Au coeur des Marais Infernaux
Une fois les Genin rassemblés dans la salle – ceux qui avaient échoué ne reviendraient pas et rentreraient directement à leur hôtel – l'examinateur en chef leur annonça qu'ils avaient tous réussi, et que le maître de la deuxième épreuve viendrait les chercher dans quelques minutes. La tension avait indubitablement augmenté dans la salle. La deuxième épreuve était souvent la plus mortelle, et celle où le plus grand nombre échouait. Quelque part à la droite d'Hitomi, Tenten posa une main réconfortante sur le bras d'Hinata, qui semblait particulièrement tendue.
L'homme qui entra dans la salle de classe pour venir les chercher aurait presque pu passer pour un Hyûga avec ses longs cheveux noirs et lisses et ses grands yeux gris pâle. Il avait l'air très jeune, à peine plus de la vingtaine, et se déplaçait avec l'assurance tranquille d'une personne extrêmement consciente de son propre pouvoir sur son entourage. Quelle fonction occupait-il habituellement au sein de son village ?
— Bonjour et félicitations pour votre réussite de la première épreuve, commença-t-il d'une voix douce et posée. Je vais vous demander de me suivre, dans le calme et en restant groupés par équipe, jusqu'au terrain d'entraînement numéro dix-sept. Je vous expliquerai tout sur place.
En silence, les Genin s'organisèrent derrière lui. De Konoha, seule une équipe avait échoué à la première épreuve, mais les autres villages, dont Suna et Kusagakure, avaient perdu plusieurs équipes dans le processus. Seule l'une d'entre elles restait pour le Village du Sable, et quatre pour le Village de l'Herbe, dont celle qu'Hitomi s'était désignée comme cible. En passant devant ses membres, la jeune fille prit soin d'émettre une subtile vague d'aura meurtrière, juste de quoi leur hérisser le poil.
— Bien ! Comme vous le voyez, ce terrain d'entraînement est très différent des autres. Nous l'appelons le Marais Infernal. Il est généralement interdit aux Genin comme vous.
Ils venaient d'arriver devant une enceinte grillagée, qui n'était pas sans rappeler la Forêt de la Mort. Une odeur putride s'en dégageait, comme si ce qui y vivait se décomposait lentement. Hitomi réalisa au bout d'un petit moment qu'il s'agissait d'un marais, mais d'un marais qu'on aurait poussé à croître démesurément avec du chakra. Elle apercevait des arbres immenses, pourrissants, aux feuilles d'une triste teinte grisâtre, et entendit distinctement le cri conjoint d'une nuée de corbeaux. Quelle part de l'intense malveillance qui émanait du lieu était-elle due à un habile genjutsu, et quelle part en était naturelle ?
— Vous voyez la petite cabane là-bas ? Par équipe, vous y entrerez tous les uns après les autres. Vous recevrez un bébé comme celui-ci, démontra-t-il en brandissant un poupon de chiffons dont le corps était recouvert de sceaux en tous genres qu'Hitomi ne pouvait distinguer à une telle distance. Votre but sera de récupérer celui d'une autre équipe, et de garder vos deux enfants en vie jusqu'à arriver au centre du Marais.
C'était très inhabituel, une fois encore, mais cette fois Hitomi pouvait clairement voir les parallèles avec la Forêt de la Mort, et les épreuves dont elle avait lu des descriptions dans les archives de Konoha quand elle s'était préparée à l'examen.
— Les sceaux sur le corps du bébé simulent le fonctionnement d'un véritable bambin : vous ne devrez ni le nourrir ni l'abreuver, mais s'il reçoit un choc ou un dommage que le sceau considérera comme mortel, vous échouerez à l'épreuve. Je vais à présent détailler les conditions d'échec, pour que vous sachiez exactement ce que vous avez à faire...
— Pourquoi on doit protéger ces machins ? À quoi ça sert ? demanda l'un des Genin d'Iwagakure.
— C'est très simple, répondit l'examinateur d'une voix toujours aussi calme. En tant que Chûnin, vous recevrez fréquemment des missions durant lesquelles vous devrez protéger des civils à peine mieux capables de se protéger que des poupées de chiffon. Nous devons nous assurer que quel que soit l'adversaire ou le cadre d'une telle mission, vous en serez capable.
Un grommellement mécontent courut dans l'assemblée. Beaucoup de ninjas préféraient blesser plutôt que de protéger. En fait, la protection ne venait naturellement à aucun d'eux, et Hitomi ne faisait pas exception. À ses yeux, même veiller sur elle-même était plus compliqué que d'attaquer sans considération pour sa propre sécurité, alors protéger quelqu'un d'autre... Sans ces sceaux, elle se serait contentée de ranger son bébé dans un rouleau de stockage, mais ce ne serait pas possible, parce que les conditions à l'intérieur de la dimension où les éléments étaient envoyés ne permettait pas la vie. L'un des deux sceaux sur lesquels elle travaillait en ce moment aurait pu convenir... Mais il n'était pas prêt, ne le serait pas avant plusieurs mois.
— Bien ! Maintenant que ce point est éclairci, les conditions d'échec. Tout d'abord, vous échouez si vous ne vous présentez pas dans maximum cent-vingt heures au campement renforcé qui se trouve au centre du Marais. Vous échouez aussi si vous vous présentez mais que l'un des membres de votre équipe est mort, ou blessé trop gravement pour continuer. Vous échouez bien évidemment si votre poupon ou celui que vous transportez a été enregistré comme gravement blessé ou décédé. J'insiste sur ce point : l'un des bébés que vous amènerez doit être le vôtre, sans quoi vous ne serez pas qualifiés. Ce sera tout.
Plusieurs plans se formaient déjà dans l'esprit d'Hitomi. Elle avait renvoyé Hokori et Sunaarashi dans leur monde, en attente de leurs prochains ordres, mais aurait-elle vraiment besoin d'eux ? Oui, sans doute que oui... Six chats combattants seraient un atout colossal dans une telle situation. Elle suivit Sakura et Karin dans la file qui s'était formée à l'extérieur de la cabane, veillant à ne pas trahir sa nervosité latente. Derrière elle, Lee lui caressa le dos du bout des doigts, et quand elle se retourna, il lui offrit le plus rayonnant des sourires.
— Si on arrive à se rejoindre, on collabore comme on l'avait prévu, pas vrai ?
— Bien sûr. Mais je ne pense pas que vous aurez besoin de beaucoup d'aide, avec la défense absolue de Neji...
— Mieux vaut trop d'options que pas assez, pas vrai ?
Elle s'autorisa un sourire et s'arrêta pour quémander un baiser léger, juste avant de passer la porte de la cabane. Après une brève discussion, il fut décidé que Karin, celle des trois kunoichi à disposer du potentiel offensif le plus réduit, serait en charge du bébé. Sans doute était-ce tout son travail à l'hôpital qui la poussa à adopter immédiatement la meilleure position pour tenir la petite poupée de chiffon ; en tout cas, Hitomi savait rien qu'en regardant qu'elle n'en serait pas capable elle-même.
— Bien ! appela l'examinateur. À présent que chaque équipe a son poupon, je vous prierai de suivre les deux Chûnin qui vous les ont remis quand vous serez appelés : ils nous conduiront à la porte d'où vous entrerez dans le marais.
L'affaire fut réglée en dix minutes à peine. Il était quelque chose comme dix-neuf heures : le soleil commençait à se noyer dans l'horizon, baignant le paysage d'une lumière orangée. Serait-il possible d'atteindre le centre du terrain d'entraînement avant minuit ? Sans doute pas... Après tout, l'examinateur n'avait pas jugé utile de leur montrer une carte ou de leur expliquer le type de terrain dans lequel ils effectueraient l'épreuve. L'inconnu faisait sans doute une belle part de la difficulté de la mission.
La porte numéro trois fut assignée à l'équipe d'Hitomi. Elle reçut peu de temps après quelques brefs messages de ses alliés : les plus proches étaient sans nul doute l'équipe de Lee du côté gauche, à la porte numéro huit, et celle d'Hinata, porte numéro quarante-et-un, du côté droit. Tous deux étaient trop loin pour les rejoindre directement. Une fois qu'elle eut reçu également le numéro de la porte de l'équipe d'Ino, elle répondit en leur transmettant toutes les informations reçues. S'ils ne la trouvaient pas elle, ils se trouveraient entre eux. Cela avait bien fonctionné dans la Forêt de la Mort avec Shikamaru et Gaara, alors pourquoi changer de stratagème ? Au loin, un coup de sifflet retentit, et les verrous qui retenaient la porte fermée tombèrent.
— On y va, murmura Hitomi.
À peine enfoncée de quelques mètres après les barrières, elle s'arrêta à l'ombre d'un arbre pour appeler ses chats ninjas. Elle leur expliqua la situation et ils se déployèrent aussitôt en unité protectrice. Hai se percha sur les épaules de Karin, prête à dissimuler sa présence sous un sort de genjutsu, tandis qu'Hoshihi prenait place aux côtés d'Hitomi, prêt à soutenir ses assauts si nécessaire. Les autres seraient là pour défendre plutôt qu'attaquer.
— Bien, notre but est d'avancer le plus vite possible pour réduire les chances de tomber dans un piège, mais d'abord, nous avons une équipe à laquelle rendre visite, pas vrai ?
Elle appuya ses derniers mots d'un regard à la joue de Karin. L'hématome qui s'y était dessiné n'était qu'un souvenir mais son sang hurlait à la vengeance et le Murmure se déploya en réaction comme la plus douce des malédictions, dessinant sous sa peau le motif délicat de ses méridiens. Sakura lui répondit d'un sourire féroce et la jeune Uzumaki hocha la tête, l'air décidée.
— Tu sais où les trouver ? demanda l'héritière Haruno.
— Je le saurai dans un instant.
Elle ferma les yeux, se retrouva dans sa Bibliothèque et passa les doigts à travers de la cage de cristal et de lumière pour entrer en contact avec ses méridiens. Elle n'était pas tout à fait coupée de son environnement – jamais elle ne serait aussi imprudente. Une inspiration profonde, et elle savait.
— Au nord-est. Une autre équipe est sur le chemin qu'il faut emprunter pour les atteindre. Qu'est-ce qu'on fait, on les combat ou on les contourne ?
La question les fit taire toutes les trois pendant un peu plus d'une minute, tandis qu'elles réfléchissaient à leurs différents choix en la matière. Finalement, ce fut Karin qui prit la parole, d'une voix ferme aux accents décidément impitoyables :
— On les combat. Ça nous fera trois adversaires potentiels de moins pour la suite. Au pire, s'ils sont trop dangereux pour nous, on pourra toujours battre en retraite.
— Ca me va. Sakura ?
— Aucun problème.
D'un même élan, elles se mirent en route, fendant l'air et les arbres dans la moindre difficulté. Le terrain n'était pas si différent de celui des interminables forêts de Konoha, juste plus humide. La faune était aussi un peu plus agressive, constatèrent-elles en voyant des sangsues de la taille d'un avant-bras s'agglutiner autour d'un sanglier pour dévorer tout son sang. Il faudrait donc éviter les points d'eau – heureusement, Hitomi pouvait faire apparaître de l'eau à volonté tant qu'elle disposait de chakra.
Elles trouvèrent leurs premiers adversaires dans une clairière – le groupe de Kumogakure. Ils étaient déployés en triangle, celui qui tenait le bébé de son groupe derrière les deux autres, occupés à combattre un sanglier de la taille d'un cheval. Hitomi tapota du bout des doigts sur la branche qui lui servait de perchoir et Hoshihi contourna le groupe en silence. Elle fit signe à Sakura et Karin d'attendre, mais elles avaient déjà compris ce qu'elle avait prévu et se tinrent à ses côtés, prêtes à agir à leur tour.
Hoshihi apparut dans la clairière comme une tornade rousse, s'abattant de toute la force de ses pattes arrière colossales sur le sanglier. Pour lui, qui vivait dans un univers où les bêtes étaient énormes, cette proie était presque petite. Il lui sauta à la gorge, le tua proprement puis roula pour revenir sur ses appuis, feulant d'un air menaçant vers le groupe de Genin. En réaction, ils reculèrent d'un pas... Et tombèrent chacun dans le filament d'ombre qu'Hitomi avait tendu dans leur dos.
— Karin ! ordonna-t-elle d'une voix ferme.
Elle ne pouvait pas retenir trois personnes très longtemps. La consommation en chakra était trop élevée. Elle serra les dents, déployant son aura meurtrière autour d'elle comme on se draperait dans une cape. Elle entendit des oiseaux s'envoler brusquement, sans nul doute effrayé par la malfaisance qu'ils percevaient là, en bas. Karin atterrit à son tour dans la clairière et prit le bébé des mains tendues du ninja piégé. Soulagée, Hitomi relâcha son emprise dès qu'elle fut à nouveau en sécurité dans un arbre, Hokori et Sunaarashi à ses côtés pour monter la garde.
— Eh ! Rendez-nous le bébé !
Des bulles de rire absurde montèrent à la tête d'Hitomi, mais elle les refoula, luttant contre son esprit traître pour rester impassible. Elle siffla, une note basse et sèche qui lui écorcha presque les lèvres. Des fourrés sortirent Kurokumo et Haîro, le pelage hérissé et les babines retroussés sur des crocs à l'éclat meurtrier. Un délicat sourire aux lèvres, la jeune fille relâcha ses proies – mieux valait conserver son chakra de toute façon, au cas où – et posa une main ferme sur l'épaule de son chat noir.
— Je vous conseille d'abandonner maintenant. Vous ne pouvez pas vaincre.
Comme pour appuyer ses dires, Hoshihi laissa échapper un feulement sourd tout en se ramassant en position d'attaque, tous les muscles noués – une formidable machine de guerre.
— Je n'ai qu'un mot à dire, ajouta-t-elle de sa voix la plus douce. Ils vous mettront en pièces.
Cela suffit. L'un après l'autre, les fiers ninjas d'Iwa laissèrent tomber leurs armes dans l'herbe tendre. Hitomi fit signe à Karin et Sakura de partir devant en direction du centre du terrain et jaugea ses trois chats. Kurokumo était sans conteste le plus rapide et le plus retors des trois. Oh, mais elle n'avait pas besoin de le laisser là, elle avait une meilleure idée...
— Bien. Vous ne bougerez pas d'ici pendant une heure. Mon clone vous surveillera. Si vous bougez avant que l'heure soit écoulée, je le saurai et je reviendrai finir le travail.
Elle effectua la Mudra de la Croix et une copie parfaite d'elle apparut devant les trois ninjas vaincus. Déjà, elle s'éclipsait, s'aidant d'un Shunshin pour rattraper ses camarades. Les deux bébés étaient fermement serrés dans les bras de Karin, leurs sceaux parfaitement intacts. Elles auraient pu éviter le groupe de Kusa dont elles s'approchaient apparemment dangereusement... Mais cette fois, Hitomi avait une leçon à donner. Quand elles furent à moins d'un mètre de leurs cibles, les trois jeunes filles s'arrêtèrent pour parler de stratégie.
— Karin, Hokori, Sunaarashi et Hai, restez à distance. Je ne vois pas ce qui pourrait mal tourner pendant ce combat, mais je ne veux pas qu'un de nos poupons soit blessé par accident. Sakura, tu ouvres la danse – en mode Tsunade, si tu en es capable ?
Un rictus se forma sur les lèvres de Sakura tandis qu'elle ajustait ses gants de cuir renforcé.
— J'en suis capable.
Hitomi hocha la tête et les deux kunoichi, suivies par les trois chats ninjas restants, partirent à la poursuite de leurs prochaines victimes. Ses invocations exultaient, la jeune Yûhi pouvait le voir à leurs yeux brillants et à leurs queues dressées. Eux aussi aimaient cette chasse. Encore une fois, elle ne put s'empêcher de penser que les chats étaient réellement des compagnons idéaux pour elle, avec leurs langues acérées, leur discrète camaraderie et leurs tempéraments bien affirmés. Elle n'aurait pu rêver mieux.
La clairière où les trois Genin de Kusagakure s'étaient arrêtées explosa littéralement sous leurs pieds, leur arrachant des exclamations de surprise. Ils esquivèrent le gros du choc et se mirent en formation mais déjà une créature se jetait sur la fille du groupe dans un feulement digne de leurs pires cauchemars, toute de feu et de colère. Les deux autres se retournèrent pour l'aider, mais une silhouette s'interposa devant chacun d'eux, l'une d'elle stupidement menue, l'autre grande et mince. La poussière se dispersa : Hitomi et Sakura se tenaient devant les adversaires qu'elles s'étaient choisies, un rictus retors sur les lèvres.
— Vous ! grogna la kunoichi en esquivant de justesse un coup de patte qui lui aurait ouvert l'épaule.
— Nous, confirma Hitomi d'une voix calme et posée. Je t'avais dit que tu payerais pour ce que tu as fait à ma coéquipière, pas vrai ?
— Pfeuh ! Et où elle est maintenant, hein ? Une faiblarde pareille n'a pas pu tenir plus de cinq minutes dans ce marais !
— Que du contraire. Elle est si forte qu'elle n'a besoin d'aucun ninja pour la protéger ici. Mais vous, maintenant, vous en auriez bien besoin, pas vrai ?
Sans laisser le temps à la fille de répondre, Hitomi se téléporta dans son dos et lui donna un brutal coup de pied entre les reins, la forçant à tomber à genoux devant le chat géant dont les crocs étaient désormais découverts. Lui non plus n'avait pas pris cette histoire d'agression avec bonne humeur. Sans laisser le temps à qui que ce soit de réagir, elle retrouva sa place devant l'un des garçons de l'équipe, l'empêchant d'intervenir.
— Je pourrais te tuer pour ce que tu as fait. Ce serait facile. Je pourrais aussi demander à mon compagnon de le faire – en fait, il l'apprécierait sans doute même encore plus que moi. Mais ce serait trop facile pour tout le monde. J'ai une meilleure idée...
Elle se rua sur le ninja qui lui faisait face, dégainant son sabre tandis qu'elle avançait. Il s'empara d'un kunai pour riposter, mais même avec ses bras plus longs, il avait l'allonge la moins avantageuse, et entre ça, ses ombres et son Shunshin, Hitomi le soumit en quelques minutes à peine, tandis que les deux autres étaient forcés de regarder. Elle ouvrit une plaie sur sa joue : alors qu'il glapissait de douleur, elle plongea ses doigts dans la plaie et commença à aspirer son chakra, le Murmure se réveillant d'un coup à l'intérieur d'elle.
— Aaaah... qu'est-ce que tu fais ? Arrête ! Je t'en prie, arrête !
— Arrêter ? Tu n'as pas arrêté ta coéquipière quand elle s'en prenait à Karin, toi. Pourquoi est-ce que je te ferais cette faveur ? Pourquoi est-ce que quiconque dans mon équipe ferait pour toi ce que tu n'as pas fait pour nous ? Calme-toi, je ne vais pas te tuer... Juste m'assurer que tu te souviennes des conséquences quand on détourne le regard.
Elle le vida de tout le chakra qui n'était pas strictement nécessaire à sa survie, le laissant essoufflé et malade sur le sol de la clairière. Pendant un instant, elle envisagea de s'en prendre aussi à l'autre garçon, mais il avait déjà l'air à deux doigts de se faire dessus, entre la menace qu'elle constituait et l'aura de menace furieuse qui entourait Sakura – la digne héritière de la Flamme de la Volonté de son maître.
— Laisse-moi celui-là, Hitomi, j'en prendrai bien soin. Je te laisse la fille, je sais que c'est celle avec qui tu as le plus envie de t'amuser.
— Ca marche.
Tout en s'étirant, presque aussi détendue que si elle s'était trouvée au milieu du Bois aux Cerfs, Hitomi s'avança vers sa nouvelle cible, dont le visage avait tant pâli qu'elle semblait à deux doigts de s'évanouir. Lentement, elle rengaina son sabre et forma les mudras pour le Fouet Aqueux, qui apparut dans sa main droite – celle avec laquelle elle l'utilisait toujours, mais le plus souvent avec son tantô. Soudain, elle bondit, à peine visible tant elle avait concentré de chakra dans ses jambes pour accélérer le mouvement, et se jeta sur la kunoichi. Elle la frappa à la joue, la longue lanière de son fouet ouvrant une ligne de feu et de sang dans la peau fragile, et pesa de toute sa force sur ses épaules pour la plaquer au sol.
— Quand tu voudras encore faire du mal à quelqu'un sans provocation, grogna-t-elle à son oreille, je veux que tu te souviennes de cet instant, de ton impuissance et de la manière dont ta vie aurait pu se terminer. N'oublie pas que je pourrais décider de venir finir le travail.
Elle frappa la fille à l'avant-bras, brisant l'os d'un coup sec – une douleur handicapante, mais pas mortelle. Tandis qu'elle hurlait de douleur en se recroquevillant sur elle-même, Hitomi se redressa, dissipant sa technique tout en maintenant le Murmure et une solide couche d'aura meurtrière. Quant à elle, Sakura en avait fini avec son adversaire et tenait son bébé entre les mains. Aucun des trois Genin n'était mort pour ses offenses, finalement. Malgré tout, en les voyant malades, blessés, geignant, Hitomi se sentit envahir d'une sombre et profonde satisfaction. À ses yeux, justice avait été rendue.
— Tu peux détruire le bébé, Sakura. Ils ne réussiront plus l'épreuve à ce stade, et nous, nous avons tout ce qu'il nous faut. Allons retrouver Karin.
Sans rien dire, les deux kunoichi s'éloignèrent, les chats ninjas sur leurs talons. Elles firent un léger détour pour éviter un sanglier entouré de petits, puis revinrent à l'endroit où elles avaient laissé leur coéquipière. Karin en avait apparemment profité pour se faire un petit casse-croûte : elle tenait entre ses doigts une barre énergisante à moitié consommée. La jeune Uzumaki était sans doute la seule personne au monde à consommer des rations de survie pour le plaisir. Hitomi secoua la tête avec un soupir amusé et la rejoignit sur sa branche.
— Tu es prête à y aller ? Le soleil va bientôt tomber et j'aimerais atteindre le centre aussi vite que possible.
— Ca ne te pose pas problème qu'on arrive premières cette fois ?
Cette éventualité était très probable, mais elles auraient très bien pu être coiffées au poteau par les équipes de Lee et d'Hinata, qui contrairement à la leur n'avait pas eu d'objectif spécifique. Hitomi haussa les épaules avec une petite grimace.
— Il se pourrait qu'on ait un tour de présélections avant la troisième épreuve, comme au dernier examen. Dans ce cas, arriver très vite à l'objectif nous donnerait plus de quatre jours pour nous reposer, retrouver notre chakra et même nous familiariser avec l'endroit où les combats auraient lieu. En plus, je ne tiens pas particulièrement à rester plus longtemps que nécessaire dans un endroit que je ne connais pas.
— C'est vrai que les insectes ici ont l'air vraiment vicieux. Bon, en route ?
— En route.
Sur le reste du chemin, elles ne croisèrent pas d'autre menace qu'une nuée de corbeaux énormes occupés à dépecer un animal inidentifiable mais gigantesque de leurs becs acérés. Dès qu'Hokori les avertit, elles firent un large arc autour de la scène pour ne pas risquer de provoquer les prédateurs. Leurs deux bébés étaient toujours intacts dans les bras de Karin, qui se positionnait toujours de manière à absorber les chocs quand elle bondissait d'une branche à une autre.
— Je sens l'équipe de Lee à deux cents mètres à droite. On les rejoint ?
— Pourquoi pas ! On pourra voir s'ils ont déjà accompli leur objectif et les aider si ce n'est pas le cas.
Karin donna elle aussi son accord, et leur formation modifia sa trajectoire en conséquence. Elle envoya Kurokumo en avance pour les prévenir de leur présence, même si Neji avait sans doute activé son Byakugan avant même d'entrer dans la forêt. Les trois Genin s'arrêtèrent sur une branche pour les attendre. Soigneusement blotties dans les bras de Lee se trouvaient deux petites poupées de chiffon.
— Eh bien, vous n'avez pas chômé ! s'exclama Sakura. Vous aussi, vous vous rendez directement au campement ?
— C'est ça. Vu les prédateurs par ici, on préfère se dépêcher. Ce serait stupide de perdre l'un de nos poupons parce qu'on a voulu explorer un peu.
Neji et Lee confirmèrent les dires de Tenten d'un hochement de tête. Avec un petit sourire timide, Hitomi alla embrasser son petit-ami, juste un bref contact. Il ne pouvait pas l'étreindre avec les deux poupées dans les bras, mais ses joues prirent une adorable teinte de rose et un sourire attendri se peignit sur ses lèvres.
— Vous avez fini aussi, à ce que je vois. On termine ensemble ?
Les trois kunoichi donnèrent leur accord, et six ninjas accompagnés de six félins surdimensionnés fendirent le marais d'un pas déterminé. Si d'autres Genin perçurent leur présence, aucun n'osa les approcher. Et pourquoi en auraient-il décidé autrement ? Tous ensemble, ils irradiaient assez de chakra pour faire savoir à n'importe quel senseur à un kilomètre à la ronde où ils se trouvaient exactement. Ils n'avaient pas jugé utile de dissimuler leur chakra, pas alors que rien dans cette forêt, pas même la faune et la flore, n'aurait pu leur faire de mal.
Ils arrivèrent en bordure du camp au bout de quelques minutes à peine. Une haute barrière de bois l'entourait, totalement opaque et bardée de sceaux de renforcement. Les Genin se consultèrent quelques instants, puis décidèrent de ne pas entrer ensemble – si quelqu'un parmi les autres participants se trouvait déjà à l'intérieur, il serait plus prudent de ne pas faire connaître leur alliance, juste au cas où. L'Équipe Gai décida de laisser celle d'Hitomi entrer en premier, et les filles les remercièrent d'un hochement de tête. Elles franchirent la porte qui perçait le mur et furent aussitôt abordées par un Chûnin :
— Noms et village ?
— Hitomi Yûhi, Sakura Haruno et Karin Uzumaki, Konohagakure.
— Bien. Signez ici s'il vous plaît...
Tandis qu'elle se penchait pour s'exécuter, Hitomi sentit une étincelle de chakra menaçant devant elle. Son corps réagit sans même qu'elle le réalise et elle explosa en mouvement, interceptant la lame qui descendait sur la gorge de son poupon. Quatre autres Chûnin de Kusagakure jaillirent de derrière les tentes et bâtiment, les encerclant immédiatement. En réaction, Karin et Sakura se mirent en garde, la première entourée des chats ninjas d'Hitomi – seul Hoshihi était resté près de son invocatrice et feulait, l'échine si hérissée qu'on s'y serait coupé.
— Donnez-nous les bébés et il ne vous sera fait aucun mal, dit celui qui les avait attaquées.
— Si vous les voulez, venez donc les réclamer, répondit Hitomi d'une voix dure.
Elle ne savait pas ce qui la prenait à citer Arwen dans un moment pareil, mais elle n'avait vraiment pas le temps d'y réfléchir là, maintenant. Elle repoussa son assaillant d'une bourrade brutale et bondit pour éviter le gros du choc provoqué par Sakura quand elle frappa le sol sous ses pieds de toute ses forces. Elle profita de la confusion pour créer deux clones d'ombre et changer de place avec l'un d'eux grâce au Shunshin. Elle se concentra et autour d'elle se forma une telle couche d'aura meurtrière que son adversaire s'étrangla sur sa salive. Elle siffla et Hoshihi entra en action, attrapant deux autres Chûnin avec ses pattes avant pour les faire tomber.
Tout en échangeant quelques passes au sabre avec son adversaire, elle tentait de réfléchir à une stratégie. Comment cela pouvait-il arriver encore ? L'examen était censé être sécurisé ! Non, elle ne pouvait pas penser à ça, elle devait se concentrer. L'une de ses esquives ne fut pas assez efficace : elle sentit le kunai de son adversaire lui entailler la mâchoire, juste sous la cicatrice qu'Orochimaru lui avait laissée. Elle riposta d'un coup de botte dans le ventre du Chûnin, mais il parvint à parer.
— Hai, maintenant !
L'obscurité qui tomba autour d'eux était si absolue que même les chats n'y voyaient rien. Hitomi, Sakura et Karin étaient toutes les trois qualifiées pour se battre sans la vue, capables qu'elles étaient de traquer leurs ennemis à l'aide de leur chakra, et les félins pouvaient se rabattre sur leurs nez et leurs oreilles. Elle sentit le Murmure hurler de fureur à l'intérieur d'elle. D'un geste résolu, elle lui laissa le contrôle. Elle ne voulait pas avoir à gérer ça toute seule.
Un chant se mit à lui envahir les oreilles, promesses d'exultation et de massacre mêlées dans une danse étroite, intime. Elle serra les dents quand le chakra qu'elle avait déjà absorbé quelques temps plutôt s'agita à l'intérieur d'elle, mais garda fermement le contrôle sur cette part d'elle-même. Le Murmure intensifiait tant son aura meurtrière que les deux adversaires les plus proches vacillèrent, laissant une ouverture à Hoshihi qui leur griffa les avant-bras en feulant et grognant. Hitomi, ou le Murmure en elle, sentit l'odeur du sang comme une douce caresse et apparut à ses côtés. Elle trouva les mains blessées, le liquide épais et tiède, sans la moindre difficulté. Avide, cruelle, elle commença à tirer sur le chakra qu'elle sentait là, sous ses doigts, l'absorba pour elle-même et sa propre force.
Elle allait les détruire.
— Félicitations, vous avez réussi !
Surprise, Hai laissa retomber l'illusion qui maintenait tous les combattants dans le noir complet. Sakura venait d'assommer l'un des assaillants, tandis que Kurokumo et Haîro se battaient encore contre le leur. Les deux hommes qu'Hitomi était en train de vider de leur chakra tombèrent à genoux en grognant, toujours menacés par la puissance de son familier. Karin, quant à elle, était toujours intouchée entre Hokori et Sunaarashi, Hai perchée sur sa tête, les deux poupons dans ses bras. L'examinateur, celui qui les avait envoyés dans le Marais, se tenait en périphérie de l'attroupement, les bras croisés.
— Chûnin, déposez les armes. L'épreuve est terminée pour ces Genin.
Les cinq ninjas de Kusagakure obéirent, même ceux qu'Hitomi n'avait toujours pas relâchés. Ses grands yeux rouges étaient brumeux, distants, animés par une colère pure et froide – le spectacle de ses méridiens illuminés sous sa peau était du jamais vu pour les shinobi du Village Caché dans l'Herbe. Sakura, la première à comprendre la situation, s'approcha d'Hoshihi et lui parla à l'oreille. Le familier se détendit légèrement et avança entre les deux shinobi désormais agités de tremblements, jusqu'à se trouver face à son invocatrice.
— Hitomi-chan, tu peux les lâcher, murmura-t-il d'une voix douce. L'épreuve est terminée. C'était juste un stupide, stupide retournement de situation.
Elle ne l'écouta pas immédiatement. Les images d'Orochimaru dans la Forêt de la Mort, des combats durant l'invasion, dansaient devant ses yeux sans qu'elle parvienne à s'en défaire. Il fallut que le grand chat attrape délicatement l'un de ses poignets entre ses crocs et presse légèrement, sans percer la peau, pour qu'elle réussisse à refouler le chant de victoire et de mort du Murmure au fond d'elle. Ses mains se détachèrent des blessures que son familier avait causées. Ses Portes étaient si remplies de chakra qu'elles lui faisaient mal. Elle se redressa et se dirigea à grands pas furieux vers l'examinateur, jusqu'à envahir nettement son espace vital.
— Qu'est-ce que c'était que ça ? grogna-t-elle à deux doigts de son visage.
Elle devait se dresser sur la pointe des pieds pour arriver à se coller aussi près de lui, mais personne ne commenta – personne n'osa.
— Allons, calmez-vous, Yûhi-san. Ce dernier test est prévu pour que nous puissions nous assurer de votre vigilance et de votre force. Vous deviez juste tenir trois minutes au combat – vous n'étiez pas censées gagner.
Et sans les chats d'Hitomi, elles n'auraient pas été capables de vaincre, elles n'auraient pas eu l'avantage du nombre, si précieux dans une situation d'embuscade. Elle recula lentement, réduisant d'à peine un cran l'intensité de son aura meurtrière.
— Et maintenant ?
— Maintenant, je vais récupérer vos poupons et vous pourrez aller choisir l'un des petits chalets pour votre équipe. Vous y passerez au moins les nuits jusqu'à la fin de l'épreuve. Le jour, faites ce que vous voulez, tant que vous ne sortez pas du camp.
Après ça, les choses furent vite réglées : les Chûnin blessés se rendirent à l'infirmerie qui marquait apparemment le centre du camp, tandis que l'examinateur récupérait les deux poupées dans les bras de Karin, si bien gardées qu'elles n'avaient même pas une saleté sur elles. Les trois kunoichis se retrouvèrent bientôt dans un petit chalet, la majorité de l'espace occupé par les chats géants qui prenaient un repos bien mérité. Dehors, le soleil se couchait lentement.
— Et maintenant ? demanda Sakura à son tour.
— Maintenant, je préviens les autres. Rien à foutre de leurs conditions d'examen, j'aurais pu tuer les attaquants si Hoshihi ne m'avait pas arrêtée à temps. L'incident international que ça aurait causé...
Elle se pencha sur son carnet, griffonna un petit mot d'avertissement et l'envoya aux équipes qui se trouvaient toujours dehors. Quelques instants plus tard, elle sentit approcher les signatures de chakra de l'équipe de Lee : ils passaient les portes du camp. Karin attira son attention en posant une main sur son épaule.
— Viens ici, je vais soigner ton menton. Est-ce que... Est-ce que ça va ?
Après un instant d'hésitation, elle hocha la tête. Ses flashbacks des derniers gros combats auxquels elle avait participé étaient préoccupants, bien entendu... Mais elle aurait le temps de voir son thérapeute plusieurs fois une fois rentrée à Konoha, avant de devoir repartir pour le tournoi. Elle était capable de gérer.
— Ca ira, maintenant, répondit-elle d'une voix fatiguée.
Elle espérait que ce soit la vérité.
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