Une stratégie impitoyable
Avant de commencer, Ibiki expliqua les règles de l'examen. Le système des dix questions, des points dégressifs, rien n'était nouveau pour Hitomi. Pourtant, il était fascinant d'observer la manière subtile dont il appliquait une pression de plus en plus forte sur les candidats, et les effets de chacun de ses mots sur eux. Il était un véritable maître dans la matière. Si la pression psychologique avait été un art, cette scène aurait été qualifiée de chef d'œuvre.
Ensuite, Ibiki commença à expliquer le principe des points par équipe. Hitomi sentit Naruto s'affoler sur son siège. Les mains sous la table pour ne pas être vue, elle effectua la Mudra du Rat et prit son ombre dans la sienne pendant quelques secondes, juste le temps de lui faire comprendre qu'il n'était pas seul, qu'elle allait l'aider. Ce terrain était assez complexe, avec tant d'ombres à éviter sans même les voir, mais entre sa perception du chakra et sa vue elle parvenait à deviner quelles formes le soleil donnait aux silhouettes de ses camarades et adversaires. Il fallait juste se montrer prudente, avancer lentement.
Et puis l'examinateur expliqua les règles concernant la triche. Les indices que l'homme laissait à qui savait écouter étaient un peu évident, mais il était vrai que la plupart des participants avaient été sur les bancs de l'école pas si longtemps auparavant et avaient appris qu'il était mal de tricher. Hitomi ne put s'empêcher de sourire tandis que l'angoisse montait autour d'elle, un petit rictus vicieux et satisfait que seul son voisin de Konoha aperçut, pâlissant de frayeur en réaction.
Enfin, Ibiki les informa du fait que si quelqu'un faisait tomber son total de points à zéro, que ce soit à cause de fausses réponses ou de triche maladroite, cette personne et toute son équipe devrait quitter la salle, éliminés. En réaction, la pression dans la salle monta encore d'un cran. Sereine, Hitomi observait tout cela comme si rien ne pouvait l'atteindre ; lors de cette épreuve, ce n'était pas loin de la vérité. Elle croisa le regard d'Ibiki, lui fit un sourire rayonnant qui sembla le déstabiliser pendant une fraction de seconde, et quand il donna le signal, se pencha sur sa copie.
Tout d'abord, elle lut soigneusement chacune des questions, s'assura qu'elle pouvait répondre sans triche. C'était le cas. Toujours en dissimulant ses mains, elle invoqua la Manipulation des Ombres et noua le contact avec Naruto et Temari. Ils étaient les deux seuls, dans leurs équipes respectives, à ne pas disposer d'un moyen direct de tricher. L'un des Chûnin se trouvait devant Ino, qui l'avait repéré et attendait qu'il ait fini d'écrire en feignant de réfléchir. Tout se passerait bien pour l'Équipe Dix. Quant à l'Équipe Huit et Sasuke, ils disposaient tous d'un Kekkei Genkai leur permettant de dérober les réponses à la première victime venue.
Toujours aussi calme, elle fit prendre un stylo à ses alliés en même temps qu'elle saisissait le sien. Ils ne résistaient pas du tout à ses manipulations, aussi le coût en chakra était-il très modéré. Malgré tout, elle préférait en finir assez vite. La première question se portait sur le décryptage d'un texte, suprêmement facile pour elle qui disposait dans sa Bibliothèque de tous les codes actifs de Konoha sur lesquels elle avait pu mettre la main via Ensui. Il ne croyait pas du tout à la rétention d'informations, pour le plus grand plaisir de sa jeune élève.
La deuxième question portait sur des mathématiques de projection. Pour celle-là, Hitomi préféra écrire son calcul, prendre le temps de se relire deux fois afin de ne pas rater une erreur d'écriture. La troisième demandait aux candidats de décrire les circonstances encadrant la création d'un clan au Pays du Feu, une matière qu'elle avait étudiée auprès de Shinku, son grand-père. Cela continua comme ça, une question après l'autre, toute bien plus difficiles que ce qu'on attendait d'un Genin. Si Hitomi n'avait pas été un tel rat de bibliothèque, elle n'aurait même pas pu répondre à la moitié des questions.
Une fois sa réponse à la neuvième question, qui portait sur des lois anciennes, achevée, Hitomi posa son stylo et relâcha son emprise sur Temari et Naruto, regardant leurs deux corps se relâcher subtilement. Elle avait fait vite, dix minutes à peine, et pourtant d'autres élèves étaient déjà passés à l'action. Gaara entre autres avait éveillé son sable, tandis qu'Akamaru, perché sur la tête de Kiba, guettait pour lui. Une vibration dans l'air l'informa de l'activation de deux Byakugans, puis du Sharigan de Sasuke quelques secondes plus tard. D'autres élèves utilisèrent des stratagèmes différents, plus ou moins subtils. Le premier élève se fit disqualifier pour des triches répétées, envoyant une vague d'angoisse dans la salle.
Doucement, Hitomi se mit à taper son pied contre le sol dans un rythme qui n'était pas sans rappeler celui du morse. Elle avait appris à ses coéquipiers à l'utiliser, mais cette fois, le son était si léger qu'il n'était destiné qu'à Hai, la seule capable de l'entendre à l'exception peut-être de Dosu – et pour lui ce serait un véritable charabia. « Commence. » ordonna-t-elle à la toute petite chatte, qui se trouvait à présent quelque part dans le quatrième rang. Le silence flotta et s'étira... Jusqu'à ce qu'un hurlement de terreur déchire le calme apparent qui régnait sur la salle. Et Hitomi resta là à observer, immobile et impassible, tandis que deux examinateurs étaient forcés de traîner la malheureuse victime d'Hai hors de la salle, ses coéquipiers sur les talons.
Quelques minutes plus tard, ce fut une fille qui se mit à rire avec hystérie et fut éliminée immédiatement, puis un vieil homme qui éclata en sanglots désespérés. Hoshihi n'avait pas menti : Hai était redoutable. D'un simple effleurement de sa fourrure sur la peau de quelqu'un – si facilement accessible avec ces stupides bottes ouvertes dont les ninjas raffolaient – elle était capable de piéger sa victime dans une illusion de son choix. C'était peut-être encore plus subtil que ça : elle choisissait l'émotion qu'elle voulait imposer à la personne visée et le cerveau de la victime faisait le reste, créant au choix la peur la plus profonde, une hilarité impossible à réprimer, une scène déchirante... Les possibilités étaient aussi infinies que la palette des émotions humaines.
Ces illusions étaient aussi particulièrement difficiles à briser, car elles se basaient sur le toucher, qui faisait partie avec le goût des sens les moins utilisés en Genjutsu – et donc de ceux dont on savait le moins se protéger. Kurenai aurait été sans le moindre doute capable de défaire ces émotions, mais concernant les autres ninjas qu'elle connaissait, Hitomi ne pouvait être sûre de rien. Sur les trente minutes qui suivirent, Hai élimina six équipes supplémentaires, portant le total de ses victimes à vingt-sept. Elle était assez intelligente pour toujours laisser quelques minutes entre deux attaques, ce qui la rendait beaucoup plus difficile à identifier comme la perturbatrice. Enfin, Hitomi battit du pied pour lui demander d'arrêter : Ibiki allait bientôt annoncer la dixième question.
Kankurô rentra des toilettes juste à temps. Il se fit remonter les bretelles par Ibiki, mais celui-ci lui indiqua que cela ne comptait que pour une tentative de triche échouée. Hitomi soupira de soulagement et se détendit sur sa chaise, relâchant des muscles qu'elle avait ignoré crisper. Un sourire discret joua même sur ses lèvres et elle croisa encore une fois le regard de l'examinateur, haussant lentement un sourcil comme pour lui faire comprendre qu'elle était à l'origine des perturbations qui avaient secoué la salle tout au long de l'épreuve. Elle crut voir l'ombre d'un rictus approbateur sur ses lèvres, mais c'était difficile à dire. Peu importe, elle se contentait de ça.
— Bon ! Il est temps de passer à la dixième question. Mais avant de vous dire de quoi il s'agit, je dois vous avertir d'une règle supplémentaire.
Le silence était si absolu dans la salle qu'on aurait entendu le plus éthéré des sons. Hitomi sentit Hai se figer, redoutant sans doute de faire le moindre bruit et d'être repérée. Elle ne pouvait s'empêcher d'approuver : le mélange de bravoure et de réflexion dont faisait preuve l'apprentie jusqu'ici était décidément prometteur. Il faudrait qu'elle fasse part de son évaluation à Hoshihi dès qu'elle le pourrait, et qu'ils conviennent tous deux d'une période où la jeune invocatrice pourrait garder la chatonne avec elle pendant six mois sans interruption.
— Il s'agit d'une règle plutôt déroutante, je vous préviens... Enfin, tout d'abord, je vais vous demander de décider : quels sont ceux qui veulent continuer et tenter de répondre à cette question, et ceux qui préfèrent s'abstenir ?
— Avant qu'on puisse choisir, il faudrait nous expliquer ce qui se passe si on décide de s'abstenir ! lança Temari.
Ibiki ferma les yeux un instant, une certaine gravité prenant place sur ses traits comme un masque qu'on enfile. Oh, il était bon, très bon. Quand il rouvrit les yeux, sa volonté était si intensément visible qu'elle semblait se matérialiser, pas exactement une aura meurtrière mais suffisamment proche pour donner des frissons désagréables à tous les Genin de la salle. Il poursuivit, sa voix sonnant presque comme un présage funeste :
— C'est très simple. Si vous vous abstenez, votre total de point descend à zéro, et votre équipe entière est éliminée.
— Super l'alternative ! s'exclama un ninja de Kusa au premier rang. À ce compte-là, tout le monde voudra continuer !
— Ah, mais vous avez oublié la nouvelle règle, sourit Ibiki. Ceux qui choisiront de continuer mais ne répondront pas correctement à la question seront éliminés à tout jamais : ils ne pourront plus jamais se présenter à l'examen de sélection des Chûnin !
La stupéfaction dans la salle était presque tangible. Hitomi, fascinée, observait la manière dont l'examinateur jouait avec ses proies, sa présence si intense et écrasante qu'elle était presque comme une entité à elle toute seule. À un moment donné, l'impression était si prononcée que la jeune fille tenta une Rupture, pour voir si un genjutsu était impliqué : il n'y en avait aucun. Il était juste doué à ce point ; c'était terrifiant.
— D'où elle sort, cette règle ? demanda Kiba. Il y en a plein qui ont tenté l'examen plusieurs fois ici !
— Ah, oui... Malheureusement pour vous, cette année, c'est moi qui fais les règles. Mais ne vous plaignez pas, je vous laisse la possibilité de sauver vos carrières à coup sûr.
— Hm ?
— Ceux qui ne se sentent pas capables de continuer peuvent décider d'arrêter là, et pourront repasser l'examen dans six mois. C'est aussi simple que ça.
Et ça le semblait vraiment, quand il le présentait comme ça. Si Hitomi n'avait pas eu conscience de la manipulation, elle aurait été dans le même état émotionnel que les autres. Aurait-elle été capable d'encaisser, ou aurait-elle choisi d'abandonner, elle aussi ?
— Si tout le monde a compris, allons-y ! Que ceux qui souhaitent abandonner lèvent la main. Donnez le numéro de votre place avant de quitter la salle.
Lentement, le décompte commença. Les uns après les autres, des candidats annoncèrent leur abandon, entraînant leurs coéquipiers dans leur chute. Ils avaient l'air à bout de nerfs, sensibles sans le moindre doute aux manipulations d'Ibiki. Hitomi, en observant cela, ne pouvait s'empêcher d'être soulagée : cela faisait autant de gens de moins qui se présenteraient à la deuxième épreuve. Si seulement elle avait pu faire quoi que ce soit pour rassurer Naruto... Il leva une main tremblante, puis la plaqua sur la table avec un fracas qui fit sursauter Hinata et plusieurs des candidats restants, lui faisant comprendre que non, son frère n'était pas tombé sous le coup du stress.
— Je ne suis pas un lâche ! Je ne me défilerai pas ! Qu'elle vienne donc, cette fameuse question, et tant pis si je suis condamné à rester Genin toute ma vie, je deviendrai quand même Hokage par la force de ma volonté !
Maître des Tortures et Jinchûriki se regardèrent dans les yeux pendant un long moment chargé de tension, Ibiki digne et impassible, Naruto presque moqueur, empli d'une détermination brûlante.
— Réfléchis bien une dernière fois, tenta l'homme. C'est ta vie que tu es en train de jouer. Après, tu ne pourras plus abandonner, c'est maintenant ou jamais.
— Je ne reviens jamais sur ma parole ! C'est comme ça que je conçois mon Nindô !
Les gens dans la salle se mirent à sourire, soudainement détendus, comme si l'angoisse intense qui avait pesé sur leurs épaules jusque-là n'avait été qu'un mauvais rêve, et Hitomi sut que Naruto avait gagné.
— Vous êtes courageux, soupira Ibiki. Bien... J'annonce donc à tous ceux qui sont présents ici... Qu'ils viennent tous d'être reçus à la première épreuve de l'examen !
La stupeur était telle dans la salle que c'était comme si elle avait pendant un instant ébranlé les murs et le sol. Même les amis d'Hitomi semblaient abasourdis, si bien qu'elle plaqua un air de légère surprise sur son visage. Seul Shikamaru somnolait sur son banc, comme si rien ne pouvait l'atteindre – parfois, elle se disait que c'était le cas, puis se souvenait qu'elle n'aurait pu être plus loin de la réalité.
— Et la dixième question alors ? demanda un aspirant de Taki.
— Il n'y a jamais eu de dixième question ! Ou plutôt, disons que l'alternative que je vous proposais était la question.
— Et les questions précédentes alors ? Elles ne servaient à rien ?
— Pas du tout. Leur objectif était de nous permettre de juger comment vous vous débrouilliez pour collecter des informations et communiquer entre vous sans vous faire prendre. Malgré la pression immense qui pesait sur vos épaules avec le système de points, vous deviez pouvoir non seulement repérés les Chûnin infiltrés parmi vous, mais en plus, tricher sur eux ou sur quelqu'un lui-même parvenu à tricher, le tout sans vous faire prendre par les pions qui scrutaient le moindre de vos faits et gestes.
En entendant ça, plusieurs Genin laissèrent échapper des petits rires soulagés, se vantant de la difficulté que ça avait été – et d'avoir réussi. Hitomi, quant à elle, scruta les visages des examinateurs. Elle ne doutait pas un instant que chacune des tentatives de triche avait été repérée, même les siennes, et qu'ensuite seulement les pions avaient décidé si c'était valable pour leur niveau ou pas.
— Bref... Toujours est-il que certains d'entre vous n'ont pas été assez discrets et se sont fait éliminer.
Lentement, les mains gantées d'Ibiki dénouèrent son bandeau frontal et il resta là, le dos bien droit, laissant les Genin observer ce qu'il advenait quand on se faisait prendre dehors, dans la vraie vie. Son crâne était couturé de cicatrices et de traces de brûlures, la peau si abîmée que plus aucun cheveu ne pouvait y pousser. Hitomi ne pouvait qu'imaginer la douleur qu'il avait dû ressentir aux mains de ses bourreaux.
— La collecte d'informations s'avère parfois d'une importance cruciale, continua-t-il d'une voix douce. Et lors d'une mission ou d'une bataille, il faut parfois risquer sa vie pour les arracher à l'adversaire. Si vous vous êtes fait repérer par l'ennemi ou une tierce personne, même un civil, il y a des risques que l'information que vous avez eu tant de mal à récupérer ne soit plus valable. Souvenez-vous bien de ça ! Détenir des informations erronées, c'est mettre en danger la vie de vos camarades, voire le village tout entier. C'est pour ça que nous avons décidé de vous forcer à trouver un moyen de tricher pour connaître les réponses. C'était le meilleur moyen d'effectuer une sélection. Voilà, vous savez à présent.
— N'empêche, reprit Temari, je ne comprends toujours pas l'intérêt de la dernière question...
Ibiki sourit, cette fois une expression sincère et dénuée de toute ruse, et répondit :
— Ah, pourtant la dixième question était la plus importante de l'épreuve. Vous aviez le choix : continuer ou abandonner. Un choix bien difficile à faire, n'est-ce pas ? Ceux qui préfèrent abandonner entraînent leur équipe avec eux, mais ceux qui répondent mal à la question perdent à jamais le droit de se présenter à cet examen. Comment réagir à une telle alternative ?
Le silence se fit dans la salle. Les candidats revivaient leurs instants de doutes et d'angoisse devant cette alternative, comme un écho de ce qu'ils avaient véritablement ressenti entre les mains du meilleur tortionnaire de Konoha – ce que la plupart d'entre eux ignoraient.
— Posons-la en d'autres termes, voulez-vous ? Supposons que vous soyez passé Chûnin. On vous confie une mission qui consiste à dérober un parchemin secret. Vous ignorez tout des ninjas du camp adverse : leur nombre, les techniques qu'ils maîtrisent, les armes qu'ils utilisent... Vous ne savez rien. Et vous vous ne pouvez pas savoir non plus s'ils ont disposé des pièges à votre intention, bien entendu. Que feriez-vous alors ? Vous accepterez la mission ou la déclinerez ? Pensez-vous pouvoir vous défiler parce que vous craignez pour votre vie ou celle des membres de votre équipe ? Évidemment, la réponse est « non ». Quels que soient les risques, il y a des missions auxquelles on ne peut se soustraire.
L'esprit d'Hitomi dériva un instant vers le Pays des Vagues. La mission avait été de ce genre-là, truffée de paramètres inconnus et d'adversaires dangereux. Pourtant, jamais elle n'avait pensé à abandonner, et elle savait que pour Naruto et Sasuke aussi, continuer avait été une évidence.
— Insuffler du courage à ses compagnons et être capable de surmonter l'adversité ! Voici quelles sont les principales qualités qu'on requiert chez un Chûnin. Ceux qui ont peur de risquer leur vie, reculent devant l'incertitude en se disant qu'ils pourront toujours revenir l'année prochaine, ceux qui renoncent sans tenter leur chance... Ces poltrons ne méritent pas de devenir des Chûnin !
Chacun des candidats encore dans la salle se redressa en entendant cela. Hitomi elle-même se sentait fière, d'elle-même et de ses compagnons, de la manière dont tous avaient résisté et combattu avec leurs propres armes. Elle n'était pas sûre d'être prête à devenir une Chûnin, mais ce critère, au moins, elle pouvait affirmer sans rougir ni mentir qu'elle le remplissait.
— Mais vous, continua Ibiki, vous avez décidé de continuer. Je considère donc que vous avez répondu brillamment à la dixième question. Je vous crois capable de faire face aux nombreuses difficultés qui se dresseront devant vous lors des épreuves suivantes. Vous venez de passer la première porte. La première épreuve de l'examen de sélection des Chûnin est terminée ! Il ne me reste qu'à vous souhaiter bonne chance pour la suite.
— Super ! s'exclama Naruto. Vous pouvez compter sur moi !
Un petit rire attendri se forma entre les lèvres d'Hitomi, doux et réconfortant comme une chaude couverture en pleine tempête. C'était l'effet qu'avaient l'optimisme et la volonté de Naruto sur les gens qui l'entouraient, une influence solaire et pleine de force qui un jour ferait de lui un merveilleux Hokage.
Soudain, une fenêtre explosa, faisant bondir le Chûnin qui se tenait juste à côté hors du chemin. Une pluie de verre s'abattit sur le sol, certains éclats se fichant jusque dans les bottes d'Ibiki, qui pourtant ne remua pas d'un cil. Une grande bannière noire se déploya, suspendue au tableau par deux kunai dont les impacts rendraient sans doute fou le professeur qui occupait cette classe pendant la semaine. Devant se dressait une femme étonnamment grande, ses cheveux violet foncé attachés en queue de cheval – la coiffure ressemblait vraiment à celle des Nara. Son manteau était l'un des plus classes qu'Hitomi avait jamais vus, et il y avait quelque chose d'intimidant dans le reste de sa tenue, entre la combinaison de maille et la très courte jupe en cuir renforcé qui épousait son corps au plus près possible. Elle était belle, comme une fleur toxique pouvait l'être.
— Il est encore trop tôt pour vous réjouir, mes petits ! Je m'appelle Anko Mitarashi et je suis l'examinatrice chargée de la deuxième épreuve ! Pas de temps à perdre, suivez-moi tous !
Un silence sceptique s'abattit sur la salle. Hitomi ne put s'empêcher de sourire, mais le dissimula derrière sa main – elle n'avait vraiment pas envie de se faire une ennemie de l'ancienne disciple d'Orochimaru. Contre toute attente, elle aimait la vie à Konoha ; finir découpée en petits dés pour nourrir un serpent ne faisait pas partie de ses plans.
— Ibiki ! Tu as laissé passer vingt équipes ? Ca fait soixante candidats, ton épreuve était beaucoup trop facile !
— Disons plutôt qu'il y avait beaucoup de bons candidats, tempéra l'homme.
— Pff, peu importe. Avec ce que je leur ai préparé, il n'en restera même pas la moitié. J'en ai des frissons d'excitation... Vous tous ! Venez avec moi. Je vous expliquerai en quoi consiste l'épreuve une fois sur place !
Dociles, les élèves quittèrent leurs sièges et commencèrent à descendre l'allée. Hitomi, en passant près de l'endroit où se cachait Hai, lui fit signe de monter sur son épaule. La petite chatte s'exécuta d'un bond spectaculaire pour sa stature, ses griffes s'enfonçant dans l'épais kimono que portait son invocatrice.
— Merci de ton assistance, Hai-chan. Tu peux retourner dans le Monde Spirituel. Dis à Hoshihi que je lui ferai mon rapport dès que j'aurai un moment de calme, si tu veux bien.
— Ca marche, Invocatrice ! À la prochaine !
Un petit sourire sur les lèvres, la jeune fille alla rejoindre ses frères adoptifs, qui se fondaient dans la foule de candidats. Ils semblaient parler de ce qui s'était passé durant l'épreuve, de ce qu'ils avaient appris et retiré de cette expérience particulière.
— Ah, Hitomi ! Tu as vu ce qu'il se passait pendant l'examen ? Des gens n'arrêtaient pas de faire des trucs bizarres.
— Je sais, Naruto. J'ai demandé à Hai-chan d'éliminer quelques équipes avec son genjutsu. Je dois dire qu'elle s'est vraiment bien débrouillée, je ne m'attendais pas du tout à ça.
— C'était toi ? Mais pourquoi tu lui as demandé de faire ça ?
— Parce que ces gens se seraient retrouvés contre nous pour les épreuves suivantes. Plus j'éliminais de gens, plus j'améliorais nos chances à nous. C'est tout ce qui compte pour moi.
— Mais c'est de la triche !
— Les ninjas trichent, baka, fit Sasuke. C'était même le but de cet examen. Tu n'étais pas soulagé qu'Hitomi soit là pour tricher et te donner les réponses ?
— S-si, mais...
— Pas de mais. Tu devras faire des choses bien pire sur les missions que tu auras quand tu seras un Chûnin. Voler, intimider, tuer. Nous devons nous préparer à agir comme ça, nous aussi. Tu devrais y réfléchir.
— D-d'accord, Sasuke.
Hitomi devait admettre qu'elle était soulagée de l'intervention du jeune Uchiha. Elle savait que son sens moral n'était pas le plus net ou le plus prononcé qui soit, mais elle n'aimait pas l'idée que Naruto la désapprouve. Elle tenait assez à lui pour vouloir rester dans son bon sentiment. Qu'on prenne sa défense lui faisait du bien, lui donnait l'impression d'être légitime. Effleurant de son épaule celle du jeune brun, elle accéléra juste assez pour de trouver un peu devant eux, et leur dissimuler son visage. Elle ne savait pas si c'était la poussière ou le soleil, mais ses yeux... Ses yeux piquaient un peu.
Il leur fallut vingt minutes de marche, à la vitesse de civils, pour arriver au terrain d'entraînement numéro quarante-quatre, surnommé la Forêt de la Mort. Les Genin n'avaient pas le droit d'y entrer d'habitude – Hitomi avait essayé, dans l'espoir de pouvoir cartographier l'endroit, voire d'y poser quelques pièges. Les ANBU de garde avaient fondu sur elle comme des oiseaux de proie sur une pauvre souris et l'avaient contrainte à partir. De toute façon, on ne luttait pas contre l'ANBU. Depuis qu'ils avaient dû prendre en charge les devoirs de police qui étaient jusqu'à il y a six ans échus aux Uchiha, ils étaient globalement tous d'une humeur massacrante.
Les arbres de la Forêt de la Mort étaient une variante des Chênes d'Hashirama, ceux qui étaient nés du Mokuton du Premier Hokage et avaient résisté au temps jusqu'à se reproduire. Des dizaines d'années de sélection et de reproduction plus tard, ils étaient reconnaissables à leur écorce très claire, pratiquement couleur caramel, et à l'abondance de feuilles sur leurs branches – des cachettes parfaites pour un ninja dans le besoin. Les ninjas de Konoha seraient sans le moindre doute avantagés dans cet environnement. Le Pays du Feu était le seul à comporter de tels arbres, et des forêts aussi denses.
— Voilà ! lança Anko. C'est ici que se déroulera la deuxième épreuve de l'examen, sur le terrain d'entraînement numéro quarante-quatre, aussi nommé la Forêt de la Mort. Vous ne tarderez pas à comprendre pourquoi, croyez-moi.
Quand Naruto se mit à singer l'examinatrice, manifestement exalté par son succès lors de la première épreuve, Hitomi grogna. Elle fit un pas, la main sur la garde de son tantô, déjà prête à s'interposer, mais Sasuke l'arrêta en lui prenant le bras, le regard sérieux :
— Arrête. Tu risquerais d'être disqualifiée de l'exam. Laisse Naruto affronter les conséquences de ses actes pour une fois, il doit apprendre.
À contrecoeur, elle se détendit à ses côtés, les sourcils froncés. Elle regarda Anko lancer un kunai avec une précision irréprochable, juste de quoi entailler la joue de Naruto, puis utiliser le Shunshin pour se retrouver dans son dos, l'enlaçant par derrière pour lui lécher la joue. Lorsqu'il fut sûr qu'elle ne bougerait pas, le jeune Uchiha la relâcha, mais elle s'approcha un peu plus, trouvant du réconfort dans la chaleur et le chakra familiers qui émanaient de lui.
Et soudain l'un des membres des deux équipes de Kusagakure, qui avaient passé l'épreuve d'Ibiki sans faire de vague, se dressait derrière Anko, sa langue épaisse et interminable enroulée autour du kunai qu'elle venait de lui lancer. Aussitôt, le pouls d'Hitomi s'affola et son aura meurtrière fut de retour. Elle se souvenait parfaitement du cours que prenaient les évènements dans le canon. Elle savait qui se cachait derrière ce visage. Cette équipe avait traîné dans la queue du peloton, elle se remémorait les avoir croisés aux côtés de Sasuke. Orochimaru aurait pu les tuer n'importe quand. L'avait sans doute fait avec une facilité ridicule.
Comment Anko pouvait-elle ne pas reconnaître son ancien maître ? La jeune Yûhi savait la haine que son aînée entretenait pour le traître et à quel point elle aurait voulu être capable de ramener sa tête au village. Elle aurait dû... Elle aurait dû être obsédée, agitée de frissons de colère à chaque caractéristique physique reconnaissable qu'elle assimilait à son ancien shishou, être aussi dangereuse et instable que le canon la peignait. Pas rester sans rien dire tandis que celui qui l'avait tant tourmentée lui rendait un kunai humide de salive.
— À l'avenir, je te conseille de ne pas t'approcher de moi par derrière en dégageant une aura aussi meurtrière. À moins que tu veuilles écourter ta vie ?
— Désolé... Je perds le contrôle de moi-même quand je vois le sang couler... Et puis je me suis laisser emporter parce que votre kunai a coupé l'un de mes précieux cheveux.
La voix du ninja qui dissimulait l'identité d'Orochimaru était douce et suave à première vue, comme une liqueur, mais le poison et la perversité qui couraient dans la manière dont il savourait chacun de ses mots donnait envie à Hitomi de disparaître, de s'enfuir comme une proie face à un prédateur. Elle dut serrer les poings pour se contenir, se faire violence, jusqu'à ce que l'impression passe. Elle pouvait encaisser. Elle avait un plan.
Et devait prier pour qu'il suffise.
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