Chapitre 7.3
Il m'affrontait de biais et comme si cela lui déplaisait, il poussa ma chaise sans mouvement brusque tandis que j'observais ses moindres faits et gestes. Avec grâce, il posa ses mains de part et d'autre des accoudoirs et m'encercla de son mur de muscles. Je me collai au fond de mon siège, attentive à toutes tentatives, et ne cassai pas ce lien qui me donnait la chair de poule.
— Sais-tu ce que je leur fais ? me demanda-t-il avec douceur.
Son eau de Cologne me remplissait les canaux et me hérissait les poils de bras. Je détendis mes bras pour parer une éventuelle attaque et ancrai un pied bien au sol afin de me pousser rapidement au cas où l'envie lui prendrait de me toucher.
— Pour les moins méritants, ils terminent avec une simple balle entre les yeux de la part de mes gardes du corps. Pour les plus insistants, mais néanmoins décevant, je les laisse espérer quelque temps avant de me décider à donner l'ordre de les tuer. Et pour les plus surprenants et inventives, ils ont l'honneur de mourir entre mes mains.
Je le dévisageai. Je venais de voir une autre facette de sa personnalité. Et elle ne me plaisait pas. Elle me confirmait déjà ce que je savais depuis le début. Cette dernière mission était de l'ordre du surnaturel et pourtant, jamais je ne l'abandonnerais. L'échec n'était pas permis. Surtout si proche du but.
Je me raidis en sentant ses phalanges arpenter mon bras. Il se dirigeait vers mon cou d'une lenteur déroutante pendant que mon regard le menaçait de continuer. Je serrai mes poings et étais à deux doigts de me pousser en arrière lorsque son visage se rapprocha dangereusement et que son timbre rauque et sensuel vibra dans mon oreille.
— Toi, je vais aller plus loin. Je vais te faire tourner la tête. Je vais jouer avec toi. Avec tes sentiments, tes émotions, jusqu'à ce qu'à ton tour, une balle t'attende.
J'écarquillai mes yeux et me poussai violemment en arrière. Je décampai de cette chaise, la poitrine gonflée, et tentai du mieux que je pouvais de me calmer.
— Avec juste une feuille blanche et quelques vidéos, vous en concluez que je veux vous tuer ? m'exclamai-je
Je tirai sur les racines de mes cheveux et pris une profonde respiration avant de dégager mon visage de ses mèches. Je me concentrai sur l'intonation de ma voix et observai cet homme entouré d'une aura écrasante.
— Ça ne vous a jamais effleuré l'esprit que tout cela était juste une façon comme une autre de susciter votre intérêt et de me faire remarquer parmi toutes les bimbos que vous vous envoyez ?
Il arqua un sourcil et jeta la feuille pliée sur son bureau. Il craqua son pouce avant de cacher ses doigts dans la poche de son pantalon. Je continuai.
— Aucune femme ne vous a donc suivis pour espérer un regard de vous, une petite attention ? Je suis sûre que si, alors pourquoi moi, je suis placée au rang de tueuse ? Que vous ai-je fait ?
Une sensation de dégoût posséda ma gorge à ce dernier mot et en me le répétant, mon sang ne fit qu'un tour. Je me précipitai vers ce bout de papier, attrapai maladroitement un stylo et en sortis la mine, prête à écrire.
— Allez-y, dites-moi ce que vous voulez savoir sur moi. Posez-moi toutes les questions que vous vouliez si ça peut prouver mon innocence !
Je sentis sa présence peser dans mon dos, mais je ne perdis pas contenance lorsqu'il m'emprisonna de ses bras. Je fermai les yeux et déglutis au contact de ses cheveux noirs sur ma joue. Même en présence de mon boss, mon cœur ne battait pas si frénétiquement. J'étais persuadée que Livaï pouvait l'entendre, que le monde entier pouvait ressentir ces battements inhumains sous leurs pieds.
Il entrouvrit sa bouche et l'air chaud s'échoua dans le creux de ma nuque. J'échappai une inspiration et retroussai mes lèvres avant de déraper une seconde fois.
— Tu es excellente comédienne. On y croirait, m'avoua-t-il
Je me crispai et balançai le stylo. Je lui envoyai mon épaule entre ses pectoraux pour retrouver ma liberté et capitulai en prenant le chemin vers la porte.
— Ça suffit. Vous êtes complètement parano. Je m'en vais.
Cependant, à mon premier pas, il attrapa mon poignet et me tira pour me rebloquer contre le bureau. J'avalai un grognement de douleur dans tout mon bras qui grimpait en un éclair à mon cerveau et cillai plusieurs fois pour estomper les points noirs dans mes yeux.
Je plantai mes ongles dans son biceps, désirant garder un minimum d'écart entre nous, mais sa forte brute me ramenait contre son torse. Je voulais absolument lui envoyer mon genou entre ses attributs, mais tout ce que j'avais déblatéré comme mensonge avant n'aurait servi à rien.
Il prit mon menton en coupe de sa grande main et stabilisa mon visage de telle sorte à plonger ses iris dans les miens et à ne plus jamais les quitter. Le bout de son nez frôlait mon arrêt et nos respirations chaudes se mélangeaient. La chaleur irradiait mes joues.
— Pourquoi ne te laisses-tu pas faire ? N'est-ce pas ce que tu attendais ?
Ses lèvres n'étaient plus qu'à quelques centimètres des miennes. Un faux mouvement et je les scellai. Une partie de moi m'implorait de combler ce vide microscopique et de me laisser emporter par la tentation tandis qu'une autre m'ordonnait de reprendre mes esprits et de continuer à jouer mon rôle. Ce fut la seconde qui gagna avec frustration.
— Je ne veux pas que vous me voyiez comme un objet de plaisir. Je sais que vous n'avez jamais eu de vraie relation, mais j'espérais...
— En être une exception ? devina-t-il
Je hochai timidement la tête, bloquée entre ses doigts. Sa main libre descendit le long de ma chute de rein et à défaut de mes lèvres, il effleura ma mâchoire en direction de mon cou. Un frisson épouvantable me traversa l'échine et mon bas-ventre se contracta à cette sensation incontrôlable. J'en hoquetai de surprises dans son oreille et un râlement naquit au fond de sa gorge en aggravant la douleur dans mon entrejambe. Je serrai les cuisses, fermai les yeux de toutes mes forces et d'un coup sec, j'écartai son corps.
La température ne baissait pas pour autant dans cette pièce. Je haletai et il semblait être dans le même état. Son torse se soulevait et s'abaissait à un rythme irrégulier. J'humectai mes lèvres sèches et Livaï me brûla de son regard bleuté. Puis doucement, il retrouva ses esprits et replongea ses mains dans ses poches en effectuant un pas dans ma direction. Un pas de trop pour me faire perdre cette petite liberté d'air frais et me replonger dans les ténèbres. Je secouai ma tête pour lui faire comprendre de rester où il était et il obéit.
— Des femmes, j'en baise. Tous les jours. Et je peux t'assurer que tu ne seras pas une exception.
Il m'écœurait. Ce dont il avait besoin était une personne qui le ferait descendre de son piédestal. Le succès, le pouvoir lui montait à la tête. Il fallait qu'il redescende sur Terre par je ne sais quel moyen.
— Vous me voyez toujours comme votre ennemi ?
Il enjamba cette séparation et ses doigts retrouvèrent le contact de ma peau. Je fulminai. Ne pouvait-il pas garder ses mains dans ses poches ? Pour essayer d'oublier, je me focalisai sur cette vue panoramique, mais je ne pus empêcher à mes oreilles d'enregistrer cette voix.
— Nous aurons la réponse dans quelques jours, me révéla-t-il, d'ici là, tu...
À l'arrêt subit de sa phrase, je déviai mon attention sur son regard froncé fixant le profil de mon cou. L'incompréhension marqua mon visage et immédiatement, je compris. Je m'échappai de cette caresse, me dépêchai de prendre mon sac sur le siège éloigné, prête à partir, et me forgeai une barrière en retroussant mes bras contre ma poitrine.
— Qui t'a fait ça ? s'énerva-t-il
Ses yeux translucides injectaient des éclairs dans ma cage thoracique. J'avalai ma salive et haussai les épaules.
— Pourquoi une telle réaction ? Qu'est-ce que ça peut vous faire ? répliquai-je
Je commençai à avoir beaucoup de mal à le comprendre. Il venait d'insinuer que je n'étais qu'une femme parmi tant d'autres, ou pire, une tueuse (ce qui n'était pas tout à fait faux), mais ce soudain élan de colère me faisait penser tout le contraire. Ce qui était ridicule.
— Tu voulais me prouver ton innocence. Alors, fais-le maintenant. Qui t'a fait ça ?
Je baissai mon champ de vision sur ces grands carreaux et touchai les empreintes de mon boss. Ce connard allait tout faire foirer. En vitesse, je cherchai une excuse valable, mais je n'étais pas sûre d'en trouver une assez convaincante.
— Un homme que je fréquentais. Nous nous sommes revus hier. Je voulais mettre un terme à notre relation, mais il ne l'a pas très bien pris, lui expliquai-je
Livaï ne parlait plus. Il m'analysait. Il était assez intelligent pour deviner que je mentais. Pourtant, il ne montrait rien. Il gardait son expression impassible sur son visage viril et après un long silence palpable, il marcha vers la grande vitre donnant sur la ville entière et parla d'un ton posé.
— Tu es douée pour cerner les gens, mais pour mentir, j'ai connu mieux.
— Je ne vous mens pas, répondis-je trop rapidement.
— Dans ce cas, donne-moi son nom.
Je me tus, incapable de sortir un son de mes cordes vocales, et pendant ce temps, il avança dans ma direction dans une démarche dominante et terrifiante, me réduisant à mesure que son aura m'enveloppe et m'étouffe.
— Je pourrais le retrouver, t'en débarrasser et il ne posera plus jamais les mains sur toi. N'est-ce pas pour ça que tu es venue à moi ? Qui, du Japon, serait le mieux placé pour te faire sentir en sécurité ?
La forme de mes ongles se grava dans mes paumes. Mes dents mangeaient l'intérieur de mes joues jusqu'au sang et une boule de rage grossit dans ma gorge de seconde en seconde pour atteindre ses limites et exploser.
— Je ne suis pas venue vers vous pour obtenir quoi que ce soit. Votre fortune, votre pouvoir, je m'en tape. Et c'est ça que vous ne comprenez pas.
J'agitai mes bras dans tous les sens, le pointai du doigt. Je laissai cette colère s'extérioriser dans ce bureau et continuai de lui balancer des mensonges, même si une part de vérité était présente.
— Vous n'avez plus l'habitude que les gens viennent vers vous pour ce que vous êtes, mais il en existe encore ! Sauf que vous êtes tellement sur la défensive que vous ne les voyez même pas.
Ma poitrine contre son torse, je soutenais ses iris, la tête haute. D'une voix plus basse, je terminai.
— J'espérais bêtement avoir une chance de vous montrer qu'il existe encore des gens humainement bons qui ne cherchent qu'à passer du temps avec vous. Il faut croire que je me suis trompée.
— Tu aurais dû tenter une autre approche pour que ces mots sonnent juste.
Je repensais immédiatement aux couloirs du château. De son regard noir, la petite fille avait pris peur et il n'avait rien fait pour arranger les tensions. Il avait gardé cette expression hautaine et supérieure qui m'horripilait.
— Vous vous en êtes pris à une enfant. Vous ne croyiez tout de même pas que j'allais laisser passer ça ? J'accepte beaucoup de chose dans la vie, mais s'en prendre injustement à une enfant m'est intolérable. Et malgré vos airs insupportables, je suis là, devant vous, à encore essayer de me justifier sur mes intentions et à me dire qu'il reste tout de même un espoir pour vous. En réalité, je perds mon temps.
Je reculai et maintins la bandoulière de mon sac. Qu'il me croie ou non, je m'en fichais. Je n'avais plus rien à dire. Les dés étaient jetés. À lui de choisir maintenant sur quelle face, elles allaient s'arrêter. Pair, je gagnais. Impair, je perdais.
— Tu es très forte. Je vais vraiment bien m'amuser avec toi.
Je grognai de désespoir et pivotai sur mes pieds. Je lui consacrai un dernier regard pour mettre un terme à cette conversation dans un ton neutre et me dirigeai vers la sortie.
— Au revoir, monsieur Ackerman.
J'entourai la poignée, l'abaissai, et pendant que je disparaissais dans l'ouverture, Livaï trouva le moyen d'avoir le dernier mot et de me faire tiquer.
— Surprends-moi, (T/P).
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