Illusion de sécurité
Le jour où Tsunade vint en personne examiner Hitomi et lui retirer son plâtre, la jeune fille profita de l'occasion pour lui demander une autre faveur. La Hokage était très occupée, mais à part Jiraiya, qui n'était pas disponible, elle seule possédait les compétences pour faire de son plan de disparition un succès. Ensui, à ses côtés, lui pressa gentiment la main en signe d'encouragements.
— Hokage-sama, commença la Chûnin d'un ton respectueux, est-ce que vous accepteriez de nous tatouer, à mon shishou et à moi, un sceau à l'intérieur de la bouche ?
La requête était si étrange que la médic se figea un instant, son regard perplexe sondant sa patiente.
— Hum... Ca dépend du sceau en question. J'imagine que tu as pris les designs avec toi ?
Elle hocha la tête et coinça ses doigts entre deux couches de bandages sur son avant-bras pour en extirper un mince morceau de parchemin de stockage. Une étincelle de chakra et deux rouleaux très volumineux apparurent entre ses mains. Tsunade haussa les sourcils en voyant leur épaisseur, mais prit celui sur lequel elle pouvait voir le nom d'Hitomi, le déroula et se pencha sur son travail. Son souffle se coinça dans sa gorge. Ces traits élégants, minces, les circonvolutions aussi délicates que des ailes de libellules – elle voyait son grand-oncle Tobirama et son prédécesseur Minato comme une influence discrète dans l'œuvre d'Hitomi.
— Jiraiya vous a donc confié ce secret, marmonna-t-elle d'une voix serrée.
— Ou-oui. Il a dit à Ensui-shishou qu'il était temps.
— Ce vieux roublard...
Il y avait une nuance d'affection dans la voix de Tsunade, une sorte de tendresse qui faisait presque mal à écouter. S'étaient-ils définitivement déchirés depuis la désertion d'Orochimaru ? Sa mort les avait-elle rapprochés ? La Hokage étudia le sceau en silence pendant plusieurs minutes, puis hocha la tête en soupirant.
— Je peux le faire. On a des chambres de sceau au sous-sol. Je vais devoir vous anesthésier pour ce travail, tu t'en doutes, ça prendra plusieurs heures. Où est-ce que tu le veux ?
Hitomi n'eut pas besoin de réfléchir. Elle y avait déjà énormément songé pendant ses nuits sans sommeil, au cours de ses interminables échanges avec Itachi, Gaara et Haku.
— Sur mon palais, juste derrière mes dents, pour pouvoir l'activer d'un contact de ma langue.
Ensui murmura son approbation. C'était l'endroit à la fois le plus discret et le plus pratique. Personne ne penserait à regarder à cet endroit. Tsunade prépara le matériel nécessaire et les conduisit à travers les couloirs et escaliers de l'hôpital qu'elle considérait comme son domaine. Hitomi ressentait un mélange perturbant de tranquillité et de nervosité. Elle était bientôt prête à partir. Il ne lui restait qu'à acheter une machine à tatouer, de l'encre, et apprendre à s'en servir. Son sceau pour les jinchûriki était prêt, si beau, si complexe, qu'elle s'était plus d'une fois surprise à soupirer avec ce qui ressemblait à de la langueur en caressant les traits de la version définitive du bout des doigts.
— Ensui, on va commencer par toi, ordonna Tsunade une fois qu'ils furent arrivés. Je veux qu'Hitomi-chan puisse m'assister en cas de problème. C'est son sceau, après tout.
L'homme acquiesça et alla s'allonger à même le sol au centre de la pièce. Celle-ci était très large, haute de plafond et complètement nue. La seule décoration, si on pouvait l'appeler comme ça, était la paire de lampes suspendues au plafond qui projetaient une lumière neutre et égale jusque dans les angles nets des murs blancs.
— Hum, désolée, Ensui, mais tu vas devoir enlever tes vêtements. C'est plus facile de poser un sceau sur de la peau que sur du tissu, et je ne voudrais pas qu'un pli imprévu nous perturbe. Tu peux garder ton caleçon. Ou boxer. Ou peu importe ce que tu portes, vraiment.
Il grogna mais se releva et se dévêtit en gestes rapides et efficaces tandis que son apprentie détournait le regard. Elle n'était pas effarouchée, elle l'avait déjà vu sans ses vêtements – une fois, à Sunagakure, il l'avait emmenée dans une sorte de parc aquatique que Gaara avait recommandé et il s'agissait toujours de l'un de ses plus jolis souvenirs. Mais l'adolescence influençait étrangement son cerveau et elle n'avait vraiment, vraiment pas envie de provoquer l'une de ces réactions déconcertantes en regardant son shishou.
Elle se concentra sur Tsunade quand la médic s'agenouilla près d'Ensui et l'anesthésia d'une pression contre son cou et d'un peu de chakra couleur menthe. Les muscles du Jônin se dénouèrent. Un lourd soupir, et il s'endormait profondément. Aussitôt, la Hokage se mit au travail, traçant le premier cercle avec un pistolet à tatouage autour de sa bouche. Une fois ce cercle posé, le sceau était construit de manière à ce qu'un tatouage ne soit plus nécessaire, une prouesse en soi, la Princesse Senju devait l'admettre.
La Hokage travailla pendant près de deux heures sous le regard acéré d'Hitomi, qui cherchait la moindre erreur, la moindre approximation, et n'en trouva aucune. Bien sûr qu'elle n'en trouva aucune. Tsunade était une Maîtresse des Sceaux depuis bien avant sa naissance – elle avait été la première des Sannin à recevoir ce titre. Cela dit, la médic ne se sentit pas offensée, seulement amusée. Cela faisait bien longtemps que ses gestes n'avaient plus été scrutés avec une telle intensité. Elle se sentait presque rajeunie de trente ans par ce regard.
— Il ne me reste plus qu'à comprimer le sceau. Tu veux le faire, ou je m'en occupe ?
Le picotement dans ses mains l'informa qu'elle pouvait le faire, que son instinct le voulait, mais elle devait garder la tête froide : Tsunade était bien plus qualifiée qu'elle dans le domaine.
— Allez-y, s'il vous plaît.
Elle regarda les longs traits d'encre et de sang mêlés se rétracter le long des dalles puis du corps d'Ensui, laissant sur leur sillage une peau rougie et sans doute sensible. S'il n'avait pas été anesthésié, le Jônin aurait sans doute serré les poings et les dents pour retenir une plainte de douleur. Aucun sceau corporel ne pouvait être acquis sans douleur. Une fois la version contractée du travail d'Hitomi localisée sur son palais – elle l'inspecta elle-même pour s'assurer que tout avait l'apparence requise – Tsunade réveilla Ensui et l'aida à se redresser en position assise. Son regard brumeux retrouva en netteté quand il se fixa sur Hitomi, qui attendait non sans anxiété à quelques mètres de distance.
— Testez-le, Ensui-shishou.
Il sourit, puis elle sentit une étincelle de chakra localisée dans sa bouche et, sous ses yeux, son apparence se mit à changer. Ses cheveux s'allongèrent et prirent une teinte roux profond tout en bouclant légèrement, ses épaules s'élargirent, ses yeux virèrent au bleu pâle et ses traits devinrent plus acérés, presque nobles. Il n'avait plus rien en commun avec les Nara à présent, si ce n'était la vive intelligence dans ses prunelles. Le sceau n'était pas une simple illusion : il utilisait le chakra implanté à l'intérieur pour réellement modifier l'apparence du porteur. Une deuxième décharge de chakra le désactivait, et Ensui choisit de quitter cette peau pour l'instant, redevenant le maître qu'elle connaissait par cœur.
— À mon tour, enjoignit Hitomi d'une voix déterminée.
Elle se dévêtit en quelques gestes efficaces, ne gardant que sa culotte, et alla prendre la place qu'Ensui venait de libérer au centre de la pièce. Elle pouvait encore sentir la chaleur résiduelle de son corps sur la dalle de pierre où elle s'allongea. Elle ferma les yeux, sentit les doigts de Tsunade effleurer son cou et glissa immédiatement dans un sommeil sans rêve. Son corps en avait bien besoin : depuis des semaines désormais elle oscillait entre cauchemars et nuits passées dans sa Bibliothèque, sans repos pour son esprit.
Elle se réveilla graduellement avec la sensation que sa peau avait subi de vicieux frottements. Elle pouvait sentir avec une acuité presque douloureuse les fantômes de l'encre sur sa peau, sans doute parce qu'elle les avait façonnés elle-même sur le papier. La main ferme de Tsunade l'aida à s'asseoir, puis porta un gobelet rempli d'eau fraîche jusqu'à ses lèvres. Elle réalisa en avalant la première gorgée à quel point elle avait soif. Une anesthésie restait une anesthésie : ses mouvements étaient approximatifs, ses sens débordés et épuisés à la fois, et elle ressentait la fatigue comme une vieille camarade gravée dans sa chair.
À son tour, elle recourba légèrement sa langue et y concentra un peu de chakra pour libérer celui que le sceau contenait. Elle grimaça de douleur quand son corps changea. Elle n'avait pas besoin de se regarder dans un miroir pour savoir à quoi elle ressemblait : elle avait elle-même encodé les changements que le sceau apporterait à son apparence. Elle savait que ses cheveux lui atteignaient désormais la taille, roux sombre au lieu de noirs, que ses yeux avaient viré au bleu perçant, qu'elle possédait bien plus de taches de rousseur et enfin un peu de chair sur les os. On ne pouvait plus compter ses côtes, désormais, et ses traits étaient plus doux.
— Quelle identité voulez-vous associer à ces apparences ? demanda Tsunade avec intérêt. Je peux vous faire forger des papiers cette semaine.
Ensui fit signe à Hitomi de répondre. C'était son idée, après tout.
— Eien et Akito Senjin, ninjas de Konoha. Maître et apprentie. Père et fille.
Ils échangèrent un long regard que Tsunade n'osa pas interrompre. Elle pouvait voir l'avidité dans les yeux d'Hitomi, et la douceur qui lui répondait dans ceux d'Ensui. Un père et sa fille. Ils n'auraient aucun mal à prétendre jouer ces rôles. Ils ne prétendraient sans doute même pas beaucoup.
— L'ANBU Renard va s'occuper de vos papiers. Tu le connais, Hitomi-chan, je crois ?
La jeune fille acquiesça, tant à sa question qu'au choix de la personne qui créerait leurs papiers. Elle se souvenait de Renard. De l'absence de sceau sur sa langue. L'un des rares ninjas d'élite à avoir échappé à la Racine. Elle lui faisait confiance, au moins pour le fait de ne pas dévoiler sa nouvelle identité à Danzô Shimura. Elle se doutait bien que le Conseiller la surveillait depuis la fin du Tournoi, depuis le rapport que Sai n'avait pas manqué de lui remettre concernant les capacités de chacun des Genin qui avaient combattu devant lui ou contre lui.
Elle avait accepté ce risque, et il était trop tard pour rebrousser chemin. Au moins, le Conseiller ignorait toujours son talent avec les sceaux : elle en avait utilisé très peu durant le Tournoi, et seulement ceux que d'autres Genin auraient pu créer ou acheter. Elle ne s'était pas non plus servie de son Kekkei Genkai, il ne savait donc pas que le clan Yûhi renaissait de ses cendres. Avec un peu de chance, ses liens avec les Nara suffiraient à dissuader l'homme de s'en prendre à elle pendant quelques temps encore.
— Dans ce cas, c'est décidé, conclut Tsunade. Hitomi-chan, si tu m'abîmes encore ce genou, je te passerai l'idée de forcer sur l'entraînement quand ton corps n'est pas prêt personnellement.
La Hokage sourit, de son sourire le plus doux, et Hitomi dissimula un frisson d'appréhension en détournant le regard. Est-ce que c'était comme ça que se sentaient ses pairs quand elle agissait de la sorte ? Si oui... Elle allait continuer. Un peu de crainte ne faisait de mal à personne. Elle se releva lentement, en s'appuyant sans vergogne sur Ensui qui, lui, semblait déjà remis de l'anesthésie. Elle se sentait réellement libérée maintenant qu'elle n'avait plus de plâtre, même si son genou était toujours très raide. La simple idée de tous les étirements qu'il lui faudrait pour retrouver sa mobilité la faisait frémir d'horreur.
Mais au moins elle ne devrait pas affronter seule cette épreuve. Son shishou se tiendrait à ses côtés, l'aiderait, la façonnerait comme il l'avait fait durant leur dernier voyage. Quand elle songeait à leur départ prochain, son cœur s'envolait dans sa poitrine. Elle aurait dû se sentir coupable de son impatience. Elle allait laisser sa mère, ses amis, son sensei et son village derrière elle, pour une période indéterminée. Elle aurait dû éprouver de l'anxiété, de la mélancolie. Pourtant elle n'avait qu'une hâte : franchir les portes de Konoha sans se retourner. Sans doute était-elle une mauvaise personne.
Le lendemain matin, Hitomi alla acheter un petit pistolet à tatouage dans l'un des magasins du clan. Elle aurait pu se fournir dans le reste du village, mais ici, elle était pratiquement certaine que son achat ne pourrait pas être tracé. Ensui la conduisit jusqu'au studio de Yûgao, qui avait été contactée quelques jours plus tôt et aiderait bien volontiers. Là, elle se concentra pour apprendre les bases du maniement du pistolet qu'elle venait d'acheter, absorba sans difficulté les propriétés des différents types d'encre, et tout autre savoir qui pourrait lui être utile.
Ensui revint la chercher à midi. Ils mangèrent en ville, le regard du Jônin balayant régulièrement les environs. Elle savait qu'il avait ouvert ses méridiens également, à l'affût de toute menace qui oserait se manifester. La logique les assurait qu'ils étaient en sécurité au cœur du village, mais dans ce genre de situation la logique ne suffisait pas. La logique les aurait fait tuer. Ni le maître ni l'élève ne savourèrent réellement le repas, pourtant de qualité. Ils ne parvenaient pas à se concentrer sur ce qui se trouvait dans leurs assiettes, trop occupés à scruter les alentours.
L'après-midi fut consacré à la remise en forme d'Hitomi. Ensui commença par la guider à travers une chaîne d'étirements, doux d'abord, et puis de plus en plus intenses. Il ne se concentrait pas seulement sur ses jambes, même si elles auraient besoin de plus de travail que le reste de son corps. Il montra infiniment plus de patience qu'elle n'en ressentait elle-même, poussant ses membres jusqu'à leur exacte limite, et pas un millimètre plus loin. Même quand elle essayait de le convaincre, même quand elle tentait de ruser, il restait inflexible.
Elle savait que c'était pour son bien.
Après le dîner, elle sortit à nouveau des limites des terres du clan, seule cette fois. Elle restait sur ses gardes, Hoshihi à ses côtés, prêt à agir au moindre signe de menace. Ensui devait travailler avec Shikaku pour préparer leur départ, tandis qu'elle retournait auprès de Yûgao pour poursuivre son apprentissage. La jeune femme ne cachait pas son inquiétude face au programme que son élève d'un temps s'était fixée. Elle ignorait les raisons derrière son empressement, mais elle soupçonnait ce qu'Hitomi ne disait pas.
Ce programme se répéta pendant cinq jours sans la moindre accroche. Grâce aux bons soins d'Ensui, Hitomi commençait à retrouver le tonus qu'elle avait eu au moment de participer au Tournoi. Il passait les nuits chez lui à nouveau, tandis qu'elle comptait sur Hoshihi pour lui tenir compagnie tant qu'elle le pouvait encore. Le grand chat était très investi dans son entraînement, même s'il n'y avait pas grand-chose qu'il puisse faire à part lui servir de partenaire. Cela suffisait.
Le sixième jour, à mi-chemin du retour, elle sentit les ennuis arriver comme un petit frisson sur sa peau. Elle bondit hors du chemin des kunai qui volaient en sa direction et atterrit presque sans bruit sur les tuiles glissantes quelques mètres plus loin. Hoshihi se dressa devant elle, feulant en direction de son adversaire. Elle déglutit en percevant la vibration discrète du sceau là où se trouvait sans doute sa langue. Un membre de la Racine. Dès qu'elle réalisa quel genre d'adversaire se tenait devant elle, elle s'entailla le côté de la main sur son sabre dégainé précipitamment et invoqua ses deux autres chats de combat, qui apparurent autour d'Hoshihi en feulant, leurs pelages hérissés.
— Si tu me suis sans discuter, tu survivras, prétendit une voix sans timbre derrière un masque de céramique, complètement blanc.
Un rictus se dessina sur les lèvres d'Hitomi et elle répondit en ouvrant le sceau au-dessus de son nombril. Elle avait utilisé une certaine quantité d'énergie pendant la journée, entre l'entraînement et le travail avec Yûgao. Elle était vulnérable. L'homme qui se dressait devant ses chats n'aurait pu être identifié par un élément physique particulier. Ses cheveux étaient bruns, ses yeux sombres derrière le masque – elle n'arrivait pas à en voir la nuance exacte – sa peau pâle sans tatouage ni cicatrice qu'elle parvenait à distinguer, et il portait un uniforme ANBU classique.
Seul son chakra permettrait à Hitomi de le reconnaître dans une foule.
Tandis que ses chats se lançaient à l'assaut, elle malaxa son chakra et l'envoya par-dessus elle au rythme du signal d'alerte. Quelqu'un le percevrait peut-être, ou verrait la lumière qui se dégageait des langues de feu que crachait Hoshihi pour tenir l'agresseur à distance. Ses chats n'étaient pas de taille à affronter seuls un membre de la Racine. Elle n'était pas de taille non plus. Mais ensemble ? Ensemble, ils avaient une mince chance d'échapper à la capture et à la mort, peu importait laquelle venait en premier.
— Suiton : Chaînes Limpides !
Quand elle vit les longues mailles se refermer sur le vide, elle dissipa sa technique aussi vite que possible et se téléporta à son tour afin d'échapper au Shunshin que l'inconnu avait effectué pour s'approcher d'elle. Où étaient les renforts ? Qu'est-ce qui les tenait à l'écart quand elle avait besoin d'eux, vraiment besoin d'eux ? Elle n'aurait pas dû attendre avant de demander à Ensui de quitter le village avec elle. Elle aurait pu apprendre le reste de l'art du tatouage par elle-même, en s'entraînant sur des peaux de cerf traitées. Mais non, il avait fallu que son fichu perfectionnisme se mêle de cette histoire.
Elle se jeta sur la gauche juste à temps pour éviter une boule de feu qui volait en sa direction, mais dut aussitôt mobiliser du chakra Suiton dans sa bouche et le cracher sur la queue d'Haîro, qui n'avait pas été aussi rapide. À nouveau, elle cristallisa dans l'air le signal d'alerte, aussi fort que possible. Une vague sensation d'inconfort s'installa dans ses méridiens : ce signal n'était pas fait pour porter aussi loin. Elle devait faire quelque chose. Tenir bon jusqu'à ce que les secours arrivent – s'ils arrivaient un jour. Cinq minutes de combat et elle perdait déjà espoir. Elle se trouvait au cœur de la ville, par l'Ermite ! Quelqu'un aurait dû intervenir dès qu'elle avait sonné l'alerte la première fois.
Ses mains claquèrent l'une contre l'autre, une explosion de chakra sauvage et corrosif. Le Murmure se réveilla en elle au rythme de l'aura meurtrière qui éclatait sur sa peau, ses méridiens se dessinant par-dessous l'épiderme. Elle répugnait à utiliser son Kekkei Genkai contre un membre du village, mais cet homme n'était pas un allié. Il la tuerait ou l'amènerait à Danzô pour que le Conseiller puisse faire d'elle l'une de ses créatures. Elle se trancherait la gorge elle-même sans hésitation avant de laisser cela se produire.
Elle dégaina son sabre d'une main, des senbon de l'autre et puisa brutalement dans le sceau qui lui servait de réserve de chakra pour une série de Shunshin qui visaient à confondre l'ennemi. Hoshihi sembla comprendre ce qu'elle cherchait à faire. Quelle part de lui répondait instinctivement à l'appel du Murmure quand elle le laissait s'éveiller ? Il crachait sur son sillage des torrents de flammes, sans craindre d'endommager le bâtiment qui leur servait de champ de bataille. À ses yeux, si le village n'aidait pas sa familière dans un temps de grand besoin, il méritait un peu de destruction par ceux qui, eux, intervenaient. Elle n'allait pas le contredire.
Enfin, elle fut assez proche. Son ombre bondit, se détacha des tuiles comme un félin étrange, aux proportions surnaturelles et dérangeantes, et se jeta sur sa cible. Cette fois, il ne fut pas assez rapide pour échapper à sa forme allongée par la lumière que projetait Hoshihi pour elle. Elle gronda comme un animal quand l'Étreinte Mortelle de l'Ombre s'enroula autour du bras que le ninja tendait pour la blesser et le contraignit à l'immobilité. Il se débattit, mais elle avait presque un mois de réserves de chakra accumulées pour appuyer la force de sa technique.
Bientôt, il fut incapable ne serait-ce que de tressauter dans son étreinte. S'approchant jusqu'à pouvoir le toucher, elle prit son dû. Le Murmure, hypnotique, tendre, vicieux, lui ordonna de tendre la main, d'ouvrir une plaie sur l'épaule de l'homme et de plonger ses doigts là où le sang jaillissait. Une autre sorte de chakra, au goût de feu et de cendre, envahit ses méridiens, gonfla ses Portes et lui rendit la force qu'elle avait été contrainte de gaspiller. L'homme laissa échapper une sorte de gémissement étranglé. Ses genoux faiblirent, mais l'ombre le tenait fermement en place sous ses doigts. Elle n'avait pas fini.
— Hitomi-chan.
Elle sursauta et tourna la tête en direction de la voix. Le Murmure réagit en épaississant son aura meurtrière, si bien que la proie s'étrangla dans son ombre. Elle n'avait pas fini. Elle n'avait pas fini.
— Tu vas le tuer. S'il meurt, on ne pourra pas l'interroger pour savoir pourquoi il a fait ça.
Mais elle savait pourquoi. Elle n'avait pas besoin d'un interrogatoire pour comprendre la vibration épuisée du sceau sur sa langue – le même que sur celle de Kakashi, preuve de ses erreurs passées et de la manière dont même lui avait été aveuglé. Son ancien professeur avança d'un pas, deux autres ANBU dans son sillage, et retira le masque du Limier qui lui couvrait le visage. De toute façon, tout le monde connaissait son alias dans les Forces Spéciales. Et elle pouvait sentir son chakra. La main du Jônin se posa sur la sienne, celle qui était couverte de sang et lui apportait le pouvoir. Elle savait, mais le village ne savait pas. Lentement, elle retira sa main, et le Murmure se dissipa.
— Bien, très bien, Hitomi-chan. Reviens vers moi, maintenant. Renard, Sanglier, vous savez quoi faire.
Elle connaissait ces deux ANBU aussi. Sans cela, elle ne les aurait pas laissés approcher de sa proie. Lentement, elle défit son emprise, laissa le corps à demi inconscient et presque vidé de son chakra s'effondrer sur les tuiles. Ses chats se rassemblèrent derrière elle, trois ombres menaçantes et furieuses, prêtes à bondir et se relancer au combat. La queue d'Hairô avait perdu quelques touffes de poils, Kurokumo boitait légèrement. Hoshihi n'était pas blessé. Ses mains s'enfouirent dans le pelage couleur de feu et elle se hissa sur ses épaules, s'installant à califourchon.
— J'avais sonné l'alerte, dit-elle d'un ton grave.
— On est arrivés ici en voyant les flammes parce qu'on patrouillait dans le coin. Je n'ai pas senti d'alerte... Il a dû placer des brouilleurs autour de cet endroit. Personne n'aurait perçu ton chakra.
Elle plissa les lèvres, les traits durcis par la méfiance qu'elle ne parvenait plus à dissimuler. Pas envers Kakashi, non. Lui, elle lui faisait confiance. Envers le village dans son ensemble, qui se laissait guider par ses racines pourrissantes plutôt que par ses feuilles luxuriantes. Le professeur sembla comprendre ce qu'elle ressentait. Il leva une main, la posa sur son genou et attira son attention.
— Je vais t'escorter jusqu'à Ensui. Vous partez bientôt, pas vrai ?
— On part immédiatement.
Son ton était dur, intransigeant. Elle ne resterait pas une seconde de plus que nécessaire là où elle n'était pas en sécurité, ou au moins capable de se protéger. Il hocha la tête et quand elle pressa les flancs d'Hoshihi de ses talons, il s'élança derrière le grand chat. Aucun d'eux ne prononça le moindre mot pendant tout le trajet jusqu'à la maison d'Hitomi. Il n'y avait rien à dire. La fureur d'Hitomi roulait sur sa peau au rythme de l'aura meurtrière qu'elle ne parvenait pas à dissiper et qui rongeait l'air comme un acide.
— Hitomi, j'allais aller te cher... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Ensui était dans l'entrée et enfilait ses chaussures, manifestement prêt à faire exactement comme il venait de le dire et fendre la nuit à la recherche de son apprentie. Il remarqua ses cheveux ébouriffés, les blessures de deux de ses trois chats et la présence de Kakashi à ses côtés. Rien de tout cela n'était de bon augure. Il se laissa tomber sur la marche qui séparait l'entrée du reste de la maison et écouta la voix distance et dure d'Hitomi lui raconter l'agression qu'elle venait de subir.
— Je dois retourner auprès de Sanglier et Renard, intervint Kakashi quand elle eut fini. Tu vas me manquer, Hitomi-chan. Écris-moi de temps en temps, hm ?
Elle lui avait offert un carnet communicant, comme elle l'avait fait pour tous ses camarades avec qui elle voulait rester en contact. Karin, Hanabi et Sugi - les deux enfants aideraient Anosuke à communiquer avec elle - en avaient reçu un également. Elle ne voulait pas les perdre de vue, pas eux qui étaient si précieux.
— Bien sûr que j'écrirai. Ensui-shishou, est-ce qu'on peut partir ce soir ?
Dans d'autres circonstances, Ensui aurait sans doute refusé. Il était plus pratique et plus prudent de commencer un voyage de jour. Mais il pouvait voir l'étincelle hantée dans les yeux de son apprentie, l'énergie du combat qui demeurait encore un peu dans ses muscles mais bientôt se retirerait, la laissant fatiguée, endolorie et terrifiée par sa propre vulnérabilité. Il pourrait la porter quand ce moment arriverait, pour qu'elle se repose puis se remette. Pour elle, il pouvait le faire.
— Oui. Change-toi et on y va.
Elle acquiesça, retira ses chaussures et se précipita vers sa chambre. Elle avait dû se trouver une nouvelle tenue de combat : son kimono était trop caractéristique. Cette fois, elle ferait simple. Avec un peu de chance, dans un an ou deux, elle serait suffisamment forte pour ne plus avoir besoin de cette seconde peau. Touchant le sceau du bout de sa langue, elle serra les dents pour endurer la vague de douleur et vêtit sa nouvelle apparence d'une tenue près du corps par-dessus son ensemble de résille d'acier, dans des tons gris sombre et vert sapin. Pas de veste Chûnin : cette identité était toujours une Genin, entraînée par son père depuis la sortie de l'Académie en-dehors des forces classiques de Konoha.
Une fois prête, elle retrouva Ensui devant la maison. Pour les deux années à venir au moins, elle devenait Eien Senjin, et elle n'avait plus rien à faire à Konoha.
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