.Dimanche 6 juillet.
Musiques d'inspiration :
Touch - Sleeping At Last
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En vérité, le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout.
(Le mythe de Sisyphe - Albert Camus.)
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Ce matin, ouvrant ses yeux après une terrible nuit bien trop courte, alors qu'il n'a trouvé qu'un morceau de sommeil perturbé aux alentours de quatre heures du matin, Katsuki frappe du plat de la main sur l'écran de son téléphone, qui hurle alors à son oreille une alarme agressive.
La vision plus que trouble, alors que ses paupières semblent engluées l'une à l'autre par un irrépressible besoin de se rendormir, il enfouit son visage dans le tissu chaud de son oreiller, soufflant dedans comme on pousse un cri de détresse.
Son corps tout ankylosé, les jambes lourdes comme deux piliers de marbre, il tente en vain de bouger un bras, dans l'espoir d'éventuellement parvenir à se réveiller convenablement.
Bien enroulé dans sa couverture, la douce température enveloppant son dos comme un appel à rester auprès d'elle, il se laisse aller à un imperceptible gémissement de confort, le nez dans le coussin, la bouche pâteuse de son réveil forcé, et ses cheveux en bataille< sur son crâne.
A travers les volets fermés, même s'il ne peut pas les voir dans sa position actuelle, quelques brins de soleil discrets se fraient un chemin discret jusqu'à l'intérieur de la chambre, déposant des éclats furtifs de lumière sur le parquet et le lit défait.
Une seconde, il se prend à rêver de l'idée folle de se rendormir, d'ignorer le réveil qui sonnera à nouveau dans cinq minutes, et de replonger dans un rêve tranquille et apaisant.
La perspective le ferait presque fantasmer, c'est vrai.
Pourtant, il sait que, sous l'écran verrouillé de son téléphone, l'horloge numérique affiche déjà sept heures du matin, et qu'il est temps pour lui de sortir de ses draps, aussi confortables soient-ils.
Avant de pouvoir réveiller Izuku à son tour, il lui faut encore s'occuper de lui-même.
Prendre une douche, enfiler des vêtements, et avaler un café en espérant que celui ci le maintienne debout pour les heures à venir.
Alors, quand bien même il agit à contre cœur, un vague élan frêle de motivation le pousse à tourner la tête, dégageant son nez de l'oreiller, pour ouvrir les yeux sur son environnement.
Les cils papillonnant, le front plissé de ce simple effort, son regard navigue dans le flou pendant quelques secondes, alors que le décor se dessine progressivement à ses yeux embrumés.
Puis, se redressant mollement sur ses avant bras pour étirer doucement sa colonne vertébrale engourdie, un bâillement sorti du tréfond de sa fatigue lui fait ouvrir grand la bouche, soupirant tout son sommeil manqué avant de se forcer à s'assoir sur le matelas.
Les deux pieds sur le sol, la couverture encore légèrement posée sur ses cuisses découvertes, il masse longuement ses tempes doucement douloureuse contre ses doigts.
Après cette première nuit, bercée d'angoisse, d'inquiétude, et de la crise d'Izuku qui l'aura poussé à rester éveillé pour veiller sur son sommeil pendant un long moment, il accuse méchamment le contre coup de ce trop plein émotionnel.
Mais, faisant craquer son cou en inclinant sa tête dans un sens puis dans l'autre, il se trouve le courage surhumain de se redresser sur ses jambes, laissant glisser la couette sur sa peau en s'en extirpant.
Trainant ses chevilles encore raidies sur le parquet, il avance en tanguant légèrement jusqu'à la porte de sa chambre, veillant encore à limiter le bruit de ses déplacements dans la maison.
Quittant la douce chaleur de la petite pièce pour s'engager dans le couloir frais, il rejoint la salle de bain presque dans le noir, attendant seulement d'atteindre la salle d'eau pour y allumer une lumière.
Verrouillant le loquet derrière lui, il vient se poster devant le miroir qui surplombe la vasque, osant un regard sur son reflet avant de grimacer ouvertement.
Avisant les cernes qui supportent ses paupières, la marque outrageuse d'un pli d'oreiller imprimée dans sa joue droite, et l'aspect ridicule de ses cheveux dressés tels des i sur sa tête comme s'il venait de se faire sauter une bombe à la gueule, il détourne rapidement son attention vers un autre coin de mur, préférant encore s'éviter ce massacre visuel.
Les gestes lents et vaseux, il ouvre le mitigeur de la douche, laissant couler l'eau dans le vide pour lui laisser le temps de se réchauffer.
Là, planté debout juste à côté de la cabine, son esprit encore empêtré dans le sommeil s'évapore l'espace de quelques instants, alors que son corps tangue ridiculement d'avant en arrière, menaçant de s'écrouler d'une seconde à l'autre.
C'est seulement une poignée de secondes plus tard, battant soudain des cils en revenant sur terre, qu'il inspire un grand coup pour se ressaisir, avant de se débarrasser de son boxer, pour se jeter ensuite sous le jet brûlant.
Espérant réveiller ses membres sous la flotte battante, il lève son visage vers le plafond pour mouiller son front et ses cheveux, passant ses mains entre les mèches avec l'intention de les remettre à peu près en place.
Joignant ensuite un peu de shampoing à ses gestes, il masse son cuir chevelu tout fatigué, ressentant la sensation agréable de ses doigts pressant sa peau, alors que ses yeux commencent réellement à s'ouvrir en grand.
Crachant un peu d'eau entrer dans sa bouche, il rince son crâne plein de mousse avant de laver son corps couvert de résidus de sommeil, appréciant ce petit instant de bien être personnel comme un véritable cadeau.
C'est vrai, il n'imaginait pas qu'il accuserait autant de fatigue et d'engourdissement, et ce tout premier réveil dans cette cohabitation nouvelle lui apparait bien difficile.
Mais, pas découragé pour autant, parce qu'il lui en faut quand même plus pour se morfondre, il s'extirpe de la cabine après avoir coupé l'eau, estimant son corps suffisamment revigoré pour le moment.
Laissant ruisseler quelques gouttes sur le carrelage de la pièce, il récupère une serviette sagement pendue à son support avant d'éponger ses cheveux, ses épaules, puis de l'enrouler à ses hanches encore humides.
Revenant une nouvelle fois devant le miroir, il constate une légère amélioration de la catastrophe de son visage, alors que les plis du coussin se sont finalement estompés.
Néanmoins, il conserve les cernes légèrement violettes de ses yeux, témoins directes de sa nuit compliquée.
Enfin, la peau désormais bien requinquée et les paupières bien ouvertes, il brosse tranquillement ses dents en faisant distraitement les cent pas au centre de la petite salle.
Son esprit se remettant en place, il commence progressivement à envisager sa journée à venir, listant dans sa tête les prochains événements dans l'ordre pour s'assurer qu'il n'a rien oublié dans son organisation.
Crachant ensuite la mousse, rinçant sa bouche avec un peu d'eau fraiche, il jette un dernier coup d'oeil à son visage à moitié présentable avant de rejoindre à nouveau le couloir, sa serviette nouée à son bassin pour retourner dans sa chambre.
Sans trouver la force ni le courage d'enfiler un jean, il se rabat sans hésitation vers un simple jogging clair aux larges poches, parfaites pour y planter ses mains, ainsi qu'un t-shirt deux fois trop ample, parfait pour se sentir à l'aise à l'intérieur.
Laissant simplement à ses cheveux tout le loisir de sécher naturellement comme bon leur semble, quitte à le regretter plus tard au hasard d'un épi récalcitrant, il s'empresse ensuite d'atteindre sa cuisine, pour s'y faire couler un indispensable café.
Parce que, sans ça, il ne tiendra jamais le coup, c'est certain.
Pendant que la machine chauffe tranquillement, se réveillant elle aussi pour la première fois de la journée, il entreprend de remonter les volets roulants du salon et de la cuisine, engouffrant la lumière dans la pièce pour illuminer l'espace.
Ouvrant également une fenêtre pour inviter l'air frais de la matinée à réveiller la maison elle même, il inspire les parfums agréables de la saison chaude, avant de retourner à sa cafetière maintenant prête à le servir.
Remplissant une tasse jusqu'à ras bord, histoire d'être certain de son effet, il soupire d'un doux soulagement en avalant la première gorgée brûlante.
Puis, liquidant la totalité de sa boisson, il se prépare enfin à rejoindre Deku dans sa chambre pour l'arracher à son tour à son délicat sommeil.
Gagnant la porte encore fermée, il l'ouvre doucement dans un premier temps, passant la tête dans l'entrebâillement pour jeter un regard curieux sur le lit au centre de la pièce plongée dans la semi pénombre.
Constatant que l'occupant des lieux dort aussi paisiblement qu'un enfant, allongé sur le ventre et les deux bras croisés sous son oreiller, il retient difficilement un sourire en envisageant l'idée moqueuse de le réveiller en fanfare.
Cela dit, parce qu'il conserve malgré tout un brin de raison, il se contente d'entrer discrètement dans la pièce, s'avançant jusqu'au bord du lit en détaillant le visage tranquille et endormi d'Izuku, une joue enfoncée dans son coussin.
Sans s'éterniser en cérémonie, posant une simple main sur l'épaule dénudée de l'ensommeillé, il le secoue doucement, observant ses réactions immédiates.
_ Deku, réveille toi.
Plissant le front sans ouvrir les yeux, Izuku geint sans retenue, manifestant son désaccord alors qu'il semble encore tanguer entre le sommeil et l'éveil.
Ses cheveux décoiffés par sa nuit s'éparpillant sur ses tempes, il vient cacher l'entièreté de son visage dans la taie de son oreiller, refusant ouvertement d'obéir aux appels de Katsuki.
Mais Katsuki, toujours pas patient pour un yen, secoue à nouveau son épaule, élevant légèrement sa voix pour se montrer plus insistant.
_ J'déconne pas Deku, faut qu'tu t'lèves.
_ Cinq minutes ..
_ Dépêche toi ou j'renverse le lit pour te foutre par terre.
Gémissant de contrariété, Izuku gigote ses bras en dessous de son oreiller, frottant son nez dans le tissu avant de lever timidement son visage à moitié endormi, révélant ses yeux à peine entrouverts et sa joue toute rougie d'avoir pioncé dessus.
D'ici, avec les traces de la nuit sur le visage et ses cheveux fanfaronnant sur son front, sa petite moue du matin lui donne des allures cruellement mignonnes, et Katsuki s'interdit intérieurement de le constater.
_ Aller, debout.
Lentement, se dépatouillant dans ses muscles engourdis, Izuku bataille avec ses jambes et ses bras pour s'assoir sur son matelas, passant ensuite ses deux mains sur ses cheveux pour renvoyer les mèches sauvages en arrière.
Encore à moitié dissimulé sous la couverture, il bat frénétiquement des paupières pour s'acclimater à son propre réveil, alors que Katsuki ouvre sans pitié les volets de la chambre, faisant hurler la lumière autour d'eux.
_ Ton infirmière va arriver. J'te laisserai avec elle pendant c'temps.
Puis, sans vraiment attendre de réponse quelconque, quittant à nouveau la chambre quand le tintement significatif de la sonnette d'entrée résonne entre les murs, Katsuki s'éclipse pour aller accueillir ladite infirmière.
Une femme somme toute banale en soi, qu'il rencontre pour la première et qui, du haut de sa supposée trentaine d'années, se présente avec un large sourire plaqué à son visage clair.
Coiffée d'une simple coupe au carré, ses cheveux bruns encadrant ses traits aimables, elle s'attarde l'espace d'une ou deux minutes en compagnie de Katsuki avant d'aller rejoindre Izuku dans sa chambre.
Alors, désormais seul dans le salon, laissant Deku à son accompagnante formée pour, il s'installe lourdement sur une chaise de la table centrale, bien décidé cette fois à fournir un peu de travail pour son agence.
Après tout, il reste payé pour ça.
Allumant son ordinateur, soupirant doucement en démarrant ses logiciels professionnels, saisissant ses codes personnels pour accéder aux données confidentielles, il fait craquer les articulations de ses dix doigts avant de se lancer franchement.
Sans veiller vraiment aux minutes qui s'écoulent, percevant de temps à autres quelques bruits venant de la chambre ou de la salle de bain, devinant Izuku occupé à se préparer avec l'aide de son infirmière, il concentre totalement son esprit dans le compte rendu qu'il rédige.
L'air de rien, quand bien même le boulot le fatigue, ce moment d'évasion lui permet malgré tout d'apaiser ses pensées jusqu'alors si malmenées par les changements de son quotidien.
Ainsi, totalement plongé dans son travail durant une longue partie de la matinée, il ne relèvera les yeux de son écran que l'espace de trois minutes, au moment de saluer l'infirmière sur le départ, puis d'accueillir le kinésithérapeute venant prendre la relève.
Quand bien même l'affaire sur laquelle il planche ne l'intéresse pas outre mesure, faisant partie de cette longue liste d'enquêtes chiantes que personne ne veut se coltiner, il apprécie le repos de l'esprit qu'elle lui procure durant une bonne heure et demi.
C'est seulement sur les coups approximatifs de neuf heures trente, alors que le médecin repart à son tour de la maison après ses manipulations sur son patient, que Katsuki referme à nouveau son ordinateur, frottant légèrement ses yeux piquants de les avoir gardés trop longtemps rivés sur un écran lumineux.
Se redressant sur ses jambes légèrement pâteuses d'être restées sans mouvement, il rejoint, pour la deuxième fois aujourd'hui, la chambre d'Izuku, là où se dernier l'attend tranquillement assit sur le bord de son lit.
Les cheveux encore humides de sa douche, retombant le long de son dos et de ses épaules, parfaitement habillé et les dents propres, Deku lui lance un sourire cette fois tout à fait réveillé.
Ses éternelles chaussures rouges à ses pieds, les tâches de rousseur de son visage s'illuminent de sa bonne humeur presque surnaturelle.
A la limite de l'étrange, après la nuit qu'il a passé.
_ Bonjour Katchan !
Arquant un sourcil, Katsuki s'approche tranquillement de lui, se préparant à l'installer dans son fauteuil sans plus s'inquiéter de ses manœuvres.
_ On s'est vu c'matin Deku.
_ Oui, mais j'étais pas bien réveillé.
Secouant doucement la tête de droite à gauche, passablement amusé par la tonitruante joie de vivre d'Izuku, il retient faiblement un sourire aux coins de ses lèvres avant de venir complètement le transférer.
Puis, faisant rouler le petit engin hors de la pièce, les guidant jusqu'au bout du couloir, il interrompt leur course juste avant d'entrer dans la cuisine, s'éloignant des poignets de poussées.
_ Aller, debout.
_ Hein ?
La mine effarée, Izuku lève son visage confus vers lui, le dévisageant comme s'il venait de dire une immense absurdité.
Pourtant, Katsuki sait très bien ce qu'il dit et, en dépit de son désarroi, il reste bien déterminé à faire marcher Deku jusqu'à la table, et le faire s'installer sur une vraie chaise, avant de lui accorder son petit déjeuner.
_ J'suis sérieux, on se lève.
Alors, serrant les freins sur les roues, il se poste fièrement face à son protégé, tendant ses mains en invitation pour l'inciter à les saisir, et ainsi s'aider de ses appuis pour se redresser sur ses jambes.
Pantois un petit instant, Izuku papillonne des cils à cinq ou six reprises, la bouche entrouverte et le regard surpris.
Mais, acceptant malgré tout son défi, il pince ses lèvres en signe de concentration, gonflant sa poitrine pour se donner autant d'élan que de courage, avant de mêler ses paumes à celles de Katsuki.
Serrant ses phalanges pour s'agripper aussi fort qu'il le peut, il prend le temps de positionner correctement ses deux pieds contre le carrelage avant d'entreprendre de forcer sur ses genoux.
Lentement, et avec l'aide vaguement dissimulée de Katsuki qui tire doucement sur ses avants bras, il grandit progressivement sa position, mesurant son souffle et ses mouvements pour ne pas s'emballer dans ses gestes.
Puis, convenablement debout, ses mains dans celles de Katsuki et son regard cherchant l'approbation dans le sien, il sourit timidement en attardant ses yeux au fond des siens.
_ Je suis debout.
Etirant franchement ses lèvres, sans chercher un instant à dissimuler sa soudaine fierté, Katsuki hoche la tête en soupirant de satisfaction.
_ Ouais. T'es d'bout.
Enfin, l'aidant alors à traverser les quelques mètres qui les séparent de la table, une main pressée dans son dos et l'autre maintenant son poignet, il le guide jusqu'à une chaise.
Et, quand bien même il lui semble que le court trajet s'étale sur plus d'une minute, aucune impatience ne pourrait, en cet instant, égaler ce soulagement de voir Izuku debout juste à côté de lui, son front atteignant la hauteur de son menton.
Arrivant à destination, Izuku se laisse doucement retomber sur son assise offerte, prenant place devant le plateau de la table en posant ses avant bras dessus, le visage rayonnant de sa victoire matinale.
Puis, silencieusement, Katsuki s'éclipse pour une ou deux minutes, s'en allant chercher, comme promis dans sa tête, de quoi nourrir le ventre de son tutoré.
Ramenant devant lui un bol rempli de nourriture sucrée, ainsi qu'une cuillère pour accompagner le repas, il l'incite à se débrouiller tout seul, l'abandonnant une nouvelle fois pour récupérer son matériel de coiffeur improvisé dans la chambre, avant de revenir presque aussi rapidement qu'il était parti.
_ Tu manges, moi j'te coiffe.
Il le sait, cette journée leur réserve encore tout un tas d'événements, alors que, une fois le repas finit, il leur faudra se lancer dans une ribambelle d'exercices conseillés par les médecins de l'hôpital.
Alors, profitant autant que possible de ce dernier moment de calme réel, les deux mains dans les cheveux d'Izuku, pendant que ce dernier s'applique à ne pas salir ses vêtements en manipulant ses couverts, Katsuki s'autorise à apprécier cette délicatesse qu'il ne se connaissait pas par le passé.
Puis, la tresse correctement nouée, et ce premier repas de la journée entièrement avalé sans avoir tâché la tenue d'Izuku, ils se laissent aller tous les deux à un soupir à l'unisson, appréhendant sans doute la suite de la matinée.
Aussi tranquillement qu'il le peut, Katsuki vient s'installer sur la chaise faisant face à celle de Deku, étalant sur la table l'habituelle photo de classe, ainsi qu'un simple jeu pour enfant, de ceux que le médecin lui a conseillé.
Rien de plus qu'un banal tas de petites cartes cartonnées, qu'il étalera tout à l'heure face cachée, et qu'Izuku devra réunir par paire, entrainant sa mémoire immédiate et sa logique bien amochées.
Mais, dans un premier temps, il le met simplement face à cette photographie, déjà arpentée des dizaines de fois, et dont certains visages restent dissimulés.
Pointant du doigts des silhouettes au hasard, Katsuki observe consciencieusement les mimiques d'Izuku qui, concentré sur sa réflexion, tente de ne pas se tromper dans les identités de chacun.
Et pour la première fois, enfin, c'est un carton plein, alors qu'il reconnait toutes les personnes indiquées sans la moindre erreur.
Katsuki ne lui dira pas, naturellement, mais il n'en reste pas moins absolument fier de lui et de ses progrès, affichant néanmoins un sourire satisfait.
_ Katchan ?
_ Hm ?
L'expression plus timide, pinçant ses lèvres en détournant légèrement le regard, Izuku semble avaler difficilement sa salive, un murmure vraisemblablement coincé dans la gorge.
_ Je suis désolé, pour cette nuit.
Soupirant, Katsuki roule des yeux en affaissant ses épaules, soufflant l'air de ses poumons comme une réprimande discrète.
_ Arrête un peu de t'excuser pour rien.
_ Je sais. Pardon ...
C'est vrai, Katsuki n'a que trop peu dormi, et les cernes sous ses paupières attestent de sa courte nuit.
C'est vrai aussi, il ne se cache pas l'inquiétude mordante qui a soulevé son estomac pendant de longues heures, alors qu'il observait le sommeil de Deku en ressassant cette impressionnante crise.
Egalement, il ne se mentira pas au sujet de la douleur de compatie qui a noyé sa poitrine quand Izuku ravalait péniblement ses larmes de détresse, la tête emprisonnée dans ses deux mains.
Mais il savait, oui, même s'il ne pouvait qu'imaginer de loin, que rien de tout ça ne leur serait facile, autant pour l'un que pour l'autre.
Il s'y attendait un peu, quand bien même la fatigue le surprend plus que de raison, à ce que son quotidien bascule comme un plateau renversé.
Et, depuis le début, il agit en connaissance de cause.
_ C'est pas grave Deku.
Non, c'est vraiment pas grave.
Autant de fois qu'il le faudra, quitte à étirer les cernes d'un demi kilomètre le long de ses joues, il viendra l'aider à s'endormir si tel est son besoin.
Il passera la moitié de ses nuits à veiller sur ses rêves aussi.
Parce que c'est pour ça qu'il est là.
Pour redessiner à Izuku sa vie perdue comme on rédige un palimpseste*, pour accompagner son évolution dans son corps abimé et sa mémoire cassée.
_ Dis Katchan ?
_ Hm ?
_ Est-ce que je peux voir les autres visages maintenant ?
Soudain gêné par sa question, aussi légitime soit elle, Katsuki s'extirpe de ses réflexions pour chercher son regard curieux, pesant à son esprit le pour et le contre.
A l'heure actuelle, il sait combien les souvenirs d'Izuku demeurent bancales, et combien l'excès d'informations peut le dépasser jusqu'à le blesser de l'intérieur.
Du reste, avec la crise encore trop fraiche de la nuit passée, il doute qu'il soit une bonne idée de parler de ses camarades envolés aujourd'hui.
Pas que Katsuki tienne à lui faire des secrets, ni à lui interdire quelque information que ce soit, mais il reconnait volontiers qu'il craint d'avance le moment de lui dévoiler cette vérité moche à entendre.
Sans doute n'est-il simplement pas prêt à le verbaliser avec des mots aussi, à raconter les morts et les deuils, et peut-être commet il une erreur en retardant l'échéance.
Mais, ce matin, heureux de ses deux victoires de la journée, gâcher ces réussites avec des récits de guerre ne lui inspire rien de bon.
_ Pas tout d'suite Deku. Pas aujourd'hui.
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* Palimpseste : parchemin dont la première écriture a été effacée, permettant d'y inscrire une nouvelle.
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Hey ! :)
Bon ! On dirait peut-être pas comme ça, mais on avance !
En fait, il faut garder à l'esprit que, une fois que tout sera bien installé, les événements vont s'accélérer, et sûrement laisser de moins en moins de place à certains détails.
Alors, même si j'ai conscience que ça peut paraitre un peu long par moment, je me dois d'en passer par là pour ne pas négliger certains aspects de l'histoire.
J'espère que vous ne vous ennuyez pas malgré tout à travers les chapitres <3
Je ne vous embête pas longtemps aujourd'hui 😊
Je vous fait plein de bisous 😘
Prenez soin de vous ❤
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