Chapitre 6 : Mère et fille (partie 2)
Le moment où elles se retrouvaient toutes à la fin de la journée était très important, un grain de normalité au milieu de tous ces préparatifs. Maeve vint la première, un sourire serein sur ses lèvres, emportant avec elle le souvenir d'une expérience agréable.
— Je suis heureuse de te voir comme ça, comment s'est passé ton entraînement ? questionna Amalia.
— J'ai travaillé dur, Maeve eut un hochement de tête volontaire. Et en sortant j'ai fait un tour par la serre. Nous devrions y aller, il y a des fleurs magnifiques.
La magicienne détourna le sujet, ne voulant plus inquiéter Amalia. Après Gronder, elle avait été rongée par la nervosité sur tout le trajet menant au monastère, encore éprouvée par l'intensité de la bataille et ne supportant pas les incertitudes sur la suite de la campagne. « Je dois être leur égale, pas un fardeau, s'admonesta-t-elle. ».
— J'irai la voir avec toi, je suis très curieuse de voir comment tout ça fonctionne ! promit Gladys.
Des plantes nourries par la magie... elle rêvait déjà d'en construire une semblable dans son domaine. Chaque découverte suscitait une effervescence de plans, de projets. Hélas, la réalité de ses finances la rappelait à l'ordre.
Amalia admit de son côté que Maeve l'avait surprise. Elle se souvenait de l'adolescente tombée du nid, propulsée dans un monde brutal, dont les larmes fendaient le masque souriant et qui venait parfois chercher près d'elle la chaleur d'une mère. Un fossé la séparait de cette femme courageuse, qui avait surmonté son dégout de la violence par altruisme d'aujourd'hui. Le prix de cette transformation se dévoilait néanmoins quand la musicienne ne parvenait pas à contenir son inquiétude.
Elle n'était sans doute pas différente de Vigdis. Il était facile d'imaginer cette dernière suspendue hors d'atteinte, au-dessus des turpitudes du monde, comme la lune. Ses broderies racontaient pourtant une tout autre histoire. La seule différence était qu'elle enfouissait ses peurs.
L'intéressée les rejoignit d'ailleurs d'un pas souple et léger, s'étira et s'assit. «Est-ce qu'elle s'entraînait encore à cette heure ? S'interrogea la guerrière. Il faudra que je lui en touche un mot ». Elle le ferait néanmoins dans des circonstances plus appropriées.
— J'ai réfléchi au motif que je voudrais sur ma bourse, j'aimerais une marmite, plaisanta Amalia.
Vigdis avait déjà brodé un renard pour Gladys et un rossignol pour Maeve. Elle avait ensuite offert à Amalia de réaliser quelque chose pour elle.
Vigdis eut un sourire en coin, croisa les doigts et se pencha vers l'avant.
— Parfait. Que dois-je mettre à l'intérieur ? Du ragoût ou du bouillon ?
— Ou alors un plat de saghert à la crème, renchérit Gladys avec une diction exagérément distinguée.
Prise de court, Amalia laissa échapper un rire franc.
— Je ne me moquais pas de toi, bien sûr, expliqua-t-elle à Vigdis. Je sais que cela compte beaucoup pour toi et j'ai conscience de la valeur de ce cadeau. Tu es une artiste et tu m'offres ton temps. Je t'en remercie.
Elle et sa fille savaient coudre, comme tout le monde, mais leurs connaissances se limitaient à des réparations fonctionnelles.
L'épéiste lui offrit en réponse un petit hochement de tête pudique accompagné d'un fin sourire reconnaissant.
— C'est juste que j'ai du mal à choisir. Quel motif m'associerais-tu ?
Son interlocutrice s'égara un instant dans ses rêves. Puis elle prit une grande inspiration et déclara, solennelle, comme si elle se lançait dans le vide :
— Un flambeau.
— Oh ! Très bonne idée ! C'est un symbole de chaleur et d'espoir, c'est ce qui égaie le foyer et nous guide dans le noir, renchérit Maeve.
Vigdis approuva silencieusement, heureuse que son amie ait compris et développé..
— C'est tout toi, maman, appuya Gladys.
Amalia sentit croître sa gratitude, heureuse de se voir décrite ainsi.
— Dans ce cas, c'est ce que je veux. Je te fais confiance.
— Comptez sur moi, je donnerai le meilleur, approuva la soldate.
— Nous avons toutes notre motif dans ce cas, célébra Gladys en effleurant le sien. D'ailleurs en parlant de ça...est-ce que quelqu'un a une idée de ce qu'est le saghert ? Comme c'est un plat de la capitale, je n'en connais que le nom.
Amalia secoua la tête tandis que Maeve réfléchissait.
— C'est un gâteau à la pêche avec de la crème et des baies de Noa par-dessus, décrivit Vigdis, prosaïque. J'en ai mangé quand j'étais ici. C'est bon si tu aimes les gros desserts sucrés. Ça donne de l'énergie en tout cas.
— Ça a l'air délicieux ! Maintenant je regrette d'en avoir parlé, j'ai de nouveau faim, grimaça Gladys.
« Et nous ne risquons pas d'en manger tout de suite » fut la réponse qui effleura les lèvres de Vigdis. Ce genre de réflexions évidentes et maladroites ne faisaient qu'alourdir l'ambiance. Elle se corrigea aussitôt :
— Nous en mangerons un jour, c'est sûr.
Elle constata avec soulagement que l'ensemble ne parut ni faux, ni forcé. Peut-être parce qu'il reflétait son désir de gagner et sa prise de conscience du matin : « le soleil finira de nouveau par se lever ».
Les accords du luth les surprirent. Maeve était revenue avec son instrument. Gracieusement installée sur la chaise, la tête inclinée avec élégance, ses mains douces et légères éveillèrent les cordes. Sa voix s'éleva si haut qu'elle rejoignit les oiseaux dans le ciel. Soudain, elles n'étaient plus dans une chambre sombre et spartiate de Garreg Mach mais dans un jardin ou un palais. Le ciel était empli d'astres et le monde tranquille. Jusqu'à la prochaine bataille.
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