|| CHAPITRE I ||
Janvier 2993
London Museum, au nord de la cathédrale Saint-Paul.
Londres, Nation indépendante du Royaume-Uni.
Je me promenais avec un groupe d'océanides, avec lequel je jouais depuis l'enfance, dans les bois d'Enna sur l'île de Sicile. Athéna et Artémis nous rendaient souvent visite sur le domaine de ma mère. J'avais grandi dans le monde des hommes, loin du regard des autres divinités et surtout de celui de mon père. Lorsque les deux déesses venaient, elles me racontaient des récits de batailles, de stratégies finement menées, de la vie sur l'Olympe et de parties de chasse. J'aurais aimé vivre ce genre d'aventure, découvrir l'Olympe, mais maman n'y aurait pas consenti.
Ce jour-là, je cueillais des fleurs, réunissant en bouquets le safran parfumé, l'iris immaculé, l'hyacinthe au bleu incroyable, les roses en calice odorant, le lys d'une éclatante blancheur et le narcisse que la terre venait tout juste d'enfanter. En leur agréable compagnie. Doucement, je me suis éloigné du groupe, cherchant de plus beaux boutons afin de l'offrir à ma mère, la déesse Déméter.
Dans une clairière, un immense lac aux eaux cristallines me donnait envie de me baigner. Je réprimais cette pensée fugace et admirais l'endroit. Le soleil se reflétait sur le flot, on avait l'impression qu'une couche de diamants flottait sur sa surface lisse. Près d'un arbre, je remarquais un narcisse, seul, d'une éclatante blancheur, je trouvais étrange qu'il aille pousser en dessous. Ma curiosité me fit le cueillir innocemment et puis un craquement retentit. Le sol tremblait. La terre se déchirait, non loin de l'endroit où j'étais, et me retenait au sapin. Le terrain cessa soudainement de vibrer. Cette secousse n'avait rien de naturel.
À quelques mètres du site où je demeurais se dressait un homme grand et sombre. Je pouvais respirer le trépas et l'au-delà à travers son aura. L'inconnu se tenait droit sur son char, tiré par deux chevaux immortels de couleur bleu nuit, qui paraissaient sortir tout droit d'un monde de cauchemar. L'individu me fixait, j'avais l'impression qu'il me déshabillait du regard. Je me sentais si petite tout à coup, terrifiée. J'avais cette horrible impression qu'il se manigançait quelque chose. Mon corps rêvait de prendre la fuite. Je restais sur place, pétrifiée comme une statue de marbre.
L'homme descendit de son char et s'approcha en douceur de moi. Entre nous, il n'y avait plus qu'un pas, qu'il aurait pu largement combler s'il l'avait désiré. D'aussi prêt, je pouvais lire la froideur des enfers dans ses yeux. Curieusement, j'y décelais une autre émotion, je n'aurais su dire laquelle.
Il tendit une main vers moi, telle une invitation que je devais saisir. Peut-être n'avait-il aucune arrière-pensée ? J'étais sûrement trop naïve pour croire qu'il ne me ferait aucun mal. Mon être me dictait de lui accorder ma confiance tandis que ma tête me conseillait de fuir.
Un large sourire se dessinait sur son visage au moment où je déposais la mienne dans la sienne. Hypnotisée par son regard bleu glace, je n'eus pas conscience que mon corps se relevait, tel un pantin qui s'articulait tout seul. Je le suivais jusqu'à son char et tout d'un coup, mes pieds quittèrent le sol et je me retrouvais dans ses bras. Les jambes soudains en l'air, j'avais l'impression qu'il me portait comme un sac de farine. Il remonta dessus et je compris qu'il me kidnappait.
Le hurlement que je poussais a dû parcourir la forêt tout entière, les oiseaux s'envolaient de leur branche. Les chevaux hennirent et se lancèrent au galop, cherchant à retourner dans les sous-sols. Une océanide s'interposa, se plaçant d'un geste téméraire devant l'attelage, en vain. Il le chassa comme un insecte qui se serait mis en travers de son chemin.
— Coré, cria-t-elle avec tristesse.
Reprenant mes esprits face au London Museum, ma meilleure amie me fixait avec préoccupation.
— Amélia ? Est-ce que tu vas bien ? demande-t-elle, inquiète.
Hélène possédait des cheveux châtain foncé aux boucles frisées, rayonnant comme le blé. Elle les avait attachés en un chignon qui ressemblait plus à une énorme crotte sur son crâne. Un serre-tête venait maintenir les mèches sauvages, qui retombaient sur son visage. À peine plus grande que moi, de quelques centimètres, son corps élancé, sa peau avait la couleur du miel. Elle détenait l'apparence d'une belle jeune femme sportive et l'intelligence brillait dans son regard. Ses yeux d'un bleu hypnotique sondaient votre âme.
Hélène était douée en activité physique, la prendre dans son équipe garantissait la victoire, les stratégies de ma copine étaient imbattables.
Comparé à elle, j'avais l'impression d'être banal. Certes, je possède un joli visage, des joues légèrement poupines, des lèvres fines, des couleurs vert mousse. Je dissimulais mon front étroit sous une frange d'un roux vif. Mince, j'avais quelques rondeurs au niveau de mes fesses, mais mon corps n'était en rien musclé. Ma peau, d'un blanc nacré, refusait obstinément de bronzer dès que je me mettais au soleil, chaque été.
C'était mon intelligence qui nous avait rapproché Hélène et moi, nous étions l'opposé l'une de l'autre. Elle était lumineuse tandis que j'avais une part sombre que je ne montrais jamais en public.
— Oui, je me porte bien, la rassurais-je. Allons-y !
Nous avons pénétré dans le musée, ensemble. L'extérieur de l'édifice semblait dater d'une époque révolue comme une partie du bâtiment. L'entrée était claire, grâce à une pyramide en verre. Des hologrammes souhaitaient la bienvenue aux visiteurs dans toutes les langues connues à travers la galaxie. Nous avions décidé de commencer par le secteur des peintures et sculptures de l'antiquité. Le petit devoir, que madame Benson — aussi appelée madame excentricité — avait demandé de rendre le lendemain, serait vite terminé dans les minutes qui allaient suivre.
Assise sur un banc, ma Tab sur les genoux, mes longs cheveux roux vif tombaient devant mes yeux et m'isolaient du reste du monde. Défilant les œuvres majeures de la galerie sur ma Tab Android XS30, je cherchais un moyen de boucler cette obligation le plus rapidement possible afin de profiter du musée.
Les secteurs consacrés à la mythologie dans les autres cultures étaient particulièrement tentants, rendre un devoir sur les croyances de base serait une bonne technique de consolider ma moyenne, avant la phase de Test qui aurait lieu dans un mois.
Cet instant, nous l'attendions et le redoutions. Mais à son approche, notre état de nervosité montait. Chaque année, à la mi-mars, le même cirque recommençait, telle une épée de Damoclès planant au-dessus de chaque famille et ayant un enfant dans la tranche d'âge requis pour ce passage de notre vie d'ado vers le monde des adultes.
Mon amie se tenait devant une statue d'Athéna, déesse de l'intelligence et de la stratégie guerrière. Je l'avais déjà vue se comporter bizarrement ces derniers temps, mais pas à ce point, Hélène, m'avait raconté ses rêves. Je lui avais conté le mien, toujours le même, depuis mes huit ans.
Extérieurement, les autres personnes dans le musée pouvaient penser qu'elle admirait la figurine, mais il n'en était rien à cet instant précis, elle avait une vision.
Hélène était ce que les chercheurs du centre nommaient « un PRD », une possible réincarnation divine. Mon père m'avait expliqué que le test sanguin, effectué lorsque nous n'étions que des enfants âgés de cinq ans, permettait aux spécialistes d'identifier la présence d'un être divin en nous. Une fois cette présence détectée, nous étions répertoriés dans la base de données et le complexe nous renvoyait vivre au sein de notre famille.
Il fut un temps ou dès que le PRD était confirmé, les parents n'avaient plus d'autres choix que de laisser les gamins s'envoler, sans connaître leur destination définitive. Je savais la triste réalité, pendant des décennies, ils étaient envoyés dans une ancienne colonie spatiale jusqu'à la maturité. Sans foyers ni attaches, certaines réincarnations mettaient fin à leurs jours, provoquées par cette longue période d'isolement. Pour endiguer ce problème, les divinités de chaque folklore ont demandé à l'humanité d'instaurer la phase de test, donnant aux PRD l'occasion de grandir sereinement. De nos jours, la colonie était déserte, dérivant sans but à travers l'espace. Aujourd'hui encore, l'humain cherchait à oublier cette période sombre de son histoire.
J'étais certaine qu'Hélène était une réincarnation surnaturelle. L'examen le certifiera rapidement. Quant à moi, je resterais seule sur terre à subir les brimades des autres élèves, pour avoir simplement osé côtoyer l'une des leurs.
Je me levais du banc et me dirigeais vers la salle voisine, pleine de peintures sur les contes les plus connus de la mythologie grecque et où un siège vide m'attendait.
— As-tu remarqué comme tout le monde observe Hélène ? demanda une voix derrière moi.
Surprise, je fais un bond sur ma place et regardais mon camarade de classe.
— Damien, quand est-ce que tu vas arrêter d'arriver par-derrière ? demandais-je en posant une main là où battait mon cœur.
— Certainement jamais, répondit-il avec divertissement. C'est tellement amusant de te voir sursauter.
Damien me lance un sourire du plus charmant. Blonds, aux yeux bruns, ses traits de visage étaient doux. Ils possèdent des lèvres charnues et son physique, d'une apparence banale, cachait une belle personnalité. Je connaissais son petit faible pour Hélène, depuis notre première année au Lycée. Je parlais très rarement avec lui, surtout si l'insupportable Margot était dans le secteur.
— Où est ta meilleure amie ? demandais-je, piquante.
— Elle est un peu plus loin. Elle finit ses notes dans la galerie sur l'art nouveau, répondit-il en riant.
— J'ai droit à quelques minutes de répit, dis-je en lui rendant son sourire.
— Oui, profites-en.
Margot haïssait les réincarnations divines, elle pensait que le statut divin n'était qu'une vaste plaisanterie de mauvais goût. Les dieux n'influençaient en rien nos états émotionnels, mais jouaient avec nos nerfs. Elle détestait leur importance sur nos vies.
— L'autre dégénérée est en train d'avoir une vision, siffla une voix féminine.
Redressant le regard, je remarque la présence de Margot. Ses cheveux lisses et noirs et ses grands yeux noisette, elle possédait un visage angélique, mais comme le disait le vieil adage, l'air ne faisait pas la chanson. Margot avait toujours eu l'art et la manière de provoquer une profonde révulsion au fond de mon être.
— Tu devrais t'abstenir de prononcer ce genre de parole, Margot, dit Damien avec une pointe de colère dans la voix.
— Fais-toi une raison, siffla Margot en le toisant. Cette fille est l'une des leurs, cesse de rêver, tu ne l'auras jamais !
La tristesse que je lisais dans le regard de Damien me faisait de la peine. Pourquoi devait-elle être si rude avec lui ?
— Tous les dieux sont des consanguins, crache-t-elle en passant devant la statue de Zeus. Perséphone est un exemple parmi tant d'autres. Zeus couche avec sa sœur Déméter, lui donne un enfant et l'offre à son frère, Hadès. Il fait l'amour avec sa nièce sans aucun scrupule et elle finit par adorer ça, cette morveuse. Quel âge avait-elle lorsqu'il l'a kidnappé, douze ou quinze ans ?
— Les mœurs n'étaient pas les mêmes à cette époque, expliquai-je en soupirant. Aujourd'hui, ils se réincarnent dans des familles différentes.
Margot me fusille du regard.
— Parce que tu penses que ça ne change rien à l'histoire ? demande-t-elle en me prenant de haut.
Serrant les poings, je réprime la colère qui m'animait. Une peinture attira mon attention et m'appelait depuis l'autre bout de la pièce. Mes pieds se mirent en mouvement sans que mon cerveau leur en donne l'ordre et m'arrêtaient devant un écran qui projetait la peinture, exposée dans un musée différent.
Elle datait du dix-septième siècle et avait pour titre : l'enlèvement de Perséphone, par Rembrandt. On y voyait Hadès sur son char en train de kidnapper la jeune Perséphone, aux longs cheveux roux flamboyant. Des nymphes des eaux essayaient de sauver la naïve déesse, tandis que les chevaux tiraient le char qui s'en retournait sous terre.
Cette version possédait quelque chose de poétique et d'étrangement familier. Faisant écho en moi, tel le chant des sirènes dans les mythes. Une sensation de déjà-vu m'envahit.
— En pincerais-tu pour Hadès ? susurra Margot malveillante à mon oreille.
Mes joues s'empourprèrent. Les personnes présentes dans ce coin de la galerie nous observèrent d'un œil inquisiteur. Les siècles se suivaient et se ressemblaient. Une jeune fille au loin remarque la scène, curieusement, j'eus l'impression de la connaître depuis toujours. Mais cette impression s'envola aussi vite qu'elle était apparue lorsqu'elle quitta la pièce dans la précipitation.
— N..., non, articulais-je.
Un mauvais sourire se dessine sur le visage de Margot.
— Tu n'es pas différente de ton amie Hélène. Un jour, toi et les tiens, vous disparaissez pour de bon. Sache que j'attends ce jour avec impatience, dit-elle sur un ton mesquin.
La colère que sa menace provoque me submergea, tel un raz de marée sur les bords de mer. Je rêvais de l'envoyer au fin fond du Tartare.
Margot s'éloigne, laissant la haine ensevelir le moindre brin de mon ADN. Damien me regarde avec un air désolé, avant de rejoindre son amie sans faire de vague. Il valait mieux pour lui de ne pas se la mettre à dos et je comprenais parfaitement son choix.
Serrant les poings le long de mon corps, j'essayais de faire disparaitre les émotions violentes qui me ravageaient de l'intérieur.
— Ravale ta colère, la laisser prendre le dessus, me conseilla une voix masculine derrière moi ne sert à rien.
— C'est facile pour vous de dire cela, vous ne la connaissez pas, répondis-je sarcastique.
— C'est vrai. Elle obtiendra ce qu'elle mérite, un jour ou l'autre.
Cette intonation... ? Où l'avais-je entendue ?
— C'est une belle peinture. Un peu trop tirée par les cheveux si tu veux mon avis, souligne-t-il, changeant subitement de conversation. Le mot : enlèvement, légèrement mensonger.
Je serre ma Tab contre moi.
— Ce n'est qu'un mythe, répondis-je.
— Peut-être... mais certains ne sont pas loin de la réalité, murmura-t-il.
Son souffle me chatouilla l'oreille. À aucun moment, je ne l'avais imaginé si proche de moi. Ce ton grave, mesuré, rempli d'allusions, j'étais certaine de le connaître. D'où avais-je déjà entendu cette voix, qui me paraissait tant familière ? Chaque parcelle de mon corps luttait pour ne pas frémir, non de peur, mais d'une nouvelle excitation.
— Bonne journée, mademoiselle !
Vive comme l'éclair, je me retournais pour découvrir la personne. Mais soudain, ma vue se brouille et une blancheur immaculée envahit mon champ de vision. Reconnaissant les symptômes d'un passé, enfui :
Me tenant droite sur mon siège, je jugeais l'âme de l'homme du regard devant nous, il tremblait d'effrois. Il respirait la fortune et l'opulence de son vivant, mais dans la mort, cela ne représentait plus rien. Il avait volé de pauvres gens afin de s'enrichir davantage. Exploiter le faible, violé des femmes, jusqu'à s'attribuer le bienfait qui revenait à d'autres.
La colère que je ressentais était inimaginable.
— Pitié, seigneur Hadès, implora la voix tremblante de l'homme. Faites preuve de clémence.
— Pourquoi le devrais-je ? Tu mériterais d'être jeté dans la plaine des tourments éternels, mais cette sentence serait encore trop douce pour toi.
Souriant de manière sadique, je me réjouissais d'entendre le verdict que mon mari s'apprêtait à prononcer. Il tourne son regard vers moi, l'espièglerie, mélangée à l'excitation, se lisait dans le bleu de ses iris.
— Que décides-tu, ma tendre épouse ? me demanda-t-il.
— Pourquoi me poses-tu la question ? voulais-je savoir. Ne connais-tu donc pas le jugement à rendre ?
— Oui, mais j'aimerais te laisser l'honneur de donner la sentence qui te convient.
— Pitié, déesse Coré... supplie l'homme.
Il n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit. Je le fis taire d'un geste de la main. Comment osait-il m'appeler par le prénom que les mortels utilisaient lorsque je vivais encore sur terre ? Je serrais les poings, afin d'empêcher la rage de prendre le dessus sur mon mental.
Me tournant vers mon époux, son regard brillait d'une lueur sauvage.
— Pitié, déesse. Je ferai tout ce que vous voudrez ! Mais laissez-moi retrouver ma femme, dit l'âme d'un ton pitoyable.
Un rire féroce sortit de ma bouche.
Cette sensation de puissance, face à l'esprit qui tremblait d'effroi, me grisait.
— Et pourquoi aurais-je de la compassion pour un misérable cloporte tel que toi ? Tu as volé, violé, exploiter et tu n'as jamais considéré ton épouse à sa juste valeur. Même mille ans de torture dans le Tartare ne sauraient racheter toutes les atrocités commises. Et tu oses m'appeler par le prénom que l'on me donne sur terre, lorsque je suis au côté de ma mère. Es-tu ignorant au point de croire que ce nom signifie quoi que ce soit en ce lieu ?
— Pitié ! dit l'homme en m'implorant à genoux.
— Assez ! ordonnais-je. Je te condamne à des siècles de torture au fond du Tartare. Ton châtiment sera celui que tu as fait subir à autrui de ton vivant.
À peine avais-je rendu mon jugement qu'Hadès, d'un simple geste de la main, expédia l'âme dans son éternelle demeure. Il déposa une main sur mon épaule, qu'il laissa glisser le long de mon bras, provoquant la frénésie des battements de mon cœur.
— Tu es si cruelle, me susurre-t-il au creux de l'oreille.
Son haleine chatouille ma nuque et je me délectais à l'avance de ce qui m'attendait.
— Tu aurais rendu le même jugement.
Ses bras descendirent, encerclèrent ma taille en un geste lent, calculé, mesuré. La tension montait dans mon corps.
— Bien entendu !
La colère se changea en un désir ardent, brûlant. Il avait soufflé sur les braises et raviva le feu qui me consumait petit à petit. Il approcha ma bouche de la sienne.
— Tu m'hérites ton titre de reine du monde souterrain, Perséphone...
Nos lèvres entrèrent en contact, dévorant mon âme et ma peau.
Revenant à moi dans le musée, je cherche l'homme du regard à travers la galerie, mais il avait disparu.
Cette vision, c'était nouveau pour moi, différent du rêve habituel. C'était dérangeant de ressentir toutes ces émotions par lesquelles j'étais passée en si peu de temps. Son toucher..., ses baisers..., ce désir ardent qui s'était emparé de mon corps. Jamais je n'avais éprouvé une telle explosion de sensualité envers un crush.
— Amélia, je te cherchais ! dit Hélène en souriant.
Sa gaieté s'effaça, l'expression troublée sur mon visage semblait le préoccuper.
— Tu en fais une tête à croire que tu as vu un fantôme, ajoute-t-elle avec appréhension. Est-ce que tu portes bien ?
Observant mon amie, j'essayais de faire le tri dans mes pensées. La vision subsistait dans mon esprit.
— Oui ! Je vais bien, répondais-je en souriant. Ne t'inquiète pas.
Je détestais lui cacher des choses, mais pour mon bien-être, je devais le faire. Trop de monde autour de nous pouvait entendre notre conversation et je n'avais pas envie qu'on me regarde comme un monstre.
Hélène me sourit.
— Restons de ce côté de la galerie toutes les deux, ça nous évitera les coups de sang de Margot, dit-elle en parcourant la peinture devant laquelle je me tenais. L'enlèvement de Perséphone ! Je ne suis pas certaine de pouvoir le considérer comme tel, quand on lit certaines histoires.
À mon tour, j'observai pour la deuxième fois le tableau.
— Dans l'hymne à Déméter, Homère nous conte son enlèvement.
— Oui, mais ce n'est qu'une version parmi tant d'autres, dit Hélène en souriant. Dans certains récits, on raconte qu'elle aurait suivi volontairement Hadès. D'après le mythe, elle était encore plus terrible que lui quand il s'agissait de rendre la justice et de punir les âmes.
Les paroles d'Hélène déferlaient en moi, telles des vagues sur le sable des plages. Je revoyais des images de la vision. J'en ressentais davantage, ce sentiment de toute-puissance qui m'avait parcouru durant un court instant où j'avais été reine.
— T'es-tu renseigné avant de venir ? demandais-je en réprimant un frisson de plaisir.
— Un peu, tu sais que j'aime bien connaître où je mets les pieds avant d'effectuer une visite, répondit-elle en me souriant.
Son visage se ferma comme une huître.
— Ce soir, je t'expliquerai un truc, ajoute-t-elle, mystérieusement. Mais pas ici, il y a beaucoup trop d'oreilles indiscrètes.
— Tu m'étonnes !
— Tu avais l'air complètement ailleurs, lorsque je suis arrivé ?
— Moi aussi,j'aurai une chose à te raconter tout à l'heure.
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