Je pousse la porte qui grince sur ses gonds,

Du bois vermoulu se détachent les poussières,

Un instant suspendues au coeur de la lumière,

Au soleil levant qui avance ses rayons.

Plus encore je pousse la porte vers l'intérieur,

Arrachant du chambranle les toiles d'araignées,

Qui observent en silence du fond de la saignée

Le moindre mouvement passant à leur hauteur.

Devant moi, tout s'éclaire et reviennent les ombres,

Ici une lampe et ses perles roses pendantes,

Là un guéridon une chaise branlante,

Revenant de la nuit, renaissant des pénombres.

Un sofa dans un coin et son bois d'acajou,

Dont l'assise distendue marquée par les temps,

Semble me dire "Allé viens je t'attends",

"Repose toi un peu, ne reste pas debout"

Hésitant, je m'avance mais ne pose pas,

A ses pieds le ventre grand ouvert d'un manuscrit,

Paraît depuis longtemps sur le parquet pourri,

Avoir couché son dos pour vivre son trépas.

Que donc puis-je faire que de le soulever,

Qu'à le laisser là à terre le coeur en deux,

Le pendre dans mes mains le parcourir des yeux,

Et visiter son âme son destin pour l'élever.

Toujours cette lumière envahissant l'espace,

Les ombres qui bougent sur le mur de salpêtre,

L'air frais au dehors qui se colle aux fenêtres,

La poussière qui vire volte et retombe en masse.

Le sofa ne désarme pas et parle encore,

"Alors qu'attends-tu pour venir te lover,

"Je t'aiderai à lire, je te ferai rêver",

"Je caresserai tes joues, j'endormirai ton corps",

Je tourne une à une les pages bien fragiles,

Sur elles vont les vers, sur elles vont les rimes,

Sur elles va l'histoire de mon journal intime,

Sur elles va ma vie qui sous vos yeux défile.