Au nom de la Flamme
Ensui, Shikaku et Kakashi rentrèrent quelques jours plus tard. Leurs cernes, jamais totalement effacés, s'étaient approfondis sous leurs yeux creusés ; des tourments nouveaux assombrissaient leurs prunelles. Après être entré dans la maison, le chef de clan trouva Anosuke, assis à la table de la cuisine, et le serra dans ses bras. L'ombre à ses pieds s'agitait, tout comme celle d'Ensui, l'air imprégné de la plus légère trace de leurs auras meurtrières et de celles de leur partenaire.
— Père ? demanda Hitomi d'une voix prudente quand elle vit l'expression hantée sur son visage.
— Tout va bien, ma puce.
La voix de l'homme était basse dans sa gorge, un peu rauque. Il prit son apprentie par les épaules et l'étreignit à son tour – Kakashi semblait vouloir faire la même chose mais se retint, se contentant de fixer sur elle son œil unique.
— Tu n'es pas le Hokage, Hitomi, mais Ensui et moi avons discuté et décidé de te faire notre rapport comme si c'était le cas. Shikaku-sama est d'accord aussi, mais il a besoin de s'occuper d'Anosuke-kun.
Hitomi posa un regard compréhensif sur son chef de clan, qui avait enveloppé l'enfant d'une féroce aura protectrice, dont la simple proximité suffisait à donner envie à Hitomi de tirer l'épée et défendre sa maisonnée contre tout mal. Elle acquiesça et prit la direction de l'escalier, la démarche raidie par une appréhension dévorante. La paix que lui avait procurée sa rencontre avec Itachi s'était depuis longtemps dissolue. Ensui avait été soulagé qu'elle voie le déserteur quand elle lui avait expliqué via carnet communicant à quel point elle avait dû se blesser en rentrant officiellement à Konoha.
— Installez-vous où vous voulez, mais ne touchez pas à mes travaux de fûinjutsu, indiqua-t-elle en entrant dans sa chambre.
Elle s'assit en tailleur sur son lit tandis que les deux adultes s'installaient, un à la chaise du bureau, l'autre à même le sol. Ensui se tordit le cou pour pouvoir la regarder de sa position faussement affalée contre le mur, le regard épuisé.
— On a trouvé les enfants le quatrième jour, trois heures après l'aube. Ils étaient... Hitomi, tu n'as pas idée de la chance qu'on a qu'Anosuke se soit rétabli à ce point. La plus jeune était capable de sentir notre chakra et s'est mise à hurler de terreur juste parce qu'elle savait qu'on était des ninjas. C'est elle qui m'a décrit Danzô quand on a réussi à les apaiser suffisamment pour qu'ils parlent.
Kakashi exprima son assentiment d'un petit grognement rauque, triturant la couverture de son roman d'un geste nerveux. C'était tellement mal de le voir comme ça. Le Limier n'était pas nerveux, jamais – mais peu de gens l'avaient vu brisé, au fond du gouffre. Il ne s'y trouvait pas encore ; cependant, le simple fait de montrer son anxiété était un signe de confiance et de fragilité qui alarmait Hitomi.
— Gaara-sama va nous envoyer une retranscription de leurs témoignages et un représentant pour le procès de Danzô. Je lui ai conseillé de faire garder lourdement son messager et son émissaire, juste au cas où.
— On va devoir faire ça dans le secret, pas vrai ? Lui jeter tout ça à la figure au tout dernier moment ?
Elle ne parvenait pas à effacer la tension dans la voix, la manière dont son ventre se nouait. De toute façon, ni Kakashi ni Ensui n'ignoraient ce que cette situation lui infligeait. Elle se frotta le visage, soudain épuisée.
— Ce serait l'idéal, oui. Shikaku m'a dit que plusieurs chefs de clan, dont les Akimichi et les Yamanaka, auraient voulu le faire assassiner. Mais ce n'est pas la bonne solution, pas vrai Hitomi ?
Il ne prononça pas le nom d'Itachi, pas devant Kakashi, pour qui le massacre des Uchiha ne renfermait aucun mystère, mais elle n'eut pas besoin de le regarder pour savoir que c'était au jeune déserteur qu'il pensait.
— Je veux que ce soit public. Shikaku-ojisan aussi. Danzô doit payer pour ses crimes contre le village, et personne, ni civil ni shinobi, ne doit ignorer ce qu'il a fait.
Les deux hommes la regardèrent, contemplant l'expression féroce sur son visage, la façon dont la haine, le mépris et la soif de violence s'entrelaçaient dans ses muscles. Elle tuerait Danzô de ses mains si on lui en donnait l'occasion – et connaissant Shikaku, connaissant son sens du spectacle à peine timoré par la légendaire paresse des Nara, il pourrait bien laisser cela se produire.
— Shikaku-sama est d'accord avec toi, Hitomi-chan, intervint Kakashi d'un ton apaisant. Parlons maintenant de ton entraînement. Apparemment, je suis censé aider Ensui à te remettre en forme ?
Elle acquiesça sans oser les regarder, les lèvres pincées.
— Oui. Akina-san a déjà commencé mais... Ce n'est pas pareil. Elle est intelligente, elle ferait un bon sensei, mais je n'ai pas l'habitude de m'entraîner avec elle comme avec vous. En plus, elle doit s'occuper du département... D'ailleurs, vous aussi, Kakashi-sensei, vous aurez sans doute des missions dans les semaines à venir.
L'homme acquiesça d'un air grave, ses mains retrouvant une immobilité presque convaincante sur la couverture de son livre. L'orage était passé... Pour le moment.
— Avec la mort de Sai, nous avons un shinobi en moins. Akina et Tsunade-sama sont réticentes à affecter un nouveau shinobi au département pour l'instant, et comme tu es interdite de missions pour encore trois semaines...
Hitomi grogna sans cesser à cacher son dépit, mais ne protesta pas contre cette décision. Elle avait besoin de cette pause, même si la part la plus sombre de son esprit essayait de la convaincre que non. Elle en avait besoin pour se reconstruire, pour retrouver son point d'équilibre et servir son village au mieux de ses compétences. Mais une fois cette période passée, il ne lui resterait plus que deux jours à passer dans le département d'Akina avant de passer au suivant, si ces stages étaient toujours d'actualité. Elle était curieuse, même si elle devait admettre qu'elle regretterait de laisser Kakashi et l'ancienne ANBU derrière elle, temporairement au moins. Elle avait soif d'apprendre, comme toujours.
— On commencera demain, ma puce. Au lever du soleil, comme autrefois. Est-ce que tu veux travailler sur quelque chose en particulier ?
Elle sourit, mais cette expression n'était pas tout à fait sincère et les deux hommes le réalisèrent.
— Du ninjutsu, si ça ne vous dérange pas. Kakashi-sensei est un maître du Raiton, après tout, et j'aimerais me perfectionner avant d'essayer d'apprendre quoi que ce soit dans ce domaine à Hanabi-chan. Et puis si je pouvais apprendre quelques techniques Suiton en plus, ce serait chouette aussi.
— Tu as essayé de demander à Tobirama-sama ?
Kakashi s'étrangla sur sa salive en entendant ce nom sortir des lèvres d'Ensui, s'abîmant dans une quinte de toux qui le laissa essoufflé, le peu de peau visible de son visage d'une nuance cramoisie du plus bel effet.
— Ah, je n'avais pas pensé à Tobirama-san, musa Hitomi en ignorant son pauvre sensei. C'est vrai qu'il est un maître du Suiton, je lui demanderai s'il a des techniques à me partager !
Kakashi se redressa, abandonnant même son livre sur le bureau pour se tordre les mains, son seul œil écarquillé.
— Attends, attends, Hitomi-chan. Tobirama ? Le Tobirama ? Tobirama Senju, Hokage le Deuxième ?
— Bien sûr, qui d'autre ? Je ne vous avais pas dit que j'avais un moyen de le contacter ?
Elle savait très bien qu'elle ne lui en avait jamais parlé – pas le temps, pas l'occasion. Néanmoins, cela faisait du bien de jouer avec son pauvre sensei quand il se laissait faire de cette façon, en exagérant ses réactions effarées et émerveillées alors qu'elle commençait à lui raconter comment, exactement, elle avait plié le Dieu de la Foudre à sa volonté. Elle se laissa emporter par la légèreté de leur échange, accueillant le réconfort et la familiarité avec soulagement.
— Il va aussi falloir te remettre en forme physiquement, indiqua Ensui quand ils se furent tous les deux calmés. Tes muscles ont fondu, et tu n'as pas encore repris assez de poids à mon goût. Je ne veux pas qu'on ait à aller jusqu'à un régime alimentaire spécifique mais est-ce que tu pourrais l'envisager si tu n'y arrives pas normalement ?
— Ce ne serait pas agréable mais, oui, je pense qu'il va falloir. Naruto m'a conseillé de manger des ramen trois fois par jour jusqu'à avoir pris au moins dix kilos, mais j'imagine que ce n'est pas exactement ce que vous avez en tête.
— Non, en effet. J'en parlerai à Shizune, elle a plus d'expérience que moi à ce sujet.
Ils passèrent la soirée comme ça, à discuter tous les trois de la reprise de l'entraînement, du programme envisagé pour rétablir puis améliorer ses compétences. Malgré toute la diligence d'Akina, elle se sentait toujours rouillée, fatiguée pour un rien et irritable, preuve s'il en fallait que non, son entraînement ne portait pas ses fruits. Il fallait également qu'elle se remette à s'exercer avec ses chats, surtout la petite Hai, prête apparemment à passer du statut d'apprentie à celui de guerrière. Elle était toujours trop jeune et trop petite aux yeux d'Hitomi, mais ce n'était pas à elle de choisir.
— Il est temps qu'on aille se coucher si vous voulez commencer à l'aube, dit Kakashi en se levant et en s'étirant.
Il fit signe aux deux Nara et disparut dans un tourbillon de feuilles mortes, qui se dispersèrent dans la chambre – une revanche pour les cheveux pailletés d'Asuma ? Avec un soupir, Hitomi quitta son lit et les ramassa, usant parfois de son chakra pour les attacher à sa peau juste pour l'exercice. Heureusement, ce talent n'avait pas régressé avec le manque de pratique. Elle en aurait pleuré de soulagement. Elle avait déjà tant à faire, ne serait-ce que concernant sa forme physique et son ninjutsu. Cela n'incluait même pas les réserves de chakra scellées au-dessus de son nombril, qui s'étaient totalement vidées tandis qu'elle n'y avait pas accès. Elle devrait aussi travailler sur cette faiblesse de son sceau, d'ailleurs... Elle accueillit avec un soupir de soulagement les mains de son maître sur ses tempes et l'étincelle de chakra médical qui la plongea dans le sommeil, le vrai.
Le lendemain matin, Hitomi enjamba son maître, qui avait décidé par une lubie de dormir sur le sol de sa chambre, et commença à se préparer pour l'entraînement. Il se réveilla à l'instant où elle tirait son sabre pour en inspecter la lame ; il avait besoin d'un bon affûtage. Elle sourit quand elle l'entendit se redresser avec un grognement. Elle devrait racheter du câble, du parchemin... Mais d'abord, elle suivit son shishou hors de la chambre puis de la maison, jusque dans l'herbe tendre du jardin, les brins encore couverts de rosée caressant ses chevilles nues. Cela faisait si longtemps qu'ils n'avaient plus salué le soleil ensemble, un parfait équilibre de puissance et délicatesse dans le moindre de leurs gestes, l'expression apaisée et concentrée.
— Tu as beaucoup perdu en souplesse, nota Ensui d'une voix douce quand ils furent assis en tailleur sur l'herbe après leurs étirements. Il va falloir qu'on travaille là-dessus, ma puce.
— Je sais, Père.
Elle détourna le regard, mal à l'aise de devoir affronter ses propres échecs, ses propres manquements. Elle travaillait dur, remarquait ses propres progrès – mais ça ne suffisait jamais. Elle suivit son maître sur ses pieds, copia la position de départ des katas Nara qu'ils n'avaient plus ressenti le besoin de réviser depuis des années et s'abîma dans les figures complexes qui constituaient la base de son style de taijutsu. Au bout d'un moment, elle se trouva face à Ensui en combat libre mais limité aux mains nues. Elle n'était toujours pas capable de le battre. Elle finit le visage plaqué contre l'herbe par la main ferme et sans cruauté de son maître, le bras dans le dos et les hanches bloquées au sol par son pied.
— Tu as progressé sur le plan technique depuis la dernière fois que je t'ai affrontée. Quand tu récupéreras ta force, et avec tes autres compétences à jeter dans le tas en plus, tu seras un enfer à combattre.
Il roula sur le côté, la laissant se redresser, mais resta assis dans l'herbe tandis qu'elle se levait.
— Kakashi devrait arriver d'un instant à...
— Yo !
— L'autre. Une heure de retard ? Tu progresses.
Le sensei sourit derrière son masque, dispersant les feuilles mortes entraînées dans son Shunshin. Hitomi se détendit, déplaçant la main qui s'était posée sur la garde de son sabre à un endroit moins menaçant. Kakashi était un maître dans l'art de dissimuler sa signature de chakra quand il le décidait ou en avait besoin, au point d'échapper même aux sens surdéveloppés d'Ensui et son élève.
— Aah, je dois bien ça à Hitomi-chan, pas vrai ?
— Pff, vous avez surtout peur de ce que je pourrais dire à ma mère.
L'homme frissonna à l'idée de Kurenai apprenant qu'il avait mis le Paradis du Batifolage dans les mains d'Hitomi. Elle savait que cette expression d'horreur était exagérée pour l'amuser, mais cela fonctionnait tout aussi bien. Elle lui poussa gentiment l'épaule d'une main, un sourire aux lèvres.
— Pas aujourd'hui, sensei. On se met au travail ?
Cinq heures plus tard, quand elle finit par accepter qu'elle souffrait et était arrivée au bout de ses forces, elle demanda grâce. Ensui tira sur ses bras pour l'aider à se redresser, Kakashi suivant l'effort en lui soutenant le dos. Elle tremblait, les muscles agités de spasmes, mais un sourire sombrement satisfait se dessinait sur ses lèvres.
— À partir de demain, informa Ensui en promenant une main nimbée de chakra médical sur son bras droit, je commencerai à te limiter, j'espère que tu en as conscience. Je t'ai laissée décider aujourd'hui parce que je sais que tu en avais besoin, mais c'était la seule fois.
Elle grogna son assentiment, les yeux clos pour mieux sentir l'effet des soins sur elle. Elle savait qu'il avait raison. Elle se tuerait à la tâche s'il la laissait agir à sa guise, et Kakashi, malgré toutes ses attentions – il était si désespéré de bien faire avec sa seule élève encore au village – ne l'avait pas élevée. Elle savait comment le manipuler, jouer sur ses sentiments, et il la laissait faire, même s'il était conscient de tomber encore et encore dans son piège. Peut-être y trouvait-il une certaine forme de réconfort, lui qui avait presque tout perdu et commençait à peine à reconstruire sa vie aux côtés de Gai.
Plus tard, lorsqu'elle eut mangé tout son soûl et se fut reposée malgré sa réticence, elle rejoignit Anosuke dans sa chambre et l'aida à travailler sur sa Manipulation des Ombres. Il semblait déjà prêt à éveiller la technique suivante, à même pas onze ans. Selon les rapports de l'Académie, qu'elle n'était pas censée pouvoir consulter, il s'annonçait comme un véritable génie du ninjutsu, et pas seulement en ce qui concernait les techniques de son clan. Elle-même n'avait rien d'un prodige dans ce domaine, même si elle disposait d'importantes réserves de chakra qui facilitaient son apprentissage, mais Kakashi pourrait peut-être lui donner des idées pour occuper le garçon.
— Je veux que tu travailles sur tes lames de vent au moins une heure par jour en plus du temps pendant lequel j'entraîne ton équipe. Tu peux faire ça, Anosuke-kun ?
— Bien sûr ! Et après je deviendrai un grand ninja comme Asuma-san !
Un sourire aux lèvres, Hitomi lui ébouriffa gentiment les cheveux et quitta la pièce, la démarche légère. Après un instant d'hésitation devant la porte de sa propre chambre, elle se décida à entrer et se saisit du roman sur lequel elle avait cessé de travailler juste avant le début de sa mission avec Sai. Avait-elle le droit de céder à la tentation d'écrire ? Méritait-elle la paix, le soulagement, la sensation de plénitude et d'assurance qui venaient avec les mots sur le papier ? Elle... Ne pouvait pas vraiment se permettre de répondre à cette question. Avant de changer d'avis, elle sortit par la fenêtre et usa d'un peu du chakra récupéré ces dernières heures pour se hisser sur le toit de la maison.
Assise le dos contre la cheminée, elle contempla son royaume miniature d'un regard tendre et jalousement protecteur. Si elle ignorait les complots et tensions hors des terres Nara, son clan lui semblait parfaitement paisible, aussi indolent et soudé qu'à l'accoutumée. Quelle part de cette impression cachait un mensonge, quelle part se reposait sur la vérité ? Encore une question à laquelle elle ne désirait pas répondre. Aussi protectrice soit-elle, le bien-être des Nara ne lui appartenait pas. Elle ne dirigerait jamais ce clan, pas alors que Shikamaru commençait déjà à suivre les traces de son père. Elle ne le voulait pas, d'ailleurs. Les Yûhi avaient besoin d'elle – pour une fois, elle ressentait véritablement comme sien le désir d'enfanter, d'avoir une descendance à aimer et protéger. Elle était encore trop jeune, le monde avait encore trop besoin d'elle, mais un jour, peut-être...
Haku, écrivit-elle après deux heures passées à travailler sur son roman, je me suis infligé quelque chose d'horrible il y a quelques jours. C'était un mal nécessaire pour la mission en cours, mais je peine à m'en remettre. Je crains que, si je l'écoute, mon esprit ne cause encore plus de dommages en me convaincant que je les mérite, que j'en ai même besoin. J'essaye de prendre le temps de guérir de cette souffrance particulière, mais c'est comme tenter d'échapper à un nuage de poison dans un endroit clos – quoi que je fasse, j'inhale des particules de mal-être et de souffrance.
La lumière revient toutefois, lentement. Le retour d'Ensui-shishou, Shikaku-ojisan et Kakashi-sensei aide, je pense. Je m'occupe aussi beaucoup d'une future équipe de Genin. Les enfants agissent envers moi comme si j'étais une kunoichi de légende, invaincue et invincible. L'impression d'étouffer s'allège petit à petit, je peux à nouveau respirer sans avoir envie de disparaître. L'une des choses qui m'aident est de me souvenir des moments passés à tes côtés et à ceux de Suigetsu, dans une tente oubliée des dieux, entourée de dizaines d'autres et pourtant isolée.
Merci de m'aider à arpenter les chemins les plus sombres,
Hitomi.
Elle avait déjà envoyé un message similaire à Itachi, même si elle n'avait qu'une poignée de souvenirs heureux avec lui, et tous souillés par la réalité douce-amère des rôles qu'ils devaient encore jouer avant de se trouver officiellement dans le même camp. Elle espérait, bien entendu, que ses plans au sujet du jeune déserteur se voient couronnés de succès – mais en ce moment, elle doutait, elle appréhendait. Le regard perdu devant elle, elle ne remua pas d'un cil quand Kakashi s'installa à côté d'elle, le dos appuyé contre une autre face du tuyau de la cheminée. Elle ne le voyait pas, il ne la voyait pas, mais chacun était largement capable de se reposer sur d'autres sens pour percevoir ce qui les entourait.
— Je sais ce que tu ressens en ce moment, Hitomi-chan, dit-il d'une voix douce au bout d'un long moment de silence.
Elle ne répondit pas, incapable de trouver les mots pour répondre au vide dans son timbre, aux petites agitations sèches et involontaires dans le rythme de son chakra. Elle se contenta d'un lourd soupir qu'il comprit comme une autorisation de poursuivre.
— Mon père venait de mourir. Tout le monde répétait qu'il était un traître, une honte pour Konoha. Son suicide n'a pas arrangé sa réputation, même s'il a suivi le vieux rituel pour une mort honorable.
Elle ferma les yeux, tentant de chasser les images qui s'imposaient à son esprit en réponse à ses mots. Elle savait, bien entendu. Elle avait appris la version féminine du suicide rituel en cours de kunoichi – et appris que, si elle était capturée, un suicide pour garder les secrets du village serait toujours mille fois plus honorable que n'importe quelle cérémonie. On apprenait à des enfants comment mourir avant qu'ils découvrent comment vivre.
— J'étais terriblement seul. Il n'y avait que Gai pour oser m'approcher, mais je le repoussais toujours. J'avais peur que la réputation de mon père glisse sur lui aussi – je savais que les gens ne le respectaient déjà pas beaucoup, je ne voulais pas aggraver les choses. Je n'ai pas de sermon pour toi, Hitomi-chan, pas de promesse que tout va s'arranger, pas de méthode miracle. Je veux juste que tu saches que je suis là. Aussi longtemps que je vivrai, je serai là.
Là non plus, elle ne répondit pas, mais envoya son chakra délicatement effleurer le sien. Il soupira à son tour, puis ils restèrent tous les deux silencieux pendant un long, long moment. Elle ne demanda pas ce à quoi il pensait, trop préoccupée par ses propres démons. Finalement, alors que le soleil se couchait, il lui ébouriffa les cheveux et se leva, sa mince silhouette éclipsant un instant la lumière du soleil couchant.
— Va manger, passer du temps avec ton père. Tout ira mieux demain.
Le lendemain, tout n'alla pas mieux – parce que quelques heures plus tard, Hitomi se réveilla en sursaut, la main de Kakashi l'empêchant de justesse de lui poignarder la cuisse d'un coup de kunai par pur instinct.
— Hitomi-chan, les témoins de Gaara-sama sont arrivés. Tsunade les a entendus et Danzô a été arrêté. Elle te demande à la Tour.
En quelques instants, la jeune fille fut vêtue de pied en cap, toute trace de sommeil effacée de son visage, et rejoignit Ensui et Anosuke qui attendaient devant la porte d'entrée. Le jeune garçon trépignait, les paupières ouvertes sur ses orbites vides. Il les laissait fermées, de coutume, mais peut-être voulait-il que Danzô voie ce qu'il lui avait fait. Savait-il ce à quoi il s'exposait ? Certes, le traumatisme avait enterré les souvenirs de son supplice là où il ne pouvait les trouver, mais rien ne pouvait effacer la mémoire de son corps. Son chakra, son odeur – il risquait de réagir.
— Allons-y, ordonna Ensui d'une voix dure et sans timbre.
Les trois Nara et le Limier se murent en silence jusqu'à la porte des terres claniques, puis à travers le village. Le temps lui-même semblait s'être figé, retenir son souffle en attente d'un verdict, d'un couperet qui ne tombait pas encore tout à fait. Anosuke suivait comme il pouvait ; à mi-parcours, Hitomi s'arrêta et le prit sur son dos, profondément apaisée par la chaleur de son corps contre le sien et le battement sourd et lent de son cœur, qu'elle était assez proche pour entendre.
— Ah, enfin ! gronda Tsunade en les voyant s'arrêter devant elle. Le fumier est emprisonné au sous-sol. Il a demandé une ordalie par le combat pour les crimes dont il a pu être accusé, à savoir l'agression d'Hitomi et les tortures sur Anosuke. Ces deux crimes concernent les Nara, c'est donc à Shikaku de choisir son champion.
Comme si le simple son de son nom l'avait invoqué, Shikaku apparut à la droite d'Hitomi dans un tourbillon de feuilles mortes. Il n'émanait aucune aura meurtrière mais une terrible menace dansait dans son regard sombre. Qui allait-il choisir ? Hitomi pria, le regard levé vers le ciel sans lune, pour qu'il épargne Ensui, trop vieux et trop fatigué pour combattre face au Sharingan et à l'abomination greffée dans le torse de l'ancien Conseiller.
— Je pense que le shinobi choisi devrait être personnellement impliqué dans ces affaires, afin d'avoir une raison de se battre pour alimenter sa Flamme de la Volonté.
Cela ne laissait que deux Nara : Shikaku ne pouvait se choisir lui-même. Hitomi ou Ensui... Elle n'avait pas besoin de réfléchir. Pour la première fois depuis des semaines, elle se sentit entière, apaisée, quand elle ouvrit la bouche et prononça les mots qui scelleraient le destin de Danzô, dans un sens ou dans l'autre.
— Je le ferai. Je combattrai au nom de la justice et de la Flamme.
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