Un dernier élan
TW pensées suicidaires et dépression. Si vous vous retrouvez dans ce que le personnage concerné ressent, je ne peux que vous conseiller de rechercher de l'aide. Vous n'êtes pas seuls.
Ils coururent pendant encore deux heures sans s'arrêter avant de retrouver leurs cibles. Le soleil avait bien avancé dans sa course à travers le ciel, lui aussi : alors que l'aube s'éloignait à peine à l'heure de leur départ, l'astre se trouvait désormais au culminant de son arc. Pendant le trajet, Hitomi avait averti ses compagnons de la présence d'un second système de méridiens à l'intérieur de leur dernier adversaire. Elle s'était trouvée suffisamment près et suffisamment longtemps pour le sentir, quand Kidômaru les avait arrêtés.
Alors que Shikamaru allait ordonner l'assaut, Hitomi fit signe à toute la colonne de s'arrêter. Elle ferma les yeux, ouvrit les sensations de ses méridiens à toute volée et décoda aussi vite que possible ce qu'ils lui disaient. Son corps se tendit comme un arc sous le regard inquiet de Shikamaru, qui avait compris que quelque chose n'allait pas. Elle serra les dents, réprima un grognement de douleur, se retira juste assez de la cage où elle enfermait sa maladie pour ne plus en souffrir.
— Des renforts attendaient notre dernier adversaire et viennent d'entrer en contact avec lui. Deux unités de quatre hommes, à peu près niveau Chûnin, et un homme à part... Je dirais encore un peu plus fort que notre cible initiale.
— Misère...
— Shikamaru, il nous faut un plan. Maintenant.
— J'y réfléchis !
En silence, les Genin regardèrent leur chef d'unité joindre le bout des doigts de ses deux mains, la pose qu'il prenait toujours quand il se trouvait face à un problème particulièrement retors. Il resta parfaitement immobile pendant quelques secondes, le front plissé, puis rouvrit les yeux et se redressa, sa détermination se dessinant sur les lignes raide de son dos et de ses épaules.
— Ok, voilà ce qu'on va faire. Hitomi, Lee et Kiba, vous vous attaquez à notre cible uniquement. Récupérez le baquet où se trouve Sasuke et trouvez un moyen de le sortir de là et de le ramener au village. Si vous devez être séparés, Lee et Kiba s'occupent de notre homme, Hitomi de son frère. Naruto, toi et moi on s'occupe de ces trouble-fêtes. Tes clones et mes ombres nous permettront de les immobiliser et de les séparer de la cible. Hoshihi, Kurokumo, vous nous assisterez. N'hésitez pas à utiliser tout l'éventail de vos techniques, on s'adaptera en conséquence.
Hoshihi échangea un regard inquiet avec son invocatrice, mais elle hocha fermement la tête et prit la tête de son groupe, Kiba, Akamaru et Lee sur les talons, tandis que Naruto, Shikamaru et les deux chats sortaient du couvert de la forêt. Les Enfants du Sable n'étaient-ils pas censés arriver bientôt ? Elle contourna la troupe ennemie d'un large arc de cercle, poussant ses jambes à leur maximum, et barra la route à Sakon, dont le visage se tordait déjà d'une grimace colérique. Dans son dos, le baquet fumait. Bientôt, Sasuke en sortirait, changé.
— Bande de vermines, cracha Sakon, je vais vous écraser !
— Tu parles beaucoup pour un moucheron acculé, répondit Hitomi avec un rictus chargé d'ironie.
Le Murmure éclata à nouveau en elle, la gaine de chakra s'enroula autour de la lame de son tantô, et aussi simplement que ça, elle fut prête. Elle savait à quoi s'attendre, mais elle n'avait pas les capacités d'analyse que le Sharingan offrait à Sasuke. Mais avec la Manipulation des Ombres et Shunshin, elle était, des trois, celle qui avait le plus de chances de survivre à cet affrontement. Elle attaqua de face, se téléporta au dernier moment dans le dos de son adversaire et parvint à le toucher à l'épaule, tandis que Lee et Kiba profitaient de l'ouverture qu'elle venait de créer pour frapper à l'avant. Quand une main jaillit de la nuque de Sakon pour tenter de la clouer sur place, elle effectua un nouveau Shunshin qui l'amena en sécurité derrière ses compagnons.
Quand elle se permettait de détacher les yeux de ses adversaires, elle pouvait voir que Shikamaru et Naruto étaient entrés en action : une mer de clones la séparait du reste des troupes d'Oto, tandis que la sensation des techniques de son cousin était aussi familière sur ses méridiens que sa propre respiration. Elle sentit un colosse de chakra, qui ne pouvait être que Kimimaro, se porter à l'assaut...
Et enfin, Gaara.
Elle aurait laissé échapper une exclamation de soulagement en le sentant arriver si le baquet, posé au sol par Sakon, ne s'était pas soudain ouvert. Pétrifiée, elle regarda Sasuke en émerger, lentement, la Marque Maudite se rétractant de ses membres centimètre par centimètre jusqu'à disparaître. Elle avança d'un pas vers lui, le bruit ténu attira son attention : une brève œillade dans sa direction et il s'élançait vers la Valée de la Fin, mobilisant toute sa vitesse pour s'éloigner.
— Hitomi, suis-le, on te couvre !
À peine Lee eut-il fini sa phrase qu'elle disparaissait déjà, couvrant plusieurs centaines de mètres à l'aide d'un Shunshin. Il était si près, si loin... Elle grogna contre ses jambes qui faiblissaient, épuisées par les efforts constants et la course interminable contre la montre, rangea la douleur au fond d'elle, là où elle ne saurait se faire entendre. La poursuite, le maintien de l'invocation et les techniques qu'elle utilisait avaient bien entamé ses réserves de chakra, mais elle avait encore de quoi lutter.
— Sasuke ! Attends-moi bordel !
Il resta sourd à son appel et elle ne put que suivre, luttant pour garder sa silhouette dans son champ de vision. Ils étaient tous deux d'une vitesse similaire, mais lui n'était pas fatigué par des heures de course pratiquement ininterrompue, et bien vite Hitomi dut à nouveau faire appel à son chakra pour ne pas se laisser distancer. Son aura meurtrière épaississait l'air autour d'elle, mais jamais elle n'aurait été capable de la diriger contre Sasuke – même si cela l'aurait effectivement ralenti.
Ce ne fut que quand il atteignit le pied de l'immense cascade de la Vallée de la Fin où se dressaient les statues de Madara et Hashirama au combat qu'elle agit définitivement pour lui couper la route. S'il avançait ne serait-ce que d'une dizaine de mètres au-delà des statues, il serait passé dans le territoire du Pays des Rizières, où elle ne pouvait le suivre sans devenir renégate. Elle s'arrêta, plongea ses mains dans l'eau et projeta dans le liquide la plus violente vague de chakra dont elle était capable, assez puissante pour éveiller dans ses bras une sensation de brûlure. Autour d'elle, la rivière explosa explosa, le flux de la cascade sortant quelques instants de son lit pour se déverser brutalement sur la tête de Sasuke, des litres et des litres d'eau glacée dont il sortit en crachotant, l'air excédé.
— J'ai enfin ton attention, je vois, dit-elle d'une voix douce en se redressant.
— N'essaye pas de me retenir !
— Je ne peux pas te laisser partir, Sasuke. Tu es mon frère, je mourrais pour toi sans hésiter. Je ne peux pas laisser Kabuto te voler à notre famille.
Les traits du jeune homme se crispèrent, il fit un pas vacillant dans sa direction, puis toute colère sembla le déserter et il baissa les yeux vers les siens, l'air soudainement épuisé et tellement, tellement vulnérable.
— Tu ne comprends pas... Je ne fais que suivre les ordres de Tsunade, Hitomi-nee.
La respiration d'Hitomi se coinça dans sa gorge quand elle entendit le vieux suffixe qui trahissait une faiblesse, un besoin désespéré d'aide et de soutien. Elle approcha à son tour, effleura l'épaule de Sasuke d'une main légère, cherchant la plus petite trace de mensonge sur ses traits. Elle n'en trouva aucune.
— Explique-moi.
— Elle m'a... Elle m'a dit qu'elle avait besoin d'un espion... Là-bas... Que je devrais en profiter pour devenir le plus fort possible, que j'étais le seul capable...
— Elle veut que tu deviennes un agent double à sa solde, mais en apparence sous le commandement de Kabuto.
— O-oui. Les documents qu'on a récupérés montrent qu'il allait me récupérer de toute façon, de gré ou de force, mais si je fais mine de le suivre volontairement, je garderai peut-être un peu plus longtemps mon libre-arbitre, et...
— J'ai compris, murmura-t-elle avec tendresse.
Lentement, elle dégaina son sabre, qu'elle avait rengainé pendant sa course, et se mit en position de combat. Le regard chargé d'incompréhension et de frayeur, Sasuke sortit un kunai de son étui de cuisse et fit de même, les membres agités de tremblements. Imaginait-elle le voile humide sur ses yeux ?
— Je t'en prie, Hitomi, laisse-moi partir, je ne veux pas te faire de mal, mais je dois... Je dois... Hitomi-nee...
— Je ne peux pas te laisser t'enfuir comme ça, Sasuke-kun. Tu le sais très bien.
Et soudain elle quitta sa posture rigide, explosion de mouvement, de volonté et d'énergie. Son sabre siffla à un cheveu du bras armé de Sasuke, dont les traits avaient pris une expression agonisante, désespérée. La jeune fille serra les dents, fit le calme en elle-même et échangea passe d'arme après passe d'arme avec son frère, tissant lentement une toile pour endormir sa vigilance, jusqu'à ce que son sabre lui effleure l'oreille et que son ombre se pose sur son épaule comme une caresse.
D'une étincelle de chakra, elle l'emprisonna dans la Manipulation des Ombres. À partir de là, il ne restait plus grand-chose à faire. Elle rengaina son sabre, forçant Sasuke à répliquer ses mouvements de sa main vide – l'un des avantages d'être gauchère. Ensuite, elle leva légèrement son bras droit, le força à raffermir sa prise sur son arme, et quand elle fut dans la position parfaite, se rua dessus tandis que son frère hurlait, air catastrophé.
La douleur fusa dans son buste tandis que son sternum se brisait. Son sang était tiède contre sa peau, les doigts de Sasuke encore crispés sur la garde qui la relâchèrent comme si elle brûlait dès qu'elle le libéra de la Manipulation des Ombres, son regard horrifié dans lequel le Sharingan se transformait en Kaléidoscope. Elle sourit, ses traits se peignant d'une douceur presque maternelle tandis qu'elle prenait en coupe sa joue baignée de larmes.
— Shhh... Tout va bien, Sasuke, tout va bien.
— P-pourquoi ?
Elle déglutit avec difficulté, chercha la main ensanglantée de son frère, déjà endeuillée par son absence inévitable, et trouva la force de lui offrir un sourire digne de Naruto.
— Qui aurait pu croire que je te laisserais partir, sans ça ? Fuis, petit frère, accomplis ta mission. Je serai encore là quand elle se finira, je te le promets. Tu n'as touché aucun point vital. Tout va bien...
— Je suis d-désolé... Je ne voulais pas...
— Va-t'en, Sasuke, il est temps. Tu peux me laisser... Je sens Ensui-shishou s'approcher, derrière. Il ne doit pas te voir. Courage...
Il obéit avec réticence tandis qu'elle tombait à genoux sur la surface de l'eau, l'une de ses mains se crispant autour de la lame toujours profondément fichée dans son buste pour l'empêcher de bouger. Elle nota d'une pensée absente le goût de sang qui, lentement, envahissait sa bouche. Un soupir épuisé lui échappa, elle leva la tête et croisa le regard d'un corbeau aux yeux rouges, posé sur l'un des reliefs de la statue d'Hashirama. Derrière elle, elle entendit Ensui laisser échapper une exclamation étouffée et bien vite il fut derrière elle, la soulevant aussi délicatement que possible pour l'amener sur la rive. Sa conscience se mit à clignoter à ce moment-là comme une ampoule fatiguée, et elle finit par abandonner la bataille.
Tout allait bien.
Elle était en sécurité.
Elle reprit connaissance dans une chambre d'hôpital, quelque chose qu'elle ne voulait vraiment pas voir devenir une habitude. Sa langue était pâteuse, mais pas au point de devenir douloureuse, et elle ne ressentait pas d'inconfort particulier dont un antalgique n'aurait pas pris soin, ce qui signifiait qu'elle avait passé moins de vingt-quatre heures dans le noir. Elle tenta de se redresser, mais une main posée sur son épaule l'en empêcha. Elle tourna la tête. Ensui.
Et soudain tout lui revint, l'horreur dans les yeux de Sasuke, son Sharingan qui évoluait lentement parce qu'il était persuadé de l'avoir tuée, sa silhouette qui disparaissait en fendant la cascade. Son souffle se coinça dans sa poitrine. Qu'avait-elle fait ? Qu'avait-elle fait ? Un tremblement violent agita sa Bibliothèque et soudain elle oublia comment respirer, ses mains pâles agrippant le drap jusqu'à ce que ses jointures blanchissent sous le regard inquiet d'Ensui, qui se leva d'un bond de sa chaise et prit son visage en coupe entre ses mains pour la contraindre à l'immobilité.
— Assez !
Il y avait un tel ton de commandement dans sa voix qu'elle obéit, son regard se vidant lentement de sa panique pour mieux se remplir d'une distance absente. Elle retomba sur le lit comme une poupée de chiffon, ses méridiens frémirent au contact exigeant du chakra de son maître sur sa peau, carcan plus efficace que tous les liens qui auraient pu la maintenir en place. Elle réalisa qu'elle claquait des dents, mais n'arriva pas à mobiliser assez d'intérêt pour s'en soucier.
Trop occupée à revoir en boucle le regard horrifié de Sasuke.
Et la première éclosion de son Kaléidoscope.
— Shhh... Tout va bien, souffla Ensui tandis qu'elle gémissait d'angoisse.
Ses pouces recueillirent, de chaque côté de son visage, les larmes qui roulaient sur ses joues. Son regard ne la quittait pas. Elle se sentait faible, fragile, mais à l'opposé de ce sentiment sain qu'il avait parfois éveillé en elle. Elle allait se briser, elle en était certaine, voler en éclats et disparaître. L'air grave, il lutta contre sa panique latente, jusqu'à ce qu'elle se calme à nouveau, trop épuisée pour que l'angoisse s'accroche encore à son esprit et à son corps.
— Ca doit s'arrêter, Hitomi. Tu ne peux pas continuer comme ça. Personne ne le pourrait.
Les yeux encore humides, elle lui jeta un regard éperdu et parvint à remuer la main, juste assez pour s'accrocher au premier de ses vêtements qu'elle attrapait, le tissu gris sombre se froissant facilement entre ses doigts. Il la laissa faire, lui caressa les bras, le visage, les cheveux, lui faisant comprendre un geste après l'autre qu'elle n'était pas seule, qu'il ne la laisserait pas se perdre, qu'il avait des réponses, des solutions. Il ne l'abandonnerait pas. Il était là.
— C'était de ça que je voulais te parler avant... Avant que Sasuke ne déserte. Je te connais, Hitomi, parfois mieux que toi-même. Je t'ai vue t'étioler lentement, depuis la Forêt de la Mort. J'ai cru... J'ai cru pendant un moment que tu irais mieux. Que tu n'aurais pas besoin que j'intervienne. Mais je me suis trompé, pas vrai ?
Pendant un long moment, elle ne réagit pas, mais il s'y attendait, et patienta. Et puis, enfin, presque à contre-cœur, elle acquiesça, brisant le lien qui s'était tissé entre leurs regards. La honte se lisait plus clair que le jour sur son visage – elle ne faisait plus l'effort de la dissimuler. Il prit l'une de ses mains dans la sienne, regardant la peau plus pâle, plus lisse, plus jeune et pourtant déjà marquée disparaître sous la sienne.
— J'ai besoin que tu me parles, Hitomi. Je ne peux pas... Je ne fais pas de miracles. Mais si tu me dis ce que tu ressens, si tu t'ouvres à moi, je pourrai peut-être t'aider. Je ferai de mon mieux. Je te le promets.
Le regard de la jeune fille épuisée se perdit en direction de la fenêtre. Elle voyait un coin de ciel gris, chargé de pluie. Les nuages pleuraient-ils Sasuke, celui qu'il avait été et celui qu'il deviendrait ? Elle trouva un étrange et sombre réconfort dans cette idée. C'est ta faute.
— Parfois, murmura-t-elle d'une voix rauque avant de déglutir. Parfois, j'aimerais juste fermer les yeux, et ne plus jamais les rouvrir.
Le silence s'étendit entre eux, plus épais et irrespirable que de l'acier. Elle ne pouvait pas voir le visage d'Ensui, seulement le ciel qui partageait son deuil du passé et le goût de son échec. Puis il passa un bras sous ses épaules, souleva son buste avec mille précautions et l'étreignit, son menton posé sur le sommet de son crâne. Elle se détendit lentement dans ses bras, jusqu'à ce qu'elle sente deux gouttes tomber sur ses cheveux, là-haut.
Il pleurait.
Cela n'était jamais arrivé et quelque part en elle, quelque chose se brisa. Il n'avait jamais pleuré, jamais devant elle, excepté le jour où il lui avait parlé de Chôjirô, son fils mort au service de la Racine. Qu'avait-elle fait pour raviver en lui une telle douleur ? Terrifiée, elle s'accrocha à son bras, son cœur battant si fort dans sa gorge qu'elle avait l'impression d'étouffer. Puis ce furent ses lèvres qui se pressèrent là où les larmes étaient tombées et l'étreinte se resserra encore – ça faisait mal, elle s'en fichait. Il la berça contre lui, longtemps, de longs et doux sanglots le traversant l'un après l'autre comme une caresse.
— Je suis désolé. Je suis tellement désolé, je... J'aurais voulu te protéger mieux que ça, j'ai prié pour que tu ne passes pas par-là.
— Par-là ? chuchota-t-elle contre lui.
Il ne répondit pas tout de suite, comme s'il pesait soigneusement ses mots. C'était peut-être le cas.
— J'avais un ami... Son nom te serait familier. Il s'appelait Sakumo Hatake. On était vraiment très proches, lui et moi – il m'a aidé à traverser la mort de Chôjirô. C'était difficile, mais grâce à lui, j'ai survécu. Et puis il est revenu d'une mission... Dans le déshonneur. Dévasté. Même les hommes qu'il avait sauvés en refusant de poursuivre la mission le méprisaient. Je l'ai vu passer par ces symptômes, lui aussi. Les crises d'angoisses, la mise en danger volontaire, la dépréciation, les longs silences. Un jour, il m'a dit mot pour mot ce que tu viens de me dire toi.
Elle ferma fort les yeux, comme si cela pouvait la protéger de ce qu'il allait dire ensuite, de la fin de l'histoire qu'elle connaissait par cœur.
— Le lendemain, j'ai appris qu'il s'était suicidé. Je me suis renseigné, ensuite. J'étais désespéré de savoir ce que j'avais raté, comment j'aurais pu le détourner d'un tel chemin.
La voix de son maître était rauque, vibrant contre l'oreille qu'elle avait pressée sur son torse puissant comme dans une caisse de résonnance. Elle ne voulait rien tant que reprendre ce qu'elle venait de dire, effacer les derniers instants, désapprendre ce moment trop intime et douloureux du passé du Jônin qui les mettait tous deux à nu, à vif. Comme si c'était possible.
— Tu auras de l'aide, Hitomi. Je te le promets. J'y veillerai personnellement. Tu guériras un jour, si tu trouves la force de tenir bon, en toi et en tous ceux qui comptent pour toi. Les chemins sombres ne restent pas sombres pour toujours.
Contre lui, elle éclata en sanglots hachés, désespérés. Elle voulait vivre. Elle voulait... Mais ça faisait tellement mal ! Elle était tellement, tellement fatiguée des échecs et de la terreur et de la faiblesse qui lui brisait les os et lui arrachait le cœur encore et encore et encore. Elle pleura jusqu'à ce que sa voix s'use, jusqu'à ce que ses yeux brûlants et fatigués ne puissent plus verser une seule larme, jusqu'à ce que l'épuisement domine son corps ébréché et qu'elle ne puisse plus respirer que par sa bouche entrouverte.
— Shishou... Je... Je suis désolée...
— Ce n'est pas ta faute. Je te le promets. Tu n'as pas à t'excuser, tu n'y es pour rien. Ca va passer... Ca va passer.
Il la tint longtemps encore, jusqu'à ce qu'elle s'endorme dans ses bras, et s'éveille à nouveau. Même à ce moment-là, il ne la lâcha pas, la laissant le dévisager, noter les cernes gravés sous sa peau à l'encre noire, les traits tirés, l'éclat farouche au fond de ses yeux gris sombre. Un guerrier, et pourtant... Pourtant, autre chose, sur lequel elle ne pouvait ni poser un nom ni s'arrêter précisément. Pendant tout le temps de son inspection, il caressa ses doigts de l'un de ses pouces calleux, l'un après l'autre et puis dans l'ordre inverse, jusqu'à ce qu'elle s'estime satisfaite.
— Comment vont les autres ? demanda-t-elle d'une voix rauque.
— Shikamaru a une cheville foulée. Lee s'est blessé aux mains, mais Tsunade l'a déjà guéri et lui a ordonné du repos. Kiba et Akamaru ont des brûlures et des lacérations sur les membres, mais rien de préoccupant non plus. Neji... Neji avait plusieurs trous dans le corps, mais Shizune, Sakura et Karin, qui faisaient partie de l'équipe de soin, viennent de terminer l'opération et il s'en sortira. C'est Chôji qui est dans l'état le plus grave. Je ne connais pas les détails, parce qu'il s'agit d'un problème propre à son clan. Il se remettra, lui aussi.
— Et Naruto ? Et mes chats ?
— Naruto n'a rien. Il avait des entailles quand il est arrivé à l'hôpital, mais elles étaient déjà en train de guérir. Tsunade a dû lui botter les fesses pour le faire sortir de cette chambre avant que tu reprennes conscience. Hoshihi et Kurokumo avaient plusieurs brûlures sur le dos et le poitrail, Hana Inuzuka les a pris en charge. Haîro a une patte démise. Ils ont dû le porter jusqu'à Hana, mais elle s'occupe aussi de lui.
— Personne n'en est sorti indemne...
Elle sentait déjà la culpabilité revenir, comme une main douce et froide autour de sa gorge. La voix ferme de son maître la força à se concentrer sur autre chose que cette sensation avilissante.
— Non, c'est vrai. Personne n'en est sorti indemne. Mais personne n'est mort, et personne ne devra renoncer à sa carrière de ninja. Tu ne te rends pas compte de la chance absurde que vous avez eue, Hitomi. Si Gaara, Kankurô et Temari n'étaient pas arrivés, il y aurait eu des morts. Vous êtes chanceux, et plus que ça, vous êtes talentueux. Vous vous êtes frottés à quatre ninjas assez forts pour prétendre au titre de Jônin et à huit Chûnin. Vous avez tous survécu, sans exception.
— G-Gaara... Comment...
— Il est arrivé au village, du côté opposé, à peu près au moment où vous êtes partis, pour une mission diplomatique. Tsunade l'a immédiatement envoyé à votre poursuite, mais vous aviez déjà trop d'avance.
— Et vous, shishou ? Comment vous êtes arrivés ?
— Dès que je suis rentré de ma mission et que j'ai appris ce qui s'était passé, j'ai demandé à Shikaku de m'envoyer en mission à la frontière. Vu les circonstances, il ne m'en voudra pas de ne pas lui avoir ramené d'aconit.
La jeune fille ne put empêcher un petit rire étranglé, douloureux, de franchir ses lèvres. Ses traits se crispèrent et elle porta une main à sa poitrine, d'où la douleur irradiait.
— Et... Et moi ?
— Sternum fracturé, lacération, brûlures de chakra. C'est la fracture, la blessure la plus grave, bien entendu. D'après Tsunade, il vaut mieux éviter de la soigner avec du chakra, alors elle a décidé de maintenir l'os en place grâce à un sceau et de laisser faire le temps. Si tu laisses tes réserves de chakra se remplir bien comme il faut et que tu évites d'en dépenser, tu iras mieux d'ici deux bonnes semaines.
Elle hocha la tête et se perdit dans un silence contemplatif, à nouveau fatiguée. Elle avait l'impression que même son cœur peinait à battre correctement. Un effet de sa blessure ? Non... Non, ce n'était pas possible. C'était son esprit qui lui jouait des tours.
— La prochaine fois que tu te réveilleras, je ne serai plus là, mais je te laisserai un clone, d'accord ? Je dois aller trouver ta mère – sa mission n'est toujours pas terminée – et la prévenir de ce qui est arrivé.
— Elle... Elle ne sait pas encore pour Sasuke ?
— Non, elle ne sait pas encore. Personne ne lui a envoyé de message, pour ne pas mettre sa mission en péril, mais elle devrait être sur le chemin du retour maintenant, alors...
— Shishou... Tout le monde sait que Sasuke a déserté ? demanda-t-elle d'une petite voix.
— Oui. Le bruit s'est répandu au village. Même les civils le savent, désormais.
— Je... Sasuke m'a confié un secret, shishou. Je ne peux pas le garder pour moi toute seule. Je vous en prie...
— Ne t'en fais pas, la rassura-t-il en se courbant de sorte que son oreille se trouve tout près de la bouche de son élève. Je garderai tes secrets de ma vie s'il le faut.
Elle le lui chuchota au creux de l'oreille, les larmes aux yeux. Elle vit ses traits se marquer d'étonnement, puis de compréhension. Du bout des doigts, il effleura l'endroit où elle avait été blessée à travers les couvertures et les vêtements, comme si cela offrait une nouvelle profondeur à son savoir.
— Un coup de poignard qui esquive tous les points vitaux, juste assez grave pour que tu ne puisses pas le suivre... Je comprends, à présent. Tu ne dois le dire à personne, d'accord ? Pas même à ta mère, pas même à Naruto. Tu les mettrais en danger. Et pas seulement à l'extérieur du village...
— D-d'accord, shishou.
— Dors, Hitomi. Tu as besoin de sommeil. Tu es en sécurité...
Habituée à lui obéir, elle ferma les yeux, se laissant bercer par la litanie de promesses qu'il avait à lui offrir. Elle lui faisait confiance pour les tenir.
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