frissonna, une expression indéfinissable sur les traits. Avant de véritablement approfondir le baiser, elle s'écarta légèrement.
— Je... Comprends mieux pourquoi les livres que j'ai lus font un tel cirque à propos des baisers, musa-t-il en touchant ses lèvres du bout des doigts. C'est très agréable.
Elle répondit d'un petit rire attendri, s'appuyant contre sa jambe. La plus légère trace de rouge lui était montée aux joues. Le remarquait-il ? Elle n'aurait su le dire. Une sombre satisfaction l'envahit tandis qu'elle caressait l'arrête de sa mâchoire, ses doigts s'attardant pendant un instant sur la peau merveilleusement sensible sous son oreille. Il frémit encore, la regardant avec un mélange de respect et d'anticipation. Savait-il seulement ce qu'il voulait si fort ? Elle en doutait. La Racine était du genre à uniquement donner à ses membres les connaissances théoriques et détachées nécessaires à l'accomplissement d'une mission. Et elle, elle se trouvait en très bonne voie de voler Sai à Danzô.
— Il ne serait pas très professionnel de faire quoi que ce soit de plus pendant une mission. Quand nous rentrerons à Konoha...
— Quand nous rentrerons à Konoha, conclut-il comme une promesse.
Elle se leva et commença à effacer toute trace de leur campement. Elle ne se sentait pas assez à l'aise dans cette région, si près du pays qui se trouvait pratiquement sous l'influence de Kabuto, de l'héritage d'Orochimaru, pour se conduire autrement qu'en proie potentielle. Sai ne commenta pas son comportement, mais elle savait qu'il l'avait remarqué. Peu de choses lui échappaient ; Danzô ne l'aurait pas utilisé comme un espion autrement. Au bout d'une demi-heure, ils furent prêts à repartir, la petite clairière qui les avait accueillis presqu'aussi intouchée par la main de l'Homme qu'avant leur arrivée.
Ils voyagèrent en silence une fois la frontière franchie. Sai ne semblait pas inquiet, mais une tension diffuse lui parcourait les membres, si peu caractéristique de son comportement toujours détaché et vaguement intéressé qu'Hitomi ne pouvait s'empêcher de se demander si sa propre conduite avait influé sur lui de la sorte. Il ne cessait de lui jeter de petits coups d'œil, sans doute persuadé qu'elle ne le réalisait pas. En toute honnêteté, elle ne s'en serait pas aperçue si elle ne l'avait pas elle-même guetté.
Ils s'arrêtèrent peu après le coucher du soleil, une fois arrivés en vue de la forteresse. Yatagarasu les suivait toujours comme une ombre rassurante et familière, se trouvant toujours au bord des sens d'Hitomi comme s'il savait exactement jusqu'où elle étendait les perceptions de ses méridiens au repos. Avait-il transmis ce savoir à Itachi ? Il avait déploré de ne pas pouvoir venir veiller en personne à tenir Kabuto au loin : l'Akatsuki le retenait au sud du continent pour une chasse à l'homme. Apparemment, la prime sur la tête qu'il devait ramener rattachée au corps ou non s'élevait à plusieurs dizaines de millions de ryôs.
— Est-ce que tu peux emmener une de mes balises à l'intérieur de la forteresse ? demanda-t-elle en évaluant les murailles du regard.
Son compagnon redressa légèrement la tête pour estimer les défenses à son tour puis acquiesça et, sans attendre, se mit au travail. Ses longs doigts fins attrapèrent l'un de ses pinceaux et dansèrent sur le papier, créant un mince, mince serpent d'encre qui se détachait noir sur blanc. Le serpent se souleva de son support, ouvrit la gueule, et la jeune femme comprit qu'elle devait lui donner l'un de ses galets. Elle sentit sa balise s'éloigner au rythme où le serpent ondulait sur l'herbe, pratiquement invisible dans l'obscurité.
— Tu veux y aller seule ? demanda-t-il avec une légère tension dans la voix.
Elle aurait aimé le rassurer, pour peu qu'il ressente une appréhension véritable, mais elle n'était pas encore prête à offrir à Danzô la compréhension de son Kekkei Genkai. Aussi secoua-t-elle la tête, déjà concentrée sur sa cible.
— Moins de chances de me faire prendre seule. Ce sera aussi plus rapide.
Il acquiesça mais elle vit un muscle se tendre dans sa mâchoire. Elle ne commenta pas, refusant de lui mettre le nez dans les contradictions qui apparaissaient à travers son comportement. Elle savait à quoi elles étaient dues. Elle ne parvenait pas à se sentir coupable de la confusion qu'elle créait chez lui. C'était pour son bien.
— Ton serpent s'est arrêté, murmura-t-elle au bout de quelques minutes de silence. J'y vais.
D'une étincelle de chakra, elle agrippa sa balise et tira, son corps quittant le fourré sans effort. Elle réapparut dans une chambre, près d'un corps endormi. La scène lui rappelait son examen Jônin dans l'illusion dessinée par Inoichi. S'était-il inspiré de l'une de ses propres missions pour créer son épreuve ? Cela avait été facile, mais uniquement parce que ses capacités s'accordaient bien aux consignes que la Tsunade illusoire lui avait données.
Un geste lent et élégant après l'autre, elle découvrit le pied nu du gouverneur, veillant à ne pas le réveiller, le piqua de la pointe d'une aiguille et commença à aspirer son chakra. Il n'était qu'un civil âgé aux réserves si étroites que le chakra qu'elle lui prit ne fut même pas suffisant pour remplir ses réserves légèrement drainées par le voyage. Il mourut en quelques instants. Elle prit le temps de le recouvrir puis retourna auprès de Sai.
— Aucune difficulté, affirma-t-elle une fois apparue près de lui.
— Je m'en doutais. Tu es une binôme très agréable en mission, Hitomi-chan.
La jeune fille retint la petite blague perverse qui lui montait sur le bout de la langue et se contenta de sourire, l'entraînant dans la forêt la plus proche. Un murmure de plumes l'accueillit sous les arbres. Yatagarasu – Itachi. Elle leva la tête vers la canopée mais ne s'accorda ni arrêt ni soulagement. Elle se trouvait trop près de la frontière vers le Pays des Rizières, du domaine de Kabuto. Son cœur battait follement, douloureux dans sa poitrine, malgré sa façade calme et détachée. Sai l'entendait-il ? Elle espérait que non. L'illusion de force et d'assurance qu'elle projetait renforçait le pouvoir et la fascination qu'elle exerçait sur lui.
Ils voyagèrent vers le Pays du Feu, s'éloignant de la frontière tant honnie, durant quelques minutes sans le moindre trouble... Et puis Hitomi les sentit. Elle attrapa Sai par l'épaule et le força à s'arrêter, à se plaquer contre le sol sous un épais fourré. Rien n'aurait pu la distraire des présences qu'elle percevait devant, derrière, dans toutes les directions, pas même le corps du jeune homme sous le sien, ses mains qui pendant la plus délicate seconde effleurèrent ses hanches.
— Hitomi-chan ? murmura-t-il contre son oreille.
Elle le fit taire en couvrant sa bouche d'une main, les sens étendus dans toutes les directions pour évaluer le danger. Une volée de jurons lui obscurcit l'esprit tandis qu'elle comptait et mesurait chacune des silhouettes gorgées de chakra qui les encerclaient et se rabattaient lentement sur eux. Pas Konoha, pas alors qu'elle n'en reconnaissait aucune, que beaucoup avaient une affinité pour l'air ou la foudre, si rares dans son village. Non, il s'agissait d'ennemis qui savaient que des Konohajin se trouvaient seuls, isolés, vulnérables.
Quelqu'un les avait trahis.
« Des ennemis » signala-t-elle en morse de Konoha, les doigts contre son ventre nu. Il se tendit sous elle pendant une seconde, signe qu'il avait bien reçu et compris le message, puis la laissa dénombrer de la même façon chacune des présences qu'elle percevait, chaque Jônin, chaque Chûnin, si nombreux qu'elle avait envie de vomir. Une partie de son esprit se concentrait sur l'identité du traître. Sai était suspect, bien entendu, mais il n'avait pas su à l'avance où il irait et avec qui. Non, elle n'avait jamais détourné son attention de lui, et Yatagarasu l'aurait avertie s'il avait vu quelque chose qui lui aurait échappé. Ce n'était pas lui, mais qui alors ?
Mori no Akina, avec son sceau éteint sur la langue ? Un rictus haineux tordit les lèvres d'Hitomi tandis qu'elle considérait cette possibilité. Une Nara, comme elle, aussi lointains soient leurs liens familiaux. Elle, elle avait su. Elle aurait pu prévenir quelqu'un. Elle avait eu le temps, la possibilité... Et le mobile ? Seulement si son sceau n'était éteint que pour prétendre qu'elle s'était détournée de Danzô – et seulement si son ombre planait derrière cette attaque.
Un sceau s'activa tout autour de la zone qui incluait leurs probables adversaires. Hitomi le reconnut et serra les dents : leurs adversaires en savaient manifestement assez pour avoir conscience qu'activer un sceau d'isolement l'empêcherait d'utiliser le Dieu de la Foudre. Ils étaient bloqués, forcés de se créer un chemin par leurs propres moyens. Si elle atteignait la barrière, l'endroit où le sceau était déployé sur le sol, elle pourrait forcer son ouverture et ensuite...
Elle jura, bondit en arrière et tira Sai avec elle juste à temps pour esquiver un kunai explosif qui se ficha dans le sol à l'endroit où s'était trouvé son bras une seconde plus tôt. Ils avaient été repérés. Son aura meurtrière bondit, son Murmure rugit, elle se plaça dos à dos avec Sai, dégainant son sabre et le couvrant de sa gaine de chakra aqueux. Elle sentit ses genoux trembler brièvement quand elle identifia l'un des hommes, celui dont le chakra était le plus puissant, le plus cruel.
Akasuna no Sasori, dans son manteau de l'Akatsuki, la regardait d'un air rendu presque indolent par ses paupières tombantes.
Elle ravala sa peur et son goût mi-amer mi-acide, abaissa son centre de gravité et se tint prête. Ils étaient une bonne dizaine, la plupart aussi forts qu'eux, certains un peu plus – Sasori les surpassait totalement. Ils ne firent pas de demande, ne donnèrent pas d'ordre : ils n'avaient aucune intention de leur soutirer de l'argent ou des biens, de prendre quoi que ce soit qu'ils possèdaient sinon leurs vies. Et Hitomi entendait bien lutter pour les conserver, même si elle estimait leurs chances de survie comme ridicules.
Elle ne tomberait pas sans combattre.
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