~9~ Souvenir d'une plage
~Eren~
Assis sur mon lit en ce dimanche après-midi, je visionne avec ennui une émission que j'ai dénichée sur Netflix. Le concept paraissait intéressant lorsque je l'ai choisi, mais après deux épisodes, tout est déjà redondant. Peut-être devrais-je penser à commencer l'un des nombreux animes que Floch m'a conseillé ou encore regarder ce drama chinois qu'il qualifie de chef d'œuvre? J'ignore si mon cerveau est prêt à lire des sous-titres pendant cinquante épisodes, bien que les acteurs paraissent séduisants, surtout ce Lan quelque chose.
Ma tête commence à cogner des clous. Mes paupières deviennent lourdes et suite à une bataille ardue, je me laisse sombrer dans les bras de Morphée.
***
Jean et moi marchons à travers les arbres drus, la lumière de nos téléphones activés afin d'éclairer notre chemin. La demi-lune aide à illuminer notre passage, tout comme la toile étoilée que forme le ciel. Les milliers de petits points lumineux sont un décor apaisant et magnifique, un spectacle qui ne pourra jamais me lasser. Lorsque j'étais petit, j'appréciais admirer le paysage nocturne et imaginer que dans une autre galaxie, à des années-lumière de la Terre, un enfant extraterrestre faisait exactement la même chose. Comment croire qu'on est seuls dans l'univers en sachant qu'il existe tant de mondes inconnus?
Ce soir, la température est très agréable. Même en t-shirt, je ressens la brise chaude de l'été. C'est pourquoi nous avons choisi de nous rendre sur une plage privée que nous avons repérée en journée afin de profiter illégalement de la fraicheur de l'eau. Armin, Floch, Reiner et Bertholdt étaient censés nous accompagner, mais ils ont tous eu des empêchements de dernière minute. C'est la première fois que je me retrouve seul avec Jean depuis ce qui s'est passé à la fête, chez Reiner. Aucun de nous deux n'a tenté de parler de cette nuit charnelle.
-C'était quoi, ce bruit ?! s'exclame Jean en dirigeant sa lumière vers deux arbres.
-Est-ce que le petit Poney aurait peur?
-N'importe quoi... je ne comprends seulement pas pourquoi nous devons passer par la forêt pour nous rendre sur cette plage alors qu'il y a un portail. C'est ridicule.
-Car on risquerait d'être vu si l'on passe par l'entrée, peut-être? L'intelligence n'est vraiment pas ta plus grande force, mon pauvre Jean.
Le garçon marmonne tout en continuant de me suivre, n'ajoutant rien. Nous marchons encore cinq minutes lorsque le sol se transforme progressivement en sable brun. Dès que les arbres disparaissent pour laisser place à une large plage artificielle, je cesse de marcher pour retirer mes souliers. La sensation des grains fins entre mes orteils est agréable, ce qui convainc Jean de m'imiter. Pour venir patauger dans l'eau de cet endroit privé le jour, il faut payer une petite fortune à un propriétaire avare. C'est la raison de notre escapade nocturne, lorsque le grillage est verrouillé et que la place est déserte.
-Qu'est-ce qu'on fait si le gardien de sécurité nous trouve? demande Jean avec inquiétude.
-On court en espérant qu'il ne voit pas notre visage. Simple, mais efficace!
Jean sourit en étendant sur le sol sa serviette de plage, sur laquelle il se laisse tomber comme une masse. Je ne tarde pas à l'imiter, puis je sors de mon sac à dos des croustilles à saveur de ketchup, ainsi que deux pepsis. Pour l'instant, je n'ai pas encore le courage de sauter dans l'eau. Allongés côte à côte, nous admirons le ciel étoilé en discutant. Avec mon ami, la conversation est toujours simple, fluide.
-Tu comptes vraiment t'inscrire pour devenir un capitaine des jeux? s'enquiert Jean. Ce serait triste de devoir être ennemi pour notre dernière année.
-Awn, tu t'inquiètes vraiment pour ça? Comme on a les mêmes amis, je ne crois pas qu'on sera choisi tous les deux. Mais ne t'en fais pas! Si tu n'es pas sélectionné, je vais te prendre comme vice-capitaine. J'ai confiance en mes chances d'être élu. Je le sens.
-N'importe quoi. C'est moi qui serai capitaine! Je serais meilleur que toi!
-C'est mignon de te voir garder espoir, même face à l'évidence.
Jean se contente de me répondre par un doigt d'honneur puisque ce geste lui sert de répartie chaque fois que je l'énerve. Je ris avant de me concentrer à nouveau sur le ciel étoilé, les mains derrière ma tête pour me servir d'oreiller. Curieusement, les souvenirs de cette folle nuit chez Reiner s'infiltrent dans ma tête. Cette passion brulante n'était pourtant que le fruit de l'alcool, rien de plus. Mes yeux se posent instinctivement sur le visage concentré de mon ami, me forçant à admettre qu'il est fort séduisant, peut-être même plus beau que tous ceux que je connais.
-Pourquoi tu me regardes comme ça? crache Jean. J'ai quelque chose sur le visage?
-Hein? Non... en fait, je me disais qu'on ne s'est jamais reparlé de ce qui s'est passé chez Reiner.
-Il n'y a rien à en dire.
-C'est vrai, c'était une erreur. Jamais je n'aurais couché avec un cheval dans mon état normal. La zoophilie, ce n'est pas mon truc.
Le garçon me lance un regard sombre qui me fait sourire. Ce délire de cheval est né d'une vieille dispute, alors que nous n'étions pas encore des amis proches. Nos caractères colériques ont fait des flammèches et au cours de la joute verbale, à court d'arguments, je l'ai traité de cheval. L'insulte m'a d'abord semblé bien placée étant donné que Jean est doté d'un visage long, mais la réaction amusée de nos amis m'a fait comprendre que traiter quelqu'un d'équidé n'est en rien une bonne répartie. Depuis, il s'agit d'une blague récurrente entre nous.
Nos yeux se croisent alors que le silence est maitre sur cette plage, uniquement brisé par le son apaisant des criquets et le chant des grenouilles. Mon ventre se tord. Sans que je ne puisse l'expliquer, une forte tension nait entre Jean et moi. Mes yeux sont guidés vers ses lèvres, dominés par tentation de retenter ce que nous avons vécu chez Reiner. Dans mes souvenirs, bien que flous, c'était délicieux. Ses lèvres ont-elles encore un goût sucré enivrant?
Dirigé par ce désir ardent, j'avance mon visage vers le sien. Jean ne bouge pas, mais lorsque nos lèvres se rencontrent, il ne cherche pas à me repousser. Ma main glisse sur sa joue afin d'amplifier le baiser, insérant ma langue entre ses parois humides. Nos muscles entament une valse sensuelle et habile, douce et fiévreuse. Mon ami caresse ma hanche avec envie, la glissant sous mon t-shirt dans le but d'y caresser ma peau brulante.
-Je te déteste, Jager, souffle Jean en éloignant légèrement sa bouche.
-C'est réciproque.
Sur ces mots, nous reprenons le baiser, avec plus de fougue, cette fois. Jean attire mon corps sur le sien, me pressant contre lui tandis que ses lèvres vagabondent vers mon cou qu'il dévore. J'adore cette sensation. Mon cœur bat la chamade lorsqu'une idée traverse mon esprit.
-Tu as envie d'un bain de minuit, Jean?
Jean éloigne son visage pour m'observer dans les yeux. Sans lui donner l'occasion de me répondre, je me lève, puis je commence à me dévêtir, retirant devant mon ami tous les tissus qui couvrent mon corps. Une fois dans ma plus simple tenue, je lui envoie un clin d'œil avant de me diriger vers l'eau, prenant soin de donner à ma démarche une allure sexy et aguicheuse. Le liquide est tiède, d'une température parfaite. Je ne tarde pas à en avoir jusqu'au cou.
Sur le rivage, Jean parait hésiter, mais il finit par se dévêtir et me rejoindre. Les muscles de son corps sont un spectacle alléchant, une appelle à la luxure. Dès qu'il se retrouve face à moi, nos lèvres se rencontrent naturellement, reprenant un baiser langoureux.
***
C'est à cet instant que je me réveille.
Pourquoi un tel souvenir me revient-il alors que ce dernier ne signifiait rien? Ce soir-là, c'est moi qui ai dit à Jean que notre relation ne serait jamais plus que charnelle, qu'entre nous, l'amour ne pourrait pas évoluer. Je me sens perturbé...
Pourquoi est-ce que j'agis comme une petite amie collante depuis que Jean a commencé à parler avec Marco? Je ne suis pas jaloux, mais d'un autre côté, je ne supporte pas de les voir se rapprocher. En classe, ils s'assoient toujours l'un à côté de l'autre, ils gloussent comme des hyènes et ils sont trop intimes. Le simple fait d'y penser me fait ressentir un pincement au cœur. Peut-être devrais-je en parler avec Armin ou avec Floch? Ils pourraient me conseiller. Je sais que le roux lit beaucoup de shojo et des yaoi, donc il devrait être d'une bonne aide. Il est d'ailleurs le seul à connaitre ma sexualité, bien qu'il ne soit pas au courant que je couche avec Jean. Le mieux serait peut-être de carrément sortir avec le concerné, afin de me comprendre.
D'une main tremblante, j'agrippe mon téléphone, puis j'appuie sur le contact « HorseFace ». Tout ce que je souhaite, c'est de l'inviter à manger du McDonald, mais composer ces mots suffit à m'angoisser. C'est idiot.
L'idiot_au_sale_caractère:
|Hey! Je m'emmerde... tu veux manger du McDo? Je me sens généreux et suis prêt à payer.
Une fois le message envoyé, j'attends patiemment. Jean garde toujours son 3G d'ouvert lorsqu'il sort, à se demander comment il fait pour ne jamais faire exploser son forfait.
Les minutes passent, puis les heures... Même si je désire attendre la réponse de mon ami, je me résigne à manger. Avec un peu de chance, des extraterrestres l'ont kidnappé et il s'agit de la raison pour laquelle il ne me répond pas. Cette explication est la seule capable de m'apaiser.
Minuit a déjà sonné lorsque mon téléphone vibre enfin. Tel un enfant excité le matin de Noël, je saute sur mon application pour y lire le message. Un gout amer se répand dans ma gorge au fil des mots.
HorseFace :
|Je crois qu'il est un peu trop tard XD. Sorry, j'étais avec Marco. Je l'ai amené se baigner à la plage interdite. Il a adoré!
La mâchoire tremblante, je relis son message plusieurs fois, comme si j'espérais qu'il se modifie, que j'y découvre un sens caché. J'ai l'impression d'avoir été giflé, l'impression que mon cœur vient de se faire piétiner par un troupeau d'animaux sauvages. Sans que j'en comprenne la raison, une larme glisse le long de ma joue, puis une seconde.
Mon téléphone s'écrase sur le sol alors que je pleure à la manière d'un bébé, la tête entre mes mains. C'était notre plage... notre lieu secret. Pourquoi Jean a-t-il dû y amener ce garçon? Pourquoi avoir choisi cet endroit précisément?
C'est la première fois que je ressens tant de douleur, que j'ai le sentiment d'avoir été trahis.
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