Tempête (XXXIII)
Je ne sais presque rien sur leur rupture, je sais seulement que c'est arrivé et que ce n'était pas rose.
On a trouvé Yoongi devant la porte de chez Yuggie un soir, en rentrant du ciné. Je l'ai fait entrer et quand on lui a demandé s'il attendait depuis longtemps, il nous a dit que ça allait, et on savait que ça n'allait pas.
Yugyeom a plaisanté sur son appart qu'on pouvait transformer en refuge des cœurs en miettes. J'ai pensé "des gens en miettes, même", mais je n'ai rien dit. Par pudeur. Par respect pour cette douleur que je connaissais bien.
On est ressortis tous les trois, on marchait de front sur le trottoir et on ne parlait pas tellement. Il faisait froid. Ça sentait le début d'hiver et on voyait quelques étoiles.
On a marché jusqu'au fast-food le plus proche, on s'est assis à une table un peu sale et comme Yoongi n'avait pas faim, Yuggie et moi avons pris des grandes portions de frites pour qu'il puisse picorer dans nos parts.
Bien sûr, nous n'avons pas demandé de détails. On lui a parlé des films à l'écran pour la semaine et de sujets neutres, avec beaucoup de blagues discrètes. On n'osait pas vraiment plaisanter, on voulait juste le faire sourire.
Il a dormi chez nous ce soir-là. Je lui ai cédé ma place dans le lit et on m'a fabriqué une couchette de fortune sur le sol, avec des coussins et la couverture de rechange.
Yugyeom et Yoongi ont partagé le lit, ce qui était bizarre parce qu'ils ne se connaissaient pas plus que ça. Sauf qu'on n'allait pas mettre Yoongi par terre vu la situation, et que Yugyeom était quand même chez lui. C'était à moi de m'adapter. De toute façon, aucun de nous n'a beaucoup dormi.
J'ai séché les cours du lendemain, Yuggie y est allé sans nous. Je savais qu'il me filerait ses notes. Je suis allé chez moi avec Yoongi. On a rassemblé ses affaires, on a traversé la rue et on est monté chez lui.
Toutes les affaires d'Hoseok avaient disparu. Yoongi m'assura qu'il en restait dans un placard, des choses encombrantes qu'il reviendrait chercher plus tard. C'était triste.
Sur le mur de leur salon, il restait des lambeaux de polaroids déchiquetés.
J'ai réinstallé Yoongi dans son appartement. Nous avons rangé, effectué un brin de ménage et partagé un café. Lorsqu'il a fallu que je parte -pour aller à la danse-, j'ai failli lui dire que je reviendrais passer la nuit avec lui.
Je me suis retenu ; il était temps que chacun retourne chez soi. Après la danse, j'ai retrouvé Yugyeom chez lui. On a dîné, j'ai fait deux ou trois sacs et je suis finalement parti.
C'était comme rentrer d'un voyage. Je suis monté par l'escalier et les sacs pesaient sur mes épaules, sur mes bras. J'ai redécouvert l'appartement comme si je n'y avais pas remis les pieds depuis des mois -j'étais pourtant venu y voir Yoongi. J'ai mis de la musique pour meubler l'espace, pour lutter contre le silence.
J'ai lu les cours que Yugyeom m'avait passé, j'ai pris une douche et j'ai roulé sur mon lit.
J'avais envie d'appeler quelqu'un. Un plan cul, ou une meilleure amie.
Je fis défiler du doigt les conversations récentes. Yugyeom, Joomi, un gars de la danse, Yoongi... J'avais des tas de numéros enregistrés et personne à qui téléphoner.
Je n'aurais pas su quoi dire à mes parents, je laissais mon meilleur pote savourer sa première nuit sans moi, Hoseok devait flirter avec son mec mystère et Joomi dormait enfin sur ses deux oreilles, soulagée que cette relation atrocement toxique soit terminée.
Les autres étaient des fréquentations, de bons potes ou des connaissances vagues, trop éloignés pour que je leur partage mes états d'âme à vingt-trois heures en étant sobre.
Alors, j'ai appelé Yoongi. Il a décroché à la deuxième sonnerie.
Il était surpris de m'entendre et malgré ça, la conversation s'est nouée toute seule. On se sentait pareil, perdus et déchargés d'un poids, le cœur lourd pourtant, contents d'être chez nous et conscients de la page qui se tournait.
On a parlé plus d'une heure. Par moment, on se taisait, on respirait doucement comme si on était côte à côte. Ça nous faisait du bien.
On était redevenus voisins.
Le lendemain, je suis allé à la fac. J'ai repris mes habitudes.
Je croisais Yoongi à la Maison des Langues, dans les escaliers du métro, devant la boulangerie, en revenant des courses, et on se saluait en souriant, sans s'insulter, toujours étonnés de tomber l'un sur l'autre.
Parfois, si c'était la troisième fois en moins de vingt-quatre heures, il soupirait d'un air exagérément ennuyé et faisait claquer ses bras le long de son corps. Il disait "Encore toi !" ou "C'est pas vrai !". Il ressemblait à un petit vieux râleur. Ça me faisait rire, et pour lui répondre, je mimais le même agacement.
Difficile de dire comment il allait. On se rendait séparément aux soirées organisées par les gens de la fac, on s'y retrouvait sans trop s'approcher. On rentrait quelques fois ensemble et ça s'arrêtait là, en bas de notre rue. On se souhaitait bonne nuit, on montait chacun sur un trottoir et on rentrait chez nous.
Je révisais beaucoup. J'étais soulagé d'avoir récupéré une vie normale avant les examens du premier semestre. J'avais atteint un équilibre dont j'étais plutôt fier, et je semblais contrôler ce qui m'arrivait. J'avais des journées calmes, apaisantes et simples.
Finalement, j'avais déduis que mes années de fac alterneraient entre des périodes banales, tranquilles, et des périodes de grand n'importe quoi où personne -en dehors de Yugyeom- ne gérerait plus rien. C'était le schéma qui se dessinait. A moi de profiter du moment paisible avant la tempête suivante.
Et comment dire...
Un autre schéma récurent, presque une constante, c'était que les tempêtes, les ouragans, toutes les intempéries, avaient tendance à éclater la nuit.
Les épreuves des partiels de décembre se séparaient en deux parties : la première avant les fêtes et la seconde, à notre retour de vacances. De nombreux étudiants subissaient une étonnante métamorphose durant la première semaine. Nous étions cernés, nous avions froids, nous nous cachions dans des gros pulls enfilés par-dessus nos joggings ou nos pyjamas. Un amphi de zombies en pleine rédaction. Nous alignions sur la table devant nous thermos, gâteaux, bonbons, et fruits pour les plus sages. Au bout de quatre heures d'écrit, nous avions mal au dos, aux doigts, au poignet et à la tête. Les moins chanceux luttaient contre un quelconque virus et devaient marquer des pauses pour tousser, se moucher ou avaler un Doliprane.
En ligne processionnaire, nous avancions ensuite à petits pas traînants pour rendre nos copies doubles plus ou moins remplies. Je m'extirpais alors de la foule de mes camarades pour échapper à leurs plaintes, leurs bâillements et leurs gargouillis d'estomac. Je rentrais seul, immédiatement, avec un message pour Yuggie et pour ma mère.
Même quand nous passions le même partiel, je ne l'attendais jamais. J'avais besoin de quitter la fac pour m'écrouler sur mon lit le plus vite possible. Certains jours, je restais étalé en étoile une grosse demi-heure avant de commander à manger et de me remettre à bosser pour l'épreuve suivante.
C'était un rythme intenable sur le long terme, cependant, le manque de sommeil, le stress et la caféine produisaient parfois une sorte de miracle. Lors d'un écrit matinal, je fus particulièrement inspiré. La crainte du hors-sujet, la peur d'un plan mal construit, tout s'envola et fit place à une fièvre d'érudition. Mes fiches du semestre m'apparaissaient aussi clairement que si j'avais pu les sortir de mon sac. Des pans entiers du cours ou de mes lectures complémentaires jaillissaient de ma mémoire. Ébahi par les pouvoirs du cerveau humain, je noircis deux copies, soit six pages entières et un début de septième. Je rendis mes travaux avec humilité, rentrai à la maison et m'offris le luxe de faire l'étoile durant cinquante minutes.
J'avais terminé la semaine. En sortant de ma léthargie, j'empilai mon matériel scolaire sur le coin de mon bureau pour faire de la place. Inutile de ranger, tout allait resservir après le Nouvel An.
Je déjeunai d'un bol de soupe, de jus d'ananas et d'un paquet entier de biscuits apéritifs au fromage -il fallait bien vider les placards avant d'aller chez mes parents.
Le soir, c'était le repas de fin de partiel, ou de début de vacances, ou de c'est presque Noël. Nous avions organisé ce dîner fourre-tout avant que chacun ne parte dans sa famille et avions réservé dans une brasserie copieuse et peu chère, qui prolongeait l'happy-hour et acceptait les tickets restaurant. Vers seize heures, Yoongi m'envoya un message.
De Yoongi :
"Yo, 19h en bas ?"
Deux choses : c'était inhabituel qu'il me propose d'aller à la soirée avec lui, et son message tellement maladroit donnait l'impression d'un rendez-vous pour une bagarre de rue. Je pouvais comprendre que se pointer seul lui foutait les boules ; il avait passé l'année vissé à la bouche d'Hoseok. De mon côté, j'étais libre comme l'air. Yugyeom ne venait même pas ! Il s'était pointé à l'examen final avec sa valise et avait quitté la salle directement pour attraper son train.
J'acceptai.
Personne ne fut surpris de nous voir arriver ensemble. Qui ignorait encore que nous étions voisins ? Notre bande d'étudiants occupait deux séries de petites tables collées les unes aux autres. Les premiers préféraient la chaleur de la salle du restaurant et le second groupe, parmi eux les fumeurs, s'était rassemblé en terrasse. Yoongi et moi récupérâmes deux chaises pour nous asseoir avec eux. Ils grignotaient des olives noires, des cacahuètes et des poivrons grillés à l'huile.
- T'es tout beau, Kook ! s'exclama Lisa en me frottant affectueusement le bras.
- Et toi Hyung, t'as pas fait d'effort, plaisanta Mingyu.
Yoongi déplia lentement son majeur dans sa direction et lui envoya un clin d'œil. Il était emmitouflé de la tête aux pieds.
- Laisse-le, ils viennent d'arriver ! rit sa petite amie Sohye en le poussant du coude.
Un pouffement collectif nous échappa. Je connaissais tout le monde autour de la table, mais certains n'étaient qu'un visage et un prénom. Je m'empressai donc d'engager la conversation avec ceux que je connaissais moins.
Yoongi s'était mis à l'aise et parlait principalement avec Namjoon. Comme moi, il avait commandé une bière.
L'apéritif se prolongeait. Un serveur passa pour prendre nos commandes sauf que nous avions totalement oublié de consulter la carte, excepté Jin-hyung qui ne perdait jamais son sens des priorités. Il profita de nos hésitations pour recommander à boire et le serveur repartit en nous laissant réfléchir.
- Toi qui voulais du magret, déclara subitement Yoongi en se tournant vers moi.
Effectivement, j'avais quelques jours plus tôt confié mon envie de canard lors d'une conversation inintéressante à la caisse du supermarché. Il s'en souvenait, et pointait son index sur mon menu pour me montrer la ligne "Magret de canard, sauce au poivre".
- C'est vrai, acquiesçai-je, surpris. Mais là j'hésite avec un burger !
- Je prends un burger, tu pourras goûter si tu veux ? proposa Lisa.
- C'est gentil, tu pourras prendre de mon plat aussi.
- Je piquerai plutôt dans ton dessert alors !
J'acceptai le deal d'un hochement de tête. Le serveur revint avec la boisson de Jin et chacun commanda son plat. Je sentis deux bras m'enlacer d'un coup et un menton s'appuyer dans mes cheveux.
- On dit pas bonjour ?
C'était Hayoung, que je n'avais pas encore vue. Elle venait des tables à l'intérieur de la salle.
- Je suis désolé ! On est arrivé et on s'est assis là... on a zappé d'aller vous voir après !
- Ah ouais, sympa !
- Pardooon, m'excusai-je en me levant pour l'enlacer brièvement. Il y a qui d'autre là-bas ? Attends, j'arrive.
Je tendis le cou pour voir qui j'apercevais. Ils étaient une dizaine et parmi eux Jimin, Joomi et...
Namjoon tira une tête bizarre.
Jin se cala au fond de son siège et sirota son verre bruyamment.
- Quoi ? s'étonna Yoongi en captant le changement d'ambiance.
- Qui a invité Hoseok ? lâchai-je d'une voix blanche.
- T'es bête ou quoi ? soupira Lisa à l'intention d'Hayoung.
Yoongi s'était figé. Quant à moi, je n'en menais pas large. Joomi n'avait pas pu orchestrer un truc pareil. Nous n'en avions pas parlé, mais il me semblait évident qu'aucun de nous ne devait -ne pouvait- inviter Hoseok à la soirée.
Le regard d'Hayoung fit le tour de la table, cherchant un soutien qu'elle ne trouva pas.
- Les problèèèèmes, chuchota Mingyu.
Il reçut une autre tape discrète de sa petite amie.
- Merde, je suis désolée, mais vous n'êtes plus ensemble, non ? balbutia notre camarade du cours d'anglais.
Lisa la foudroyait du regard. La pauvre n'en menait pas large. Moi non plus, à vrai dire. Yoongi était debout et regardait leur table avec une expression indéchiffrable. Namjoon tira doucement sur la manche de son pull.
- Rassieds-toi.
Yoongi se dégagea sans un mot.
- Elle a raison, vous n'êtes plus ensemble, rassieds-toi, tenta Jin pour le calmer.
- Je pensais que tu étais au courant, couina Hayoung.
Lisa inspira pour répliquer mais je la dissuadai. Ca ne servait à rien de s'acharner, le mal était fait. Et puis quel mal ? Joomi n'avait pas été fine pour le coup, mais elle avait toutes les raisons du monde d'en vouloir à Yoongi et Hoseok partageait ses soirées de fac depuis plus longtemps.
Je crus que Yoongi allait se rasseoir. A leur table, personne ne nous avait vu et rien ne justifiait un scandale. Ils avaient l'air de s'amuser. Je remarquai à quel point la bande était attachée à Hoseok. Il était beau, drôle, intéressant. C'était d'abord le meilleur ami de Joomi, mais c'était devenu un pote pour beaucoup d'entre nous. Même si je connaissais ses faces plus sombres, je voyais toujours son immense charme, et ce rayonnement si attirant qui émanait de lui. Il avait sa place dans le groupe, quoi qu'on en dise.
Perdu dans mes réflexions, je le vis plaisanter avec Jimin, passer un bras autour de lui et le tirer vers son torse. Hoseok avait toujours été tactile, c'était commun à la plupart des danseurs. En revanche, j'eus la certitude d'avoir mal vu quand Jimin gloussa en s'abritant derrière ses mains. Il était déjà bourré ? Hoseok emprisonna ses doigts dans les siens, les baissa et le fixa intensément. Jimin soutint son regard. Okay, il avait bu.
Sous mes yeux impuissants, Hoseok lui saisit le menton, comme je l'avais vu faire si souvent avec Yoongi, lui tourna la tête et plongea dans son cou. Jimin se tortilla sur sa chaise et le repoussa à peine. Je compris alors que la rougeur sur ses joues n'avait rien à voir avec l'alcool.
Ma mâchoire se décrocha.
Plus jeune. A la fac. Dans notre cercle de fréquentations. Plutôt bon danseur. Mon cerveau relia enfin les points. Voilà ce que foutait Jimin à la soirée de danse ! Il avait été invité par Hoseok ! Et ce soir, cet idiot rendait l'invitation à notre dîner de fin de partiels !
Yoongi manqua de renverser sa chaise en entra dans le restaurant comme une furie. Hayoung et Lisa le suivirent en trombe, imitées par Namjoon.
- Ils vont se faire virer..., commenta Sohye.
- On va se faire virer, corrigea Mingyu.
- Dommage pour le magret.
Je ne relevais même pas la remarque de Jin. La scène qui se déroulait était surréaliste. Depuis un an que je le connaissais, Jimin n'avait parlé que de filles. Il n'avait aucun symptôme du mec qui refoule sa sexualité et cochait toutes les cases du petit hétéro typique. Par quelle formule s'était-il transformé en midinette pour Jung Hoseok ? Quand ? Comment ? ...Quoi ?
L'ouragan Yoongi fondit sur eux. Joomi se leva la première, tandis qu'Hayoung et Lisa intervenaient avec des gestes d'apaisement. Jimin avait l'air de vouloir disparaître. Hoseok finit par se mettre debout face à Yoongi, un bras devant Jimin pour le protéger. Je vis Yoongi l'empoigner par-dessus la table en hurlant, attirant l'attention de l'ensemble des clients et du personnel. Namjoon le ceintura pour le maîtriser et le traîna dehors pendant que les filles s'excusaient auprès des spectateurs ahuris.
Namjoon jeta quasiment Yoongi à notre table. Celui-ci tremblait.
- Hyung, tenta Mingyu. Ca va ?
Les autres ne disaient rien, moi y compris. Yoongi tendit une main vers les fumeurs.
- Clope, s'il-vous-plait, réclama-t-il.
On lui glissa une cigarette entre les doigts. Il se redressa, toujours tremblant, et attrapa un briquet qui traînait sur la table.
- Merci.
Lisa passa la tête par la porte de la brasserie. Elle et Hayoung étaient parties s'excuser et négocier avec les serveurs.
- Je crois qu'ils veulent que tu t'en ailles...
- J'allais me barrer, de toute façon. Je finis la clope.
Elle acquiesça lentement.
- Je suis vraiment désolée.
- C'est pas ta faute, maugréa-t-il.
- Oui, je sais, je comprends pas pourquoi Hayoung-
- Non, elle y peut rien non plus.
Il secoua la tête. Une telle résignation m'alarma. Ca ne lui ressemblait pas. Lorsqu'il écrasa son mégot, il rassembla ses affaires machinalement et s'adressa à moi sans me regarder.
- Reste.
Le mot suffit à me sortir de ma transe. Je me secouai.
- Hors de question, contrai-je.
- Si, reste.
- Non, je rentre avec toi.
- Mais reste, je te dis !
Il me fusilla du regard et me poussa vers ma chaise, brusquement, avant de partir en direction du métro sans saluer qui que ce soit.
Tout le monde se regardait. Joomi se pointa à son tour, enfilant son manteau.
- Qu'est-ce qui se passe ? Bonsoir Kook.
- Bonsoir Joomi.
- Yoongi s'est barré, l'informa Jin.
- Je n'arrive plus à gérer, soupira-t-elle en me regardant.
- Depuis quand Jimin aime les mecs ? lâchai-je en tâtant mes poches.
- Depuis qu'il a pécho Seokie ! C'est pas le premier hétéro qui devient Hoseoksexuel...
Elle roula des yeux. Un point pour elle.
- C'est comment l'ambiance, là-bas ? questionna Namjoon.
- Ca va ! Jimin se sent mal mais ça va passer. Après tout, c'est fini, ils sont célibataires ! Allez, on oublie et on passe une bonne soirée ?
Elle se força à sourire, et Sohye battit des mains pour contribuer à relancer l'esprit festif. Hoseok sortit à son tour, sa main dans celle de Jimin qu'il traînait avec lui.
- Hey, me lança-t-il. Yoongi est parti ?
- Il y a une minute. Salut, ajoutai-je pour Jimin.
Ce dernier me répondit timidement.
- Il ne peut pas me faire sa crise, il faut qu'on passe à autre chose ! déclara Hoseok.
- Tu sais comment il est, répondis-je, et j'entendis plus de reproche dans ma voix que je n'aurais voulu.
- Il rentre tout seul ?
Malgré son corps entier collé à Jimin, il scruta le bout de la rue.
- Non. J'y vais. Si les plats ne peuvent pas être annulés, je vous rembourserai !
- Il a laissé ça.
Hoseok me montra l'écharpe qui avait glissé par terre. Je la récupérai. Je laissai sur la table de quoi régler mes consommations et celles de Yoongi, m'excusai de les quitter si vite et leur souhaitai de bonnes vacances en refermant ma veste.
Puis, je me mis à courir.
Je dévalai la rue en pente à toutes jambes, persuadé de pouvoir le rattraper. J'avais raison. Il apparut devant moi, à quelques mètres, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Il marchait vite et le bruit de ma course dans son dos ne semblait pas l'inquiéter.
- Yoongi ! criai-je.
Il ne ralentit même pas. Je sprintai pour le rejoindre et pilai à deux ou trois mètres pour souffler. Je l'appelai une nouvelle fois. Il se retourna pour me toiser et retira un écouteur.
- Qu'est-ce que tu fous là ? Je t'ai dit de rester.
Je ne répondis rien, occupé à reprendre ma respiration.
- Retournes-y. Retournes-y tout de suite.
- Tu... ton écharpe.
- JE M'EN FOUS DE CETTE PUTAIN D'ECHARPE !
Il me l'arracha des mains alors que je la lui tendais et il la jeta rageusement. Elle tomba à nos pieds.
- Il fait froid.
- Va t'en ! hurla-t-il.
Au lieu d'obéir, j'avançai. Il recula d'au moins trois pas.
- Je t'ai rien demandé, je t'ai pas demandé de me suivre, tu l'as dit toi-même, t'es pas mon putain de babysitter !
- Je veux pas que tu...
- Oh, t'as peur pour ta conscience ? T'en fais pas, si j'ai pas encore sauté d'un pont ça arrivera pas ce soir ! Je pense même pas que je vais me couper ! Alors arrête de jouer au putain de sauveur et retourne t'amuser ! Je veux pas de toi ici.
- Yoongi.
- Non ! Barre-toi ! En quelle langue faut que j'le dise ? Barre-toi ! Fous-moi la paix !
Il sépara la distance entre nous et se mit à me repousser de toutes ses forces. Je reculais à peine. Ses pressions se transformèrent soudain en coups, une multitude de petits coups de poing rageurs qui pleuvaient sur mon torse.
- Laisse-moi ! Laisse-moi ! Laisse-moi !
J'encaissai. Ses cris faiblirent, ses coups aussi. Il s'accrocha à ma veste et me secoua mollement.
- Espèce de petit connard de merde, murmura-t-il.
Peu importe à qui il s'adressait, je préférais sa réaction à la façade qu'il avait maintenue en fumant sa cigarette. Je me souvenais du bar gay où il avait soigné ma main, quand on avait espionné le compte de Taehyung. Je me souvenais du baiser, le premier et les autres, et même si ce que nous avions fait ensuite était mal à tous les niveaux, son corps m'avait permis de canaliser ma rage et mon chagrin. Il s'était complètement abandonné à moi et sa présence m'avait sauvé, cette nuit-là.
Un coup plus violent atterrit dans mon ventre et me plia en deux. Yoongi secoua sa main et gesticula dans tous les sens autour de moi.
- Cette petite pute de Jimin ! Toujours à parler de chattes et à quel point il aime ça ! Cette salope de faux-cul de mes couilles ! Et l'autre là, évidemment ! Qui se rue sur la première queue qui passe ! Mais c'est ça ! Mariez-vous ! Faîtes des gosses à table devant mes potes en plein milieu d'un restaurant ! T'es qu'un détraqué de merde, Hoseok, j'espère que vous allez vous étouffer avec vos putain de frites et vous vomir dessus ! J'espère que Jimin viendra pas pleurer quand tu l'auras enc-
Il s'arrêta soudain et je cessai de masser mon abdomen, doutant que ce soit par manque d'inspiration. Il était penché entre deux voitures et crachotait comme un chat.
Je m'approchai prudemment. Il se redressa, le visage noyé par les larmes. Je lui pris les épaules.
- On va rentrer, d'accord ?
Il secoua la tête pour me dire "non".
- Si, on va rentrer et on peut marcher un peu avant si tu veux, mais il faut qu'on rentre.
- Je le hais. Je les hais tous les deux, souffla-t-il entre ses larmes.
Il n'était pas si tard, et les passants nous contournaient pour nous éviter. Je les voyais à peine.
J'avais bien compris que la période tranquille était finie et que nous allions désormais affronter la tempête. J'étais prêt.
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