Pavlova - Chapitre 3
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C'était une première pour lui.
Il n'avait jamais cherché à contacter le gang auparavant, ou même reçu de message de leur part autres que ceux pour lui indiquer la cible et le mode d'exécution souhaité. Poison ou arme à feu, mort lente ou rapide, douloureuse et sans laisser de trace, il faisait ce qu'on lui demandait sans poser de questions. De toute façon, il savait ce qu'il arrivait à ceux qui en posaient, bonnes ou mauvaises, aux personnes concernées ou non : c'était son travail de faire qu'ils n'en posent plus aucune. Iseo avait certainement posé les bonnes questions à la mauvaise personne, avant de trahir Venom, et par extension, le Président.
Lui n'en posait jamais. Il recevait les messages, tuait les cibles et venait chercher son argent. D'ailleurs, jamais il ne se serait penché sur le gang Venom, sans lui. Autrement, il aurait été tué depuis longtemps.
Et puis, qui pourrait faire le lien entre eux ?
Il le connaissait mieux que n'importe lequel de ses collègues ou amis, mieux qu'il ne se connaissait lui-même, mieux que quiconque. Il savait comment il réfléchissait, ses faiblesses, ses forces, et même la raison pour laquelle il regardait l'obscurité à travers la vitre du bar tous les soirs sans exception, comme s'il s'attendait à voir débarquer des fantômes du passé.
Il l'observait, peut-être l'autre en avait-il conscience, il ne le savait pas. Mais il l'observait de loin, surveillant ses moindres affaires, ses moindres faits et gestes qui pourraient le faire tuer à tout instant. Parce que personne n'était à l'abri. Et surtout pas lui. Pas contre ces brutes, pas en restant là, au milieu de ces guerres de gangs, à la portée de la moindre balle perdue.
Il en savait quelque chose. Il avait été visé plus d'une fois par des balles, et toutes ces fois-là, la balle s'était perdue dans la peau d'un autre. Il en avait aussi tiré. Et certaines s'étaient logées dans le mauvais corps. Cette nuit-là, il s'était montré négligeant. Il avait réussi à fuir bien avant que sa victime ne succombe au poison, mais il avait gardé deux témoins-clé en vie. Trois personnes l'avaient vu, et seulement une était morte.
La voiture ne s'arrêta pas à l'endroit habituel. Au lieu du vieux bâtiment délabré où il allait chercher son argent et parfois prendre un nouveau dossier, cette fois-ci, la voiture se tenait devant un grand immeuble de bureau. Jisung garda son air impassible malgré l'appréhension, et suivit l'un des hommes alors qu'ils sortaient de l'habitacle. Tous les étages étaient éteints, aucune lumière n'éclairait assez pour qu'il parvienne à lire l'écriteau.
Deux des sbires l'approchèrent, sûrement dans l'optique de le traîner, mais il leur fit signe de reculer, et s'engagea de lui-même dans la petite allée goudronnée, l'allure sûre et l'air maître de ses émotions. Ce n'était probablement que de la fierté mal placée, mais il refusait de renvoyer la vision d'un pauvre étudiant désemparé. Pas après toutes ces années à travailler durement son personnage.
La montée de l'ascenseur lui parut interminable, plongée dans le silence. Jisung n'était pas très grand, mais ces trois armoires à glace n'arrangeaient rien à la crainte qui montait peu à peu. Et à l'instant même où il ouvrit la porte, il sut que la rencontre ne pourrait pas se finir bien pour lui.
La réputation de Saemin le précédait, notamment au sein de la police qui tentait de lui mettre la main dessus depuis des années. Même parmi les membres de Venom, il était considéré comme l'un des plus loyaux au Président.
Jisung prit son courage, ou sa bêtise, à deux mains. Il n'attendit personne et vint s'installer sur le canapé face à Saemin, le saluant d'un rapide mouvement de tête. Il se retint de croiser ses mains et préféra une position décontractée pour ne pas laisser entrevoir la crainte qui le rongeait.
Il était trop talentueux pour être tué et jeté sur le bord de la route comme savaient si bien le faire les membres de Venom. Le poison dans son appartement en était la preuve : grossier, facile à repérer et à éviter. Le fait d'un débutant.
Le regard de Saemin s'illumina à la vue de son attitude, avant de venir l'étudier. Un sourire amusé naquit sur ses lèvres.
– Je dois dire que j'étais assez surpris d'apprendre que Pavlova n'était encore qu'un étudiant. Encore plus d'entendre ce nom de code loufoque utilisé par un tueur à gages. Mais je constate que le nom vous rend justice, et que votre apparence explique bien des choses... à commencer par la raison pour laquelle tant de cibles ne se sont pas méfiées. Vos aptitudes en matière d'assassinat forcent le respect.
– Et pourtant, vous envoyez des idiots m'empoisonner, répliqua sèchement Jisung en désignant deux hommes qui se tenaient derrière lui. Dans mon propre appartement, avec un poison grossier et sans même parvenir à le cacher correctement dans la nourriture. C'est insultant.
– Le but n'était pas de vous tuer, mais de vous donner un avertissement.
– Lequel ? Que vous n'hésiterez pas à me forcer à boire mes propres poisons si je venais à vous trahir ? Il va falloir vous améliorer, alors.
– Vous nous avez déjà trahi.
Jisung cessa de ricaner et reporta son attention sur Saemin. Celui-ci le sonda, mais il tient bon et ne montra aucun signe de faiblesse ou d'abandon.
– Je ne vois pas de quoi vous parlez. J'ai toujours exécuté avec la plus grande précision vos requêtes, sans les questionner ou violer le règlement. Est-ce qu'au moins seulement vous en avez un ?
Saemin ne lui répondit pas et se tourna à la place vers l'un des deux hommes qui se tenaient derrière lui, l'air patibulaire. Ce dernier lui tendit une enveloppe, qu'il ouvrit et de laquelle il extirpa plusieurs photos qu'il entreprit de placer sur la table basse.
– Et sortir avec l'ennemi ? demanda Saemin en déposant sous ses yeux des clichés de Minho et lui. Quel que soit notre code, aucun n'accepte les relations avec un autre gang, encore moins avec un gang adverse.
– Q-quand est-ce que..., commença Jisung.
Il se tut et vint prendre quelques-unes des photos prises de Minho et lui. Les clichés étaient nets, cadrés et parfaitement zoomés sur les éléments incriminants. Minho et lui se tenant la main en descendant de la moto du plus âgé, encore eux dans la cage d'escalier, Jisung peina d'ailleurs à cacher son trouble à sa propre vue, souriant à son petit-ami alors qu'il lui ouvrait le portail. S'ils avaient eu le temps d'engager quelqu'un de compétent pour prendre ces clichés, alors cela faisait un moment qu'ils savaient. Les photos suivantes lui confirmèrent ses craintes : Minho à l'arrière d'un entrepôt, armé et accompagné d'un homme musclé plus petit que Jisung reconnût aussitôt comme l'homme qui l'avait dragué au club, au détour d'un couloir et alors qu'il fuyait Minho. Il se souvenait également l'avoir repéré plusieurs fois au Cat'drog. Un dragueur, mais un ami de Minho et un de ses compagnons les plus loyaux au sein du gang Stray. Il savait que son petit-ami lui aurait confié sa vie sans hésiter.
Il déglutit et reposa les photos sur la table basse.
– Cet homme est connu de notre gang depuis environ quelques mois maintenant. Mes hommes aiment l'appeler le Japonais, mais mis à part le fait qu'il travaille dans un bar en territoire neutre le soir, nous n'en avons jamais su davantage... Jusqu'à ce qu'un de mes hommes le reconnaisse à vos côtés.
– Je ne vois pas pourquoi je devrais vous rendre des comptes sur ma vie privée. Je ne fais pas partie de votre gang, ma loyauté ne va pas à Venom, pas plus qu'elle ne va au gang auquel il appartient, rétorqua Jisung en tentant de garder sa voix stable.
Sa réponse ne plut pas. Saemin esquissa un sourire, comme s'il venait exactement de lui révéler ce qu'il escomptait. Mais c'était froid, dépourvu de la moindre lueur d'amusement.
– Vous n'avez pas l'air particulièrement surpris de voir votre compagnon armé... Vous saviez qu'il appartenait à ce gang.
Ce n'était pas une question. Mais Jisung y répondit tout de même.
– Oui.
– Depuis votre rencontre ?
– Qu'est-ce que ça vous apporte de savoir ce détail ?
– Rien, simple curiosité. Et le sait-il, lui, que vous appartenez à ce gang ?
– Je ne suis pas des vôtres. Mais pour répondre à votre question..., non, il l'ignore, ajouta Jisung en jetant un coup d'œil en direction d'un sbire qui s'approchait.
– Et il n'a jamais cherché à fouiller dans vos affaires... Impressionnant. Vous l'avez manipulé à la perfection, et pendant si longtemps, s'amusa finalement Saemin en laissant reposer son dos sur le dossier du canapé. Parfait. Que cela reste ainsi. Jim.
Avant que Jisung n'ait eu le temps de réagir, le sbire positionné à quelques pas de lui l'attrapa par le col et vint le plaquer contre le dossier du canapé, un pistolet braqué sur la tempe. Saemin se leva et tous les autres hommes de la pièce s'inclinèrent à son passage. Il s'approcha de Jisung et reprit la parole :
– Considérez désormais que nous n'avons plus aucune confiance en vous. Vos prochaines missions seront surveillées. Toutes. Jusqu'à ce que j'en décide autrement.
– Vous croyez vraiment qu'il serait encore avec moi s'il savait que je tue tous leurs informateurs ? cracha Jisung avant de sentir la prise sur son col se resserrer.
– Je préfère être prudent. Seo-joon, tu seras mes yeux et mes oreilles pendant ses missions, ajouta-t-il en se tournant vers le plus petit homme du groupe, adossé contre le mur. À la moindre incartade, je veux en être informé immédiatement.
– Et si je tombe nez à nez avec le Japonais ? demanda l'intéressé.
– Lui je m'en fiche, tu as carte blanche pour le tuer. Au revoir, Han Jisung.
L'homme le relâcha sur le champ et Jisung fut plié en deux par une toux, la main se massant la gorge. Il envoya un regard assassin en direction du dénommé Seo-joon lorsque celui-ci s'approcha, une autre enveloppe en main. Il la lui jeta sous les yeux.
– Ta prochaine cible.
◊◊◊
Occupé à lorgner sur les pâtisseries entreposées sur le buffet, une coupe de champagne à la main, Jisung avait bien du mal à ne pas se ruer dessus et tentait coûte que coûte de conserver un visage angélique.
« Soit beau comme un cœur » avait stipulé Seo-joon avec toute l'amabilité qu'il possédait, c'est-à-dire aucune. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Jisung s'était donné pour briller. Les cils battants et la bouche en cœur, il imitait une statue, comme imperméable aux regards que lui jetaient les autres invités.
Il n'avait nul besoin de suivre la cible comme un toutou, il était l'attraction de la soirée. Tôt ou tard, William remarquerait tous les yeux posés sur lui et tomberait dans ses filets sans même qu'il ne lève le petit doigt.
Aussi attendait-il le signal pour passer à l'action, le ventre vide et le regard reflétant à la perfection la langueur qu'on lui demandait d'avoir. Peut-être aurait-il le temps de grignoter quelques pâtisseries avant de fuir...
– La cible a repéré Pavlova. Pavlova, c'est à toi. Prétexte un accident et sors de la salle, entendit-il soudain à travers son oreillette.
Sans se presser, Jisung reprit enfin vie et entama sa performance. Relevant la tête avec un sourire ingénu, il vint volontairement bousculer un homme qui tournait justement à ce moment-là. Le fracassement du verre attira les regards, presque autant que son exclamation horrifiée au contact froid du champagne sur sa peau.
L'homme en tort s'excusa platement, et aurait presque pu sembler sincère si son regard ne le déshabillait pas déjà. Un frisson d'effroi qui n'avait rien à voir avec le liquide renversé traversa Jisung de la tête aux pieds. Par réflexe, ses doigts se posèrent sur sa manche où étaient cachées ses aiguilles, mais il se retint à temps.
Aussi libidineux soit cet homme, il n'était pas la cible de cette soirée, pas plus qu'il n'était digne de ses efforts. Jisung rentra donc l'aiguille qui dansait déjà entre ses doigts, prête à être utilisée.
Quelques autres personnes vinrent s'enquérir de son état, mais il les renvoya d'un sourire embarrassé et s'excusa pour sortir de la pièce. Il n'accorda pas un regard à William et poursuivit son chemin dans les couloirs.
Sitôt les portes fermées derrière lui, le silence revint. Seules les indications de ses complices fusaient encore dans son oreille. Un bref retour du bruit, suivi de la fermeture des portes et d'une paire de pas lui indiquèrent que le plan fonctionnait. Il avait atteint le bout du couloir, et ralentit son allure pour adopter une démarche moins gracieuse et plus désordonnée.
– La cible a quitté la pièce, annonça Seo-joon au même instant. Pavlova, ralentit. Laisse-le te rattraper.
Sitôt qu'il eut disparu au tournant du couloir, Jisung s'arrêta pour retirer longuement ses chaussures. Détachant avec lenteur la languette, il profita de son arrêt pour saccader sa respiration. Il accéléra ses inspirations et sentit rapidement le rouge lui monter aux joues. Le bruit des pas se rapprocha.
– Vous allez bien ? s'enquit William en émergeant de derrière le mur, la mine inquiète.
Jisung releva la tête d'un sursaut et ne simula même pas le vertige qui le prit. Sa cible se précipita à ses côtés et posa instinctivement sa main sur sa taille pour le retenir. La respiration ralentie mais les joues encore brûlantes, il le remercia d'un faible sourire, avant de se dégager poliment. Grand, beaucoup plus âgé que lui et d'un cliché. L'archétype ambulant du riche anglais qui circule dans les hautes sphères. Le type à consommer lui-même la drogue qu'il faisait traverser d'un continent à l'autre. Rien d'étonnant à ce que le Président traite avec lui. Du moins, jusqu'à ce qu'il apprenne la nature de ses petites affaires menées en parallèle. S'appuyant à la place contre le mur, Jisung porta sa main à son cœur et confessa d'une voix douce :
– Juste un vertige. Je pense avoir peut-être exagéré sur les coupes de champagne, rien de bien grave.
L'air ingénu et la démarche encore vacillante, il se laissa entraîner par sa cible dans les méandres du bâtiment. Il ne montra aucun signe d'inconfort lorsque William tenta une approche, posant délibérément une main sur sa hanche tandis qu'il le conduisait au premier étage. Jisung esquissa même un petit sourire embarrassé en baissant le regard, pour parfaire son attitude de brebis. Quel imbécile.
Lorsque William l'installa dans le petit salon où trônaient déjà des gourmandises et des bouteilles, Jisung retint de peu un sourire triomphant. C'en était presque trop facile. Prenant déjà plaisir à ce qui allait suivre, il se jeta presque sur les petits fours. Son regard fut attiré par les verres à champagne et les choux à la crème. Parfait.
Jisung prit son temps. Il n'était pas pressé, et il n'avait nul besoin de tourner la tête pour sentir le regard de sa cible sur lui.
Si la sensation était loin d'être aussi exaltante que lorsqu'il s'agissait du regard de Minho, Jisung appréciait d'être observé avec autant d'attention. Ou peut-être que non : il aimait la manière qu'avait Minho de le couver du regard, mais cet inconnu n'avait rien de tout ça. Peut-être était-ce plutôt l'excitation de savoir ces yeux bientôt fermés, son visage comme dernière image d'une vie. Un frisson d'impatience le traversa et il manqua de renverser les coupes qu'il servait.
Attrapant les verres remplis et un chou fourré à la crème, Jisung s'empressa de retourner auprès de son interlocuteur. La démarche encore un peu gauche, il s'avança en direction du canapé et s'installa dessus. Puis, sous le regard insistant de William, il esquissa un petit sourire enjôleur et tapota le carré à côté de lui. Avant de lui tendre sa coupe.
***
Il crut qu'ils allaient devoir vider la bouteille de champagne avant que William ne se lance à l'eau et ne l'embrasse. Ou plutôt, ne cherche à l'embrasser.
Car en sortant son meilleur jeu, Jisung évita ses lèvres à la dernière seconde pour lui faire goûter le chou à la place. Il n'eut même pas besoin de simuler un rire amusé, tant l'alcool ingurgité commençait à faire effet sur lui. Autrement, il ne serait jamais parvenu jusqu'à la salle des festivités, et n'aurait pas toléré qu'un homme l'approche, encore moins celui-ci. L'ahurissement que trahissait le visage de son interlocuteur y était également pour beaucoup, mais il n'arrivait pas à deviner si sa cible était plus frustrée ou stupéfaite. Certainement un parfait mélange des deux, ajouté à l'excitation de poser la main sur ce qu'il imaginait être une oie blanche.
Voilà encore autre chose. Jisung adorait voir cette lueur presque prédatrice chez ceux qu'il tuait. Comme si quelqu'un comme lui n'était pas capable de jouer avec les autres, de jouer avec leur vie. Comme s'il ne pouvait constituer une menace.
William mordit à pleines dents la pâtisserie que lui tendait Jisung, prêt à éliminer même le plus petit obstacle entre lui et ces lèvres qu'il avait manifestement du mal à quitter des yeux. Jisung ne put retenir un sourire, surtout quand il l'engloutit et se lécha les doigts. Quel imbécile, vraiment.
– Et si nous passions à quelque chose de plus sérieux ? déclara-t-il soudain en se relevant.
– Une idée en tête peut-être ?
Jisung ne manqua pas la manière avec laquelle le regard de l'homme s'attarda sur son corps, aussi se redressa-t-il lentement pour se diriger vers la porte. Sa cible ne le quitta pas des yeux, et sans jamais lui tourner le dos, Jisung ferma le loquet de la porte.
– J'en ai peut-être une, mais je ne suis pas sûr qu'elle vous plaise...
– Tentez quand même.
La tête légèrement baissée et le regard fuyant, il retira lentement sa veste, dévoilant ce qu'il savait être sa plus grande source de distraction. Jisung ferma les yeux un instant pour chasser de son esprit la vision de Minho le contemplant de la tête aux pieds, son regard s'attardant lui aussi sur sa taille. Ses mains tremblantes n'ajouteraient que plus d'émotions à son jeu, pensa-t-il en déposant sa veste sur un des dossiers, la démarche lente et la tête toujours baissée.
Lorsqu'enfin il releva la tête, debout à seulement quelques pas de William, il rouvrit les yeux, tout à son plan. Ce dernier esquissa un sourire et lui fit signe de s'approcher encore davantage. Jisung s'exécuta, remettant une mèche derrière son oreille. Il eut juste le temps d'entendre l'exclamation de Seo-joon avant de couper la communication. Il était déjà sur la sellette, il n'était pas question qu'il revienne au quartier général sans une information à revendre.
Une chance qu'il soit doué pour recueillir des aveux.
– Je les aime entreprenants, alors surprend-moi, chuchota l'homme en posant sa main sur sa taille.
Jisung n'aimait pas qu'un autre pose la main sur sa taille de manière possessive, encore moins qu'il ne la caresse. Mais qui pouvait encore se vanter de l'avoir touchée ? Un seul. Un sourire étira ses lèvres.
– Vos pensées, chuchota-t-il en relevant le menton de William pour plonger son regard dans le sien. Je veux que vous les visualisiez maintenant. Pensez à tout ce que vous voulez me faire... Tout, absolument tout.
William ne lui répondit pas, mais la lueur dans ses yeux lui révéla plus que ce qu'il espérait. Évidemment, le Président connaissait toutes les faiblesses de ses ennemis comme de ses alliés. Le fait que son choix se soit porté sur lui n'était pas un hasard. Jisung retint difficilement le dégoût que lui inspirait cet homme.
– Vous aimeriez qu'elles se réalisent, n'est-ce pas ? reprit-il.
L'homme acquiesça et vint caresser de sa main libre le cou de Jisung, sans prêter attention à autre chose que ces lèvres à quelques centimètres de lui.
– Vous aimez les jeunes hommes, ceux que votre main pourrait étrangler sans peine ? Vous aimez que ma taille soit fine, vous aimez mon apparence fragile ?
Tout en parlant, Jisung quitta son bras pour venir toucher du bout des doigts la main de William, celle-ci encore posée sur sa taille.
– ...Oh, croyez-moi quand je vous dis qu'avec des pensées pareilles, vous ne manquerez à personne.
L'expression sur son visage changea du tout au tout à la vue de l'arme que sortit Jisung de derrière son dos. Pointant le canon de son pistolet sur l'homme, il en profita pour écarter ses mains de son corps et s'installer sur la table basse face à lui.
– Qu'est-ce que...
– Maintenant, on va passer un marché, vous et moi : vous me dites ce que vous êtes allé chuchoter à l'oreille des ennemis du Président et je m'engage à ne pas vous coller une balle dans le crâne. Qu'en dîtes-vous ?
– Q-quoi ? Mais je n'ai jamais..., commença William avant que Jisung ne vise sa main et ne tire.
Attrapant sa main en criant, l'homme voulut se jeter par terre, mais fut rattrapé par le canon pointé désormais sur sa cuisse. Sans le faire taire, Jisung le força à se rassoir sur le canapé, jetant un rapide coup d'œil à sa montre avant de reprendre.
– Vous pouvez le crier, ou bien me le chuchoter à l'oreille si vous le voulez, susurra-t-il en remontant lentement le canon vers l'entrejambe de l'homme. Vous savez, il me reste quatre balles, et je dois vous faire un aveu... je déteste trop les porcs dans votre genre pour ne pas savourer ce moment. Alors voilà ce qu'on va faire : vous allez me donner ce que je demande, et moi, en attendant, je vais réfléchir à d'autres endroits où tirer... J'en ai déjà un qui me plaît beaucoup.
– J-je...
– Vous ne m'avez pas l'air aussi emballé que tout à l'heure, vous n'aimez pas être dominé ? Je croyais que vous les aimiez entreprenants ?
– Arrêtez...
– Dîtes-moi ce que vous avez révélé, et j'arrêterai.
Il lui fallut pointer l'entrejambe de William pour que celui-ci délie sa langue. Un sourire moqueur naquit sur les lèvres de Jisung. Drôle de priorité. Peut-être avait-il peur qu'il ait la gâchette un peu facile.
– J-je n'ai rien révélé..., j'ai juste donné une liste de noms... P-pas TOUS ! paniqua-t-il en voyant le doigt de Jisung presser sur la détente. J'ai donné les noms des prochains bateaux dans lesquels seront embarquées les caisses !
– Lesquels ?
– Ceux de ce vendredi ! M-mais je n'ai rien dit de plus, j-je le jure !
– Épargnez-moi vos promesses, à qui avez-vous donné cette liste ?
– Je... Je ne comprends pas...
– Des noms.
– Des gars de Stray... un petit musclé, et un étranger avec des tatouages !
Jisung eut du mal à garder un air impassible.
– Quel genre de tatouages ? souffla-t-il en enfonçant inconsciemment sur la détente.
– J-je ne...sais... D-du... Des kanjis ! S'il-vous-plaît... arrêtez..., l'implora William en tenant sa main ensanglantée.
Quel idiot. Jisung en aurait presque ri, s'il n'était pas aussi enragé à l'idée que Minho soit mêlé à ses affaires. Il risquait sa vie et tentait le tout pour le tout pour ne pas être assimilé de trop près au gang Stray, et voilà que celui-ci fonçait droit dans la gueule du loup, détruisant ses plans au passage.
Il s'écarta de William, qui s'écroula sur le sol, tenant sa main avec une expression évidente de douleur, mais aussi de colère. Seulement, lorsqu'il voulut le rattraper, il fut de nouveau plié de douleur. Jisung regarda sa montre. Juste à temps. Il devait filer.
– Qu'est-ce que... ? articula William avant de se pencher en avant pour cracher du sang. Qu'est-ce que vous avez...
– Je n'aime pas beaucoup les armes à feu, déclara-t-il simplement. Trop de variables.
– Mais... Vous aviez dit que...
– J'ai dit que je ne vous collerai pas une balle dans le crâne. Vous n'avez qu'à être plus méfiant de la main qui vous tend un verre ou une pâtisserie.
– Vous... vous êtes...
– Pavlova, se présenta-t-il avec un sourire resplendissant. Mais vous avez sûrement déjà vu mon talent à l'œuvre. Le Président m'a également engagé il y a quelques mois pour m'occuper d'un autre traître. Un ami à vous, si je ne m'abuse. Je devine pourquoi vous étiez si proches, vous aimiez assurément le même type de garçon.
En voulant se rattraper à la table basse, William s'écroula, le visage contre le sol, en geignant de douleur entre deux toux ensanglantées.
– Vu que vous n'en avez plus pour très longtemps, je vais vous faire une autre confidence : le Président ne m'avait pas donné d'indications pour votre assassinat. Mais j'ai bien aimé, pas vous ? Et puis, n'allez pas vous plaindre, mourir de la main d'un joli garçon, ce n'est pas donné à n'importe qui.
◊◊◊
Il fallut moins de quelques minutes à Seo-joon pour débarquer à l'arrière de l'immeuble, le pistolet en main, prêt à tirer sur Jisung à la moindre incartade. Le gangster écumait de rage. Aussi Jisung descendit-il sereinement les escaliers de secours en refermant sa veste, un petit sourire en coin.
– C'était quoi ça ? vociféra son complice en venant le plaquer contre le mur. Pourquoi avoir coupé les communications ? J'te jure que si tu nous trahis...
– ... Quoi ? Tu voulais écouter davantage ? répliqua Jisung en se laissant faire. Toi aussi, tu aimes le dirty talk ?
Il accompagna sa phrase d'un clin d'œil. Sa réplique fit mouche dans l'instant, et Seo-joon le relâcha en prenant un air dégoûté. L'homme le jaugea de la tête aux pieds, avant de baisser son arme.
– Garde tes paroles pour toi, sale pute.
Jisung n'en prit pas ombrage.
– C'est ça la différence entre toi et moi : je suis beau, je n'ai pas besoin de torturer quelqu'un pour obtenir des aveux. On me chuchote tout à l'oreille pour une autre raison qu'un coup dans le ventre.
– ... Et qu'est-ce que tu as appris ? demanda Seo-joon en ravalant les insultes qui devaient sûrement se bousculer dans son esprit.
– Pourquoi je te le dirais ? Tu n'es qu'un sous-fifre. Va plutôt chercher le van. Avec un cadavre dans le petit salon, la sécurité ne va plus tarder à boucler l'immeuble.
Avant que le gangster n'ait eu le temps de protester, Jisung balaya ses objections d'un geste de la main, et lui fit signe de partir. La lueur de haine profonde dans ses yeux l'amusa, mais Seo-joon ne lui fit pas le plaisir de répondre à ses provocations. À la place, l'homme s'éloigna et disparut dans la nuit.
En attendant qu'il revienne au volant du véhicule, Jisung se fondit dans l'obscurité du bâtiment et ralluma l'écran du téléphone jetable. Il tapota rapidement son message et l'envoya.
Inconnu
5 h 01 │Cible abattue. Mission accomplie.
Inconnu
5 h 02 │L'argent vous attend. Même heure, même lieu.
Il jeta un coup d'œil à l'heure. Il ne lui restait pas beaucoup de temps avant le lever du jour. À peine de quoi disparaître avec l'argent sans laisser de traces. Jisung éteignit le téléphone et le remit dans sa poche, dans l'attente de le jeter une fois sur place. Il laissa échapper un soupir.
Quel était le plan, maintenant qu'il avait été découvert ?
Une lame surgie de nulle part l'arrêta net dans ses pensées, venant se poser sur sa gorge. Le contact froid de la lame n'était pas assez appuyé pour le tuer, mais un seul mouvement le ferait pour lui.
Le cœur de Jisung s'accéléra aussitôt, ses yeux cherchant un moyen de fuir tandis que son esprit réfléchissait à toute vitesse à comment désarmer son adversaire l'espace de quelques secondes. Il ne l'avait entendu approcher dans son dos. Ses doigts se replièrent dans ses manches, touchant le bout de ses aiguilles.
– Un geste et cette lame finira dans ta gorge.
Le sang de Jisung se glaça. Ses doigts quittèrent ses aiguilles et retombèrent le long de son corps. Il ferma les yeux. Depuis combien de temps était-il ici ? Avait-il tout entendu ?
D'un mouvement brusque, Minho le fit pivoter sur lui-même et le plaqua contre le mur. Jisung aurait sûrement râlé en temps normal, mécontent de se faire plaquer par tous les hommes de cette soirée, mais les yeux fermés de toutes ses forces, il n'en fit rien et se laissa faire. Bien malgré lui, tous ces réflexes semblaient au point mort, son corps engourdi par le toucher de Minho et inapte à se débattre. Pas contre lui. Il en était incapable. Une seule question s'imposait encore et encore : pourquoi était-il ici ?
Lorsqu'il osa enfin rouvrir les yeux et les lever vers Minho, il en eut le souffle coupé. Ces yeux marron que Jisung aimait tant contempler reflétaient un trouble inhabituel. Mais il n'y avait pas de la colère ou du ressentiment, juste une émotion qu'il ne parvenait pas à deviner.
Minho cligna des yeux plusieurs fois, puis retrouva cette lueur familière et baissa son couteau. La gorge libérée de toute menace, Jisung réalisa qu'il avait cessé de respirer et prit une grande goulée d'air, la respiration laborieuse et le cœur tambourinant contre sa cage thoracique.
– Sung', merde, je t'ai pris pour un ennemi ! s'agita Minho avant de réaliser son désarroi. Hey Sungie, regarde-moi ! C'est juste moi.
L'air extrêmement calme comparé à lui, son compagnon relâcha son col et vint à la place l'étudier sous toutes ses coutures, à la recherche d'une blessure. Ses mains rassurantes se posèrent sur lui, son corps se positionnant dos à la ruelle comme pour le protéger d'une menace inexistante. La respiration sifflante et l'adrénaline encore présente dans son corps, Jisung se laissa enlacer et se cramponna à ses bras, dans un état second.
Que faisait-il ici ? L'avait-il suivi ? Pourquoi ne dormait-il pas ? Mais surtout, qu'avait-il vu ou entendu s'il ne dormait pas à l'appartement ?
– Sung', commença Minho après avoir vérifié qu'il n'avait rien. Tu n'as rien à faire ici... ce n'est pas sûr...
Les yeux écarquillés et la respiration à peine plus calme, Jisung voulut répondre aux nombreuses interrogations qu'il voyait se bousculer dans le regard de son compagnon, mais aucune ne franchit ses lèvres. Sa voix refusait de le laisser émettre ne serait-ce qu'un son.
– N-non..., t-tu ne dois pas rester là... Tu dois partir maintenant, parvint-il finalement à articuler, ses doigts se resserrant sur le bras de Minho.
Seo-joon n'allait pas tarder à revenir, et Jisung ne pouvait plus se permettre un seul faux-pas. Il tenta de répéter ses mots sans que sa voix ne flanche, sans succès. Minho ne bougea pas d'un iota, et lui s'agrippa à son compagnon de toutes ses forces quand bien même il lui soufflait de partir.
Il y eu soudain comme un déclic dans son regard, qui alerta Jisung. Comme si, tout à coup, Minho prenait enfin conscience d'où ils se trouvaient, et de ce que sa présence ici pouvait impliquer. Le rouquin cligna une nouvelle fois des yeux, mais Jisung eut le temps d'y voir apparaître de la méfiance et une froideur qu'il n'avait encore jamais vue.
– Sung', qu'est-ce que tu fais vraiment ici ? répéta-t-il, d'une voix placide.
Sans lui répondre, Jisung observa l'esprit de son petit-ami tourner à pleine allure, et son corps réagir en conséquence : Minho se tendit contre lui, sa mâchoire se contracta et son visage changea pour une expression froide. Étrangère.
– L'informateur au club..., ce n'était pas un hasard, n'est-ce pas ? souffla soudain Minho en resserrant sa prise. Ce n'était pas un nouveau job, tu es venu pour lui... Jisung, tu faisais partie des espions envoyés pour nous piéger... ?
En entendant un crissement de pneus au loin, Jisung retrouva tous ses moyens et poussa Minho pour les cacher à la vue de tous. Ignorant la surprise de son compagnon alors que son dos tapait contre la rambarde d'escalier, il plongea son regard dans le sien et plaqua sa main sur sa bouche en lui faisant signe de se taire.
– Écoute-moi bien : ne va pas au lieu de rendez-vous vendredi. Ne cherche pas à t'approcher du port et des bateaux dont ce porc de William t'a parlé. C'est un piège, ils sauront bientôt qu'il les a trahis.
À la mention de William, les yeux de Minho s'écarquillèrent. Il tenta alors de se débarrasser de sa main, mais Jisung le força à rester immobile.
– Je n'ai pas fini ! Ne te rends pas à ton appartement. Reste au quartier général des Stray, ils n'en connaissent pas l'emplacement, tu seras à l'abri. Et ne...v-viens plus chez moi. Et... désolé pour tout.
Jisung sentit quelque chose se briser en lui à l'instant où la prise de Minho se resserra sur son arme. Il avait toujours le couteau.
Sans rien laisser paraître, Jisung écarta la main de sa bouche pour lui caresser la joue. Minho réagit plus par habitude qu'autre chose, et vint instinctivement poser la sienne dessus, sa tête se penchant pour se reposer contre sa paume. L'espace d'une seconde, il baissa sa garde et Jisung en profita pour lever son autre bras en direction de son cou. D'un geste rapide, il planta l'aiguille tranquillisante dans sa peau.
– Qu'est-ce..., commença Minho avant que ses jambes ne se dérobent sous lui.
– Ne te mêle pas à cette affaire, tu ne sais pas où tu mets les pieds. Et ne cherche pas à me retrouver.
Empêchant que le corps engourdi de son petit-ami ne s'effondre par terre, Jisung le retint et l'accompagna doucement jusqu'au sol. Son dernier regard échangé avec Minho fut celui de la souffrance : la souffrance de découvrir une facette qu'on ignorait, celle de mettre un visage familier et aimé sur celui d'un ennemi.
Les yeux de Minho se fermèrent et sans un regard en arrière, Jisung le laissa là, caché dans l'ombre du bâtiment, avant de fuir en direction du van noir que conduisait Seo-joon.
◊◊◊
La première pensée qu'eut Minho fut qu'il faisait très froid. Trop froid. Et le sol sous son corps trop dur pour être l'appartement de Jisung.
Il tenta d'abord d'ouvrir les yeux, et réalisa très vite que quelque chose n'allait pas. Mais ce n'est qu'en prenant appui sur ses coudes pour se redresser qu'il percuta. Son cœur fit un soubresaut et ses derniers souvenirs lui donnèrent juste assez de forces pour s'asseoir, la tête adossée contre le mur et l'esprit chancelant.
Seigneur, mais que lui avait injecté Jisung ?
Le bras encore engourdi, il parvint néanmoins à attraper son portable, et appuya sur le contact de Chan. Il ignorait quelle heure il était ou pourquoi Jisung l'avait caché là, mais à la lumière du jour, rien ne le cachait désormais et n'importe qui, n'importe quel membre de gang pouvait le descendre.
Chan répondit à la deuxième sonnerie.
– Min', si tu m'appelles encore parce que tu cuves quelque part, je te jure que je te tue moi-même. Appelle Bin' pour changer !
– Laisse, ils cuvent sûrement ensemble, entendit-il à travers le combiné.
– Great ! Au lieu d'un ivrogne, j'en ai deux à retrouver.
Malgré la situation, Minho ne put s'empêcher de sourire au commentaire de Jeongin. Il avait laissé Changbin pour retrouver Jisung, mais probablement qu'ils se seraient enivrés au bar dans le cas contraire.
– J-je suis pas au bar, articula-t-il en essayant de se redresser à l'aide des caisses en bois. Je... j'ai suivi... je suis près du grand hôtel... Hyunjin a suivi...
– Qu'est-ce que tu fous là-bas ? s'étonna Chan. Qu'est-ce que Hyunjin a encore fait ?
Minho sentit ses jambes se dérober sous lui et s'écroula au milieu des plaquettes de bois dans un bruit sourd, s'arrachant un grognement de douleur. La vision floue et les membres engourdis, il chercha à tâtons son téléphone tombé, en vain.
– P'tain, mais qu'est-ce qu'il...m'a donné ? maugréa-t-il avant de se sentir partir de nouveau.
– Min' ?
***
Le parfum enivrant de Jisung titilla son nez, et lui plaqua aussitôt un sourire aux lèvres. Si tous ses réveils étaient comme ça, Minho jurait qu'il ne pourrait bientôt plus s'en passer. Ne manquait plus que son corps brûlant contre le sien, sa peau sous ses doigts et sa respiration lente à portée d'oreille.
Tâtonnant le matelas à la recherche de ce contact si précieux de bon matin, Minho mit quelques secondes à réaliser qu'il était seul dans ce lit, et surtout, que ce n'était pas le leur. Effrayé à l'idée d'ouvrir les yeux sur son appartement vide et froid, il chercha encore quelques instants la présence de l'autre, en vain. Avant de se résoudre à ouvrir les yeux. Il cligna des yeux quelques fois avant de s'habituer à la luminosité de la pièce, et grommela en sentant sa tête lui peser comme du plomb. Il balaya finalement la pièce d'un air hagard et la reconnut.
Il avait toujours trouvé la chambre de Chan semblable à celle d'un étudiant. Toujours rangée avec un aspect désordonné, les étagères remplies de CD et de divers instruments, partitions, carnets de notes et feuilles volantes. Sur la table de chevet traînait quelques mangas que Minho se souvenait lui avoir prêtés sans que Chan ne les lui rende. La porte entrouverte, il parvenait à distinguer Changbin et Chan jouant aux cartes sur le canapé. Pas de traces de Jeongin et Seungmin, mais les deux avaient probablement cours à l'heure qu'il est. Minho laissa échapper un grognement.
Jisung l'était probablement aussi. C'était bientôt la période de ses examens.
Changbin fut le premier à constater qu'il était réveillé. Un sourire fatigué aux lèvres, il poussa la porte et vint s'asseoir au bout du lit.
– Alors la Belle au bois dormant ? Ça fait quoi d'être de nouveau parmi nous ? Tu t'es injecté une sacrée dose de tranquillisant, tu sais.
– Min' ! se réjouit Chan en débarquant à son tour, la mine aussi fatiguée, si ce n'est plus que Changbin. Tu nous as fait une belle frayeur avant-hier.
– Avant-hier ?
– T'as dormi un peu plus de 24 heures ! lui apprit Changbin avec enthousiasme. Même Chan a jamais dormi autant d'heures en une semaine ! Encore un jour, et Seungmin se serait presque inquiété.
– Où est Seungmin ? En cours ? articula Minho, encore confus.
Malgré son état second, il comprit vite qu'il avait jeté un froid. Chan s'était rassombri en l'espace d'une seconde, et Changbin avait baissé le regard sur la couverture.
– Minnie..., commença Chan avant de s'interrompre, sa voix se cassant dans une sorte d'étranglement. Seungmin s'est enfermé dans son appartement et ne répond pas à mes appels. Il les filtre. Il... il n'a pas encore accusé le coup de Maniac et m'en veut toujours.
Minho aurait voulu compatir, mais il subissait déjà les conséquences de ses propres mensonges, ainsi que la trahison de celui en qui il avait placé sa confiance la plus totale. Cette altercation entre Seungmin et Chan lui rappelait un peu trop sa situation actuelle pour ne pas être douloureuse.
Il déglutit.
– La liste des bateaux, leur annonça Minho en retombant sur l'oreiller. Ils savent qu'on y a accès, et ils savent même qui nous a vendu la mèche.
– Oui, on se doutait que ce serait ça..., le corps de William a été retrouvé un peu après qu'on te récupère au pied de l'immeuble.
– Il a été empoisonné, ajouta Chan en s'asseyant aussi sur le bord du lit. Le Président a visiblement fait du ménage parmi ses membres pour débusquer les taupes.
– Et il a envoyé un tueur à gages compétent pour s'en débarrasser. Nos autres taupes se rétractent les unes après les autres, de peur d'avoir Pavlova à leurs trousses.
– Y'a de quoi..., j'ai vu comment a fini notre informateur au club, marmonna Minho.
Il doutait que le Président ait une grande poignée d'hommes capables d'empoisonner quelqu'un sans éveiller ses soupçons. Il lui fallait quelqu'un d'intelligent, dont l'apparence attirait les regards sans paraître capable de tels actes... Quelqu'un de chétif de prime abord, au visage dénué de tout vice. Quelqu'un pouvant se fondre dans les plus grandes sphères sans problème. Mais surtout, quelqu'un avec les connaissances nécessaires pour savoir manipuler les poisons, comme des compétences en chimie, ou en toxicologie...
Il ferma les yeux, tentant d'enfouir ce qu'il ressentait à ces pensées. Il savait parfaitement qui était à l'origine de tous ces empoisonnements. Il avait les cartes en main depuis le début, peut-être même plus que les informateurs, mais s'était fait avoir comme tous les autres. Il s'était laissé séduire par ce rire à gorge déployée, envoûter par ces grands yeux sombres emplis de douceur et d'amour, capturer par cette voix cotonneuse et cette personnalité à faire sombrer les plus résistants. Jisung était présent depuis le début, et son amour pour lui avait tout brouillé.
Jisung aurait pu obtenir n'importe quoi de lui, il lui suffisait de sourire avec ce sourire dont il avait le secret pour que Minho s'exécute. Il lui suffisait d'un mot, d'un regard pour qu'il lui présente ce qu'il voulait sur un plateau. Il avait ce pouvoir sur Minho, même maintenant. Peut-être était-il même renforcé : il ne voulait pas croire à Jisung comme à un tueur à gages par choix, par vice. Il y avait forcément une raison, une justification à tout ça. Leur rencontre n'était pas un mensonge, leur vie ensemble ne l'était pas non plus.
– Je sais que tu ne me dis pas tout. Maintenant Min', si tu nous racontais toute la vérité ? soupira Chan en esquissant un sourire. Que faisais-tu là-bas ?
– Hyunjin nous a dit que tu suivais un gars..., ajouta Changbin en fuyant le regard de tout le monde dans la pièce. C'était ton copain ?
– Qui est... ? Min', de quoi il parle ?
Minho croisa le regard encourageant de Changbin, et hésita. Jisung était une partie de sa vie qui n'avait jamais été mêlée à tout ça. Tout ce temps, il avait souhaité lui cacher cette partie de sa vie, et garder cet idylle pour lui, loin de sa vie de gang. Mais visiblement, malgré tous ses efforts, personne dans cette maudite ville n'était pur, immaculé. Pas même Jisung.
La couleur blanche ne le restait jamais. Tôt ou tard, elle était tachée par les vices de cette ville.
– De Jisung. Je l'ai suivi, et-... Jisung est Pavlova. Et en parallèle de ça, l'homme de ma vie.
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