Chapitre 12.3
Le dernier parent quitta la demeure avec son enfant. Tim partit dans la cuisine rejoindre Mai. Il prit soin de coulisser la porte derrière lui au moment où Yuki relevait son petit nez de son dessin. Elle croisa mon regard. Mon sourire. Et retourna à ses occupations. Quant à moi, j'observai Livaï sur la terrasse en pleine communication téléphonique.
« Cette distance entre nous... Ce n'est pas moi qui la mets. C'est toi. ». Ne plus le vouvoyer signifierait une attache dont j'ignore dans quel enfer elle pourrait me conduire. J'en arrivais déjà à un stade où ma comédie frisait la sincérité. Alors, le tutoyer... C'était la seule barrière qui pouvait me maintenir un peu éloigné de cet homme après tout ce que j'avais vécu avec lui. Je ne pouvais pas faire ça... Le tutoyer rendrait plus réel tout ce que mon cœur essaye de me faire comprendre. Je refusais de l'écouter. Je n'en avais pas le droit.
Le PGD raccrocha au téléphone et s'abrita du vent en retournant à l'intérieur. Il guettait toujours son écran, les sourcils froncés. Il le manipulait avec une impatience qui se montrait de par quelques frappements de pied.
— Tout va bien ?
Il me semblait l'avoir sorti de ses pensées étant donné la mine étonnée qu'il me dévoilait. Il rangea son portable dans la poche de son pantalon et hocha la tête en marchant vers moi. Il jeta un rapide coup d'œil au dessin de Yuki et glissa une main délicate sur mon épaule avant de s'éloigner.
— J'en ai pas pour longtemps, m'informa-t-il
Il s'engouffra dans le couloir. Une porte claqua. Tim le rejoignit quelques minutes après et me laissa entrevoir la cuisine. Mai se servait un verre de whisky. Un deuxième. Puis, cette fois-ci, elle ne se cassa pas la tête : elle le remplit à ras bord. J'abandonnai Yuki à ses dessins et fermai la porte coulissante pour éviter à cette petite de découvrir sa mère dans cet état.
Je m'installai à ses côtés et Mai engagea aussitôt la conversation.
— Je te remercie pour ta présence, (T/P). Ça m'a fait du bien.
Elle but une grosse gorgée. Cette famille se montrait soudée, heureuse en public, mais en réalité, elle se déchirait silencieusement.
— Tim a l'air d'avoir beaucoup de travail.
— Nous devions partir en vacances demain. Mais il vient d'annuler, me confessa-t-elle épuisée, nous n'étions pas partis depuis plus de dix ans, juste tous les deux.
Elle tournait son liquide dans son verre. Elle l'observait comme si seul cet alcool pouvait la délivrer de ce moment. Un moment qu'elle semblait vivre de nombreuses fois.
— Il vous a dit pourquoi ?
— Jamais, tu penses. Il est sous contrat de confidentialité. Je n'ai le droit de savoir que quand il part. Cette chance ! grogna-t-elle en terminant son verre, je ne suis même pas autorisée à savoir où parfois. C'est... terriblement angoissant.
Elle remplit son quatrième verre et ancra ses yeux noirs dans les miens.
— Toi non plus, tu ne semblais pas au courant.
Je fronçai les sourcils. Elle s'expliqua.
— Livaï s'en va avec lui.
Une vive douleur prit en grippe mon cœur. Pourquoi ? Pourquoi partait-il ? Pourquoi maintenant ? Il ne pouvait pas... Il ne me restait que très peu de temps et je ne savais toujours pas ce que j'allais décider pour jeudi... Il ne pouvait pas s'éloigner. J'avais besoin de lui plus que je ne l'aurai cru.
— Il vous a dit combien... combien de temps ils partaient ? demandai-je la mâchoire tremblante.
— Ils font juste un aller-retour. Deux jours. C'est rapide, mais ça tombe au plus mauvais moment.. Je m'en faisais une telle joie.. Ça faisait des années que j'attendais ça..
Je n'écoutais plus ce qu'elle me racontait. Je restais fixée sur ces deux jours. Livaï revenait mercredi. Mercredi... D'un geste brusque, Mai me réveilla en cognant le verre contre l'îlot. Ses mains manucurées attrapèrent mes épaules, elle rapprocha son visage et dans le blanc des yeux, elle me déclara :
— (T/P), si toi et Livaï, ça prend une tournure sérieuse, tu dois le savoir. Ne t'attends pas à ce qu'il soit toujours présent. La vie de famille avec un homme d'affaires est très compliquée, surtout quand il travaille sur des dossiers classés secrets. Tu devras faire des compromis. Lui aussi. Tu ne seras pas toujours où il sera. Il ne rentrera pas toujours à l'heure qu'il t'avait promis. De là, tu devras mentir à tes enfants. Leur dire que tout va bien, que papa arrive bientôt alors que tu n'en as pas la moindre idée. Tu te rongeras la peau jusqu'au sang quand il sera seul dans un hôtel avec sa secrétaire, pendant que toi, sa femme, devras t'occuper de votre enfant malade, de votre bébé, du repas, de l'école, des activités, et ce, toute seule parce que tu refuseras de demander aux domestiques de faire ses tâches parentales à ta place. Têtue comme tu es.
Elle me crachait tout ce qu'elle avait sur le cœur depuis plusieurs années. Des choses auxquelles je n'avais pas le droit de penser et auxquelles je rêverais de vivre. Je supplierais le monde pour prendre sa place quelques jours. Juste pour avoir un aperçu de cette vie familiale, difficile ou pas. Un peu de jalousie gonflait ma poitrine. Je ne pouvais pas me mettre dans sa position, alors je ne disais rien. Mais, elle, elle avait eu cette chance de tomber sur un homme aimant, gentil sans fétichisme pour les massacres.
Je piquai son verre avant qu'elle le vide d'une traite et le plaçai un peu plus loin. Elle souffla en coiffant ses cheveux en arrière et relâcha la tension dans ses épaules.
— Je sais que c'est dur pour lui aussi.. Je sais que son travail lui prend du temps. Je sais qu'il aimerait de temps en temps rester au lit avec nous. Mais il ne se permet jamais ça. Tu te rends compte que je le vois treize heures par semaine à tout casser ? Il voit plus ses employés que sa famille. Le soir quand il rentre, il est épuisé. Il mange, échange deux, trois phrases avec Yuki, embrasse Haru. Il se douche, me rejoint au lit. Il me prend dans ses bras et s'endort. Et moi, je le regarde dormir en voyant passer une autre journée sans lui avoir parlé. Ça me brise le cœur. Je suis heureuse d'être mariée à cet homme. Mais ça me fait mal. J'ai besoin de lui.
Elle essuya une larme au coin de son œil. Un petit sourire timide se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle leva son visage vers la fenêtre.
— Néanmoins, aujourd'hui, il a fait un effort. Livaï et lui travaillent sur une affaire importante. Sans doute la plus importante depuis des années. En tout cas, ils m'en donnent l'impression. Ils devaient rester aux bureaux toute la journée, mais Livaï a accepté de bosser ici. Yuki était tellement heureuse.
Elle caressa la peau de son avant-bras du profil de son pouce et d'une voix douce, elle m'avoua :
— J'ai eu tout ce que je désirais. L'homme que j'aime et deux enfants magnifiques, et malgré ça, j'ai en permanence une boule dans mon ventre, un manque constant qui me ronge, qui me fait craquer. Et ce manque est cette présence, cette chaleur de l'homme que j'ai épousé. Le père de mes enfants.
Des images de moi et Livaï explosaient dans mon esprit. Elles défilaient dans tous les sens : nous et notre famille. Moi avec mes enfants. Pourquoi ? Pourquoi me fis-je autant mal ? Je sentais l'humidité monter dans mes yeux et ressentais ce besoin effrayant d'être près de lui. Mon rythme cardiaque s'accentuait à mesure que les secondes défilaient sans que je sois loin de cet homme. Des secondes de perdues.
Je descendis alors de la chaise et pris la parole en piquant la bouteille presque vide de whisky.
— Vous devriez lui dire tout ce que vous m'avez dit. Je suis persuadée qu'il doit penser la même chose. Faites le premier pas et n'ayez jamais peur de déclarer ce que vous pensez. C'est votre mari. Celui avec qui vous avez décidé de partager votre vie. Il est là pour vous épauler, vous guider, vous rassurer, vous aider. Non le contraire.
Je louchai sur son verre, puis sur elle avec un sourire naissant.
— Par contre, parlez-lui les idées claires. Ne dites pas des choses que vous ne pensez pas, prévins-je
Un rire léger résonna entre les murs. Elle quitta sa chaise, lissa sa robe et mon souffle se coupa lorsqu'elle me prit dans ses bras.
— Je te remercie, (T/P).
Je comptais plus le nombre de fois où je guettais les minutes passer aux côtés de Yuki et Mai. Je n'attendais que l'ouverture de cette porte au fond du couloir et d'une voix grave qui m'annonçait que nous pouvions partir pour une soirée à deux.
Après ce qui me semblait une éternité, les deux hommes quittèrent leur pièce avec des dossiers en main. J'arrêtai le coloriage avec Yuki et rejoignis cet homme dont ses yeux bleus me transperçaient à mon approche. Je ne comprendrais pas pourquoi mes pulsations s'affolent, ma peau se couvre de sueur, mon ventre se creuse, mon sourire s'agrandit chaque fois que je m'avance vers lui, mais tant que ses symptômes ne m'empêcheront pas de l'atteindre, je les accepterais et les accueillerais.
Tim et Mai m'annoncèrent que je serais toujours la bienvenue ici. Yuki s'empressa de me demander quand je comptais revenir. À cette question, ma voix se tut. Je m'agenouillai et ne sus que la prendre dans mes bras en guise de réponse. Je lui ordonnai de prendre soin d'elle et de sa famille. Je l'embrassai sur la joue et elle me le rendit sans hésiter. Une barre dans la gorge m'empêcha de respirer.
Sur le siège passager, je massais mon ventre. J'avais tenu toute la journée sans prendre de médicaments. Je m'en félicitai qu'à moitié. La tête sur le repose-tête, j'observai la population dans les rues à cause de la Golden Week. Les hôtels affichaient complet, les entreprises avaient les rideaux baissés, les bus se remplissaient, plein à craquer, et les routes principales bouchonnaient. Nous étions coincés dedans.
— Où allons-nous ? me renseignai-je
Je tournai mon attention sur le conducteur. Bien silencieux depuis notre départ. Il me répondit qu'il m'emmenait dîner. Je ramenai mon corps dans la même direction que mon regard, un peu gênée par la ceinture de sécurité. J'admirai ses traits, la blancheur de son teint qui valorisait la couleur de ses iris. Les néons de la ville brillaient à l'intérieur. Ils m'offraient un spectacle apaisant. Et l'insistance dont je faisais preuve à son égard ne semblait pas le déranger.
Au bout d'une bonne demi-heure, nous nous approchâmes du gratte-ciel Shinjuku Park Tower. Livaï se gara dans le parking souterrain et nous empruntâmes l'ascenseur pour monter les cinquante-deux étages.
Lorsque les portes s'écartèrent, je ne pus faire un pas en avant. J'écarquillai mon regard à cette vue vertigineuse. Je longeai ce panorama japonais à couper le souffle avec une petite musique pianistique. Pour la énième fois en moins que quinze jours, j'en prenais plein les yeux. Livaï glissa une main sur ma chute de reins pour m'obliger à entrer dans ce restaurant. Il me conduisit jusqu'au maître d'hôte et celui-ci nous salua avec le plus grand sourire que je n'avais jamais vu.
Nous traversâmes ce lieu au parquet clair, aux luminaires étincelants et à l'atmosphère chaleureuse. Au fond, près d'une imposante vitre, le serveur nous demanda si cette table réservée nous convenait. Livaï me regarda, attendit ma réponse. Surprise, je hochai la tête avec mon « oui » bloqué dans ma gorge. N'importe quelle place m'aurait satisfaite, pensai-je.
Je m'installai dos aux clients qui nous épiaient d'un œil curieux. Livaï retira sa veste, la drapa sur la chaise et commanda. Le vieux serveur aux courts cheveux gris s'inclina en nous souhaitant une bonne soirée et un bon repas.
— Vous ven...
La noirceur dans ses yeux me poignarda le cœur. Je me pinçai la lèvre et me repris avant que toute cette couleur n'empoisonne la soirée.
— Tu viens souvent dans ce restaurant ?
Il adossa ses avant-bras sur la table, plus détendu, et plongea ses prunelles dans mes iris. J'étais sûre qu'il pouvait lire tous les effets qu'il me procurait d'une simple œillade. Et ce que j'appréciais était qu'il ne s'en amusait pas. Tout naturellement, il me racontait qu'il y mangeait de temps en temps. Il aimait la vue, surtout au coucher du soleil comme maintenant. Il me montra du bout de son doigt le mont Fuji dos à moi que je n'avais pas encore aperçu. Il m'aidait à m'orienter par rapport à son entreprise. Me révélait la hauteur de ce gratte-ciel. Je me penchai vers ma chaise pour mesurer les mètres qui me séparaient de la terre ferme. Deux cents mètres, m'apprit-il. Puis, il continua par me raconter l'histoire de certaines tours.
C'était tout ce que je voulais pour cette soirée. Qu'il parle. Sans cesse. Qu'il grave en moi le timbre masculin de sa voix. J'adorais où ce son ténébreux me transportait.
— Et tu voyages souvent en France ?
Il y allait régulièrement pour rendre visite à sa mère. Il lui avait acheté une maison au bord de mer. Il s'y rendait aussi pour les affaires. Jamais pour les vacances. Il n'en avait jamais pris depuis qu'il avait commencé à travailler.
Le vin versé, le serveur nous apporta les plats. Livaï avait commandé un menu où nous avions tous les meilleurs mets culinaires de ce restaurant en petite quantité. Je pris mes baguettes et Livaï me fit signe de commencer avec les siennes. Je lui souris, l'eau à la bouche, et m'attaquai aux sushis en lui souhaitant bon appétit.
Je prolongeai la conversation en lui demandant des détails sur sa mère. Livaï prit l'initiative de me montrer une photo d'elle sur son téléphone. Son fond d'écran. Une belle femme aux longs cheveux noirs, au teint de porcelaine et au sourire angélique tenait un chapeau de paille, vêtue d'une robe blanche sous un soleil radieux. Il lui ressemblait et je ne manquais pas pour le lui faire remarquer. Il m'expliqua que cette photo avait été prise l'été dernier avant qu'il reparte pour le Japon. Ce n'était qu'un aller-retour, mais il ne pouvait faire mieux.
« Ne t'attends pas à ce qu'il soit toujours présent. ». J'effaçai les mots de Mai d'un battement de cils et voulus saisir pourquoi il ne se permettait pas de poser quelques jours de congés. Il se refusait des vacances par rapport à ses employés. Pourquoi le patron en prendrait pendant que ces employés se tuent à la tâche ? Il se devait d'être présent. S'il s'éloignait, c'était en lien avec le travail. Rien d'autre. J'enchaînai donc avec son métier. J'espérai comprendre ce qu'il faisait d'une manière plus précise. Et ce qu'il trafiquait avec Tim. Mais il me répondit comme il en avait l'habitude. Un mauvais réflexe.
— Tu n'as pas à le savoir.
Je baissai mon regard vers la nourriture à mesure que ce vent glacial s'impose à notre table. Je terminai ma bouchée et m'adossai à la chaise en me perdant dans les derniers rayons de soleil. Discussion close. Je l'entendis soupirer et crus rêver lorsqu'une excuse traversa la barrière de ses lèvres. Il se pencha sur la table et, du coin de l'œil, je suivis sa main blessée en direction de mon visage. Il effleura mon profil et tout mon corps trembla à mon prénom.
— (T/P).
La beauté de ses prunelles me paralysait sur cette chaise. Les bruits autour de nous n'existaient plus. Tout ce qui m'enveloppait était cette aura sécurisante qui me donnait l'espoir d'un avenir heureux. Ne t'éloigne jamais de moi...
— Connais-tu un Takeshi Murakami ?
Étonnée, je hochai négativement la tête avec quelques plis sur le front.
— Non, ce nom ne me dit rien. Pourquoi ? Qui est-ce ?
— C'est sans importance, se justifia-t-il
— Je devrais le connaître ?
— Va savoir.
Il retira sa main en scrutant mon expression. Ce prénom ne me disait vraiment rien. Et le fait qu'il me soit inconnu semblait le préoccuper. Nous terminâmes le repas avec un excellent dessert à la fraise. Puis, ne tenant plus, je m'éclipsai aux toilettes et pris un antidouleur. Je m'enfermai deux minutes dans une cabine, histoire de masser mon ventre, de voir la couleur de ma peau et de hurler en silence. Je retrouvai ensuite Livaï et dans l'ascenseur, pendant qu'il lisait ses messages sur son portable, je tombai ma tête sur son épaule. Avec délicatesse, il entremêlait nos doigts le long de nos corps et caressa la paume de ma main.
— Merci pour cette soirée.
Je ramenai ma tête dans le creux de son cou, respirai son parfum, m'enivrai de sa chaleur. J'avais l'impression d'être glacée comparée à lui. Il embrassa le sommet de ma tête. Un baiser qui aurait pu m'endormir d'une traite.
À contrecœur, je me séparai de cet homme pour entrer dans la voiture. Livaï activa le chauffage et en sortant du parking souterrain, une pluie torrentielle s'abattit sur le pare-brise. Elle me berçait. Qu'est-ce que j'étais bien dans cet habitacle, pensai-je.
— Ne me ramène pas chez moi, murmurai-je à voix basse.
— Je n'en ai pas l'intention.
La plénitude se déversait dans mes traits malgré la sensation de brûlure dans mon ventre qui me tiraillait. Le médicament agissait. J'espérais pouvoir tenir jusqu'à chez lui. Je luttais pour ne pas m'endormir.
Lorsqu'il fallut descendre de la voiture, ce fut l'étape la plus douloureuse de ma vie. Je ne pouvais plus me mettre debout sans crier ma souffrance. Seulement, Livaï arrivait pour m'ouvrir la portière. J'inspirai profondément, bloquai ma respiration, plantai mes dents dans ma lèvre inférieure, et m'aidai de tout et n'importe quoi pour me redresser et me relever sous son parapluie. Je cachai l'horrible grimace de mon visage grâce à mes cheveux et suivis Livaï en direction de sa maison.
À l'intérieur, il se débarrassa de ses affaires; ses dossiers et sa veste. Il retira la mienne, posa mon sac sur une chaise et me conduit à l'étage sans allumer de lumière. La lune nous guidait bien assez. Nous montâmes les escaliers et entrâmes dans une grande chambre. Livaï ouvrit son dressing sur ma gauche et extirpa un t-shirt d'un cintre. Il me le donna et m'indiqua l'accès à la salle de bain si je le souhaitais. Je n'hésitais pas pour me réfugier dans cette immense pièce. Je m'enfermai à clé et me déshabillai en constatant les dégâts sur mon corps.
Encore trois jours à tenir...
Dans la chambre, nous entendions les rafales de vent fouetter contre les vitres. Je m'assis sur un bord du lit, la grosse couette blanche près de moi. Quand Livaï revint après sa douche, je m'allongeai sous la couverture, me tournai sur le flanc et attendis sa présence.
Je me collai à son corps, entourée de ses bras. Ses doigts se promenaient dans mon dos, mes cheveux. Je fermai les yeux, toutes mes barrières abaissaient. Je respirai l'odeur de la sérénité. Je gravais en moi le voyage de ses mains, je mémorisais cette sensation d'être tout contre un homme qui ne vous veut aucun mal. Il m'aura offert un instant de douceur avant ma mise à mort.
— Je pars pour Osaka, demain. Je serai de retour mercredi dans l'après-midi.
Il souleva mon menton, l'étincelle de ses prunelles s'incrusta en moi. Plus profond. Plus intense.
— Ne fais rien d'irréfléchi, m'avertit-il
J'esquissai un sourire. J'étais prête à croire que s'il le pouvait, il m'amènerait avec lui. Il attrapa ma main qui se dirigeait doucement vers son visage et l'apporta plus vite. Il la baisa et tomba son front contre le mien.
— Ne pars pas, murmurai-je
Si tu pars, plus jamais je ne te reverrais. Si tu t'éloignes, je prendrai une décision qui ne te plaira pas. Oui... éloigne-toi de moi, Livaï... Je suis un danger pour toi... Ne m'écoute pas...
Il écrasa mes lèvres, les cajola d'une chaleur que tout mon corps se nourrissait. J'emmêlai mes doigts à ses cheveux humides, l'interdis d'arrêter ce moment. Ce dernier moment. J'enroulai mes bras à sa nuque, succombai à la douceur de son âme.
— À mon retour, je veux que tu sois là.
Peu importe où je me trouverais dans l'avenir, peu importe ce que j'endurerais, je le saurais sain et sauf.
— Je serai là, Livaï.
Je serai toujours là. Quelque part dans ce monde. Je veillerai sur toi.
***
Face à ma maison, j'embrassai Livaï. J'étreignis son corps musclé, retardai son départ jusqu'à ce que l'instant fatidique arrive. Il entra dans sa voiture, moteur allumé, ferma la portière, et quitta le quartier en me laissant au bout de mon allée. Les premières larmes coulèrent sur mes joues. Silencieuse. Irritante. Je tournai le dos à la route et marchai jusqu'à la porte d'entrée.
Hanji se jeta sur moi sur le palier, plus en larmes que moi.
— Dis-moi que tu as trouvé une solution pour jeudi...
— Je crois oui.
Elle devina de suite que cette solution n'allait pas lui plaire. Nous nous avachîmes sur le canapé. Elle hésitait à me demander à quoi je pensais et pour être honnête, je n'étais encore sûre de rien.
Durant la journée, je préparai mon sac entrecoupé par les crises d'Hanji. Je priai pour que les voisins n'entendent rien, et ne viennent pas, car elle jetait mes armes partout dans la maison. Elle me hurlait de ne pas faire ça. Elle me suppliait de trouver une autre solution. Que jamais, elle vivante, elle me laisserait faire ce que j'avais en tête.
Elle alla trop loin lorsqu'elle pointa un fusil sur moi.
— Hanji. Pose ça. Il est chargé, lui ordonnai-je mains en l'air.
— Alors tu cesses de faire tes bagages ! gueula-t-elle les yeux rouges.
Je m'approchai d'elle. Pas après pas. J'abaissai l'arme et le lui pris. Je le rangeai dans la ceinture de mon pantalon et entraînai Hanji sur le canapé.
— Je ne veux pas te perdre... je ne veux pas...
Elle basculait son corps d'avant en arrière, ses doigts tirant sur sa chevelure mal coiffée. Ma vue se floutait à ce spectacle éprouvant. Je l'essuyai du bout de la manche de mon gilet seulement pour lire le numéro inconnu affiché sur mon portable en mode vibration sur la table basse.
Je répondis en soufflant un bon coup.
— Oui ?
— Bonjour, suis-je bien sur le téléphone de (T/P) (T/N) ?
— C'est moi-même.
— C'est l'hôpital XXX à l'appareil, je vous appelle au sujet du patient, Eren Jäger.
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