Dragons
Ils se regardèrent tous. Ils étaient serrés les uns contre les autres dans un calme impressionnant. Seuls des respirations saccadées ou des frottements légers venaient de temps à autre troubler le silence presque parfait de cette salle.
Tous angoissaient et se crispaient au moindre son. Un léger sanglot parvint au oreille de Miko qui serra les poings.
Le pleur produisait trop de bruit à son goût. Déjà qu'elle avait été envoyée ici sous prétexte qu'elle était une femme, elle comptait bien essayer de deviner ce qui se passait au dehors grâce à son ouïe.
Soudain, un bruit sourd retentit.
Elle vit toutes les personnes se raidir d'un coup. Cette fois-ci plus aucun bruit, plus aucun mouvement. Tous retenaient leur souffle. C'était le calme avant la tempête.
Et elle arrivait. Miko sentit qu'elle avait besoin de reprendre son souffle. Elle ne respirait plus depuis ce grand fracas. Elle prit son temps pour inspirer de façon à ne déranger personne.
Mais de toute façon, même si elle l'avait fait bruyamment ce serait passé inaperçu. C'était ce moment qu'avaient choisi les attaquants pour détruire la ville.
En entendant la puissance du vent et les bruits de démolition qui l'accompagnaient, Miko comprit que c'était cette offensive là. Celle qui avait été redoutée et pourtant si mal organisée. La jeune femme doutait fortement de la solidité de ce restaurant transformé en abri de fortune qui avait été donné aux femmes et aux enfants.
Miko voulait se battre. Elle était une guerrière ! Elle se faufila parmi la masse de réfugiés, qui, depuis l'attaque, paniquaient sans se soucier du boucan qu'ils faisaient.
Elle dut pousser plusieurs personnes, être compressée entre quelques autres, trébucher sur une fillette en larmes, puis elle arriva enfin devant les portes. Si elle les ouvrait, elle mettait tous le monde en danger. Mais si elle ne les ouvrait pas, elle deviendrait folle à attendre comme ça et les gens finiraient tout de même par être attaqués.
Elle choisit presque sans hésiter la première option. Elle s'avança vers l'un des lourds battants des portes. Un homme si dirigea vers elle.
— On ne sort pas d'ici ! cria-t-il au dessus du vacarme.
— Je sais me battre, je serai utile ! protesta Miko, se rendant subitement compte qu'elle avait eu tort de penser que sortir allait être chose aisée.
— J'en doute, répliqua le garde un sourire amusé aux lèvres tandis qu'il détaillait Miko.
Son allure enfantine n'aidait pas sa cause. Ses yeux doux en amandes, son nez fin et ses lèvres délicates ne lui donnaient en rien une allure conquérante.
Le garde reprit d'un ton sans appel :
— J'ai reçu l'ordre de n'ouvrir sous aucun prétexte.
—Rendez-vous à l'évidence, même si vous n'ouvrez pas, cet abri ne supportera pas leurs attaque, rétorqua Miko.
—Bien sûr que si, s'obstinait l'homme.
—Regardez un peu ! Regardez l'état de cette pièce !
Elle accompagna des gestes à la parole. Dans la lumière tamisée de l'endroit, elle distinguait des poteaux en bois, censés soutenir le plafond, qui semblaient pourris. Les murs plein de poussières étaient faits de boue et de paille avec seulement du béton à quelques endroits. Un restaurant à l'abandon ne constituait certainement pas le meilleur refuge.
Elle pointa ensuite la fissure dans une des rares parties bétonnées de la salle. Elle se retourna vers le garde avec un air qui signifiait clairement que quoi qu'il dise, elle savait qu'elle avait raison.
Il haussa les épaules.
—Peut-être qu'avant qu'il ne s'effondre nous aurons repoussé les envahisseurs.
—Vous osez dire "nous" alors que vous ne participez pas ! Lâche que vous êtes, asséna Miko enragée.
—Arrêtez de discuter ! Les ordres sont les ordres, les femmes et les enfants doivent...
Il fut interrompu dans sa phrase par un bruit sourd et un tremblement dans le toit. Un silence. Puis un hurlement de terreur collectif. Ensuite vint ce que Miko avait prédi. Un des murs s'effondra.
Ce fut l'agitation collective ! Les pleurs des bébés, les cris des mamans terrifiées. Les hurlements de peur de ceux qui avaient perdu quelqu'un sous le mur, ceux de douleur de ceux vivants mais étouffés sous la boue, la paille, le bois.
C'était exactement ce qu'il fallait à Miko. Elle profita de la distraction pour se précipiter vers les portes. Elles les ouvrit et entendit que le garde se lançait à sa poursuite. Elle se mit à courir. Toujours plongée dans sa course, sans s'arrêter, elle passa une main dans son dos pour en sortir une épée étrangement longue. Elle glissa une main dans sa botte et en sortit une lame.
Ses deux armes en mains elle continua à courir. Les larmes lui montèrent aux yeux dès qu'elle prit le temps de regarder l'état de sa ville. Devant elle, ce qui était ce matin même une somptueuse église, avec le plus haut clocher de tout le pays, n'était plus que... poussière.
Les blocs sculptés élégamment s'entassaient à terre, réduits en cendre. Elle serra les poings, ces maudits dragons n'avaient aucun respect !
Elle poussa un cri de rage et elle sentit que quelqu'un s'approchait d'elle. De peur de voir un de ces cavaliers chevaucheurs de dragons elle brandit ses armes devant elle. Elle reconnut le garde et lui tourna le dos.
— Tu comptais tuer un dragon avec ça ? rigola-t-il en chuchotant.
— Vous êtes vraiment d'humeur à rire ? s'énerva Miko en montrant les débris de son lieu de culte.
Le garde haussa les épaules.
— On n'a pas le temps de pleurer pour ça maintenant. Il faut rester toujours en mouvement pour avoir une chance de s'en sortir.
Elle hocha doucement la tête, renifla et retint ses larmes. Il avait raison. Elle n'allait pas se laisser abattre.
—Attention ! hurla alors l'homme.
Miko se retourna et se jeta à terre en un même mouvement. Un jet de flamme passa juste au dessus d'elle. Un rugissement sortit de la gueule du dragon. Il était posé juste à côté d'eux. Il pouvait les anéantir en un seul mouvement.
Étonnamment la jeune femme n'avait pas peur. Elle se sentait apaisée. Ce dragon mauve aux belles écailles étaient beau et majestueux. Ses yeux perçants ne reflétait pas le noir de la haine.
Elle était anormalement heureuse de voir que son église n'avait pas été saccagée par des dragons affreux. Comme si le simple fait que ce soit un animal majestueux qui avait commis ces crimes effaçait l'horreur de l'acte en lui-même.
Elle se sentait bien en sa présence. Elle se releva doucement et ce dernier ne bougea pas. Il la fixait intensément. La jeune femme avait envie de le toucher. De créer un lien avec lui. Elle était inexorablement attirée vers le dragon.
Le garde arriva derrière elle et posa une main sur son épaule pour l'écarter du monstre. Elle secoua légèrement la tête et l'homme, trop effrayé pour sa propre vie, s'enfuit en courant.
Miko planta son regard dans celui du dragon. Elle sourit et tendit une main hésitante vers lui. Il ne bougea pas. Elle prit une inspiration et osa enfin le toucher. Elle posa délicatement sa main sur le museau du dragon.
Un bien-être étrange s'empara d'elle. Un sourire épanoui fleurit sur ses lèvres. Soudain un battement d'ailes se fit entendre. Un deuxième dragon arrivait. Noir de jais. Elle sut aussitôt, sans même réfléchir, qu'il était plus dangereux que celui avec lequel elle tentait une approche.
Le dragon mauve se retourna vers l'autre et lui cracha un jet de flamme. Miko s'étonna. Ce dragon défiait un de ses compagnons pour... Elle ?
Le dragon noir sembla hésiter un instant puis rugit et repartit en battant furieusement des ailes.
Le dragon se tourna à nouveau vers Miko. Elle le retoucha et caressa doucement ses écailles. Ce n'était pas doux, mais agréable quand même. Elle se déplaça et arriva près de son flanc. Elle voulait terriblement monter sur lui.
Elle hésita.
C'était et resterait un dragon qui avait attaqué sa ville. Mais elle ne contrôlait pas ses mouvements, elle monta sur le dragon, comme hypnotisée.
Il ne tenta rien pour la déloger. Il cracha des flammes dans le vide et puis se redressa et s'envola. Miko hurla de peur, puis de joie.
La vitesse enivrante et le vent qui passait dans ses cheveux accentuèrent ses sensations. Elle se pencha et s'accrocha au cou du dragon.
Elle se sentait bien. Elle avait envie de rester là sur son dragon une éternité. Ils parcoururent la ville en un rien de temps. Celle-ci, bien que partiellement détruite était impressionnante vue du haut. Le bûcher géant projetait des flammes dorées sur les ruines, enjolivant l'endroit d'une couleur chaleureuse.
Miko éclata de rire et le dragon accéléra. Ils semblaient prêts à s'enfuir tous les deux, unis par un lien indescriptible.
Le dragon entama une descente vers la ville. Ils rasèrent le sol de près, volant entre les quelques bâtiments qui resistaient encore. La créature continua à cracher des flammes, détruisant tout sur son passage. Les débris volaient mais ne parvenaient à étouffer les supplications déchirante des habitants. Le crépitement du bûcher gagnait en intensité à chaque nouveau rugissement du dragon, mais Miko ne pouvait lui en vouloir.
Une voix aiguë s'éleva au dessus du vacarme ambiant.
Une voix aiguë implora de lui venir en aide.
La voix, Miko aurait pu la reconnaître entre mille. Une voix qui lui avait conté tant d'histoires, chanté tant de berceuses.
La jeune femme hurla de désespoir. La joie et l'euphorie la quittèrent.
La haine gronda envers le dragon qu'elle chevauchait.
Elle avait honte.
Elle avait mal.
Elle était brisée.
Sa mère s'époumona, coincée sous des décombres.
Le cri cessa.
Le cœur de Miko implosa.
****
Texte écrit pour un tag qui consistait à raconter une histoire en s'inspirant de l'image donnée en média.
J'espère que ça vous a plu !
Dream
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