Ultimatum - Chapitre 4
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– MAIS MERDE ! s'emporta Changbin en attrapant le col de Minho pour le tirer en arrière. Je vais finir par croire qu'une taupe se cache parmi nous ! Comment pouvaient-ils savoir pour ce soir ?
Minho entendit un sifflement passer au-dessus de ses cheveux et fut renversé lorsque son ami le tira de nouveau hors du champ de tirs. Il profita de leur instant de répit pour souffler et constater l'étendue des dégâts.
Changbin n'avait que quelques éraflures au visage et sur les bras, ainsi qu'un énorme hématome qui se formait déjà près de son épaule. Le brun avait l'air aussi essoufflé que lui, sa respiration sifflante et les membres tremblants sur son arme alors qu'il vidait le chargeur pour le remplacer par un nouveau.
Minho fut pris d'une nouvelle quinte de toux et cracha sur le côté, la bouche envahie par un goût chaud et métallique. Malgré toutes ses précautions, il n'avait pu éviter tous les tirs et sentait son épaule le tirailler chaque fois qu'il visait avec son arme. Un frisson d'air froid le traversa et il se remit sur pieds en ignorant la douleur. Ils ne pouvaient pas rester là éternellement.
Faisant signe à son compagnon de le suivre, il s'engagea de l'autre côté du conteneur et rasa les parois de tôle en s'y appuyant à moitié. Ils devaient battre en retraite s'ils ne voulaient pas finir troués sous les tirs du gang adverse.
Manque de chance, ils tombèrent sur un autre groupe au tournant. Minho dégaina aussitôt son pistolet et couvrit son ami tandis que celui-ci courait vers les grillages en tirant à l'aveugle sur tout ce qui bougeait. Il se réfugia derrière un vieux baril et entendit l'un de ses adversaires pousser un cri de douleur en recevant une balle. Il profita du chaos pour fuir à son tour vers les grillages où Changbin avait déjà cisaillé et traversé.
– Retraite les gars ! cria Chan dans l'oreillette. On a eu ce pourquoi on venait, maintenant, c'est le moment de détaler. Coupez toute communication et cassez-vous.
Minho coupa la sienne et arracha l'oreillette pour la jeter dans les buissons. Son ami le plaqua presque au sol lorsqu'une nouvelle vague de tirs plut sur eux, puis lui sourit en introduisant son dernier chargeur dans son arme.
– Trouve-toi une planque où te raccommoder, on se rejoint au QG dès qu'on aura semé ces abrutis. Bonne chance !
– Toi aussi.
Aussitôt, ils prirent un chemin différent, Changbin s'enfonçant dans le mini bois tandis que Minho le longeait pour rejoindre la ville. Il accéléra l'allure en percevant les cris de plusieurs hommes, et cassa les chaînes d'un entrepôt avant de poursuivre son chemin. Au plus il en semait, au plus il aurait de chances de s'en sortir sans courir. Il doutait d'en avoir encore la force après ce soir.
Une explosion manqua de le renverser et il tourna vivement la tête vers son origine. Bien que les entrepôts lui cachent la vue, il pouvait discerner les volutes de fumée et la lueur orangée qui se profilaient sur les contours des bâtiments. Un sourire naquit sur ses lèvres. Chan avait l'art de peaufiner ses sorties. Il en profita pour accélérer la cadence et disparaître dans les ruelles de la ville. Une fois arrivé dans les quartiers pavillonnaires, il serait tranquille.
***
La lumière de sa fenêtre était encore allumée et filtrait à travers les volets. Minho se détacha du mur et se redressa pour se diriger vers l'une des entrées de l'immeuble. Il ne savait pas exactement pourquoi il était venu jusqu'ici. Ou plutôt, il savait pourquoi mais connaissait aussi les dangers de cette idée.
Il ne serait pas à proprement parler caché, mais il ne l'aurait pas non plus été au bar ou à son appartement. Or, il était trop amoché pour rester au froid ou venir se réfugier chez quelqu'un en qui il n'avait pas confiance.
La réaction du brun fut à la hauteur de ses attentes. Ses lunettes rondes remontées sur le nez et les sourcils froncés, Jisung ne semblait pas en croire ses yeux, et le lui fit très rapidement savoir :
– Pitié, dis-moi que je rêve et que tu n'es pas assez con pour te pointer chez moi, soupira-t-il en se pinçant l'arête du nez d'un air las.
– Tu ne rêves pas, j'ai probablement été con. Et maintenant, tu me laisses entrer, ou je retourne dehors ? rétorqua Minho en plaçant son pied dans l'entrouverture au cas où le plus jeune aurait l'idée de lui refermer la porte au nez.
Jisung ouvrit un peu plus l'entrebâillement de la porte et l'examina d'un air impassible, avant de se crisper à la vue des tâches sombres que Minho savait étendues depuis sa fuite. Il avait eu de la chance et n'était tombé sur aucun membre ennemi en cours de route, mais avait tout de même traversé la ville en prenant des ruelles étroites et des chemins impraticables, au cas où il serait suivi. Son escalade d'un grillage du voisinage et du muret de la résidence avait définitivement rouvert sa plaie, qu'il sentait tirer à chaque mouvement et dont le sang s'écoulait doucement, imprégnant sa veste. L'expression du plus jeune s'assombrit et il se décala pour le laisser passer, ses yeux scannant la moindre autre blessure qui lui aurait échappé.
– Rentre, je ne voudrais pas que les flics me tombent dessus parce qu'un corps a eu le malheur de se vider de son sang sur mon paillasson, bougonna-t-il pour la forme. Pas besoin de t'indiquer la salle de bains, tu sais encore où elle est, j'imagine ?
– Merci, souffla Minho en pénétrant dans l'appartement.
Avant qu'il ne vienne sonner à sa porte, Jisung ne dormait pas, comme en témoignaient les manuels et fiches de cours éparpillés sur la table de la cuisine. Il continua son chemin et attrapa immédiatement la trousse de secours qui était rangée dans le placard sous le lavabo. Il s'installa sur le rebord de la baignoire et commença à retirer son haut pour atteindre sa plaie la plus grave. Jisung ne le quittait pas des yeux, appuyé contre la chambranle de la porte. Minho fit mine de l'ignorer et attrapa les compresses pour nettoyer sa plaie. Le silence s'installa, lui occupé à désinfecter ses blessures, et Jisung à le scruter sans faire le moindre bruit ou geste dans sa direction.
– Tu ne m'as pas écouté, finit-il cependant par lâcher.
Minho ne releva pas la tête, pas plus qu'il ne répondit. Il déposa sa compresse ensanglantée sur le rebord et en extirpa une autre du paquet. Cela n'empêcha pas le brun de poursuivre sur sa lancée.
– Je t'ai dit que Venom savait pour le port et les bateaux.
Voyant que Minho ne réagissait toujours pas, Jisung capitula et s'avança enfin dans sa direction. Il s'approcha et lui tint la bouteille de désinfectant tandis qu'il jetait une autre compresse. Minho le remercia d'un faible mouvement de tête et se redressa pour atteindre son épaule.
– Je t'ai également demandé de ne pas revenir ici.
– Je t'ai écouté, répondit finalement Minho en croisant son regard. J'ai prévenu les miens que Venom savait. Nous nous sommes rabattus sur l'autre port, et avons eu raison. Les caisses ont été déchargées là-bas.
Il y eu un léger flottement, le brun coupé court dans ses reproches.
– Oh... d'accord, bredouilla Jisung en s'écartant pour déposer les compresses sales dans la petite poubelle, avant de s'adosser contre le lavabo. Je l'ignorais.
Il détourna le regard et se prit d'intérêt pour le tapis de salle de bains. Minho perçut néanmoins ses muscles se relâcher et son expression s'adoucir. Il ne le lâcha pas du regard, et manqua même de renverser du désinfectant à côté de sa compresse.
– L'un d'eux a voulu me descendre mais n'a réussi qu'à toucher l'épaule... Bin'-... un des miens l'a salement amoché.
– Tu as conscience que je sais qui est Changbin, hein ? lui confia Jisung avec un sourire hésitant. Je ne l'ai révélé à personne, tu n'as donc pas besoin de cacher son nom avec moi.
– Ce gars, qui était avec toi lors de... lors de l'assassinat de William Stride. Ton complice ? Il l'a probablement tué à l'heure qu'il est. Ou alors, il a été pris dans l'explosion. Désolé.
– Seo-joon ? Mon complice ? Seo-joon n'était qu'un déchet collé à mes baskets, sa mort est loin de me déplaire, riposta sèchement Jisung, tranchant avec son expression d'il y a quelques instants.
– Ah.
– Si ton ami ne l'avait pas tué, je l'aurais probablement empoisonné au cyanure pour lui faire passer l'envie de fouiller dans mes affaires.
Minho grimaça à la mention d'empoisonnement. Il savait depuis la mort de Stride que Jisung était Pavlova, mais l'entendre menacer de tuer quelqu'un au cyanure tranchait peut-être encore un peu trop avec l'image de Jisung qu'il avait construite et côtoyée tout ce temps. Le brun dut d'ailleurs remarquer sa crispation, car il ajouta d'un ton désolé :
– Pardon. Trop tôt ?
– Disons que je ne suis pas encore pleinement habitué, confessa Minho avec un petit rire.
– Pourtant, je ne me suis jamais caché. Pas vraiment, ajouta-t-il d'une voix penaude. Si tu avais creusé, tu aurais probablement deviné depuis longtemps.
Pris d'une soudaine envie de rire, Minho se retint. Évidemment. Formulé comme ça, fouiner dans son passé paraissait couler de source. Comme s'il s'était méfié un seul instant de Jisung. Il reporta son attention sur la compresse qu'il tenait appuyée contre son épaule.
– Ce n'est pas exactement dans mes habitudes de fouiller dans la vie des gens, encore moins de ceux auxquels je tiens, ne put-il s'empêcher de rétorquer vivement.
Et pourtant, à l'instant même où il termina sa phrase et devina le haussement de sourcil du plus jeune, il sut que ce n'était pas vrai. Il avait toujours été méfiant de tous, gardé ses distances avec ses propres membres de gang pendant plusieurs mois, cherché à dénicher quelques informations sur chacun. Il ne s'ouvrait qu'une fois certain qu'il pouvait avoir confiance, ou lorsqu'il avait une arme sûre en cas de trahison.
Mais pas Jisung.
Minho se souvenait parfaitement des émotions qui s'étaient bousculées en lui à leur rencontre. Il avait toutes les raisons de se méfier à ce moment-là : un étudiant comme Jisung n'avait rien à faire aux alentours d'un bar de malfrats, accompagné d'un acteur aux fréquentations peu recommandables. Il n'avait aucune raison de se disputer avec le dit-acteur, tout comme les tirs auraient dû mettre la puce à l'oreille de Minho. Toute apparence innocente cachait un vice ou un secret, même un étudiant à la bouille d'ange. Il aurait du se méfier de Jisung comme il s'était d'abord méfié de Jeongin ou des autres membres de Stray. Même de Félix.
– Je ne suis pas non plus innocent dans toute cette histoire, lui concéda Jisung avec hésitation. J'ai aussi un peu menti.
– Un peu ?
– Ok, beaucoup menti. Et pour ta défense, peu de personnes se méfient de moi, ajouta-t-il en rigolant. C'est littéralement la raison pour laquelle je suis aussi doué dans ce que je fais.
– Tu veux dire, pour tuer des gens ?
Ce fut au tour de Jisung de grimacer. Il se détacha du lavabo où il s'était adossé et vint s'installer à côté de lui. Minho le regarda balancer ses jambes devant lui, et garda le silence.
– Je croyais que tu n'étais pas habitué.
– Sung', je suis membre d'un gang, et avant de le rejoindre, je vivais dans la rue et faisais la même chose au Japon. Je sais ce que ça fait de tuer quelqu'un, sûrement depuis plus longtemps que toi d'ailleurs.
Il mit quelques secondes à réaliser et se replongea dans le silence à l'instant même où il reprit conscience de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Jisung ne sembla pas se tendre, aussi pensa-t-il qu'il ne l'avait pas vraiment entendu.
– Ça faisait longtemps, souffla le plus jeune. Le surnom, je veux dire. La dernière fois, c'était quand tu m'as coincé au pied de l'immeuble.
Tout en parlant, il s'était rapproché de lui. Il prit le relais en écartant la main de Minho pour nettoyer la plaie, et dut la juger suffisamment propre car il attrapa à la place des nouvelles compresses propres ainsi qu'une bande enroulée sur elle-même.
– Et où tu m'as gentiment injecté un sédatif pour cheval, souligna Minho, peut-être avec un peu trop de zèle.
– Un sédatif pour cheval, rien que ça ! s'amusa l'intéressé en lui frappant l'épaule.
Minho réagit aussitôt et poussa une plainte en ayant un mouvement de recul. Jisung se confondit en excuses, un sourire mi-attendri mi-désolé sur les lèvres. Il plaça la main du rouquin sur les compresses, puis déroula la bande pour l'enrouler autour de son épaule. Minho leva le bras pour lui faciliter la tâche.
– Tu exagères un peu, tu ne crois pas ? Avec un sédatif pour cheval, je ne t'aurais pas endormi, je t'aurais tué. Et je mets toujours un point d'honneur à bien doser mes aiguilles !
Un ange plana, avant que Minho n'éclate de rire. S'il ne lui avait pas injecté un tranquillisant pour animaux, il ne voyait pas ce que c'était !
– Si j'avais voulu te tuer, je n'aurais pas utilisé ces aiguilles de toute façon, renchérit-t-il, une pointe de fierté perceptible dans sa voix.
– Voilà qui est très rassurant. Tu portes toujours tes aiguilles sur toi ?
– Seulement quand je ne suis pas avec toi.
Il avait murmuré cette dernière phrase, et Minho sut qu'il était définitivement tombé au moment même où il l'entendit. Il devina également au silence de Jisung que celui-ci avait les joues brûlantes, ou le regard fuyant. Une envie irrépressible et folle le prit : celle de relever la tête pour croiser son regard.
– Pourquoi ? Je ne constitue pas une vraie menace ? le taquina-t-il en s'exécutant, la voix moins posée qu'il ne l'aurait souhaité.
– Je ne suis pas stupide, tu me grillerais trop facilement avec des aiguilles dans les manches... Et où est-ce que j'irais les cacher quand tu me déshabilles ? ajouta Jisung en venant achever sa phrase près de son oreille.
– Et tu les portes, là ?
Jisung fit la moue, visiblement embêté. Il lâcha la bande et releva ses manches, où étaient disposées plusieurs aiguilles. Minho lui prit un des poignets et fut admiratif de la simplicité et pourtant de l'ingéniosité du gadget. Celui-ci se composait uniquement d'une bande dans laquelle étaient plantées délicatement des aiguilles de plusieurs tailles. Les divers sérums attachés se voyaient à peine, tant ils étaient en petite quantité, et chaque aiguille arborait un embout différent.
– Je n'avais pas exactement prévu ton arrivée, donc oui. Mais je peux les enlever si tu veux.
– Je ne t'ai jamais vu faire d'expériences ou de mélanges..., murmura-t-il sans relâcher ses poignets. Tu les faisais à l'université ?
– Pour me faire radier ? Sûrement pas. De toute façon, je ne suis qu'un assistant, je n'ai pas accès à tout. J'ai une petite cave à mon nom près d'ici, où je range tout mon matériel, et je me fais fournir les substances sous un faux nom.
– Pavlova ?
Le brun laissa échapper un petit rire et reprit la bande là où il l'avait laisser pendre pour terminer le bandage.
– Non. Un autre nom encore.
– C'est Venom qui te fournit ? se risqua Minho en feignant un ton décontracté.
– Non.
– Tu ne veux pas me le dire ?
– Connaître mon fournisseur ne te servirait à rien. Je fabrique mes poisons.
– Je peux toujours chercher dans tes dépenses.
– Tu savais que n'importe quelle chose constitue un poison du moment qu'on joue sur les doses ? Si je le voulais, je pourrais te tuer avec des abricots.
– Pour moi, la seule manière de tuer avec un abricot est de l'enfoncer dans la gorge de quelqu'un, marmonna-t-il.
Jisung laissa échapper un gloussement, puis se reconcentra sur sa tâche. Il acheva d'enrouler la bande et accrocha la pince pour tenir, avant de venir tapoter le torse de Minho. Celui-ci baissa son bras et tenta de mouvoir légèrement son épaule, malgré le bandage serré. Toujours sans lui répondre, Jisung jeta les compresses usagées dans la poubelle, puis rangea le reste du matériel dans la trousse avant de la remettre à sa place. Puis, avec un petit sourire, il revint se poster à quelques centimètres de Minho, et plaça ses doigts sous son menton pour l'obliger à lever la tête vers lui.
– Pourquoi toutes ces questions ? demanda-t-il sans parvenir à contenir l'émotion de ses yeux.
– Tu sais tout de ma vie, à la fois comme barman et comme gangster, répondit Minho en toute sincérité. Mais moi, je ne sais presque rien de ta vie.
– Tu en sais déjà beaucoup.
Il avait soufflé ces mots, d'une voix profondément douce. D'une voix qu'il n'employait que dans de rares occasions, lorsqu'ils étaient seuls, lorsque l'ambiance s'y prêtait. Et pourtant, Minho décela la tristesse derrière ses paroles. La main du plus jeune dériva sur sa joue, et sans le quitter du regard, Minho vint à la rencontre de sa paume. Il vint déposer sa propre main sur la sienne.
– Dans ce cas, je n'ai qu'une question.
– Pose-la alors. J'y répondrai.
– Pourquoi m'avoir prévenu ? Pourquoi m'avoir caché de Seo-joon ? Pourquoi ne pas m'avoir tué, ou tué Changbin quand tu en avais l'opportunité ?
– Ça fait plus d'une question, fit remarquer Jisung avec un petit rire, avant de s'installer sur les cuisses de Minho. Et je ne pense pas que tu aies réellement besoin de ma réponse, tu la connais déjà.
– Je veux l'entendre.
– Laquelle tu préfères ? Celle où je te dis que je n'appartiens pas à Venom et donc que je ne leur dois aucune loyauté, ou bien celle où je te dis que je suis profondément amoureux de toi et que même en sachant à quel point ça pouvait mal finir, je suis resté par égoïsme ?
– Les deux.
Un sourire fleurit sur les lèvres du plus jeune. Avec hésitation, Jisung crocheta ses mains derrière sa nuque et s'approcha pour venir poser ses lèvres sur les siennes. Minho resta immobile quelques secondes, avant de retrouver l'usage de son corps. Il se colla au corps brûlant de Jisung pour approfondir leur baiser et vint l'emprisonner d'un bras fermement entouré autour de sa fine taille. Il l'entendit pousser une plainte étouffée contre ses lèvres et se sentit immédiatement perdre pied. Ce n'est que lorsque Jisung parvint à passer la barrière de ses lèvres qu'il redescendit sur Terre.
Réalisant leur situation, Minho se détacha du plus jeune sous les protestations de ce dernier. Il faillit flancher à sa vue. Les joues rosies et un sourire impossible à réprimer aux lèvres, Jisung avait quelque chose d'éthéré. Décontenancé, le plus jeune haussa un sourcil et resserra sa prise derrière sa nuque pour le ramener contre lui.
– Est-ce que c'est vraiment une bonne idée de faire ça ?
– Qui nous l'empêche ? le coupa Jisung en triturant ses cheveux, le regard perdu à sa contemplation.
– Venom ? Ce n'est pas pour ça que tu ne voulais pas que je revienne ici ?
– Et pourtant, tu es là. Le mal est déjà fait.
Sans rien ajouter, Minho vint lui caresser la joue du pouce et Jisung alla à sa rencontre, avide de toujours plus de contact entre eux.
– Min', oublions-les tous, ne serait-ce que l'espace d'une nuit.
Sur ces mots, il s'approcha de son visage, attendit quelques secondes qu'il le repousse, et voyant que Minho n'effectuait pas le moindre mouvement de rejet, vint lui mordiller la lèvre inférieure. Il acheva sa délicieuse torture d'un baiser chaste qui laissa Minho dans un état cotonneux.
Il le contempla un long moment, silencieux. Puis, sans réfléchir et cédant entièrement à la tentation, attrapa les cuisses de Jisung pour le ramener contre lui. Avant de grimacer de douleur. Le rire de Jisung envahit la pièce, et sans même le consulter, le plus jeune s'ôta de ses cuisses. Minho l'observa alors qu'il s'approchait du lavabo, et le rejoignit dans la seconde où il le vit retirer les bandes de ses poignets pour les ranger. Jisung le vit arriver dans la glace et se retourna à temps en grimpant sur le rebord. Sitôt Minho entre ses cuisses, il l'emprisonna de ses jambes avant de venir lui picorer les lèvres avec un sourire espiègle.
– Mieux que ça, l'intima Minho en reprenant ses lèvres sans même lui laisser le temps de répliquer.
Jisung s'exécuta et crocheta ses mains derrière la nuque. Lové contre le corps de Minho, il entrouvrit les lèvres en gémissant, ses jambes resserrant leur emprise tandis qu'il ondulait lentement son bassin. Minho lui mordilla la lèvre inférieure, puis plongea son visage dans le cou de son partenaire, pour y respirer son effluve. Si l'éternité avait le goût et l'odeur de Jisung, il voulait y séjourner à jamais. Rendu ivre par les baisers déposés dans son cou, un véritable incendie se propagea en Jisung, qui brûlait de le sentir davantage contre lui. Peinant à arracher Minho de l'attention qu'il portait à sa gorge, le plus jeune parvint finalement à lui faire relever la tête.
– Mon lit est toujours aussi étroit pour nous deux, mais il sera plus confortable que le rebord de mon lavabo, fit-il remarquer avec un sourire.
Et sans lui laisser le temps de répondre, Jisung le prit par la main, descendit du meuble et le guida jusqu'à l'autre pièce, non sans s'arrêter tous les mètres pour l'embrasser. Le temps qu'ils parviennent jusqu'au lit, Minho avait déjà oublié tout ce qui n'était pas Jisung. Électrisé par le moindre contact avec l'autre, il prit son visage en coupe et approfondit leur baiser en montant dans le lit sans se détacher de lui.
– Ne m'abandonne pas. Quoi qu'il arrive demain ou après, souffla Jisung contre ses lèvres.
– Promis, répondit-il sans hésiter.
Une seule larme coula sur la joue de Jisung. Une seule et unique larme, que Minho s'empressa d'effacer du pouce.
– Merci, murmura le plus jeune en fermant les yeux.
Cette larme fut vite oubliée lorsque Minho reprit ses lèvres. Elle fut oubliée quand ils firent l'amour, et même après. Elle fut oubliée, tout comme le reste, le temps d'une nuit. Comme ils se l'étaient promis.
***
Sa respiration lente rythmée sur celle de Jisung, Minho le laissait entrelacer et dénouer leurs doigts, la mine encore endormie, profitant de leurs quelques heures d'accalmie. La luminosité de l'extérieur peinait à filtrer les rideaux, et le jour se levait à peine, caché par la pluie et la grisaille. Mais il s'en fichait, son attention toute entière portée sur une seule personne.
Jisung se redressa le temps de trouver la bonne position de son dos, puis se lova de nouveau contre son torse, sans jamais se détacher complètement de lui. Ils étaient réveillés depuis les premières lueurs, et aucun d'eux ne souhaitait rompre ce silence apaisant. Minho savait que venir ici signait la fin de quelque chose, la fin d'un accord précaire entre Venom et Jisung. Celui-ci ne disait rien, mais il le devinait à son toucher plus insistant, à ses longs regards, à son air distrait : plus encore que lui, Jisung profitait de chaque seconde que cette « nuit » leur offrait. S'il ne voulait pas en parler, alors Minho n'aborderait pas le sujet.
La pluie laissa place au soleil, et ce fut seulement lorsque celui-ci fut pleinement monté dans le ciel que Jisung s'exprima enfin. Il se redressa lentement pour s'asseoir dans le lit. Sa voix, encore rauque de cette nuit et engourdie par une matinée somnolente, fut à peine plus forte qu'un murmure :
– Tu devrais retourner auprès des tiens. Ils doivent déjà s'inquiéter de ne pas te voir venir.
– Je devrais..., répéta Minho en laissant sa phrase en suspens.
Il n'avait pas son téléphone sous la main, mais nul doute que Changbin et les autres étaient retournés au quartier général, ou au moins avaient montré qu'ils s'en étaient sortis. C'était la procédure, et Minho savait parfaitement qu'après sa disparition de la dernière fois, les autres seraient inquiets. Et pourtant, quitter l'appartement de Jisung, c'était quitter la dernière chose qui les reliait.
Il savait. Il devinait à l'hésitation de Jisung que sa prochaine parole serait pour lui dire de partir, et de ne pas revenir. C'est pourquoi, il se redressa à son tour et vint envelopper Jisung de ses bras. Il ferma les yeux et serra son compagnon contre lui, profitant de ces derniers instants pour respirer son effluve, pour toucher sa peau, pour écouter sa respiration.
– Tu ne peux plus venir ici, finit par dire Jisung, son ton assuré démenti par la faiblesse de sa voix et le fait qu'il s'accrochait fermement au bras de Minho. Dès l'instant où tu sortiras d'ici, Venom viendra me chercher. Ils trouveront toujours un levier pour me forcer à les suivre.
– Et s'ils t'ordonnent de me tuer ? Ou de tuer un des miens ? murmura Minho en venant embrasser sa nuque.
Jisung ne lui répondit pas, se contentant de fermer les yeux en se laissant aller contre lui. Minho vint le serrer davantage, son corps épousant parfaitement le dos du plus jeune alors qu'il enroulait ses bras autour de son ventre. Les mains du brun vinrent aussitôt les lui caresser. Ils restèrent ainsi, se balançant faiblement d'un côté puis de l'autre, le menton de Minho posé sur l'épaule du plus jeune, les deux avec les yeux fermés.
◊◊◊
Jisung ne mentait pas lorsqu'il expliquait à Minho que dès son départ, Venom sonnerait à sa porte. Mais ils ne sonnèrent pas, ils se contentèrent de le cerner dès qu'il posa un pied hors de son immeuble, le firent monter dans le même van noir que la dernière fois et l'emmenèrent dans cette même pièce, où l'attendait la même personne.
Il ne repéra pas Seo-joon parmi les sbires de Saemin, et ne put s'empêcher un petit rictus de victoire. Mais celui-ci s'effaça bien vite en croisant le regard du chef. Ce dernier avait sa tête reposée sur ses doigts, l'air las mais surtout froid, sans l'ombre d'un sourire. Ce fut à peine s'il accorda un regard aux hommes qui amenèrent Jisung, cette fois-ci en le tenant par les bras comme un otage. Il dévisagea en revanche le brun comme on étudie un problème qu'on cherche à résoudre. Sûrement cherchait-il la solution à son problème, à savoir forcer Jisung. Peut-être même la tenait-il déjà entre ses mains, attendant le moment parfait pour la dévoiler.
Elle était loin désormais, cette époque où Jisung avait été approché par le gang pour devenir un de leurs tueurs à gages. Il n'avait à ce moment-là tué que quelques personnes, deux-trois tout au plus, et pour des raisons purement personnelles. La vengeance avait motivé la plupart de ces assassinats, bien que le premier ait davantage été un concours de circonstances qu'une vendetta. Il savait en venant étudier dans cette ville qu'il se mettait à la merci de tous les gangs. Et il y en avait tant ! Une ville tombée dans la délinquance et le meurtre, où seules les hautes sphères semblaient intactes quand finalement c'étaient elles qui manipulaient toute cette crasse. Jisung n'était pas le mignon d'un riche, pas plus qu'il n'était le fils d'un puissant. Son innocence, il l'avait déjà perdue en arrivant, mais jamais il ne s'était autant taché les mains qu'en gravissant les échelons. Jusqu'à atteindre son objectif : être inatteignable.
Mais il n'en était pas là. Loin de là. Jusqu'à maintenant, il n'avait appris qu'à se servir de ses armes et à les mettre au service d'un autre, en échange de ce qui pouvait le protéger : l'argent.
Mais surtout, et avant toute chose, il avait pris goût. Au point de ne plus voir son objectif premier, au point de se perdre. Il avait pris goût à la puissance qui s'accompagnait de chacun de ses assassinats, pris goût à ce talent pour les poisons, pris goût à jouer avec la vie de ceux qu'il voyait autrefois comme des personnes intouchables. Pris goût à la vengeance sans aucune justification, et sans aucune conséquence.
Depuis longtemps maintenant Jisung avait quitté cette période. Il ne s'en était pas rendu compte, mais Venom l'enchaînait depuis des années maintenant. Qui tuer, qui aimer, ils décidaient de tout alors même que Jisung était resté dans l'illusion qu'il était toujours indépendant. Aussi, lorsque Saemin prit la parole, ce fut comme une claque. Comme s'il ne réalisait que maintenant à quel point il était rattaché à Venom, à quel point il s'était perdu dans leur toile.
– Notre accord n'aura pas duré longtemps avant que vous ne le violiez.
– Je vous avais prévenu, ma loyauté ne va pas davantage à votre gang qu'au sien.
– Et pourtant, sans que l'on sache comment, Stray a su que nous avions changé de port pour les caisses de drogue, et dès l'instant où il est parvenu à fuir mes hommes, vers qui le Japonais s'est-il réfugié ? Chez vous. Vous avouerez que la coïncidence est troublante.
– Pas tant que ça, mentit Jisung en haussant les épaules et feignant l'indifférence. Vos rangs regorgent de taupes, en témoigne le nombre de personnes que j'ai dû tuer ces dernières semaines. Sûrement un de vos fameux hommes qui a eu la langue bien déliée. J'en connais un rayon sur ce plan-là, la plupart des traîtres que j'ai croisé avaient besoin de vider leur sac au premier venu.
Saemin esquissa un sourire sans joie à ces mots. Puis, il fit signe à un homme d'apporter une enveloppe et Jisung ne se retint pas de lever les yeux au ciel, feignant l'agacement. L'homme déposa l'enveloppe et sans rien demander à personne, le brun l'ouvrit pour y extirper de nouveaux clichés, ainsi qu'un dossier. Une nouvelle affaire. Sa cible ? Le Japonais.
Jisung détacha son regard de la photo de Minho, étudia un long moment le visage impassible de Saemin avant d'éclater de rire en reposant l'enveloppe et les clichés sur la table.
– C'est une plaisanterie, j'espère ?
– Pas du tout. Le Président n'aime pas la tournure que prend notre alliance avec vous, et vous fait savoir qu'il n'a plus confiance en vous.
– Facile à dire pour quelqu'un que je n'ai jamais rencontré.
– Ceci est un test de loyauté tout ce qu'il y a de plus banal : tuez le Japonais, et nous estimerons que vous méritez notre confiance et par extension, notre argent et vous, la garantie de rester en vie aussi longtemps que vous remplirez votre rôle.
– Et si je refuse ?
– Vous ne pouvez pas continuer éternellement ce petit jeu, Han Jisung. Un jour, il faut savoir choisir son camp, et cela fait bien trop longtemps que nous vous laissons jouer avec le nôtre.
– Et quel levier allez-vous utiliser pour me forcer ? Je ne gagne rien à tuer la seule personne à laquelle je tiens. Et si vous me tuez, je ne vous apporterai plus rien.
Le sourire de Saemin s'élargit et Jisung comprit à ce moment-là qu'il avait trouvé la solution. Comme imaginé dans le pire de ses scénarios, Saemin avait sous la main de quoi faire pencher la balance, ou du moins le tenir en laisse.
– Le Japonais n'est malheureusement pour vous pas la seule personne à laquelle vous tenez. Il y en a une autre, une pour laquelle vous êtes venu dans cette ville il y a plusieurs années, pour laquelle vous n'avez jamais cessé de vous battre. Une personne qui vous est très chère et que, je dois avouer, vous avez caché pendant des années avec brio. À tel point que sans preuve, je n'y aurais pas cru.
Jisung ferma les yeux un instant. Non. Avant même que Saemin ne lui jette sa dernière carte, il sut que la partie était perdue pour lui.
– Ramenez-moi le Japonais mort, ou bien je vous promets que votre frère ne vivra pas la fin du mois. Et ne pensez pas que sa mort sera rapide. Nous aussi, nous savons comment garder un homme en vie jusqu'à ce qu'il eut souhaité mourir plus vite.
Non.
Pas lui.
Pas Félix.
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