Chapitre 18 : Quelques sentiments
Février. Le second mois de l'année, l'avant-dernier mois de l'année scolaire. Le mois d'hiver où le froid s'épaissit, la neige persiste et la météo est plus que grise.
Peu de touristes visitèrent le château de Nagoya, les musées furent comme en pause aussi. Le tourisme fut limité ce mois-ci, mais la ville resta des plus vivantes.
Nagoya... Une ville singulière, moderne et remplie de lieux typiques tels que le sanctuaire, les temples, les musées, les onsens, l'aquarium ou le zoo botanique.
Et quand j'étais au lycée, les examens commencèrent. Que ce soit ceux de fin d'études ou les entrées à l'université.
Mais comment expliquer aux touristes que la plupart de leurs lieux préférés étaient gérés par une organisation criminelle ?
Plus le temps passait, et plus je me salissais les mains pour l'organisation. Mes poings étaient devenus une arme. Que ce soit d'innocents ou ceux qui essayaient de mettre à l'envers notre groupe.
Au fil du temps, je réalisai que ce que je faisais n'était pas toujours bien. J'étais certes bien payée, mais je détruisais des vies. Que ce soit mentalement ou physiquement.
En activité, je gardais mes émotions en pause pour ne rien montrer. En revanche, quand j'étais toute seule chez moi... Tout s'embrouillait par des pensées.
"Est-ce que c'est bien de faire ça pour l'argent ?" me demandai-je. "Pourrais-je quitter l'organisation un jour sans perdre quelque chose ?"
Certes, j'étais une fille forte... Mais il m'arrivait de me demander à quoi ressemblerait ma vie si mes parents n'avaient pas été tués dans cet incendie. Ou si Hoki ne m'avait pas laissée seule à l'époque. J'aurais les cheveux longs, un corps fin, la capacité de mettre un uniforme correctement, j'aurais ouvert mon propre club d'arts martiaux... Et qui sait, je n'aurais peut-être pas ou plus ce foutu blocage.
Mais bon. Cela ne servait à rien de rêver d'une vie qui n'existait pas. J'avais une mauvaise réputation, j'étais sûre de rater mes examens de fin d'année, et des tatouages à vie.
Au fil des jours, mes tâches varièrent de moins en moins. Je devins principalement un genre de garde du corps. J'ignorais pourquoi Monsieur Takahi m'accordait une telle confiance, si bien que les autres pensaient que c'était du favoritisme. Je le pensais aussi, mais je ne me voyais pas lui poser la question.
Mais, tout compte fait... Ce boulot avait un avantage qui me mit en joie.
Comme être la garde du corps du groupe 6-Shoku et de voir leur dernier concert.
Bien sûr, je n'étais pas toute seule. Mais ce soir-là, les filles allaient présenter leur meilleur concert.
La scène fut placée à l'extérieur, dans l'un des plus grands parcs de la ville. Les billets furent vendus en moins de vingt-quatre heures et les places furent complètes. L'organisation, aidée par la mairie, s'occupa de l'organisation de la soirée.
Il y avait un monde fou... Des fans de tout âge, prêts à assister au concert malgré le froid. Tout le monde était chaudement habillé, même les chanteuses qui avaient chacune des costumes à la fois hivernaux et colorés.
Tout le monde attendait. Je jetai un œil à l'extérieur tandis que j'étais avec les filles dans leurs loges, et elles stressaient atrocement.
"C'est la première fois qu'on va chanter devant autant de monde !" prononça Kiiro en s'agitant dans tous les sens. "Je streeeeeeesse !"
"Calme-toi," stoppa Aoi en posant ses mains sur les épaules de la benjamine, "garde ton énergie pour la scène. On va aussi leur présenter notre dernière chanson, alors il ne faut pas perdre nos moyens."
Kiiro et Aoi essayaient de se calmer à leur manière... En criant plus fort. Je les écoutais sans vraiment prêter attention. Mais l'approche d'Aka attira mon attention :
"Suji. Je peux te parler, s'il te plaît ?"
Je redressai mon dos avant de me tourner vers elle. Aka venait tout juste d'enfiler son costume pailleté rouge et orange. Elle était drôlement jolie dedans. La leader du groupe semblait aussi mal à l'aise. Elle se tripotait les mains en ayant un visage nerveux fixé sur le sol.
"Tu stresses aussi, Aka...? Ça va aller ?" lui demandai-je en la regardant.
-O-oui, ça va aller. Ça ira mieux quand je monterai sur scène...
Sa voix était hésitante, mais Aka me souriait quand nos regards se croisaient. En arrière-plan, on entendait encore Kiiro et Aoi.
Il y eut un léger silence avant qu'Aka secoua la tête et reprit la parole d'un visage plus sûr :
"Tu sais, il faut que je te parle d'un truc. Quand j'ai commencé ma carrière, j'ai toujours espéré te revoir dans le public. Mais il n'y avait que des mecs. Et je ne sais pas si tu le sais, mais j'ai contacté ta sœur sur les réseaux sociaux pour prendre de tes nouvelles et essayer de te retrouver. Elle m'avait envoyé balader."
-J'avais le même look que la dernière fois quand je venais au concert," lui répondis-je calmement. "Et pour Hoki, je ne suis même pas étonnée."
-Mais en tout cas, je veux que tu saches que je suis vraiment contente de t'avoir retrouvée, Suji...
Je cachai mes émotions, mais cela ne voulait pas dire que je ne repérais pas les émotions des autres. Aka était gênée. Ses joues étaient presque aussi rouges que ses cheveux colorés, elle frottait frénétiquement sa chaussure contre le sol et son regard osait à peine me regarder. Elle a toujours été émotive, et je sentais qu'elle tenait à moi.
Je poussai un léger soupir avant de lui répondre :
"Moi aussi, Aka. Je ne tiens pas spécialement aux gens, mais je me suis sentie mal de t'avoir laissée. J'avais l'impression de t'avoir abandonnée. Je suis encore désolée."
J'avais l'impression que mes paroles palpitaient davantage le cœur de la cadette. Son visage fit une sorte de volte-face. Elle écarquilla des yeux, prit une inspiration et son regard se figea comme si on venait de lui faire une déclaration.
C'était à se demander si Aka n'était pas un peu amoureuse de moi.
Et justement, au moment où elle reprit la parole, Aka leva doucement ses mains et prit les miennes :
"Suji, il faut que tu saches... Je-"
Mais l'oreillette que j'avais dans l'oreille émit un son. Je reculai d'un pas en l'enfonçant, entendant l'alerte d'un collègue. Dans la lancée, je repris mon esprit neutre en m'adressant aux trois filles :
"Ah. Il est l'heure de monter en scène, les filles."
Kiiro et Aoi arrivèrent à toute vitesse, tandis qu'Aka mit un léger temps silencieux avant de suivre ses amis.
Visiblement, j'ai coupé quelque chose.
J'accompagnai le groupe jusqu'à la scène avant de me positionner à mon poste pour surveiller le public devant la scène.
Le concert dura quelques heures. À part deux excités qui tentèrent de grimper la barrière, que j'ai facilement maîtrisés, le concert se passa très bien. Je pus également profiter du concert, et leur nouvelle chanson était super top.
Quelques heures plus tard, les filles enfin en repos dans leurs loges, monsieur Takahi vint les voir et les félicita. Elles étaient épuisées mais semblaient contentes de leur performance.
Quand je rentrai chez moi, il était très tard. J'étais moi-même fatiguée. Je pensai qu'Aka reviendrait vers moi dans la soirée, mais elle préféra rester avec ses amies. Et je la comprenais parfaitement.
Mais ma nuit était loin d'être finie.
Car à peine passai-je la porte de chez moi, mon téléphone se mit à sonner. Je regardai mon écran avant de décrocher :
"Allô ?"
-Bonsoir, madame Taino Suji ?
-Euh, oui... ? Qui est à l'appareil ?
-Excusez-moi de vous déranger. Ici la docteure Kemono, de l'hôpital Red Cross de Nagoya. Je vous appelle car vous êtes le contact d'un patient que nous venons de recevoir aux urgences. Il s'agit de monsieur Douboushi Kyou.
-Douboushi ? Qu'est-ce qu'il lui arrive ?
-Il est arrivé à l'hôpital avec plusieurs blessures. Pouvez-vous venir à l'hôpital ?
-J'arrive tout de suite.
J'ignorai pourquoi j'étais le contact d'urgence de Kyou, mais il semblait qu'il ait été sacrément blessé.
Et il était hors de question que je laisse mon ancien senpai seul.
Par mes moyens, je me rendis à l'hôpital. Avec le sentiment et l'angoisse que Kyou était en danger.
"Mais qu'est-ce qu'il a foutu ?"
...
Arrivée là-bas, j'informai mon arrivée à une infirmière. Je fus ensuite rapidement rejointe par une médecin, et cette dernière m'expliqua la situation.
"Ce jeune homme est arrivé à pied. Il a reçu deux coups de couteau dans l'abdomen. Il était à deux doigts de nous lâcher, mais son état est désormais stable. Fort heureusement, ses organes vitaux n'ont pas été touchés. Nous avions pu lui faire une transfusion et stopper son hémorragie."
-Il est arrivé tout seul ?
-Les infirmières n'ont vu personne d'autre. Je vous accompagne dans sa chambre.
La femme médecin me laissa devant une porte de chambre. Je glissai la porte avant d'entrer.
La scène était évidente : Kyou était dans le lit, les bandages entouraient son torse nu, avec une perfusion de sang. Ses yeux étaient vagues, à peine conscients.
Je m'approchai en le regardant. Et bien que j'eusse l'impression de savoir ce qui s'était passé, ce que je voyais ne me plaisait PAS du tout.
Il était tard, j'étais fatiguée... Mais je n'allais pas lâcher l'affaire.
J'allais le faire parler.
"Douboushi...?" prononçai-je en m'asseyant sur le tabouret à côté. "T'es conscient ou tu planes ?"
Kyou ne répondit pas. Son regard divaguait en ma direction, mais il n'eut aucune réaction. On aurait dit que la morphine l'avait atteint.
Je me rappelai de la conversation que nous avions eue chez moi, à propos de la future dissolution du clan. Je ne pouvais imaginer ce qui s'était passé : La base du clan n'était pas loin de l'hôpital, une heure idéale pour une réunion...
Et cela avait visiblement dérapé.
"Kyou." Répétai-je d'un ton plus dur. "C'est le clan qui t'a fait ça ?"
-Ti... gresse... J'ai la tête qui tourne....
-Réponds-moi ! C'est le clan qui t'a fait ça ?!
-... J'suis désolé... Je m'y attendais pas...
Mon esprit s'embrouilla. D'habitude, l'esprit de vengeance n'était pas mon fort. Mais en me rappelant de mon exclusion du clan suite à avoir poignardé un gars en voulant protéger mon mentor... La roue avait tourné.
Ils en étaient venus au second chez du clan, peu importaient les conséquences.
Et la haine me prit si vite, que j'avais pour but de moi-même mettre fin au clan.
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