Retrouver son équilibre
Kurenai ne rentra pas avant le matin, Yoshino à ses côtés. Les deux femmes entrèrent dans la maison qu'elles sentaient habitée en silence, ôtant leurs chaussures et enfilant leurs chaussons en essayant de se faire les plus discrètes possibles. Au salon les attendait une scène qu'on ne voyait pas tous les jours : des adolescents et un adulte empilés les uns sur les autres en une masse désordonnée ronflaient doucement de concert. Ensui, qui se trouvait à la base de cette construction instable, ouvrit paresseusement les yeux en les sentant approcher. Sans quitter sa position sur le sol – comment pouvait-il respirer avec tous ces corps entassés sur le sien ? – il leur fit signe de garder le silence, pressant un doigt fin sur ses lèvres qui souriaient faiblement.
Yoshino et Kurenai échangèrent un regard amusé mais s'exécutèrent, se réfugiant toutes les deux dans la cuisine. La vaisselle n'avait pas été faite mais au moins elles voyaient que les enfants avaient mangé. Elles étaient épuisées toutes les deux après avoir travaillé à l'hôpital jusqu'à l'aurore, stabilisant tous les blessés sur lesquels elles pouvaient mettre la main. Certains parmi les shinobis les plus âgés, les plus ombrageux, avaient tenté de les en dissuader, de rediriger leur attention sur des confrères moins gravement atteints mais plus jeunes, en vain.
— Au moins, ils ont l'air d'aller bien, murmura Yoshino.
— Oui, c'est déjà ça. On ne peut pas en demander plus.
— Hm... Tu sais quand la liste des décédés et disparus paraîtra ? Je pense qu'ils auront besoin de la consulter, tous autant qu'ils sont.
— Kakashi m'a dit que Shikaku voulait la transmettre au village avant midi. Le bilan des morts aurait pu être bien pire, même s'il pourrait encore s'allonger.
— C'est certain... Nos enfants ont été décisifs, eux et leurs camarades.
— Et les gamins de Suna aussi... J'ai entendu dire que Gaara – c'est l'ami d'Hitomi, tu l'as vu avant l'examen, tu te souviens ? – avait réussi à retourner les forces de son village contre Otogakure.
— Et Hokage-sama... J'ai parlé à l'une des infirmières qui assistait les chirurgiens sur son cas. On dit que Tsunade-sama pourrait lui sauver la vie, mais il aura sans doute des tremblements et des crises d'épilepsie jusqu'à sa mort.
Dans le salon, Hitomi avait ouvert les yeux et écoutait, une vague de chakra concentrée dans ses oreilles pour mieux percevoir l'échange. Elle ne parvenait pas à se sentir coupable, même si elle essayait. Hiruzen avait fait son temps et se raccrochait à la fonction comme s'il était le seul à pouvoir l'exercer. Cette fois, il n'aurait pas le choix, il devrait laisser Tsunade lui succéder, et au moins il serait en vie pour la voir s'élever au-dessus de ses pairs. C'aurait dû être le seul souhait d'un sensei.
— C'est mal d'écouter aux portes, grommela Ensui à son oreille.
Elle lui sourit avec malice, une étincelle peut-être un peu fourbe au fond des yeux. Elle ne se souvenait pas de comment elle avait atterri au sol, la tête sur son torse et Shikamaru avachi sur elle, mais toutes ces présences autour d'elle lui avaient au moins offert un sommeil sans rêve. Elle avait même pu aller s'occuper de sa Bibliothèque. Du sang avait coulé sous la porte de la Salle sans Nom quand elle l'avait refermée. Rien de très inquiétant, par rapport à la dernière fois qu'elle avait dû y ranger des souvenirs. Sa cage était aussi un peu fragilisée par les ouvertures et fermetures répétées, rien qu'un peu de chakra ne puisse réparer.
— Je me sentirais coupable si vous n'écoutiez pas aussi, shishou.
— Pris sur le fait, soupira l'homme avec un sourire détendu. Fais attention, on va prétendre que je t'ai mal élevée.
— Si quelqu'un ose dire ça, dénoncez-le, je lui casserai les genoux. Personne ne médit de vous et s'en tire impunément.
Il rit, un petit son bas dans la gorge et doux comme un souvenir, sa main se perdant dans les cheveux emmêlés de son apprentie avec affection. Il la regarda échapper à l'étreinte de Shikamaru, qui laissa échapper une petite plainte de protestation sans se réveiller, avant de s'extraire de la masse d'adolescents endormis à son tour. D'un même mouvement, maître et élève s'étirèrent puis se dirigèrent vers la cuisine.
Hitomi salua sa mère d'un baiser sur la joue et se retrouva prise dans son étreinte avant de pouvoir s'écarter pour saluer sa tante. Elle ne fit pas mine de se rebuffer, au contraire. Elle était soulagée que Kurenai ait simplement aidé à l'hôpital. Bien sûr, elle s'était battue, la jeune fille pouvait le voir au désordre dans ses cheveux et au bord brûlé de la robe qu'elle portait comme un uniforme, mais qui parmi les forces de Konoha était resté à se tourner les pouces ? Même les élèves les plus âgés de l'Académie étaient mis à contribution une fois les combats terminés, pour nettoyer les décombres là où les corps avaient déjà été ramassés par l'ANBU.
— Réveille tes frères et ton cousin, ma puce. Vous êtes attendus à la Tour pour des missions de rang D, en nombre. Vous aiderez à nettoyer le village.
— D'accord. Tu veux que je réveille Karin aussi ?
— Karin ? C'est la cousine de Naruto dont tu m'avais parlé, c'est ça ?
— Hm hm. Elle a introduit une demande pour devenir pupille du village et faire partie de ses ninjas, mais comme médic.
— Alors elle ira plutôt aider à l'hôpital, je pense.
— Ah, c'est la gamine avec les cheveux roux, c'est ça ? demanda Yoshino. J'ai entendu des médecins parler d'elle, hier soir. Elle les a sauvés en les poussant à se barricader dans l'une des chambres.
— C'est là qu'on l'a retrouvée en se déployant dans l'hôpital, confirma Hitomi. La porte était assaillie par des ninjas ennemis, mais elle se tenait juste derrière et elle avait l'air prête à en découdre.
— Konoha a besoin de médics et de ninjas, d'autant plus après l'invasion. Envoie un message à Shikaku, il regardera son dossier dès qu'il aura un moment.
— Ça fait bizarre d'imaginer Shikaku-ojisan Hokage, même par intérim. Qui occupe le poste de Jônin en Chef en attendant qu'il puisse reprendre son travail ?
— Personne, ma puce. Les seuls candidats convenables sont des sensei, ou alors on a besoin d'eux pour des missions hors du pays qui rapporteront l'argent nécessaire aux reconstructions. Il cumule les deux fonctions.
Hitomi ne put s'empêcher de sourciller, surprise. Cela devait représenter une tonne de travail. Même en partageant le rôle de Hokage entre Shikaku et Kakashi, c'était colossal. Et même si elle abordé ce sujet en cours d'Histoire à l'Académie, la jeune fille n'avait vraiment réalisé à quel point son village avait perdu ses forces dans les guerres et catastrophes du dernier siècle. Mais à part Kakakshi, Kurenai, Asuma, Gai, Ensui et Shikaku, quels Jônin connaissait-elle ? Il y avait Hayate, qui était entre la vie et la mort, les chefs de clan, déjà débordés par la gestion de leurs ninjas, les chefs des différents départements, indisponibles pour des raisons évidentes, et Genma, qui était célèbre pour sa haine de tout travail administratif. Le village avait besoin de reprendre des forces, et vite, ou il serait une proie facile pour les autres puissances.
— Il faut aussi que je parle à Jiraiya-sama ! s'exclama-t-elle en se levant. Tu sais où il est, Maman ?
— Non... une idée, Yoshino ?
— Hum... Sans doute au Département Torture et Interrogatoire. Ibiki-san a mis la main sur quelques ninjas d'Otogakure. Il voudra les interroger en personne, tu peux en être sûre.
— D'accord ! Je réveille les autres et j'y vais alors. Merci !
Peut-être un peu médusés, les adultes la regardèrent filer. Kurenai réalisa avec un temps de retard qu'Hitomi n'avait pas déjeuné et lui prépara un casse-croûte à manger sur le chemin tandis que Yoshino et Ensui échangeaient un regard amusé. Ce n'était pas le premier venu qui pouvait parler à Jiraiya, quelle qu'en soit la raison, mais l'adolescente ne semblait pas douter un instant de sa capacité à y parvenir. C'était rafraîchissant d'observer ce genre de volonté inarrêtable chez les plus jeunes.
Après avoir réveillé ses frères – elle leur laissait le cas Shikamaru, une bataille dans laquelle elle ne se serait investie pour rien au monde – Hitomi fonça dans sa chambre, s'habilla et sortit. Il faisait grand soleil dehors, comme un pied de nez aux évènements de la veille, la lumière rieuse illuminant les jardins couverts de rosée des Nara. C'était un cadre enchanteur, qui laissait oublier les ruines et la destruction du reste du village. L'ennemi n'avait pas réussi à pénétrer à l'intérieur des terres du clan, situées à l'opposé du point de départ de l'invasion, et défendues par des sceaux qui feraient pâlir certains maîtres de jalousie. La légende disait que c'était Tobirama Senju lui-même qui les avait écrits, en l'échange de l'autorisation de se fiancer avec l'héritière en titre. Ils étaient morts tous les deux avant de pouvoir se marier.
Une fois entrée dans la partie publique du village, la jeune fille dut faire plusieurs détours pour éviter des tas de débris instables. Certains bâtiments avaient été entièrement rasés, d'autres tenaient encore debout par pur miracle, et quelques-uns, plus rares, semblaient intouchés. Les autres supportaient divers degrés de destruction, mais les toits étaient plus sévèrement touchés : c'était sur leurs surfaces que beaucoup de combats s'étaient déroulés.
Hitomi connaissait par cœur le chemin jusqu'au Département, mais après le combat de la veille, le massacre des prisonniers auquel elle avait pris part, elle avait du mal à avancer en cette direction. Le sang n'était plus visible sur ses mains, mais elle ne parviendrait pas à l'oublier pour autant. Son esprit ne lui autoriserait pas une telle bénédiction. Elle dut serrer les lèvres pour figer son expression en un masque désintéressé quand elle passa devant la façade ouest, rafistolée à la hâte. Le bout de mur derrière lequel elle avait dû se cacher pour éviter une volée de shuriken était encore exactement au même endroit, au milieu de la rue. Personne n'y avait touché.
— Yûhi-san ? Vous avez reçu une mission ici ?
Hitomi fit volte-face, une main s'égarant par réflexe près de sa ceinture, où se trouvait son fidèle sabre. Elle avait dû nettoyer Ishi to Senrigan pendant pratiquement une heure, la veille, pour le débarrasser du sang qui maculait sa lame, sa garde et la soie rouge sombre qui l'ornait. Cela lui avait semblé aussi important que de laver son corps de la crasse et des combats.
— Renard-san ! Pas exactement. Je suis là pour voir Jiraiya-sama. Je pars bientôt en mission avec lui et j'ai quelques suggestions à faire concernant la logistique. Vous savez où il est ?
— Reste ici, je vais voir si je peux aller le chercher. Il devrait avoir fini sa réunion avec Ibiki et les autres gradés maintenant.
— D'accord, merci !
Le sourire rayonnant qu'elle offrit à l'ANBU était faux, emprunté au répertoire de Naruto, mais c'était la meilleure manière qu'elle connaissait de le remercier. Grâce à lui, elle n'avait pas à entrer, à voir les conséquences de ses actions la veille. Certaines geôles avaient dû être réparées maintenant, des endroits sécurisés où enfermer les ninjas d'Oto et de Suna qui avaient été capturés. Peut-être que Gaara parviendrait à faire libérer les siens, surtout si Baki et Temari s'appliquaient sur le plan diplomatique, mais pour les hommes du Son, il n'y avait aucun espoir. Orochimaru n'était pas du genre à faire des échanges de prisonniers. Il avait sans doute des hommes de Konoha quelque part dans ses laboratoires, mais que restait-il de ces shinobi brisés après des années de torture et d'expérimentations aux mains du serpent ? Malgré la chaleur du soleil sur sa peau, Hitomi frissonna.
— Salut gamine ! On cherche la sagesse du tout-puissant Jiraiya ?
Haussant un sourcil, Hitomi se tourna vers la voix. Il était exactement comme elle l'avait imaginé entre ses lectures du Monde d'Avant et les descriptions des livres d'Histoire qu'elle avait dévorés pour l'Académie et son plaisir personnel. Défiante, un léger sourire aux lèvres, elle croisa les bras sur sa poitrine.
— Ca dépend, un nouveau livre en route ?
Il rejeta la tête en arrière et aboya de rire, comme si elle venait de sortir la meilleure de l'année. Pourtant, Hitomi ne plaisantait qu'à moitié : Jiraiya était un excellent romancier. Elle voulait en lire plus, elle voulait connaître la suite des histoires qu'il racontait, en avoir le fin mot.
— Pas encore, pas encore. Mais j'aurai largement de quoi m'inspirer pendant notre voyage. Oh – Yoshino et Kurenai t'en ont parlé, pas vrai ? Je vous emmène, toi et Naruto, à la recherche d'une femme très spéciale.
— Tsunade-sama, oui, je sais. Je suis capable de réfléchir, vous savez ? J'ai réalisé immédiatement qu'il fallait que ce soit elle, le prochain Hokage, dès que j'ai appris pour Sarutobi-sama. Et pas seulement parce qu'elle est sa seule chance de survie... Elle apporterait aussi un nouveau souffle au village, un souffle sain.
— Ah, je vois que tu as tout compris. On a la tête bien faite, hm ? J'ai entendu dire que tu te débrouillais bien en fûinjutsu.
— Il paraît, en effet. J'ai inventé deux ou trois bricoles... J'en suis à l'apprentissage des sceaux corporels.
— Et dis-moi, tu aurais une de ces bricoles à me montrer ? Ca fait des lustres que je n'ai vu personne inventer un sceau.
Oui... Sans doute depuis le Quatrième Hokage. Hitomi avait eu la chance de parcourir certaines reconstitutions de ses travaux, dont le Sceau du Secret qui était gravé sous le bureau de Shikaku, quand il exerçait ses fonctions de Jônin en Chef. Il était activable et désactivable à volonté et permettait d'insonoriser parfaitement la pièce entière. Une véritable œuvre d'art. En silence, la jeune fille tendit à l'ermite son carnet communicant, dont elle ne se séparait jamais.
— C'est un assemblage de plusieurs sceaux, pas vraiment une création pure et dure. J'ai pu l'améliorer depuis, créer un réseau en quelque sorte. Il y a une dizaine d'autres carnets, tous reliés au mien, pour que je puisse parler avec mes amis quelle que soit la distance qui nous sépare.
— Je vois, marmonna le Sannin en parcourant les sceaux à l'intérieur de la couverture du carnet.
Il passa machinalement le pouce sur l'encre que le temps avait vieilli, comme songeur.
— Tiens, je m'en souviens maintenant. J'ai croisé Ensui Nara quand il était à Suna, à s'occuper des trois gosses, là. Le plus jeune avait un carnet comme ça, et ton shishou m'a dit que tu les avais fabriqués. Tu devais avoir, quoi, cinq, six ans à l'époque ?
— Quelque chose comme ça, répondit-elle avec un mince sourire.
L'homme secoua la tête, affichant un sourire amusé, et lui rendit le carnet après l'avoir refermé.
— J'imagine que tu n'as pas traversé tout le village juste pour me montrer ça. Qu'est-ce que tu veux ?
Récupérant son bien, Hitomi se mit à expliquer. Elle raconta comment s'était déroulée la mission au Pays des Vagues et la dette implicite qui planait entre Zabuza et elle. Il n'avait jamais exactement déclaré être son vassal, mais en répondant à son appel un peu plus d'un mois plus tôt il avait agi comme tel et le referait encore, elle le savait. Il considérait lui devoir sa vie et celle de son protégé, la deuxième sans doute plus précieuse à ses yeux que la première.
— J'aimerais qu'ils nous accompagnent. Si on tombe sur Orochimaru ou pire, on sera bien content de les avoir à nos côtés, son apprenti et lui. Ils sont vraiment très forts.
Le regard du Sannin se perdit dans le vide. Hitomi attendait son verdict, nerveuse. Elle savait qu'il ne pensait sans doute pas seulement à son ancien coéquipier : les rumeurs parlant de la création de l'Akatsuki devaient s'être sérieusement répandues à présent et Itachi Uchiha faisait partie de cette organisation depuis plusieurs années. Les déserteurs étaient sans doute sur la trace des jinchûriki. Elle ne pouvait pas en mettre sa main au feu – elle pouvait encore une fois maudire Kishimoto et son manque de précision pour ça – mais il aurait été étrange que ça ne soit pas encore le cas. L'Akatsuki voudrait profiter de la faiblesse de Konoha pour se mettre en branle.
— Tu as sans doute raison, gamine... Tu peux inviter tes alliés à nous rejoindre à la porte de Konoha dans cinq jours. C'est le temps qu'il faudra pour que le gros du village soit déblayé et que la situation politique se stabilise à peu près. Ensuite, on pourra partir. Mais je te préviens, tu te portes garante d'eux. S'ils nous trahissent, ce sera ta faute.
Hitomi ne put s'empêcher de pâlir et déglutir. Même si elle savait qu'Haku et Zabuza ne la trahiraient pas, même si Jiraiya ne la menaçait pas, elle sentit un nœud d'anxiété se former dans son ventre. Oh, le Sannin n'avait pas besoin d'émettre une vraie menace : le simple fait de porter la responsabilité si une telle catastrophe se produisait lui donnerait des cauchemars. L'homme vit son trouble et laissa échapper un petit rire, lui ébouriffant gentiment les cheveux.
— Bah, je suis sûr qu'il n'arrivera rien de ce genre. Tu as l'air d'avoir la tête sur les épaules. Les professeurs de l'Académie parlaient beaucoup de toi il y a quelques années. Alors comme ça on fédère ses pairs ?
— Ça semblait être un bon moyen de nous en sortir, répondit-elle en haussant les épaules. Et finalement on ne s'en est pas trop mal tirés, pas vrai ? J'ai entendu dire que la classe qui est en première en ce moment suivrait le même genre de programme que nous, avec les équipes qui se laissent deviner même encore plus tôt.
— C'est ce que j'ai entendu aussi. On verra si c'est aussi efficace avec eux qu'avec vous. Bon, je dois te laisser. C'était un plaisir, mais je dois aller faire mon rapport à Shikaku-san, et toi, tu dois aller chercher une mission. Pas besoin d'aller jusqu'à la Tour, le poste à l'entrée du village est plus près et on t'y remettra des ordres sans problème. Vu l'ampleur des dégâts et le travail à faire pour retaper le village, il y a des points de distribution de missions à travers tout le village. Allez, à bientôt ! N'oublie pas d'aider Naruto à se préparer !
— Ça marche !
L'homme agita la main puis disparut dans un tourbillon de feuilles mortes. Est-ce que les adeptes du Shunshin se baladaient avec des feuilles dans les poches ? Elle savait que Gaara utilisait le sable à ses pieds ou, à défaut, celui de sa gourde. L'élément esthétique n'était qu'un détail de la technique : il ne la rendait pas plus coûteuse en chakra mais il fallait une maîtrise supérieure pour y arriver. Cela faisait partie de ses plans, cela dit. Elle ne pouvait pas attendre de voir la tronche que tireraient ses adversaires quand elle disparaîtrait dans un nuage de paillettes. Non, elle ne pouvait pas attendre.
Izumo occupait le poste à l'entrée du village, qui avait l'air vide sans son éternel équipier Kotetsu. Il y avait une petite queue devant lui, quelques Chûnin et Genin des forces générales venus chercher leurs propres ordres. Après quelques minutes d'attente, Hitomi reçut les siens : déblayer la rue devant l'Académie. Elle remercia son supérieur d'un hochement de tête puis s'éloigna dans cette direction. Elle croisa Genma qui partait dans l'autre sens, sans doute pour une mission en-dehors du village : Konoha ne pouvait montrer le moindre signe de faiblesse, elle devait continuer d'effectuer les missions demandées par la noblesse et les puissances étrangères ne serait-ce que pour maintenir les apparences. Et puis, le village avait besoin de cet argent, cruellement besoin.
Devant l'Académie attendait un Chûnin qu'Hitomi n'avait jamais vu, un homme petit et mince aux longs cheveux bruns tressés dans son dos. Quand il tourna la tête vers lui, elle dut retenir un léger mouvement de recul : c'était un Hyûga, sans doute un membre de la Bunke. Avec un sourire fatigué, il lui fit signe d'approcher.
— Ah, bien, tu es sans doute la seule qu'on attribuera à ce secteur. Comme tu le vois, l'Académie n'a pas subi énormément de dégâts, mais le reste de la rue, c'est une autre histoire. Tu as déjà fait ça ?
— Non, Hyûga-san. Mais je sais me servir de rouleaux de stockage et même dessiner les sceaux, si besoin.
— Vraiment ? Bon, écoute, voici comment ça marche : tu ranges les débris dans les rouleaux normaux dans ce panier. N'hésite pas à les remplir à craquer si besoin. Les armes, tu gardes ce qui t'intéresse, le reste va dans les rouleaux bleus. Les corps... Tu utilises les rouleaux de stase, les verts. Tu mets un corps par rouleau, et pour montrer qu'il est plein, tu traces une ligne dessus, comme ça. Ensuite, sur l'étiquette que tu vois accrochée là, tu notes quelques informations : le sexe, l'âge, civil ou ninja, le village d'origine supposé. Tu as tout compris ?
— Oui ! Je me mets au travail.
L'enfant et l'adulte se séparèrent et s'attelèrent à leur propre besogne sans jamais échanger plus de quelques mots d'affilée. Hitomi trouva sur son chemin des armes à foison, la plupart brisées ou usées au-delà de l'utilisable. Elle les fourra dans un rouleau sans leur porter plus d'attention que ça, notant seulement celles qui avaient été personnalisées. Les débris étaient sans doute le plus facile à gérer : elle n'avait parfois par la force de les soulever et de les poser sur le papier d'un rouleau de stockage, mais il lui suffisait de se cloner ou de faire preuve d'un peu d'imagination pour contourner ce genre de difficultés.
Le premier corps, bizarrement, lui fit un choc. Elle avait tellement tué la veille qu'elle se croyait insensible. Lentement, elle s'agenouilla dans la pièce principale d'un salon de thé dévasté, écartant les cheveux du visage d'une adolescente civile. Elle avait son âge, et son expression était étrangement paisible. Un coup à la tête l'avait tuée. Un par un, Hitomi poussa les gravats qui recouvraient son corps, puis posa le premier parchemin de sceau corporel sur le cadavre immobile et froid. Une impulsion de chakra, et elle avait disparu, seule restant une petite flaque de sang séché.
— Tu as fini ? demanda le Chûnin quelques heures plus tard.
— Je... Je crois.
Elle était secouée, elle devait l'admettre. L'impression de nausée qui lui collait à la peau la première heure s'était lentement évanouie, mais au bout de ses doigts la guerre prenait une signification toute autre, terrible, glaciale. Il y avait eu peu de combattants parmi les victimes, finalement – en tout cas dans cette partie du village. Les morts étaient surtout des civils qui n'avaient rien demandé à personne et auraient dû être protégés par la seule existence du traité de paix signé à la fin de la dernière guerre. Mais qu'est-ce qu'Orochimaru respectait réellement, si ce n'était le pouvoir et l'immortalité ?
— Tu as bien travaillé. Tu devrais aller à la Tour, maintenant. Les listes des morts et des disparus ont été publiées par Shikaku-sama.
Hitomi nota que le Hyûga n'appelait pas son oncle par le titre qui était sien. C'était un manque de respect, mais elle laissa couler. Elle n'avait ni la force ni la légitimité de reprendre un aîné – elle avait eu sa part de conflits, pour le moment.
— Merci. Je peux vous laisser avec les rouleaux ?
— Oui, je m'occupe de les apporter à qui de droit. File, va te renseigner et te reposer.
Fuyant le regard de l'homme, la jeune fille s'exécuta. Elle se fondit dans la foule, trouvant un maigre réconfort dans la vie qui renaissait lentement au cœur du village. Les gens recommençaient à arpenter les rues, timidement, comme s'ils avaient peur qu'une autre catastrophe frappe. Leurs regards incrédules passaient parfois sur les pierres et le bois qui restaient là où des bâtiments entiers auraient dû se tenir, mais au moins ils parlaient, se tenaient la main, vivaient. Ils ignoraient seulement à moitié à quel point ils avaient de la chance d'être encore là pour le faire. Le visage fermé, elle arriva devant la Tour.
Elle avait besoin de savoir.
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