Ceux qui rôdaient dans les bois
Quand elle reprit connaissance, Hitomi veilla à ne pas remuer d'un cil. Sa respiration ne changea pas, elle garda sa position inconfortable, les mains attachées devant elle avec assez d'épaisseur de corde pour qu'elle ne puisse pas former de mudra, le dos appuyé contre un mur irrégulier, la tête courbée vers sa poitrine. Lentement, elle entrouvrit les lèvres et inspira avec toutes les précautions possibles, tentant d'attirer à elle les odeurs du lieu où elle se trouvait. Pas la forêt, c'était sûr : l'effluve des feuilles en décomposition avait disparu. Elle sentait... De l'humidité, un feu qu'elle entendait craquer non loin, et le parfum unique de l'huile utilisée par la plupart des ninjas pour entretenir leurs armes.
Elle entendait deux sources de bruit probablement humaines en plus du feu. L'une aiguisait une lame, sans doute longue, tandis que l'autre... entretenait du cuir ? Peut-être des vêtements ou des chaussures. Après son odorat et son ouïe, il était temps pour elle d'écouter ce que ses méridiens avaient à lui dire. Elle se concentra, arriva devant la cage qui étouffait ces sensations, et effleura l'un des rubans argentés qui y flottaient en silence.
Aussitôt elle s'étouffa, submergée par deux vagues de chakra titanesques qui lui brûlaient la peau et l'empêchaient de respirer. Elle s'éloigna de la cage aussi vite que possible et sortit de sa Bibliothèque comme si elle avait le diable aux trousses. Son souffle était précipité, son cœur battait la chamade et une couche de sueur glacée lui recouvrait la nuque. Il lui fallut plusieurs secondes pour reprendre son souffle, pour contraindre ses membres tremblants à l'immobilité. Elle avait trouvé les jinchûriki – ou plutôt ils l'avaient trouvée, elle.
— On dirait bien qu'elle est réveillée, dit une voix profonde à sa droite.
Ce n'était plus la peine de faire semblant, à présent. Elle ouvrit les yeux, regarda autour d'elle. Elle se trouvait dans ce qui ressemblait à une grotte, baignée dans la lumière hésitante d'un petit feu. La fumée était attirée vers une ouverture dans le plafond qui agissait comme une cheminée, mais ce n'était pas le seul accès : de l'autre côté des flammes, elle distinguait une ouverture sombre qui conduisait sans doute à l'entrée que les deux nukenin avaient empruntée pour arriver ici.
Enfin, elle les regarda. Han et sa stature colossale attirèrent ses yeux en premier. Ses yeux, c'était tout ce qu'elle pouvait voir de son visage : le reste était dissimulé sous un pan de la tunique molletonnée qu'il portait sous son armure, un masque semblable à celui que portait Kakashi, mais rouge. Elle savait que cette armure et ce tissu épais lui servaient à retenir contre sa peau la vapeur générée par l'appareil fixé dans son dos. Rôshi se trouvait à sa droite – c'était lui qui avait parlé. Il était un peu moins massif que son compagnon, mais quelque chose dans sa posture et dans son regard le rendait tout aussi intimidant.
— Vous m'avez attrapée depuis longtemps ? s'enquit-elle d'une voix rauque.
— Plusieurs heures, répondit Han. Le soleil va se lever.
Sa voix était étonnamment douce pour un homme de sa stature, mais Hitomi ne s'y trompa pas. Si elle commettait la moindre erreur, il la tuerait sans hésitation. Probablement sans la faire souffrir... Mais sans lui laisser le temps de réparer ses torts non plus. Elle replia ses jambes sous elle, comme si ce geste pouvait atténuer son sentiment de vulnérabilité. Stupide.
— Mon père...
Même dans ces circonstances, elle frémit d'une joie douce et réconfortante en l'appelant pour la première fois comme cela.
— Nous avons senti sa présence, grommela Rôshi. Il est toujours en vie, si c'est ce qui t'effraie. Je suis sûr que tu vas nous donner toutes les informations que nous voulons. Si tes réponses sont satisfaisantes, tu repartiras sans la moindre égratignure et tu le retrouveras.
Elle le sonda du regard sans repérer la moindre trace de mensonge. Cela ne voulait rien dire : il pouvait très bien être doué pour tromper ses interlocuteurs, et elle n'avait rien d'une Ibiki Morino, elle n'était pas capable de plonger sans effort dans les tréfonds de l'âme humaine, de jouer de ses subtilités comme d'un instrument. Han se leva, son ombre occupant un mur entier de la grotte, et s'accroupit devant elle. Sa large main prit son visage en coupe pour le lever vers le sien.
— Tu n'es qu'une adolescente. Konohagakure envoie encore des enfants pour faire son sale travail ?
— Konoha ne m'a pas envoyée. Je...
Les doigts de Han s'enfoncèrent le long de sa mâchoire, la pression soigneusement mesurée pour lui faire ressentir un inconfort sans provoquer de douleur – pas encore.
— Ne mens pas. Tu portes encore ton bandeau frontal.
Les leurs étaient barrés d'un trait sans doute creusé par un kunai. La marque des déserteurs. Ils n'avaient plus de village pour les protéger à présent. Mais Iwagakure les avait-elle vraiment protégés ? Ils ne seraient pas partis s'ils avaient été traités comme de véritables êtres humains. À quel point avaient-ils été méprisés, exclus, ignorés alors qu'en eux vivaient des entités capables de dévaster ce qu'ils ne voulaient plus voir exister sans le moindre effort ? Différent village, mêmes ninjas et civils stupides.
— Je n'ai pas déserté mon village. Tsunade-sama, la Hokage, nous a envoyés au loin mon père et moi parce que j'étais menacée par une force qu'elle ne peut pas encore se permettre de contrer.
Ce n'était pas exactement un mensonge. Tsunade les avait bien envoyés hors du village pour la protéger des menaces qui rampaient à l'intérieur... Mais à quel point était-elle consciente de l'existence de la Racine ? Danzô était parvenu à la garder secrète sous le règne d'Hiruzen, mais la nouvelle Hokage était moins prompte à fermer les yeux sur les agissements du Haut Conseiller.
— Et qu'est-ce que tu es venue faire ici, hm ? C'est pas le meilleur endroit pour une gamine en danger. Si tu as une prime sur la tête, les ninjas d'Iwa seront ravis de la collecter. Ils s'en fichent que tu sois à peine plus qu'une enfant, si tu vaux ton pesant d'or, ils livreront ta tête à qui paye assez pour la mériter.
Elle hésita pendant quelques secondes, les jaugeant du regard, puis décida de jouer franc jeu. S'ils voulaient la tuer, ils pouvaient le faire de toute façon. Qu'elle mente n'y changerait rien. Sa langue toucha le sceau tatoué sur son palais, et son apparence changea. Elle serra les dents tandis que les os de son visage reprenaient leur agencement naturel, mais n'émit pas un bruit, seulement un lourd soupir quand ce fut fini.
— Je suis venue protégée, répondit-elle d'une voix douce. Je m'appelle Hitomi Yûhi, et je suis venue au Pays de la Terre pour vous avertir d'un grand danger.
Elle eut le bref plaisir de voir leurs yeux s'écarquiller de stupéfaction. La main de Han lâcha son menton, laissant derrière elle de vagues meurtrissures là où ses doigts s'étaient enfoncés dans la chair fragile.
— Un grand danger ? Pire que d'avoir tous les ninjas d'Iwa à nos trousses, tu veux dire ?
Rôshi avait l'air de se moquer d'elle en disant ça, mais elle, elle garda son sérieux, tournant légèrement la tête pour planter son regard rouge dans le sien.
— Oui, pire. Indubitablement pire.
Ils devaient comprendre. Elle devait leur faire comprendre. Elle ne pouvait pas les laisser périr aux mains de l'Akatsuki. Elle ne pouvait pas.
— Une organisation de criminels s'est mise à traquer les jinchûriki à travers le monde. Je m'intéresse à eux parce qu'ils s'en prendront un jour à mon frère adoptif. J'ai réussi à obtenir un espion dans leurs rangs. C'est lui qui m'a averti que vous aviez déserté, tous les deux. Vous êtes plus vulnérables seuls que vous ne l'avez jamais été dans votre village, et ils le savent. Ils sont à vos trousses.
Rôshi éclata d'un rire bref et amer.
— Et qu'est-ce que tu voudrais qu'on fasse ? Qu'on retourne là-bas la queue entre les jambes ?
— Non. Je sais que vous avez d'excellentes raisons de partir. Vous appelez toujours votre village Iwa, et pas Iwagakure comme le ferait quelqu'un qui n'y accorde pas d'importance. Vous êtes toujours attachés à l'institution. Ce sont les gens, le problème, pas vrai ?
Ils s'entreregardèrent, mais ne répondirent pas, aussi Hitomi décida-t-elle de pousser son avantage.
— Mon frère adoptif est un jinchûriki lui aussi, l'hôte du Kyûbi. Ma mère a dû combattre le Hokage de l'époque, Hiruzen, bec et ongle pour avoir le droit de l'adopter. Jusqu'à ce qu'il porte notre nom et que les gens sachent qui le protégeait, il était ignoré et mis à l'écart par les gens du village. Les parents interdisaient à leurs enfants de le fréquenter. Les vendeurs le chassaient de leurs magasins.
— Pourquoi c'était différent pour ta mère ? l'interrompit Han.
— Elle n'en était pas à son coup d'essai, répondit Hitomi avec un sourire tendre. Mon deuxième frère adoptif est Sasuke Uchiha. Quand je suis entrée à l'Académie, six ans avant qu'elle adopte Naruto, j'ai vu comment les autres l'excluaient et j'ai décidé que je ne voulais pas de ça dans ma classe. Mon cousin et mes amis m'ont suivi. Naruto n'a jamais été exclu de notre cercle. Quand il a eu douze ans et a été diplômé, Hiruzen a décidé qu'il était assez vieux pour vivre seul. Ma mère, qui le connaissait très bien et l'hébergeait presque tous les week-ends, a contesté cette décision, et maintenant il fait partie de ma famille.
— Ca n'aurait pas été possible à Iwa, grogna Rôshi. Notre maudit Tsuchikage est têtu comme une mule, pas moyen de le convaincre de faire quoi que ce soit s'il ne l'a pas décidé lui-même. Nous avons dénoncé plusieurs fois les abus de nos camarades et des civils, sans succès. Quand ils ont essayé de nous envoyer sur une mission pratiquement suicidaire sans le moindre soutien, on a décidé qu'on en avait assez, tous les deux, et on est partis dès qu'on a pu.
Le regard d'Hitomi s'attrista, mais elle acquiesça tout de même. Combien étaient partis exactement pour cette raison avant eux ? Elle savait que par le passé plusieurs jinchûriki avaient été exécutés pour cause de désertion. Cette menace les suivrait eux aussi à chacun de leurs pas. Elle lutta contre ses liens par réflexe, comme si libérer ses mains pouvait lui permettre de protéger tous les réceptacles. Comme si c'était aussi simple que ça. Han posa une paume impossiblement large sur la corde qui frottait désagréablement contre ses poignets.
— Tu vas te faire mal, arrête.
Elle leva les yeux vers lui, le suppliant en silence de comprendre. L'Akatsuki était bien plus dangereuse que tout ce qu'Iwagakure pouvait envoyer à leurs trousses.
— Ils... L'Akatsuki... Ils ont l'un des déserteurs d'Iwagakure. Il s'appelle Deidara. Il fait partie du binôme envoyé sur vos traces, mais l'autre nukenin est bien plus dangereux. Il s'appelle Akasuna no Sasori. Et s'ils échouent... S'ils échouent, leur chef se contentera d'envoyer des ninjas plus puissants ou se déplacera lui-même si cela échoue aussi. Croyez-moi, je sais que vous êtes forts, je sais ce dont vous êtes capables, mais cela ne suffira pas.
Han soupira et secoua la tête, le regard presque résigné. Non. Elle ne voulait pas qu'il se résigne. Il ne pouvait pas se résigner.
— Qu'est-ce que tu veux y faire ? Sans vouloir t'offenser, tu es à peine plus qu'une enfant. C'est gentil de ta part de nous avoir prévenus, et on fera attention, mais...
— Non ! J'ai une solution ! Enfin... Un début de solution. Hum... J'ai besoin de mes mains pour vous montrer ?
Sa dernière phrase était sortie plutôt comme une question et, après quelques secondes d'hésitation, il dégaina un kunai. Elle frémit légèrement en sentant la lame effleurer l'un de ses poignets mais se contraignit à l'immobilité. À la confiance. Il perçut tout cela, le souffle tremblant échappé d'entre ses lèvres et la manière consciente dont ses muscles se détendaient. Quelque chose qui ressemblait à de l'approbation brilla dans ses prunelles brunes pendant un instant. Enfin libre, Hitomi remonta la jambe du legging noir qu'elle portait sous sa tunique, révélant une couche de bandages de protection. Ses vêtements, encore adaptés à sa morphologie factice, flottaient désormais autour de son corps trop mince. Tentant de ne pas y songer, elle faufila ses doigts entre les bandages et en extirpa un petit sceau de stockage.
— J'ai réfléchi à ce projet dès que mon espion m'a appris le but de l'Akatsuki. Je suis convaincue qu'il aidera au moins à vous défendre, mais j'ai aussi une autre idée pour vous cacher. Enfin, laissez-moi d'abord vous montrer ça...
Elle activa le sceau d'une poussée de chakra et ce qui ressemblait à un plan épais s'en échappa. Elle le déplia lentement, prenant soin à ne pas abîmer le papier fragile. Elle savait que le sceau complet était trop grand pour se déployer dans cette petite grotte, mais elle avait assez d'espace pour leur donner un aperçu. Quand un mètre carré de son travail fut visible, elle expliqua :
— Il s'agit d'un sceau corporel que je devrais vous tatouer sur l'entièreté du corps. C'est douloureux, mais une fois contracté, il ne sera pas plus gros que ça.
Ses doigts formèrent un petit cercle pour illustrer, puis elle poursuivit d'un ton ferme et concentré :
— La partie du sceau que vous voyez ici se base sur le Hiraishin, la technique-signature de Minato Namikaze, Hokage le Quatrième. Quand un porteur du sceau y concentre son chakra, je le sens et une connexion s'ouvre entre lui et moi. Je peux me téléporter jusqu'à sa position, en emportant avec moi quiconque me touche au moment de partir. Cela me permettrait de vous amener des renforts en cas de problème. La connexion est ouverte tant que je la nourris de mon chakra, donc même si je ne peux pas arriver dans la seconde, votre avertissement suffira et j'arriverai très vite.
Ils la regardaient tous les deux d'un air éberlué. Elle fit ce qui ressemblait fort à un sourire d'excuse, mais tenta de ne pas se laisser déstabiliser.
— Il y a une deuxième partie à ce sceau : si vous êtes capturés avant d'avoir pu combattre, et que pour une raison ou une autre débarquer en grand nombre ne serait pas prudent, vous pouvez concentrer du chakra uniquement dans sa partie supérieure. Cela me permettra de vous sentir et de rejoindre votre localisation par des moyens normaux pour estimer la situation et la meilleure façon d'agir pour vous sortir de là.
Un silence abasourdi plana sur la petite grotte quand elle eut fini de parler, puis Rôshi se racla la gorge en battant des paupières. L'expression sur son visage valait de l'or.
— Gamine, c'est... C'est impressionnant. Quel âge tu as, déjà ?
— Hm, bientôt quinze ans ! J'ai toujours eu un truc pour le fûinjutsu.
Les deux déserteurs échangèrent un regard qu'elle ne parvint pas à déchiffrer. Han quitta sa position accroupie pour s'installer en seiza tandis qu'Hitomi rangeait son sceau, pliant presque amoureusement chacun de ses pans dans sa position initiale. Elle ne voulait pas qu'il soit abîmé. Il représentait tant de travail, et un tel accomplissement.
— D'accord, gamine, dit Rôshi d'une voix où perçait une pointe d'intérêt. Et ton idée pour nous cacher ?
Elle laissa échapper un petit rire et secoua la tête.
— C'est très simple. Enfantin, même. Je vous conduis à Tsunade-sama, qui m'a aidée à apposer le Sceau de Métamorphose sur mon maître et moi. Elle vous trouvera une nouvelle identité. Des fermiers du Pays du Feu, peut-être, ou des membres civils du Clan Nara. Personne ne vous retrouvera. Personne ne pensera même à chercher là-bas, parce que vos apparences auront tellement changé qu'il ne viendra à l'idée d'aucun ninja à vos trousses de vous soupçonner.
— Parle-nous un peu de ce Sceau de Métamorphose.
— D'accord ! Hum... Je suis partie du Sceau de la Création et du Renouveau pour le créer. Ses résultats ne sont pas une illusion, mais bien réels. D'ailleurs, la transformation est assez inconfortable dans les deux sens à cause de ça, vous la sentirez passer. Enfin, pour vous autres ninjas expérimentés, ce n'est sans doute pas grand-chose...
Han émit un petit rire qui la réjouit et l'aida à se détendre. Elle savait qu'elle se laissait emporter, mais elle avait rarement l'occasion de parler de ses sceaux à quelqu'un d'autre qu'Ensui. C'était vivifiant, de voir ses talents reconnus, d'impressionner dans le domaine qui lui était le plus cher.
— Chaque Sceau de Métamorphose est unique. Je dois encoder manuellement pour chacun d'eux l'apparence qu'ils donneront à leur porteur, dans les moindres détails. Il me faut plusieurs jours pour en créer un à cause de ça. Donc, si vous acceptez de suivre ce plan, il vous suffira de me dire à quoi vous voulez ressembler, et je m'occuperai de tout. Le sceau est tatoué autour de la bouche puis tracé à l'encre normale, c'est pour ça que Tsunade-sama s'en occupe. Je ne suis pas encore capable de ce niveau de maîtrise. Une fois réduit, il se trouvera sur votre palais et vous pourrez l'activer en concentrant du chakra sur votre langue puis en le touchant avec.
Les deux nukenin se regardèrent encore. Cette fois, cela dura plus longtemps, dans un silence qu'Hitomi respecta sans trop de peine. Elle entoura ses genoux de ses bras et posa la tête dessus, les regardant tous les deux avec attention. Son plan n'était pas seulement utile pour semer ou parer l'Akatsuki, qui n'était encore pour eux qu'un nom et une vague menace. Il pourrait aussi leur servir à échapper aux chasseurs de déserteurs qu'Iwagakure avait sans le moindre doute envoyés à leurs trousses.
— On va avoir besoin d'y réfléchir un peu, finit par dire Han. Hum... Ton père, il est au courant de tout ça ?
— Il n'est pas vraiment mon père, répondit Hitomi d'une voix un peu triste. On a juste choisi cette relation pour nos métamorphoses. Mais il est mon shishou et l'une des personnes les plus importantes au monde à mes yeux. Il doit être tellement inquiet de ma disparition... Oui, bien entendu qu'il sait. Il m'a aidée à construire ce plan. On est venus au Pays de la Terre pour vous trouver. On ne s'attendait pas à ce que vous nous trouviez avant. Comment réussissez-vous à étouffer votre chakra à ce point ? À moins d'être tout près comme maintenant, je n'arrive pas à le sentir.
— Beaucoup de travail, grogna Rôshi. Ton... Maître. Il a retrouvé ta trace, on dirait. Je le sens au pied de la montagne, il cherche l'entrée de la grotte. Il ne la trouvera pas tout seul.
Hitomi laissa échapper une expiration tremblante et enfouit son visage dans ses genoux, la gorge serrée de soulagement. En entrouvrant très légèrement la cage où elle enfermait sa sensibilité, elle pouvait sentir son chakra, mais elle ne le supporta pas longtemps avant de devoir la refermer pour ne pas brûler de fièvre, ainsi exposée à l'énergie qui émanait de Han et Rôshi.
— Je vais aller le chercher, annonça ce dernier. Ca ne sert à rien de le laisser de faire un sang d'encre si on décide d'accepter ton plan, gamine. Han, je reviens.
Quelques instants plus tard, un seul jinchûriki se trouvait aux côtés d'Hitomi dans la grotte. Elle avait repris le contrôle de ses émotions, à peu près, et son regard s'était perdu dans le vide. Quand Han reprit la parole, elle recentra son attention sur lui.
— Tu es bien jeune pour avoir endossé autant de responsabilités.
Elle haussa les épaules.
— Si je ne le fais pas, personne ne le fera, pas vrai ? L'Akatsuki menace des gens qui ont déjà assez souffert. Plus important encore, elle menace mon frère. Je ne peux rien faire contre eux personnellement pour l'instant, mais quand je serai assez forte, j'entends bien contribuer à chaque affrontement qui les poussera vers l'effondrement.
— Je comprends. Tu veux protéger les êtres qui te sont chers. Rôshi et moi, on est comme ça l'un envers l'autre aussi, depuis qu'on est enfants. Il avait six ans, et moi cinq, quand on s'est rencontrés. Il m'a sauvé d'un groupe de civils qui avaient décidé de me passer à tabac. Il était déjà si fort à l'époque...
— Et depuis, vous vous serrez les coudes, c'est ça ? Deux déserteurs qui quittent leur village au même moment, ce n'est pas anodin.
— Tu as tout compris. Il me protège et je le protège. Je vois ton plan comme une excellente opportunité de le protéger. J'imagine que c'est réciproque de son côté. Nous accepterons sans doute.
La jeune fille acquiesça, un poids s'enlevant immédiatement de ses épaules.
— J'en serais honorée. Je tiens à ce que vous soyez protégés, tous les deux, en sécurité. Même si ça veut dire vivre comme des civils jusqu'à ce que la menace de l'Akatsuki disparaisse... Ou plus longtemps si c'est ce que vous préférez. La vie d'un civil n'est pas si terrible que ça. Elle peut même être agréable.
— Je m'en doute. J'ai appris le forgeage quand j'étais adolescent. J'étais persuadé de pouvoir devenir un forgeron, de ne pas être obligé de devenir un ninja, alors j'ai appris tout seul, parce qu'aucun forgeron d'Iwa ne voulait m'apprendre. Je n'ai jamais oublié cette passion. Je serais heureux avec une nouvelle identité me permettant de pratiquer ce métier pour de vrai, et pas seulement pour Rôshi et moi.
Un forgeron ? Oui, elle pouvait faire ça. Les Nara avaient toujours besoin de civils doués pour ne pas avoir à s'en remettre au village. Elle effleura la reliure de son carnet communicant, caché dans une poche contre son ventre.
— J'ai un moyen de communiquer avec mon chef de clan qui ne peut être intercepté. Je vais lui envoyer un message immédiatement.
Un doux sourire brilla dans les yeux de Han, quelque chose qui ressemblait presque de l'affection.
— Ca ne m'étonne pas. Tu sembles pleine de ressources.
Elle acquiesça avec enthousiasme et se consacra à cette tâche facile. Shikaku ne répondrait pas tout de suite, il était toujours occupé entre ses responsabilités de chef de clan et de Jônin en Chef. Mais il finirait par s'occuper de son message. Il le faisait toujours. Elle était une Nara, elle avait appris à se montrer patiente avec les membres de son clan pratiquement au berceau. En échange, ils lui accordaient la même faveur, et lui passaient ses excentricités. À leurs yeux, entre les deux mentors qui avaient façonné la kunoichi qu'elle était aujourd'hui, il fallait s'attendre à ce qu'apparaissent quelques particularités dans son comportement.
Elle entendit des pas dans le boyau qui s'enfonçait dans la roche vers une sortie. Deux paires de pieds différentes et la démarche qu'elle connaissait comme le rythme des battements de son cœur. Elle fut debout si vite que la tête lui tourna. Han la rattrapa avant qu'elle ne s'effondre sur le côté et la poussa gentiment en direction d'Ensui, qui se dressait d'un air tendu, vaguement menaçant, derrière Rôshi. Avec ce qui ressemblait à un sanglot étranglé, elle se jeta dans ses bras.
Il l'étreignit comme s'ils avaient été séparés durant des années et non quelques heures, ses mains dures s'enfonçant presque douloureusement dans son dos. Il ne semblait pas capable de l'attirer assez près de lui, d'inspirer assez de l'odeur de ses cheveux, de s'abreuver suffisamment de la sensation de son chakra contre le sien. Il avait dû être terrifié de ne pas la voir revenir de sa chasse une fois l'heure écoulée, de ne pas percevoir son chakra alentours.
— Je vais bien, murmura-t-elle d'une voix étouffée contre son torse et son cœur qui battait à toute allure. Je ne suis pas blessée. Tout va bien.
Il la serra encore contre lui pendant de longues minutes, et enfin son palpitant sembla se calmer graduellement. Han et Rôshi semblèrent respecter cette démonstration de vulnérabilité : ils s'étaient assis l'un à côté de l'autre devant le feu et évitaient de les regarder, comme pour leur laisser un peu d'intimité. Finalement, après un ferme baiser sur le sommet de son crâne, il la relâcha.
— Je suis soulagé. Quand j'ai compris que tu avais disparu...
— Je sais... Je sais.
Elle lui raconta tout ce qu'il s'était passé depuis son réveil tandis que Han et Rôshi devisaient à voix basse de l'autre côté du feu, sans nul doute afin de décider de la marche à suivre, et de s'ils accepteraient la proposition d'Hitomi. Puisque sa véritable apparence n'avait plus la moindre utilité, elle pressa sa langue contre son palais et resta immobile tandis que son corps changeait. Après un instant d'hésitation, elle sépara ses cheveux en trois parties et commença à les tresser, ses doigts tordant et tirant les mèches avec une efficacité acquise par la force de l'habitude. Elle dormait toujours les cheveux tressés pour ne pas se réveiller avec des nœuds le matin venu. Quand elle arriva au bout de ses cheveux, Ensui lui tendit un élastique noir avec obligeance, un discret sourire aux lèvres.
Il s'était vraiment inquiété, elle pouvait le voir clair comme le jour sur les rides expressives aux coins de ses yeux.
Finalement, les deux jinchûriki attirèrent leur attention. Une étincelle déterminée brillait dans leurs yeux, mais sur leurs visages – ou ce qu'on pouvait voir de celui de Han, en tout cas – se lisait une certaine sévérité. Avant même que Rôshi prenne la parole, elle sut ce qu'il allait dire.
— Nous acceptons. Nous irons à Konoha avec vous, et nous prendrons les deux sceaux qu'Hitomi-san nous propose.
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