Le bateau déchirait les vagues et continuait vaillamment sa route vers le port qui se dressait maintenant à quelques kilomètres.
-Virez à bâbord, hurla le capitaine pour couvrir le bruit des vagues.

Les rameurs s'activèrent pendant que des matelots sortaient une voile et abaissaient une autre.
-Ils arrivent, cria Achille dont le rôle était de surveiller leurs adversaires.
-Accélérez, ordonna aussitôt Russel, le capitaine.
Les rameurs exténués gardèrent le même rythme constant qu'ils avaient adoptés. Aussitôt, après un signe de Russel, des fouets claquèrent, les matelots serrèrent les dents pour ne pas gémir. Leurs dos lacérés témoignaient de la cruauté du capitaine. La sang perlait doucement, sans que les hommes ne se plaignent.
Avancer, penser à autre chose, survivre, un point c'est tout.

-C'est pour votre bien, si ces saletés nous rattrapent on est fini ! justifia-t-il.
Il était décidément de mauvaise foi, décida Achille. Les rameurs faisaient partie d'un autre équipage avant qu'il ne les attaque et les fasse prisonniers. Il avait décidé de leur laisser la vie sauve par manque d'équipage. Mais les rameurs ne seraient pas traités d'une autre façon apres une autre attaque. La fausse excuse du capitaine tombait à l'eau, tout comme un homme basané dont le dos n'était plus que de la chair sanglante. Il avait sauté à la mer pour mettre fin à ses jours, quitter sa malheureuse existance. Russel hurla de rage.
-Faites les surveiller ! beugla le capitaine. Et qu'ils accélèrent !

Des hommes descendirent du pont pour rejoindre les esclaves. Les coups de fouets résonnèrent sur le calme parfait de la mer douce et tranquille dont le seul bruit était le son régulier des vagues. Les hurlements de douleur emplirent les oreilles de Russel qui s'énerva.

- Taisez vous, par tous les dieux ! Vous m'inssuportez ! Exécutez les !
-Nous n'aurons plus assez d'équipage, protesta Achille en descendant de son perchoir.
-Ce ne sont que des incapables de toute façon !
-Qui ramera dans ce cas ?
-Toi si tu continues à remettre en cause mes décisions. Allez exécution !

Achille eut un léger sourire en songeant au jeu de mot inconscient du capitaine, mais se reprit bien vite en considérant l'absurdité de la situation.

Les matelots, eux, hésitèrent. Désobéir à leur chef au risque d'être puni ou tuer ces innocents qui étaient leur seul moyen d'échapper à la corvée des rames et à leurs poursuivants ?

Russel décida qu'il ne pouvait compter que sur lui même et descendit rejoindre les rameurs. Il attrapa un sabre et s'approcha de la première rangée de rameurs. Achille le suivait de près. Il était décidé à ne pas laisser les rameurs mourir.

-Le vent n'est pas assez puissant pour nous faire avancer sans ramer ! tenta-t-il, dépité devant la cruauté de son capitaine.

Russel le dévisagea et le poussa. Achille tomba et se releva bien vite. Le temps qu'il reprenne ses esprits un sabre était posé au travers de sa gorge.
-Je pense que c'est toi qui les tueras, déclara le capitaine après réflexion sur le sort qu'il réserverait à Achille.
-Ensuite tu rameras à leur place. D'accord ?
Achille ne répondit rien.
-Compris ? beugla Russel.
Achille commença à hocher la tête. La pointe acérée de la lame rentra dans sa gorge sèche. Il se figea. Le sang perla tout doucement.

-Oui, j'ai compris.
Russel retourna le sabre de façon à proposer la poignée à Achille. Ce dernier s'empara du sabre et le capitaine craignant soudainement pour sa sécurité fit signe à deux hommes de le rejoindre. Achille s'avança lentement vers le premier rameur. Celui-ci ramait avec frénésie comme pour montrer sa bonne volonté et son utilité au sein de l'équipage.

Achille hésita un instant. Il avait prévu de tuer Russel mais ce dernier avait ses deux gardes autour de lui désormais. Il rapprocha la lame le plus lentement possible du cou du pauvre homme. Il arrêta de ramer.

-Fais ça bien s'il te plaît. Un coup sec, je ne veux pas souffrir, je t'en prie !

Achille ferma les yeux et laissa la lame s'enfoncer dans la gorge du rameur. Il lui trancha la tête d'un coup sec et précis. Il avait respecté la volonté de l'homme.
-Allez continue, plus vite ! ordonna Russel, excité à la vue du liquide rouge qui s'echappait de l'entaille mortelle du malheureux qui se vidait de son sang sous ses yeux.

Achille se dirigea à contre cœur vers le deuxième homme. Ce denier le regarda une note de défi dans les yeux. Il n'allait pas se laisser faire. Peut-être puis-je envisager de tuer Russel avec l'aide des rameurs ? Envisagea Achille.

Il considéra une dernière fois le regard sûr et déterminé du rameur, son menton haut, ses bras croisés dans un signe d'indifférence et de rébellion.

Il fit volte face au moment où il était assez près du rameur que pour l'exécuter. Avec un cri de rage il s'élança vers le cruel capitaine. Les rameurs saisirent l'occasion et se levèrent tous. Le regard de Russel toujours plus calculateur fixa Achille. Il s'apprêtait à lancer un ordre lorsque le bateau les secoua en tout sens.

-Ils nous ont rattrapés ! hurla un homme terrifié.
Tous se précipitèrent sur le pont. Les rameurs se mélangeant aux autres, tous ayant le même objectif : survivre. Le bateau ennemi était encastré dans le leur et des cordes reliant les deux ponts étaient traversées par des hommes enragés.

Achille leva son sabre et se jeta dans la bataille. Avant même qu'il n'atteigne le premier homme, une douleur lui traversa le flan. Il se retourna. Russel se tenait tout sourire derrière lui, un sabre en main. Il l'enfonça plus profondément dans le corps d'Achille.

Ce denier bégaya et perdit ses mots dans une vague de sang qu'il cracha. Il sentit la vie le quitter doucement. La douleur emplissait son corps, terrible et puissante. La peur rendait le tout plus horrible encore.

Achille n'eût pas droit à une mort aussi rapide que celle de l'homme qu'il avait tué.

Il eut droit à la mort lente, qui s'insinua en chaque partie de son corps. Il eut droit à la souffrance longue, qui l'empêchait de penser. Il eut droit à un froid mordant, qui l'etreignit dans son étreinte glaciale. Il eut droit à la mort qui l'acceuilli aux portes du paradis.

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