Chapitre 14.5
Livaï
À l'époque où Isabel vivait, mon but était de la rendre heureuse. Je n'attendais que la fin de ma journée de travail pour rentrer chez moi et voir son sourire m'accueillir. Elle était ma motivation. Je désirais lui offrir tout ce qu'elle souhaitait. Mais cela se résumait en un toit, de la nourriture et un minimum de vêtements dont la plupart appartenaient à des garçons. Le seul extra que je pouvais me permettre était lors de son anniversaire.
Au fil des années, je pensais qu'elle continuerait à m'accueillir avec ses grands yeux verts et sa voix surexcitée qui montait dans les ultrasons. Je me souvenais encore de ses plats carbonisés, de sa chambre en pagaille, de son envie de fourrer son nez dans les histoires d'adulte. Tous ses détails me manquaient. Ces défauts qui, avant, m'arrachaient les cheveux et usaient de ma patience.
Je m'étais concentré sur mes études, après sa mort. Durant quatre années. Pour tout posséder. Je pouvais protéger l'unique famille qui me restait. Ma mère. À sa sortie de l'hôpital, je lui avais offert une maison, des employés pour qu'elle ait le moins de corvée à effectuer. Seulement, la peur de la perdre s'accroissait. Je suivais ses déplacements. Ses dépenses. Je vérifiais les identités de chaque personne qu'elle côtoyait. Quand je devenais trop insistant sur sa vie privée, elle s'énervait. J'en avais que faire. Elle vivait sous un toit que je lui avais acheté. Elle déboursait mon argent. J'estimais posséder tous les droits pour poser toutes les questions que je voudrais.
Je contrôlais tout. J'instaurais une distance avec le monde. Je manipulais ces êtres faibles pour que le passé reste derrière moi. Même si la nuit, il revenait me hanter. Ce silence dans ma maison... Cette obscurité. J'écoulais la plupart de mes nuits dans un de mes hôtels, accompagnés. Je fuyais ma vie antérieure et j'y arrivais plutôt bien jusqu'à ce que (T/P) débarque et me confronte à mon reflet. Mes faiblesses. Mes craintes. Mes doutes. Tout ressurgissait avec elle. C'était un mélange étrange d'apaisement et d'angoisse.
La voir près de moi me rassurait. Et contempler son sourire m'attendrissait. Elle portait Haru dans les bras, dans la chambre de ses parents. Elle le berçait, chantonnait une vieille comptine japonaise. Puis, je me surpris à me projeter dans un monde que je n'avais jamais imagé. Je l'imaginais avec notre enfant. La bague au doigt. Je me mis avoir envie de faire mieux que songer... Parce que cette femme était mon avenir.
En fin d'après-midi, Tim et moi avions reçu les résultats des analyses ADN de la maison 2 rue de la Foi. Takeshi Murakami. Le criminel numéro un du Japon, recherché depuis une trentaine d'années pour le meurtre et le viol de sa mère et de sa sœur. L'enquête venait de prendre une tournure plus dangereuse et importante qu'elle ne l'était déjà.
Au restaurant, pendant qu'elle observait l'horizon, je n'osais savoir tout ce qu'elle avait pu endurer avec lui. Et je crevais d'envie de lui demander si elle connaissait ce nom. Car pour l'instant, elle ne l'appelait que « boss ». Je risquais de compromettre l'affaire s'il s'avérait qu'elle le connaissait... Je pris le risque. Et sa réponse grossit cette boule dans ma gorge qui ne comportait qu'un besoin de meurtre.
Elle était la deuxième femme à pénétrer dans ma propriété, mais la première à occuper l'autre partie de mon lit. Elle s'était effondrée, à peine avais-je déposé la couverture sur ses épaules. Juste le temps de lui annoncer mon départ pour Osaka, et de supporter son supplice. Ne pars pas...
Dans l'avion, j'avais allumé mon ordinateur uniquement pour traquer ses déplacements. Elle se rendait à l'hôpital. Je n'aimais pas ça. Surtout que depuis Paris, elle apparaissait à mon bras dans tous les magazines people. Et que son père était maintenant au courant.
Il me harcelait d'appel, mais je n'avais pas de temps ni d'envie à lui accorder. Un problème après l'autre. Et la priorité était l'assaut imminent du SAT. Avec Tim, nous réglions les derniers détails autour de la table de réunion. Tous les chefs d'équipe des forces spéciales parlaient à la suite, expliquaient les plans d'attaques. Chaque homme avait un rôle à jouer.
L'offensive se déroulerait dimanche d'après le message que son boss lui avait envoyé. « Il te reste 25 jours et tu seras définitivement à moi ». J'espérais ne pas faire d'erreur. Et cet espoir s'envola lorsqu'une notification m'annonça qu'elle était en communication avec son deuxième portable. J'interceptai le coup de fil avec Tim dans le séjour de sa chambre d'hôtel. Nous écoutions. Ça ne me plaisait pas. Elle n'évoquait aucune date, mais elle était prête à agir. Elle ralliait à sa cause ces types en leur promettant la liberté. Grâce à qui ? Moi. Là, je virais au rouge. Je faisais les cent pas pendant que Tim se tirait les cheveux et braillait pour extérioriser son stress.
— Ça peut être demain comme jeudi... parla Tim pour lui-même, j'appelle le chef. Ils doivent être prêts à frapper à tout moment.
Moi, c'était cette tueuse que j'appelais même si elle bavardait encore avec ces connards. J'avais besoin que sa voix me soit destinée. Pas ses larmes. Elle souffrait à travers tous ces sanglots qu'elle s'efforçait de retenir. Elle me broyait le cœur à son timbre empli de tristesse. Et je ne pouvais rien faire. Rien lui dire, alors que les mots me brûlaient la langue.
Je n'avais jamais ressenti un tel niveau d'impatience de ma vie. Le chauffeur ne respectait aucune limite de vitesse. La distance jusqu'à ma maison se réduisait et pourtant, mon oxygène m'abandonnait. Mon cœur cognait de la même puissance que si j'enfonçais mon poing dans la gueule de quelqu'un. Au dernier relevé géographique, (T/P) était chez moi. Il me tardait de le vérifier, même si mon application ne pouvait me tromper.
Toutefois, lorsque je bondis de la voiture et me ruai à l'intérieur de la demeure, elle ne s'y trouva pas. Je l'appelai. Gueulai. Je rafraichis sa localisation sur mon portable. Mes phalanges virèrent aux blancs. Je manquai de me déchausser la mâchoire à mesure que je serrais les dents. Elle bougeait. Putain ! À l'instant. Elle était à bord d'une voiture.
Je composai le numéro du chef du SAT. Il répondit à la première sonnerie. Je lui hurlai que l'attaque était imminente.
(T/P) me donnait l'emplacement de l'organisation. Les forces spéciales se paraient de leurs munitions, recevaient les dernières informations et s'enfermaient dans leurs camions blindés.
Pendant ce temps, je regagnais mon entreprise, entouré de mes gardes du corps. Je suivais l'assaut sur la télévision de la plus grande salle de réunion du bâtiment. Je ne tenais ni assis ni debout devant les images. Je mourrais d'envie de les rejoindre, de récupérer cette cinglée de femme. Ma femme.
Dès l'aube, le SAT arrêta les derniers criminels et dressa une liste d'identifications pour ces individus. Trois putains d'heures interminables après, elle s'afficha à mon écran. Je survolai ces noms et ces photos. Elle n'y était pas.
Je tombai sur mon siège, me frottai le visage. Lui non plus n'y figurait pas. Takeshi Murakami. Je pris une profonde inspiration pour m'éviter d'exploser pendant que Tim s'installait avec une tête fatiguée. Il s'affala, jeta ses dossiers sur une table, et soupira en coiffant ses cheveux en arrière.
— Les forces de l'ordre sécurisent le gratte-ciel. Les entrées et sorties de la capitale. Le portrait du criminel est diffusé absolument partout. Ce n'est qu'une question d'heure avant qu'ils l'arrêtent.
Des heures qui pouvaient être désastreuses pour (T/P). On ne pouvait pas se permettre d'attendre que ce connard se montre des suites d'une erreur d'inattention. Trente-quatre ans qu'il excelle dans l'art de la fuite... Tu parles d'heures...
La porte s'abattit contre le mur de vitres. Ceux-ci vibrèrent pendant qu'un homme déboula dans la salle. Deux gardes quittèrent leur poste pour l'arrêter. Il gueulait, me désignait du doigt. J'ordonnai à mes hommes de le relâcher. Le vieux se rua à ma hauteur et agrippa le col de mon pull.
— Vous n'êtes qu'un enfoiré ! J'avais confiance en vous ! me cracha-t-il
Je l'empoignai pour diminuer la pression qu'il affligeait à ma gorge et interdis à Tim de s'en mêler en le voyant s'approcher.
— Vous l'aviez trouvé... et vous vous êtes servis d'elle... Où est-elle ? OU EST MA FILLE ? hurla-t-il
Un coup dans le ventre, le vieillard se recroquevilla. Je retournai son bras à la force de ma poigne, son corps limita la douleur en suivant le mouvement. J'écrasai son torse sur la table, tirai sur son bras et l'immobilisai par la nuque.
— Votre fille. Vous osez l'appeler comme telle alors que vous l'avez abandonnée ? Regardez en face de vous.
Je tirai sur ses cheveux afin qu'il braque ses yeux sur la télévision et approchai mes lèvres à son oreille.
— Vous êtes à l'origine de son malheur. Est-ce le rôle d'un père ? Je ne pense pas. Vous, qu'en pensez-vous en sachant que votre fille a passé ces dernières années dans cette organisation ?
Son corps se raidit.
— Méritait-elle cette vie ? Je ne pense toujours pas, mais ce que je sais, c'est qu'une fois qu'elle sera libre, tant que je vivrais, je la tiendrais toujours éloignée des pourritures de votre espèce.
Je le lâchai dans un à-coup qui me permit de me décharger de cette hargne dans mes membres. Il tomba au sol et explosa en larmes. Je craquais aussi. Je devais savoir où elle se trouvait. Ainsi, je quittai le bureau, descendis les étages en ascenseur, traversai le hall avec mes gardes du corps et dévalai les escaliers jusqu'à ce qu'une femme en sang hurle à la mort mon prénom. Se rue sur moi avec un sourire qui se voulait consolant. Et qui me sauve d'une balle fatale.
***
L'attente s'éternisait. Je tremblai de nervosité. Elle me bouffait. Me dévorer jusqu'à la moelle. Je ne lâchais pas cette horloge hideuse accrochée au mur. Je suivais la grosse aiguille rouge. Six heures. J'attendais depuis six heures dans une minuscule salle oppressante qu'un médecin surgisse derrière la porte.
Les quelques patients qui passaient par là me dévisageaient et préféraient continuer leur chemin au lieu de s'asseoir. J'empestais le sang séché. Et je n'en avais rien à cirer. Même leur messe-basse derrière le mur. Tout me semblait fade. Insipide. La Terre tournait lentement, dans un épais brouillard qui me cachait de ce monde.
Je n'avais pas répondu à Tim qui m'annonçait que l'opération avait été un succès. Aucune perte. Juste quelques blessés légers. Toute l'organisation avait été démantelée. Takeshi Murakami avait été retrouvé poignardé dans une ruelle. Et ce sniper, Reiner Braun allait bientôt crouler en prison pour le reste de son existence. Aucun Franck ne m'égratigna l'oreille. Et franchement, je m'en foutais à un point...
J'enfonçai mes coudes dans mes cuisses et plongeai mon visage dans ces mains moites aux crevasses rouges. Puis, des pas éveillèrent mon intérêt. La porte s'écarta. Je quittai ma chaise d'un bond et cet homme à la blouse blanche me demanda de le suivre. Le long du couloir, il déclara qu'il l'avait placé en soin intensif.
Vivante... Elle respirait... Vivante...
Il m'emmena à son bureau. Je fixai aussitôt les tas de radiographiques affichait sur son négatoscope. Je perdais mes mots. Je perdais mes forces. Je perdais mon souffle. Je plaquai une main sur un meuble pour que celui-ci retienne mon corps. Je n'écoutais plus que le médecin.
— Je parlerais avec franchise, monsieur Ackerman. En trente ans de métier, je n'avais jamais rencontré une patiente comme Mademoiselle (T/N).
Du bout de son doigt, il me montra une radio et enchaîna avec les autres.
— Premier traumatisme crânien. Aucun soin. Deuxième, non plus. Troisième ? Pourquoi le soigner... Les fractures ? L'hémorragie interne ?
Il soupira de lassitude et croisa mon regard vide.
— Vous la connaissez depuis longtemps ?
— Non... dis-je dans un souffle.
— Monsieur Ackerman, ces blessures que vous voyez ne sont pas « accidentelles ». Et pour une raison qui m'échappe totalement, elle a enduré, pire, ignorer ses symptômes. Maux de tête. Vertiges. Perte d'équilibre. Fatigue accrue. Détérioration des fonctions intellectuelles. Difficultés de mémorisation, de concentration, trouble de l'humeur. Et je peux continuer.
Il s'installa confortablement sur sa chaise roulante, m'invita à prendre place en face de lui d'un mouvement de main. Une main qu'il joignit ensuite à l'autre avant de les coller sur son ventre.
— Dois-je vous énumérer ses cicatrices ? 145, monsieur Ackerman. Petites, moyennes, grandes. Des vieilles. Des récentes. 145. Surréaliste.
Il marqua une pause. Et tant mieux. J'essayai d'encaisser. De garder mon sang-froid. Mes ongles s'implantaient dans la peau de mon crâne. Mes dents s'écrasaient entre elles au risque de se déraciner. Le chirurgien se racla la gorge, m'indiquant qu'il allait reprendre et que c'était le moment de l'arrêter si je ne pouvais en entendre plus.
Je le laissai poursuivre et le sommai de ne rien omettre.
— Elle peut guérir de ses blessures. Le coupe de poignard porté dans sa clavicule la détruite, mais c'est opérable. La balle a brisé son humérus, c'est remplaçable. Ses fractures peuvent se refermer avec beaucoup de temps et de patience. Pour ses traumatismes, elle vivra avec des lésions. Mais, l'hémorragie interne rend tout cela... utopique.
Il se tourna, prit le dossier de l'hospitalisée et en sortit une échographie qu'il me dévoila. Il l'examinait encore comme s'il n'arrivait pas à croire à cette image. Puis, il lâcha à moitié songeur :
— Cette personne... elle... elle a préféré endurer ces douleurs, risquer sa vie pour une chose... Et maintenant que tout est fini, elle se laisse partir.
Sa phrase repassa en boucle dans mon cerveau. J'ancrai mon champ de vision dans ses yeux marron bridés et celui-ci releva mon incompréhension.
— Elle a fait deux arrêts cardiaques au bloc opératoire. Son cœur refusait de continuer à battre. Et à se battre pour rester en vie.
— Putain...
— Comme vous le dites...
J'accolai mon dos au siège et tirai ma tête en arrière. Je fermai les paupières pendant que le chirurgien se redressa. Je m'enfermai dans les ténèbres, cette ombre de noirceur qui me suivait depuis ma naissance.
— Son pronostic vital est engagé, ajouta-t-il, tout va se jouer dans les prochains jours. Mais, monsieur Ackerman, vous devez savoir que c'est déjà un miracle qu'elle soit encore parmi nous.
— Je dois la voir, murmurai-je affaibli.
Ce n'était pas une question, mais une obligation. J'avais un besoin viscéral de la voir. De constater le gonflement de sa poitrine à chacune de ses respirations. D'entendre par moi-même cet organe qui bat en elle et qui lutte pour la maintenir vivante. De sentir sa chaleur dans le creux de sa main...
Le chirurgien me demanda de patienter jusqu'à son transfert dans sa chambre. Il me conseilla de prendre l'air. Je ne cherchais pas à lui faire comprendre l'urgence de mon envie, alors je quittai son bureau et m'orientai vers l'extérieur comme un être à qui on venait de voler l'âme.
Et pas qu'à moi... Je m'installai sur un bout de banc tandis que de l'autre, Erwin, essuyait ses yeux humides et reniflait. Il n'essayait pas de cacher son mal, mais tentait tout de même un petit rictus lorsqu'il me vit.
— Comment va-t-elle ?
— Elle va s'en sortir. (T/P) est arrivée à temps, mais...
Il éclata en sanglots, ne termina jamais sa phrase. Je la devinai. Elle s'en tirera avec un visage défiguré.
Je fixai le goudron sous la lumière dégueulasse des lampadaires du parking. Entre de violentes convulsions, il se forçait à prononcer quelques mots.
— J'ai dû mal à réaliser ce qui se passe...
Nous étions deux. Puis, ma langue bougea d'elle-même. Je lui racontais cette histoire qui avait gravé mon cœur de minuscules et profondes plaies. Il enchaîna sur la sienne, sa rencontre avec Hanji au lycée. Sa famille désapprouvait sa relation avec une fille de classe moyenne. Et, des suites de ses études à l'étranger, il dut y mettre un terme. Il avait toujours regretté.
Ce ne fut que plus tard que le chirurgien m'autorisa à entrer dans sa chambre. Et au seuil, je me tétanisai. Il m'avertit qu'il me laissait cinq petites minutes avant de s'en aller, pendant que je découvrais toutes ces machines effrayantes, ces tubes reliés à sa bouche, ces alarmes stressantes, cette couverture blanche qui cache son corps en convalescence.
Près d'elle, je levai une main tremblante. Mon estomac se broyait. J'effleurai sa joue d'un seul doigt de peur qu'elle disparaisse dans un nuage de poussière dans ce lit. J'enfonçai mes doigts dans mes yeux, grimaçai à cette douleur continue dans ma poitrine. En les enlevant, ma vue se floutait et une traînée humide coulait jusqu'à ma bouche. Je l'effaçai d'un coup de pouce, observai cette larme écrasée. Cette unique larme que je contenais depuis la mort d'Isabel.
— Toi aussi, tu vas m'abandonner ? marmonnai-je pour moi-même.
Je déviai mon attention sur celle qui avait changé ma vie. Je reniflai en arc-boutant ma paume à sa joue. Et lui avouai ce qu'elle aurait dû entendre avant de sombrer.
— Un jour, j'ai rencontré une actrice plutôt convaincante. Elle s'efforçait de me faire croire qu'elle n'avait pas d'autres intentions que mon amour pur. J'ai donc répliqué qu'elle ne serait jamais une exception.
Je glissai ma main à la naissance de sa poitrine. Je me concentrai sur ses battements et abaissai mon corps au-dessus du sien.
— Elle m'a donné tort. Elle m'a fait perdre la tête.
Je me souvenais de ce premier sourire qu'elle m'avait offert à Paris. Cette nuit où elle avait volé mon souffle. Mon cœur. Mon âme. J'embrassai son front et lui susurrai :
— Mon exception...
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