L'ordalie
Ensui avait lutté, protesté, se serait jeté sur Shikaku pour lui faire physiquement entendre raison si Kakashi ne l'avait pas retenu d'un bras autour de la taille – le tout en vain, trop tard pour empêcher le chef de clan manifestement soulagé d'accepter la proposition d'Hitomi. Elle se sentait merveilleusement calme, comme si quelque chose de contracté et douloureux jusque-là s'était enfin détendu à l'intérieur d'elle. Elle parvenait même à sourire sans avoir l'impression de travailler sur elle-même pour produire ce résultat, une petite expression discrète qui adoucissait ses traits et les nimbait de grâce, d'assurance.
Ce qui était fait était fait, après tout. Une fois le choc dépassé, Ensui avait soulevé des montagnes pour l'entraîner durant la semaine qui séparerait l'annonce de l'ordalie et son déroulement dans le stade de Konoha. Tout le monde s'y était mis, en réalité, Shikaku et Shizune inclus. Le premier renforçait ses connaissances concernant les techniques du clan, même si elle avait pris un sacré retard par rapport à Shikamaru dans ce domaine, tandis que la seconde lui apprenait à se soigner au cœur d'un combat, à résister plus longtemps à la douleur et au poison, même si Danzô ne se verrait octroyer, en guise d'arme, que son propre chakra.
Elle avait d'ailleurs activement recommencé à stocker de l'énergie à l'intérieur du sceau tatoué au-dessus de son nombril, glanant la moindre étincelle encore disponible après un rude entraînement. Elle ne doutait pas de pouvoir en voler à Danzô si cela ne suffisait pas. En fait, elle ne doutait pas de sa propre victoire. Elle le tuerait, sans doute dans le sang et la gloire, pour toute la souffrance qu'il avait infligée à ses êtres chers, pour les yeux d'Anosuke et les larmes d'Itachi, pour l'écho de vie et de mort sur les terres désolées des Uchiha. Elle serait la vengeresse pour que ce rôle n'échoue pas entre les mains de Sasuke, qui avait été placé en danger sous la coupe d'un autre traître, hors de sa portée.
— Il est encore temps de me laisser prendre ta place, dit Ensui en se tordant les mains.
Ils se trouvaient devant l'entrée du stade, deux Chûnin les observant sous prétexte de monter la garde. Hitomi avait récupéré sa tenue de combat, s'était maquillée du trait d'eye-liner si similaire à celui qui faisait désormais partie de l'identité de son maître, de son père. Elle lui caressa la joue avec tendresse, trouvant plus de réconfort dans ce geste que le simple contact de sa peau.
— Père, pour rien au monde je ne vous laisserais seul dans l'arène face à l'homme à cause de qui votre fils est mort. Laissez-moi venger sa mémoire et celle de tous les enfants morts trop tôt par sa faute, je vous en prie.
Il ferma les yeux en signe de défaite, se reposa un instant sur sa main puis s'éloigna d'un pas en direction de l'entrée du stade. Elle le suivit, une main sur son sabre, toujours gouvernée par le calme souverain qui s'était abattu sur elle au moment de sa décision. Tout son entourage était dévoré d'angoisse et de frénésie à l'idée de la voir descendre dans l'arène, littéralement, mais pas elle. Même quand Itachi lui avait écrit, la peur perceptible dans ses mots, dans le tracé de ses kanjis, elle était restée assurée, détachée. Lui aussi, elle le vengerait.
Son cœur battait avec vigueur à l'intérieur de sa poitrine, mais pas un instant son rythme n'accéléra, pas un instant elle ne ressentit de panique ou d'anxiété. Elle se sentait entière, assurée, fière. Elle portait non seulement la foi de ses pairs sur ses épaules, mais aussi la soif de justice de son village. Aucun civil en-dehors des membres des clans n'avait été invité dans les gradins du stade. Les shinobi en période de repos et en convalescence, quant à eux, avaient tous été conviés. Ibiki Morino se trouvait parmi eux, assis au premier rang aux côtés de Genma Shiranui et Anko Mitarashi. Le département Torture et Interrogatoires avait-il envoyé ses propres champions la soutenir ? Leur simple présence suffisait à lui réchauffer le cœur.
— Shinobi et civils de Konoha, commença Tsunade d'une voix amplifiée par un sceau complexe, perchée dans sa tribune, vous êtes aujourd'hui rassemblés pour assister au jugement par la Flamme de la Volonté de Danzô Shimura, accusé d'enlèvement, de torture et de tentative de meurtre sur la personne d'Anosuke Nara, ainsi que de tentative d'enlèvement sur la personne d'Hitomi Yûhi.
Un grondement courut dans la foule ; certains shinobi commencèrent à émettre une aura menaçante, faible mais constante, tout juste assez diffuse pour que les civils s'agitent parmi eux. Tsunade ne s'en soucia pas. Elle voulait que la foule soit en colère.
— En réponse à ces accusations, Danzô Shimura a demandé une ordalie par le combat, comme nos lois l'autorisent depuis la fondation du village. Konohagakure a choisi parmi ses âmes les plus brillantes Hitomi Yûhi, l'une de ses victimes, pour l'affronter. Vous connaissez la loi, tous autant que vous êtes : s'il vainc, il est innocent, et s'il meurt, il est coupable. Personne ne pourra défaire le jugement de la Flamme.
Il s'agissait de son signal. Hitomi entra dans l'arène, chacun de ses pas ponctué par un nouveau rugissement des flammes nourries par deux prêtres du Temple du Feu le plus proche. Elle était leur champion à eux aussi, le champion de leur justice. Une telle ordalie n'avait plus eu lieu depuis deux ans après sa naissance : peu de gens avaient le pouvoir politique d'en exiger le privilège, et pourquoi risquer la vie d'un bon ninja quand on pouvait simplement exécuter le contrevenant et cacher son corps ?
Dans le cas de Danzô, malheureusement, la publicité était de mise. Il devait être reconnu coupable de ses crimes d'une manière légalement et religieusement incontestable, devant une audience qui s'empresserait de répandre le bruit de sa défaite. Konoha devait au moins cela au daimyô et à sa cour. D'une démarche calme et assurée, la jeune femme parcourut la moitié de la distance qui la séparait du centre parfait de l'arène, ses bottes de combat foulant le sol de pierre comme si elles le connaissaient intimement. Elle n'avait pas participé au moindre duel ici, mais la piqûre du choix qui l'avait conduite à se retirer du premier examen Chûnin s'était estompée désormais, reléguée au rang de souvenir puéril.
Tout en avisant le Conseiller, toujours vêtu de sa tunique et de ses bandages, Hitomi rassembla du chakra dans sa main gauche. Elle s'était préparée, elle avait un plan, qu'il s'agisse d'empêcher l'homme d'utiliser ses armes secrètes ou tout simplement d'employer toute la symbolique du monde pour graver sa culpabilité dans le cœur des Konohajin qui la regardaient. La sensation familière d'un sceau de contact en préparation lui chatouilla les doigts, la paume. Elle ne le laisserait pas vaincre. Pas lui, aucune chance. De toute façon, elle le sentait affaibli, ses réserves de chakra presque vides, et distinguait dans sa démarche les mauvais traitements qu'il avait subis durant son incarcération. Il le méritait, mais cela lui facilitait la tâche : elle était plus jeune, plus rapide, plus puissante, en pleine forme.
— La Flamme décidera de la culpabilité de Danzô Shimura, annonça Tsunade quand les deux adversaires se firent face. Ce duel ne connaîtra pas de limite, qu'il s'agisse de temps ou de l'éventail de techniques utilisées. Que la Flamme protège ce qui est bon et juste... Commencez !
À peine la dernière syllabe fut-elle tombée hors des lèvres de Tsunade qu'Hitomi bougeait, composant la Mudra du Rat afin d'éveiller la Manipulation des Ombres. Elle piégea Danzô en moins d'une seconde, luttant avec aisance contre son chakra tandis qu'il tentait de se libérer. Après avoir retenu Orochimaru, elle ressentait à peine ses ruades d'animal acculé. D'un geste lent et calme, elle dégaina de la main gauche. Le Conseiller, comme une vaste majorité de la population du Pays du Feu, était droitier. Il hurla à s'en briser les cordes vocales quand elle abattit le tranchant de sa lame, terriblement affûté, sur son épaule droite. Un seul coup suffit à faire tomber son bras à leurs pieds. Elle effleura le membre sanguinolent du bout des doigts de sa main libre et il disparut, enfermé dans le sceau de stase qui s'enroulait désormais amoureusement autour de son majeur droit comme une bague.
— Qu'allez-vous faire maintenant, Danzô ? demanda-t-elle d'une voix douce.
Ses lèvres se tordirent en une hideuse grimace de douleur et de haine. Hitomi le libéra d'un coup sec et esquiva la ruade qu'il tenta de sa main restante d'un simple pas en arrière. Elle pouvait le reprendre dans son ombre quand elle le voulait, ils le savaient tous les deux. Sans son bras, il n'était pas capable de composer de mudra – Haku faisait partie du très infime pourcentage de la population à en être capable, mais pas le Conseiller, hélas pour lui. L'abomination dans son torse, si elle était bien ce qu'Hitomi supposait, se trouvait neutralisée, tout comme le Sharingan de Shisui dont le chakra l'appelait avec la douceur d'un vieil ami.
Elle le laissa tenter de porter quelques coups, comme on laisserait un enfant piquer une crise pour l'épuiser. Quand il commença à s'essouffler, elle rengaina son sabre et prépara à nouveau le sceau de stase, un sourire cruel aux lèvres. Ce coup serait dédié à Itachi. La regardait-il ? Juste comme elle se posait cette question, elle entendit un corbeau croasser, quelque part derrière elle. Son sourire s'adoucit et elle passa à l'attaque. À l'aide d'un Shunshin, elle se força un passage derrière le bras de Danzô et posa la main sur son bandage avant de tirer tout en activant son sceau avec la précision d'un chirurgien. L'œil qu'elle convoitait sortit de son orbite avec un bruit humide à retourner l'estomac puis fut aspiré à l'intérieur du sceau. Le Conseiller s'effondra, portant sa seule main à son visage ensanglanté avec un gémissement pitoyable.
— Je vais vous achever maintenant, avertit-elle d'une voix doucereuse. Dans quelques minutes, tout le monde verra à quel point vous étiez coupable et ce savoir va se répandre à travers les Nations Élémentaires comme une traînée de poudre. Vous n'êtes plus rien.
Elle ne lui laissa que le temps d'ouvrir la bouche avant de coller sur son bras valide l'un des premiers sceaux qu'elle avait appris d'Ensui, un mécanisme explosif qu'elle fit détonner d'une étincelle de chakra. Elle sentit le souffle brûlant de la déflagration miniature tandis qu'il criait à nouveau sa douleur, mais elle savait très bien qu'elle l'avait juste écorché, qu'il gardait son bras. Ce coup était bien plus symbolique que vraiment destiné à le blesser : il s'agissait d'un coup au nom de son maître, que tous leurs proches identifieraient comme tel et répandraient dans le village.
— Salope, grogna-t-il entre ses dents serrées.
Elle répondit d'un rire bref, sec et cruel, plantant un regard farouche dans le seul œil qu'il lui restait.
— Vous n'en savez pas la moitié.
Son ombre s'anima à nouveau sous ses pieds et elle le cloua sur place avec la Main Étrangleuse de l'Ombre. Cette fois, le message serait perçu par un grand nombre de spectateurs : c'était Shikaku lui-même qui avait inventé la technique, lui qui s'en était servi pour dévaster un champ de bataille entier durant la Deuxième Grande Guerre et l'avait ensuite enseignée personnellement à tous ses shinobi – et appris la théorie à tous les civils du clan, juste au cas où les ninjas Nara s'éteignaient. Il s'agissait d'un coup pour le clan, et personne ne pouvait le nier.
— Je sais ce que vous avez fait, Danzô. Je sais pour les Uchiha, je sais pour Orochimaru et Kabuto, je sais pour l'abomination sur votre torse. Et je dévoilerai le moindre de vos crimes au monde entier, je vous le promets.
Sur ces mots, elle éveilla le Murmure, qui bondit en elle avec un rugissement furieux. Elle n'entendit pas le bruit choqué de la foule quand ses méridiens apparurent en transparence sous sa peau, les oreilles envahies du bourdonnement sourd, extase et agonie mêlées, qui s'imposait à elle quand elle activait son pouvoir. Elle toucha le moignon qui restait de l'épaule droite de Danzô et commença à aspirer son chakra, sa signature étrange, artificielle. Elle aspira jusqu'à ce qu'il tombe à genoux, jusqu'à ce qu'il se convulse à ses pieds – alors seulement elle inversa le flux et força la force vitale qu'elle lui avait dérobée à s'enfoncer dans ses veines plutôt que ses méridiens. Il hurla et mourut en quelques secondes. Un coup pour elle, le dernier et le plus cruel.
Elle contempla son cadavre pendant quelques instants, ravalant la déception qui tentait de monter en elle. Elle ne se sentait pas aussi libre, aussi soulagée qu'elle l'aurait voulu. L'idée d'être enfin vengée, d'avoir vengé les siens, la remplissait de chaleur, de fierté et d'assurance, mais elle ne ressentait aucun apaisement ; déjà, elle songeait aux ennemis à venir, à Kabuto, Madara et Obito qui attendaient tout simplement leur tour avant d'agir. Danzô n'était qu'une étape – et désormais une épave. Elle porta son regard en direction de la tribune de Tsunade, s'éloigna du corps tout en carrant les épaules. La foule ne rugissait pas, non... Mais soudain, un Nara piégea ses voisins dans son ombre et abattit leurs pieds sur le sol dans un fracas de fin du monde repris immédiatement par leurs voisins et les voisins de leurs voisins, une acclamation grave, solennelle. La Flamme de la Volonté avait parlé.
Le reste se passa dans un brouillard détaché et glacial de son point de vue. Elle dut lutter pour que le Murmure accepte de désenfler à l'intérieur d'elle. Elle ferma un instant les yeux, s'accordant cette petite étincelle de paix, de tranquillité, avant d'attraper le corps de Danzô par la taille et de le soulever comme s'il ne pesait rien pour l'emmener hors de l'arène. Tsunade voudrait l'examiner. Elle-même brûlait de savoir ce qui se trouvait à l'intérieur de son torse, l'abomination de chakra dont le simple souvenir lui tordait faiblement le ventre. Elle le jeta au sol sans le moindre respect une fois hors de vue de la foule, résistant à l'envie de mutiler plus encore son cadavre, et ouvrit sa tunique de Conseiller d'un geste sec. Elle eut à peine le temps de comprendre ce qu'elle voyait qu'elle se pliait en deux, vomissant à côté du cadavre.
Qui avait osé faire ça ? Les Sharingan n'étaient-ils déjà pas une horreur suffisante ? Elle hoqueta faiblement, à peine consciente de la soudaine présence d'Ensui à ses côtés, de la litanie de jurons qu'il grondait quelque part au-dessus d'elle. Elle n'était pas capable de détourner les yeux du visage d'Hashirama en relief sur le torse maigre du Conseiller, sa peau pâle se détachant sur le ton un peu plus riche de l'épiderme de Danzô. Une greffe... On lui avait greffé deux des Portes d'Hokage le Premier, et c'était ce qu'elle sentait depuis le début.
Une horreur sans nom, une abomination, exactement comme elle l'avait présumé.
Tsunade la trouva dans cet état, hoquetant pitoyablement comme si son estomac pouvait se vider plus qu'il ne l'était déjà, le regard rivé sur la protubérance qui avait provoqué cette réaction extrême. La cheffe de guerre posa un seul regard sur le corps de son ancien Conseiller, sur le visage de son grand-père, gravé dans la chair du cadavre, et son aura meurtrière s'éleva avec une telle brutalité, une telle intensité, qu'Hitomi s'effondra à ses pieds en étouffant, son champ de vision envahi de points noirs. Elle commençait à perdre connaissance quand Ensui réalisa qu'il s'agissait de plus qu'une simple nausée et se plaça derrière elle, l'enveloppant de son chakra de manière à réduire l'emprise de Tsunade.
— Hokage-sama, avertit-il d'une voix dure.
Quelque chose dans son ton ou dans la manière dont il surplombait son apprentie, une main sur la garde de son katana, l'autre pressée contre la nuque frêle de la jeune fille comme si ce simple contact suffisait à dissiper l'impression de mourir à petit feu, attira l'attention de Tsunade. Elle inspira profondément, bloqua sa respiration quelques secondes puis expira avec lenteur. Quand elle eut fini, l'aura meurtrière était redescendue à un niveau qu'Hitomi pouvait tolérer.
— Hitomi-chan, ta mission pour moi n'est pas terminée. Il est temps que tu commences ton stage dans le département Cryptage et Décodage, et tu le feras en fouillant tous les quartiers connus de Danzô jusqu'à exposer le moindre de ses secrets.
Le souffle court, la jeune fille se redressa tout en essuyant la sueur glacée qui lui maculait le front. Ce serait l'occasion parfaite de trouver les preuves qui incrimineraient Danzô pour le massacre des Uchiha – ou de les créer, si cela devenait nécessaire. Elle s'inclina légèrement, indiquant qu'elle avait compris sa mission, sa nouvelle affectation.
— Que va-t-il se passer pour Sai, Tsunade-sama ? demanda-t-elle quand elle n'eut plus l'impression que sa voix allait s'éteindre au moindre effort.
— Je veux qu'il reste caché encore un peu, au cas où un membre de la Racine déciderait de venger Danzô en s'en prenant au traître dans leurs rangs. Mais ses Sharingan sont prêts pour l'entraînement. Shizune a commencé à faire des recherches grâce aux documents que tu nous as fournis, elle prétextera avoir un rencard avec ton père et en profitera pour lui donner des instructions.
Ensui se raidit derrière elle, la main sur sa nuque se crispant comme une serre. Elle émit une petite décharge de chakra à cet endroit en signe de protestation, mais il ne la relâcha pas. Pensait-il vraiment pouvoir échapper à la vigilance de Tsunade concernant Shizune ? Hitomi n'aurait pas été surprise que la cheffe de guerre ait décidé de traquer sa précieuse disciple en tout temps à l'aide d'un agent de l'ANBU.
— Je vois, dit la jeune femme pour détourner l'attention du nouveau problème près à éclater. Il sera ravi d'avoir à nouveau quelque chose à faire. Je sais que vous ne me devez rien, mais est-ce que vous pourriez me dire quand il sera officiellement reconnu vivant ? Je m'entends bien avec lui et j'aimerais...
La cheffe de guerre s'approcha jusqu'à envahir son espace vital et l'interrompit, quelque chose qui ressemblait à de l'affection dans le regard :
— Hitomi-chan, je te dois quelque chose. Je suis assez mature et lucide pour reconnaître que le Village et moi-même avons une lourde dette envers toi. Il est temps que tu l'acceptes aussi.
La respiration de la jeune fille s'arrêta pendant quelques instants puis reprit tandis qu'elle retrouvait les mots perdus sur sa langue.
— J-je n'ai toujours fait que mon devoir, Tsunade-sama.
— C'est faux, nous le savons toutes les deux. Bien sûr que je te ferai savoir quand ton ami pourra à nouveau être contacté officiellement. En attendant, juste au cas où, j'aimerais que tu ne te rendes pas chez Akina pour ne pas prendre le moindre risque d'éveiller des soupçons.
Le visage grave, Hitomi acquiesça. Le fait d'avoir exécuté Danzô avait sans le moindre doute attiré sur elle, et le clan par la même occasion, l'attention des membres restants de la Racine, ceux sur qui le lavage de cerveau avait fonctionné. Elle ne voulait pas mettre Sai en danger.
— Qu'est-ce qu'on fait avec lui ? demanda-t-elle en poussant Danzô de la pointe de sa botte.
Un rictus retroussa les lèvres de Tsunade – pendant un instant, elle ressembla tant aux chats d'Hitomi quand ils étaient en colère qu'elle dut réprimer un mouvement de recul.
— Je vais m'occuper moi-même de son autopsie. Qu'est-ce que tu as fait de son bras et de son œil ?
Hitomi leva la main, juste assez pour montrer les deux sceaux de stase qui se dessinaient autour de son majeur et de son annulaire. Elle avait appris la version activable par un simple contact au sanctuaire, sous la tutelle de Tobirama. À l'époque, il s'agissait d'un simple exercice, d'une occasion de pratiquer ce qu'il lui avait appris avec un sceau qui ne lui exploserait pas à la figure si elle échouait – et elle avait échoué bien des fois avant de réussir.
— Je vous conseille de garder les yeux, de ne pas les abîmer quand vous les étudierez. D'après les rouleaux que j'ai lus, les Sharingan commencent à se détériorer à partir du Kaléidoscope. Le moyen de les stabiliser est de greffer les cellules d'une autre paire...
— J'ai vu le rouleau dont tu parles, interrompit Tsunade. Si le problème apparaît, je serai capable de le traiter.
Elle ne mentionna aucun nom, juste au cas où, mais Hitomi savait qu'elle parlait de Sai et Sasuke. D'ici quelques mois tout au plus – elle ne voyait pas le problème traîner plus longtemps, pas avec son dix-septième anniversaire et le retour de Naruto qui approchaient – Itachi ferait partie des gens qui auraient désespérément besoin de soins oculaires. Elle essayait de ne pas penser à son frère cadet, à la manière dont il avait usé du Kaléidoscope ces dernières années. Sa vue avait-elle commencé à décliner ? Elle déglutit et repoussa cette question là où elle pouvait faire comme si elle n'existait pas, au moins pour un temps.
— Relâche le bras et l'œil, je vais les enfermer dans un de mes propres sceaux.
La jeune kunoichi s'exécuta presqu'à contrecoeur. Elle devait s'en remettre à Tsunade, apprendre à lui faire confiance avec ce problème en particulier. Elle laissa le membre et l'œil ensanglantés en possession de sa cheffe de guerre puis laissa Ensui enrouler un bras autour de ses épaules et l'entraîner hors de la pièce, puis de l'arène. Elle ne réalisait pas, pas encore, mais elle savait qu'elle avait besoin de se retirer en sécurité sur les terres de son clan, de serrer Anosuke, qui était resté avec Kakashi, contre elle. Elle posa sa main sur celle de son père, incapable de s'empêcher d'enfoncer légèrement ses ongles dans sa chair.
— Je sais, murmura-t-il en sentant la pression qu'elle exerçait sur sa peau. Tu seras bientôt en sécurité, ma puce.
Il avait murmuré, à peine assez fort pour qu'elle entende, mais elle acquiesça avec soulagement. Il connaissait les différentes formes d'anxiété et de sourde terreur qui s'étaient établies en elle au fil des ans et des épreuves, parce qu'il avait vécu la plupart d'entre elles à ses côtés.
— Père, finit-elle par dire quand ils passèrent la barrière qui séparait les terres Nara du reste du village, est-ce qu'on pourrait manger des gyôza ce soir ?
— Bien sûr. Mais d'abord, tu devrais aller te doucher et te changer. On va passer la soirée à se détendre et demain, après ta journée au département, on reprend le travail.
Un très léger sourire apparut sur les lèvres d'Hitomi.
— Ça marche. Je vais y aller maintenant.
Elle ne parla pas du désir étouffant de nettoyer sa peau, de frotter jusqu'à ce qu'elle rougisse, la fasse légèrement souffrir, et lui non plus n'aborda pas le problème. C'était plus simple comme ça : ce besoin était facile à satisfaire, facile à laisser derrière elle. Elle se déchaussa une fois rentrée, salua son père de la main tandis qu'il ressortait pour aller chercher la nourriture qui les sustenterait, puis se rendit dans la salle de bains. Un soupir de soulagement aussi lourd qu'une montagne la secoua dès l'instant où l'eau brûlante frappa sa peau nue, entraînant le sang du traître jusqu'au drain, puis hors de sa vue. Elle frotta et frotta tout son soûl.
Enfin, elle se sentait plus légère. Enfin, elle retrouvait la paix qui était tombée sur elle avant le combat. Elle s'étira, savourant la force qui s'attardait encore dans ses muscles, ses membres, son corps tout entier. Quand elle eut estimé l'énergie qu'il lui restait, elle fut capable de se concentrer sur autre chose, sur Ensui qui attendait au rez-de-chaussée et la nourriture qui, en remplissant son estomac, assouvirait d'une autre manière son besoin de réconfort.
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