Crépuscule
Les deux kunoichi se regardèrent un long moment sans rien dire, leurs corps se préparant au combat, puis Fû prit l'initiative. D'un Shunshin efficace, Hitomi disparut de la trajectoire de son coup et se rematérialisa dans son dos mais n'eut pas le temps de frapper qu'elle se retournait déjà. Une autre étincelle de chakra et la rivière se trouvait soudainement sous ses pieds, répondant déjà à l'ordre impérieux de son chakra.
— Suiton : Le Fouet Aqueux !
Le fouet se matérialisa dans sa main droite tandis qu'elle dégainait de la gauche. D'un revers de la main, sans même utiliser de technique en particulier, elle souleva un pan de rivière qui balaya les spores envoyées par son adversaire. Fû était l'une des jinchûriki dont les capacités étaient les moins bien connues d'Hitomi. Elle ne pouvait pas, ici, se reposer sur son savoir. Seules ses compétences brutes compteraient. Elle était à peu près sûre que la réceptacle ne la tuerait pas si elle perdait... Mais elle n'avait pas envie de perdre. Le Murmure réagit à cette pensée sous sa peau, approbateur et encourageant.
Pendant quelques minutes, elles ne firent qu'échanger des coups et esquiver. Fû la toucha à l'épaule, faisant craquer l'articulation sous son poing, juste au moment où elle parvenait à enrouler son fouet autour de son bras droit et brûler la peau d'une traction brutale. Ce n'était pas comme ses rixes d'entraînement contre la Fratrie du Sable : ici, les blessures n'étaient pas limitées à ce qui pouvait se soigner en un instant. Pourtant, déjà la peau de Fû se refermait sous l'influence de Chômei, son démon. Hitomi, elle, ne guérirait pas avant d'avoir vu son maître.
— Tu t'es jouée de moi ! hurla Fû en pulvérisant un arbre qui avait jusqu'à sa chute servi à protéger Hitomi. Tu as fait semblant de devenir mon amie !
— Ce n'est pas vrai ! Je veux accomplir ma mission pour mon amie, c'est vrai, mais je n'aurais pas eu besoin d'être gentille avec toi pour ça, j'aurais pu simplement ne rien te dire et passer par les supérieurs de ton village !
Elle atteignit Fû au ventre d'un coup de pied assez brutal pour l'envoyer voler à quelques mètres d'elle, le Murmure à la limite d'exploser à l'intérieur d'elle. Ce n'était même pas qu'elle se sentait insultée ; cela faisait trop longtemps que la sombre, sombre force à l'intérieur d'elle n'avait pas été relâchée. D'une secousse, elle déploya l'un de ses sceaux explosifs, dont l'activation ouvrit un gouffre de plusieurs mètres entre Fû et elle. Elle commençait à s'essouffler, puisait déjà dans ses réserves de chakra, mais refusait de faillir.
— Tu aurais dû m'en parler immédiatement ! Il n'y a que Chômei qui t'intéresse, je ne compte pas à tes yeux.
Utilisant une technique typique de Sasuke, elle commença à tendre un piège en plein combat à la jinchûriki. Ses câbles s'envolèrent l'un après l'autre, s'enroulant autour d'un arbre ou se fichant profondément dans la roche. Chacun d'eux limitait un peu plus les mouvements de Fû, qui ne pouvait les franchir sans risquer de se couper – et si Hitomi les avait empoisonnées ? Sans doute ses leçons à l'Académie lui revenaient-elles à l'esprit. Ne pas prendre le risque de se faire blesser par un ennemi quand on pouvait faire autrement. Elle était seulement à la recherche du « autrement » en question.
Hitomi lui tomba dessus avec la délicatesse d'un mur de brique, tout son corps plaquant le sien contre le sol. Les ruades de son adversaire firent protester ses côtes, malmenées par l'un des coups qu'elle n'avait su esquiver, mais elle tint bon. Une de ses mains s'enroula dans les cheveux de Fû, la contraignant à la regarder dans les yeux. Son nez contre le sien, elle attendit que l'autre cesse de se débattre.
— J'ai passé du temps avec toi parce que je le voulais, grogna-t-elle d'une voix sans appel à son oreille. Les réceptacles comptent plus pour moi que les démons à l'intérieur d'eux. Si l'Akatsuki met la main sur toi, tu mourras, tu n'auras absolument aucune chance de survivre. Je ne laisserai pas un tel évènement se produire, même si je dois te sédater jusqu'à ce qu'Hitomi ait terminé d'implanter son sceau sur toi, est-ce que tu comprends ça ?
Il y eut un long silence seulement perturbé par leurs respirations haletantes. Pas un instant leurs regards ne s'éloignèrent l'un de l'autre, orange intense contre bleu pâle, jusqu'à ce que Fû ferme les yeux et l'embrasse. Le goût de sa langue, chargé d'agrumes et de quelque chose qu'Hitomi ne parvenait pas à définir, lui envahir la bouche. Elle répondit au baiser avec un petit son tourmenté, ses mains se faisant caresse dans les cheveux de Fû, sur son visage, sa gorge, ses épaules. Elle répondit avec tout ce qu'elle avait et, pourtant, ce fut elle qui rompit le baiser.
— Je ne suis pas là pour longtemps, dit-elle d'une voix douce à nouveau. Quand le sceau sera apposé sur toi, je m'en irai à la recherche du prochain jinchûriki, sans doute au Pays de la Foudre. Je ne reviendrai peut-être jamais à Takigakure.
Elle ne dit pas non, parce que ce n'était pas ce qu'elle voulait exprimer. Elle essayait simplement de faire comprendre à Fû que si elles continuaient sur cette voie – même si Hitomi avait de prime abord décidé de ne même pas s'y engager – cette voie toucherait très vite à sa fin.
— Ce n'est pas grave, murmura Fû pratiquement contre ses lèvres. Juste une fois.
Avec un hochement de tête, Hitomi se redressa. Elle boitait bas, son épaule était enflée et elle pouvait sentir l'hématome sur son flanc gauche ainsi que les brûlures qui parsemaient sa peau, mais elle décida d'ignorer la douleur sourde. Ses doigts s'entrelacèrent à ceux de Fû puis la guidèrent jusqu'à son hôtel, la suite, sa chambre. Ensui n'était pas là, sans doute occupé encore une fois aux affaires du clan. Sans hésitation, elle entraîna Fû entre ses draps, déposant sur sa peau tannée par le soleil des baisers enfiévrés.
Une heure plus tard, elles sortirent du lit et se rhabillèrent, fatiguées de la meilleure manière qui soit. Hitomi prit le temps d'aérer sa chambre pour ne pas donner une crise cardiaque à son pauvre maître puis les deux jeunes femmes se dirigèrent vers le petit salon et firent appel au room service pour un pichet de limonade bien fraîche. Leur apparence très décente n'empêcha pas Ensui, quand il fut de retour, de comprendre au premier regard ce qu'elles avaient fait durant son absence. Il grogna, ferma les yeux, compta jusqu'à dix dans sa tête puis commença à ranger ses paquets dans sa chambre.
— Je veux vraiment que tu sois en sécurité, Fû, dit Hitomi d'un ton sérieux. Est-ce que tu voudrais bien que je demande à Hitomi de venir t'apposer son sceau ?
Ensui entendit sa question et envoya juste une étincelle de son chakra toucher le sien. De l'approbation. Ce ne fut que quand il revint vers le salon que son regard se teinta d'inquiétude. La main déjà illuminée de chakra médical, il s'accroupit entre les deux jeunes filles et lança une technique de diagnostic sur son apprentie.
— Sérieusement, Eien ? Tu sais bien que je n'approuve pas les combats non-nécessaires après un entraînement.
— Désolée, Père, dit-elle avec un sourire contrit.
Il ne put s'empêcher de s'adoucir quand elle l'appela de cette façon. Elle le savait, il le savait. Il avait depuis longtemps cessé de résister à la tendresse et à l'amour filial qu'il ressentait pour elle.
— Bah, tu t'en tireras bien. Tes côtes sont juste un peu abîmées, ton épaule n'est pas cassée non plus. Tu seras encore un peu meurtrie demain, mais après ça il n'y paraîtra plus. Tu sais ce que ça veut dire, hm ?
— Entraînement au ninjutsu demain ?
— Exactement ! Bon, Fû-san, je dois repartir, dites-moi si je dois en profiter pour faire envoyer un message à Hitomi-san.
C'était tellement, tellement étrange d'entendre le suffixe accolé à son prénom de la voix de son maître, même cette voix qui n'appartenait qu'à sa deuxième apparence. Toutefois, la jeune Yûhi refusa de se laisser perturber, reportant plutôt son attention sur Fû, qui triturait sa ceinture du bout des doigts.
— Je... Oui, vous pouvez, Senjin-san. J'accepte le sceau. Mais est-ce qu'on a besoin d'en parler à Shibuki-sama ? Je ne veux pas qu'il s'inquiète...
Shibuki était le chef militaire de Takigakure. Il avait succédé à son grand-père deux ans plus tôt, quand celui-ci était mort de vieillesse – un fait extrêmement rare parmi les shinobi. Bien qu'il soit un Jônin, il possédait à peine la force nécessaire pour diriger un Village Caché. S'il avait été choisi, c'était surtout parce que son village le considérait comme un génie de l'économie et de la politique. Takigakure ne serait sans doute jamais l'instigatrice ou l'une des principales actrices dans un conflit, donc ce chef lui convenait parfaitement.
— Dans ce cas, il faudra que la rencontre se fasse hors du village, répondit Ensui. Je ne peux pas faire entrer Hitomi-san sans justifier sa présence.
— Il y a un souterrain à six kilomètres des murs de Taki, au nord-est. Est-ce que ça conviendrait ?
Hitomi acquiesça, ses boucles rousses s'échappant un peu plus de sa queue de cheval nouée à la hâte en conséquence du mouvement, tout en échangeant un regard avec Ensui. Fû manquait de prudence. Elle acceptait de suivre hors des murs censés la protéger deux étrangers rencontrés respectivement la veille et le jour-même alors qu'elle savait qu'une menace rôdait au-dehors. Puisque cela servait leurs buts, ils n'allaient pas protester, mais une intuition disait à la Konohajin que cette jinchûriki serait l'une des premières à l'appeler à l'aide.
Et ainsi, ce fut décidé. Quatre jours plus tard, Hitomi quitta la ville sous le prétexte d'une visite à faire dans un petit village, Ensui à ses côtés. Son maître ne changerait pas d'apparence, lui, mais Hitomi retrouva sa forme originelle quelques kilomètres après avoir perdu le mur d'enceinte de Takigakure de vue. Elle se secoua, enfila tandis qu'il détournait le regard la tenue de combat dont elle ne se séparait jamais vraiment et prit le temps de se regarder dans le miroir de poche qu'il lui tendit. Sa cicatrice sur la joue, marque de sa survie face à Orochimaru, lui avait presque manqué.
Hitomi suivit son maître à travers la plaine, ses longs cheveux noirs attachés à la Nara, résistant au furieux désir d'invoquer Hoshihi. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre du temps, elle voulait cette affaire conclue aussi rapidement que possible et puis passer au jinchûriki suivant. À Kumogakure, Ensui et elle prendraient le temps de s'arrêter au moins un mois : en plus de leur mission officieuse, ils en avaient reçu une vraie de la part de Shikaku : établir des relations diplomatiques entre le clan et l'autre village. S'ils pouvaient également améliorer les relations avec Konoha dans son ensemble, tant mieux, mais le clan était la priorité. Hitomi essayait de ne pas trop penser à ce que cela pouvait signifier.
Fû les attendait devant l'entrée du souterrain qu'elle leur avait indiqué sur une carte avant leur départ. Elle semblait nerveuse, agitée, ses yeux ne se posant jamais plus d'une poignée de secondes au même endroit, les mains crispées et les épaules tendues. Elle vit d'abord Hitomi ; une étincelle de méfiance s'alluma dans son regard orange jusqu'à ce qu'elle repère Ensui sous la forme d'Akito Senjin à ses côtés.
— Eien-chan est restée au village où Akito-san et elle sont censés passer la journée, informa Hitomi d'un timbre ferme. Nous ne voulons pas qu'une éventuelle inspection de nos dires se déroule mal.
Tout en elle faisait désormais plus vieux que son âge quand elle s'en donnait la peine : la voix usée par les cicatrices dans sa gorge qui dataient de quand elle était bébé, la cicatrice quant à elle bien visible sur la joue, son regard dur, ses cernes si profondément incrustés qu'elle ne s'en débarrasserait sans doute jamais totalement. Tant de choses avaient changé depuis l'examen Chûnin à Kusagakure ; elle n'était pas sûre de vouloir revenir à celle qu'elle était alors.
Et puis, pour une telle occasion, paraître adulte ne ferait qu'apporter du poids à ses dires. Même Ensui s'y accordait : sans l'exprimer verbalement, il lui montra la déférence que l'on réservait à un supérieur et non à son élève. Même si le voir marcher en retrait d'elle lui faisait mal à l'estomac, elle devait admettre que dans le domaine du fûinjutsu, elle le surpassait de loin désormais.
— Entrons et commençons dès que possible, s'il vous plaît, Fû-san.
Cela faisait du bien d'être de retour à l'intérieur de son corps, malgré l'impossibilité de faire tout ce qu'elle voulait à ce moment. Son lien intangible avec ses chats ninjas l'appelait comme une douce mélopée tandis que le Murmure tirait tranquillement de son côté, comme pour lui rappeler qu'il était là, qu'elle pouvait l'utiliser sous cette peau. Elle refusa d'écouter. Aucune raison, encore une fois, de sortir l'un ou l'autre de ces atouts.
Une fois à l'intérieur du souterrain, elle s'agenouilla au centre du boyau le plus large et ordonna à Fû de se dévêtir puis de s'allonger près d'elle. Son regard resta froid, distant. Ce n'était pas si compliqué que cela, même si elle connaissait la sensation de cette peau tannée et chaude sur la sienne, le son intime et troublé de ses soupirs quand elle lui touchait la nuque, le bas du dos... et ailleurs. Tout en expliquant la procédure à la jinchûriki, elle fit signe à Ensui de préparer le chakra médical nécessaire à la technique d'anesthésie.
— Dormez, Fû-san. Quand vous reprendrez connaissance, vous serez protégée. Vous serez en sécurité.
L'application du sceau fut rapide et efficace, même si Hitomi dut utiliser plus de son mélange d'encre et de sang qu'elle ne l'aurait voulu. Le souterrain n'était pas fait pour accueillir le dessin complexe et délicat de ses sceaux : l'encre se posait moins bien et moins uniformément sur le sol rêche, irrégulier, et le manque d'espace lui demandait paradoxalement une adaptation qui exigeait plus du précieux liquide qu'elle n'aurait voulu donner. Cela signifiait qu'Ensui devrait lui prélever du sang une fois qu'ils seraient tous deux à Kumogakure. Elle espérait pouvoir mettre la main d'un seul coup sur les deux jinchûriki : la pression que l'Akatsuki exerçait sur son esprit se faisait de plus en plus pressante.
Fû se réveilla quelques minutes après que le sceau se soit contracté sous son aisselle, là où Hitomi l'avait également tatoué pour Gaara. La jeune femme laissa sa patiente du jour se secouer et se rhabiller en paix, savourant la liberté de se retrouver dans son enveloppe charnelle véritable. Elle se rendrait à pieds jusqu'au village frontalier, reprendrait l'apparence d'Eien et reviendrait calmement, histoire d'être vue par les éventuels shinobi qui pourraient croiser sa route. En attendant, c'était un clone qui se trouvait à sa place dans le petit hameau aux côtés d'un autre clone d'Ensui sous la forme d'Akito, s'assurant de voir et d'être vu. Elle se demandait ce qu'il aurait d'intéressant à lui apprendre.
— Nous allons vous laisser rentrer à Takigakure, Fû-san. Senjin-san va m'accompagner jusqu'au village et récupérer sa fille pour s'assurer qu'elle rentre sans encombre.
— Est-ce que... Est-ce que vous pourriez lui dire que j'aimerais la voir avant qu'elle reparte ?
La vulnérabilité dans la voix de la jinchûriki fit observer un temps d'arrêt à Hitomi tandis qu'elle s'assurait d'avoir bien rangé ses pinceaux dans l'ordre. Elle leva la tête, ses yeux rouges croisant ceux de l'autre kunoichi, sans manquer l'étincelle de fragilité qui y régnait.
— Je lui transmettrai le message. Portez-vous bien, Fû-san. J'espère que vous n'aurez jamais aucune raison de m'appeler mais, qu'il s'agisse de l'Akatsuki ou non, si vous êtes menacée, activez le sceau. Nous ne nous connaissons pas mais votre vie compte pour moi. La vie de tous les jinchûriki compte pour moi.
Elles se saluèrent une dernière fois d'un hochement de tête puis Hitomi tourna les talons et grimpa les marches qui conduisaient à la sortie du souterrain, Ensui deux pas derrière elle. Ils marchèrent en silence de longues minutes ; elle pouvait sentir son regard revenir encore et encore sur elle, comme s'il souhaitait s'abreuver du moindre détail. Elle comprenait. Si elle aussi avait eu la chance de le voir, sous sa forme véritable, elle graverait une nouvelle fois le moindre détail dans son esprit. Elle avait besoin de lui. Le fait de savoir qu'elle ne l'apercevrait sans doute plus avant leur retour, une fois qu'elle serait assez forte pour répondre à la menace qui l'attendait au cœur de Konoha, lui faisait mal.
Ils avaient parcouru une poignée de kilomètres en direction de la frontière avec le Pays du Feu quand Hitomi sentit pour la toute première fois l'étrange tiraillement sur son sixième sens qui semblait vouloir l'attirer en arrière. Elle ferma les yeux, plongea dans sa Bibliothèque et laissa échapper une litanie de jurons quand elle comprit qui, exactement, l'appelait à l'aide. Sans même prendre le temps de parler, elle attrapa le bras d'Ensui et répondit à l'appel d'une puissante décharge de chakra.
Les deux silhouettes sur la plaine laissèrent derrière elles un faible nuage de poussière.
Elle se matérialisa devant une scène de chaos. Derrière elle se dressaient les murs de Takigakure, aussi lointains qu'inatteignables. Juste à côté d'elle, Fû était tombée à genou, une quantité de sang inquiétante sur sa poitrine et son ventre nu. Autour d'eux, une dizaine de déserteurs de plusieurs Villages Cachés différents. Aucun membre connu de l'Akatsuki. Sans attendre que l'un d'eux réagisse à l'arrivée de gêneurs, elle ouvrit sa paume contre le tranchant de son tantô déjà dégainé – elle avait récupéré celui qu'elle portait à l'origine, noir et rouge, en se changeant – et invoqua ses chats de bataille.
— Ninpô : La Brigade des Griffes de Fer !
Hoshihi apparut d'abord, sa fourrure prenant la couleur d'un feu ronflant dans la lumière de l'après-midi, Hai comme une petite boule gris sombre sur sa nuque. Haîro apparut aussi, son pelage gris tigré déjà hérissé en signe de menace, puis Kurokumo, le poil si noir qu'il semblait absorber la lumière. Sans leur laisser le temps de la saluer, Hitomi explosa en mouvement et se jeta sur l'ennemi le plus proche, Hoshihi sur ses talons. Ses deux autres chats encadrèrent Ensui, occupé à soigner Fû, repoussant la moindre personne à oser s'approcher.
Enfin, enfin elle pouvait relâcher le Murmure. La sensation la grisa avec tant de violence qu'elle dut retenir un cri d'exaltation pure tandis que la puissance sans nom gonflait contre ses veines, faisant apparaître le complexe tracé de ses méridiens en bleu vif sous sa peau. Son adversaire tout désigné écarquilla les yeux de frayeur, eut un mouvement de recul, mais elle ne lui laissa pas une seconde pour réagir, pour ériger une technique de protection ou s'enfuir : son tantô lui transperça le torse de part en part, guidé par l'incessant chant hypnotique du Murmure. Ses doigts nus remplacèrent sa lame en quelques instants et elle tira ; aussitôt, le chakra vint à elle, remplissant ses Portes et ses méridiens. Derrière elle, Hoshihi tua un autre homme en lui crachant une boule de feu en pleine figure.
C'était tellement, tellement facile.
Sans attendre de voir le corps tomber à ses pieds, elle se retourna et effectua la Mudra du Rat, son ombre s'élevant du sol et attrapant un autre shinobi par le cou. L'étrangler aurait pris trop longtemps, aussi préféra-t-elle lui briser la nuque, s'attaquant déjà à un nouvel adversaire. Celui-là lui donna un peu de fil à retordre, jusqu'à ce qu'Hoshihi s'en mêle et le frappe au visage d'un coup de patte presque négligeant, ses griffes tranchantes comme des rasoirs s'occupant de son sort.
Bien vite, Ensui et Fû la rejoignirent au combat, les deux chats qui les avaient protégés à leurs côtés. Le cours de la bataille fut aussitôt déterminé, pourtant ils ne laissèrent personne s'enfuir. Dans d'autres circonstances, au Pays du Feu, Hitomi ou son maître auraient peut-être décidé de laisser l'un de leurs adversaires en vie pour l'interroger, mais même cela n'était pas sûr : la Racine se trouvait jusqu'au Département Torture et Interrogatoire.
En quelques minutes, ce fut fini, un silence mortel tombant sur la plaine comme une chape de plomb. Puisqu'elle n'avait aucune blessure plus grave qu'une écorchure ou un hématome, Hitomi commença aussitôt à fouiller les corps. Sur chacun d'eux, elle trouva un pendentif représentant les kanjis pour « crépuscule », les récoltant comme de macabres trophées. Elle récupéra aussi les armes, les rations, l'encre et le parchemin, les bandeaux frontaux, avant d'enfermer chaque cadavre dans un parchemin de stockage fait pour les contenir. Peut-être un médecin légiste du clan Nara pourrait-il trouver quelque chose d'intéressant en les examinant.
Elle avait pris le chakra de quatre personnes différentes durant le combat, pas toujours celui de ses propres adversaires. À deux reprises, Ensui lui avait envoyé des corps agonisants à dépouiller, comme s'il savait à quel point la sensation de ses Portes et méridiens remplis à craquer lui manquait. Elle resterait comme ça, saturée d'énergie et grisée, pendant au moins une journée. Quand le chakra se serait adapté à son organisme, elle enverrait le surplus dans le sceau de stockage tatoué par-dessus son nombril et, ainsi, n'aurait plus peur d'être vidée de son énergie et sans défense. Son regard dur parcourut le champ de bataille, puis vérifia que personne n'était blessé au-delà de quelques égratignures dont son maître s'occupait déjà.
— Notre travail ici est terminé, dit Hitomi à Fû en s'approchant d'elle. Prenez soin de vous, Fû-san, et n'hésitez pas à appeler encore si vous en avez besoin.
Elle inclina légèrement la tête et tourna les talons pour de bon, cette fois, Ensui la suivant au bout de quelques instants. Il était temps pour elle de redevenir Eien.
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