Chapitre 11.1
À trente-trois mille pieds d'altitude, je tournai en rond dans le lit au fond de la cabine de l'avion. Je me cachais de la lumière avec mon avant-bras sur les yeux. Ma main vacante sur mon ventre montait et descendait au rythme de ma respiration. Je me concentrai là-dessus et sur les cliquetis rapides d'un clavier d'ordinateur.
Livaï m'avait accordé l'accès à cette pièce pour m'éviter une nouvelle crise comme à l'allée. À condition que je me fasse oublier parce que monsieur le PDG avait un travail à terminer. Je m'en fichais de ce qu'il trafiquait tant qu'il ne me laissait pas seul dans cet engin diabolique.
Je m'adossai au mur, la couverture remontée jusqu'à mes épaules, et observai cette concentration imperturbable qu'il me dévoilait depuis maintenant cinq heures. Il n'avait pas décroché son regard de son écran d'ordinateur. Excepté quelques rares fois pour vérifier son portable. Il ne me parlait pas. Il semblait être dans sa bulle. Le Livaï tendre et protecteur d'hier soir avait disparu pour laisser la place à sa froideur légendaire.
Hier soir... En y repensant, un sourire paisible se dessina sur mes lèvres. C'était une nuit unique. Éprouvante dans son début, mais inoubliable sur la fin. À l'aube, je l'avais admiré en plein sommeil. J'avais enfin balayé ses quelques mèches de son front qui caressaient ses cils. Je ne m'étais pas demandé ce qui m'avait pris de me laisser autant aller avec lui. D'ailleurs, je ne me posais toujours pas la question. Je ne regrettais pas. Pas pour l'instant. Je m'étais plus interrogée à ce qui allait se passer à son réveil. Quel comportement il allait adopter. Et le mien. Avait-il changé d'avis sur mes intentions ? Croyait-il en mes sentiments ?
Pendant qu'il dormait, inoffensif, je me disais que si j'avais ressemblé à mes collègues, tout serait déjà terminé. Ils l'auraient tué avec une facilité à vomir par terre. C'est vrai... J'aurais pu le faire avant le lever du soleil. Pourquoi vouloir absolument attendre qu'il se suicide alors qu'il s'offrait à moi. Nu sous les couvertures. Son visage détendu. Il me tendait la perche. Et au lieu de la saisir, je l'avais ignoré, préférant être ramené contre son corps et écouter son cœur battre.
— Vous devriez faire une pause. Vous n'avez pas décroché vos yeux de cet écran depuis le décollage.
Je repliai mes jambes, au chaud sous la couette, contre ma poitrine. Les mouvements de ses doigts sur son clavier ralentirent jusqu'à cesser et nous offrir un moment de calme si on en oublie le bruit constant de l'avion. Il tomba son dos sur le dossier de sa chaise, un soupir fendit ses lèvres, pendant qu'il se frottait les yeux. Il les heurta aux miens, distant, absent de toutes émotions. Pour y faire face, j'essayais de créer un sourire tendre sur mon visage. Je lui communiquais ce plaisir que je ressentais pour m'avoir écoutée au lieu de m'envoyer valser sur les roses. Il ne me semblait d'humeur à rien depuis notre envol. Il restait enfermé dans ses pensées, pendant que je me faisais chier à tourner en rond dans ce lit, à me demander quand les nouvelles perturbations allaient me réduire à l'état de légume.
— Je me demandais... pourquoi avoir signé ce contrat avec le français ? Vous êtes déjà dans le Top 5 des plus grosses fortunes d'Asie. Vous voulez étendre votre empire ? Conquérir l'Asie ne vous suffit plus ?
— Tu poses trop de questions... grommela-t-il épuisé au fond de son siège.
J'en poserais moins si tu répondais à quelques-unes, pensai-je. Je tombai mon menton sur mes genoux, excédée par son manque de conversation et de sympathie.
— Comme compagnon de voyage, vous êtes vraiment le pire, lui balançai-je
— Si t'es pas contente, tu peux toujours retourner geindre dans l'autre salle.
J'espérais qu'il ne remarquerait pas mon immense sourire derrière ma main. Qu'est-ce que j'aimais le voir sur la défensive. Il en serait presque mignon avec ses petits traits plissés au coin de ses yeux et sa mine irritée. Je me demandai ce qu'il se passerait si j'égratignais un pan plus précis de sa personne.
— Vous avez raison. Je suis sûre que vos employés se montreront plus aimables que vous et me feront passer un vol plus agréable que ce que vous me faites vivre en ce moment.
Un regard noir. Une mâchoire crispée. Une envie soudaine de faire mal. Très mal. Ah les hommes et leur égo... Une grande histoire d'amour. Je me retenais d'exploser de rire autant qu'il se retenait de ne pas éclater. Puis, je notais dans un coin précieux de ma tête qu'il ne supportait pas la comparaison.
D'un bon, il quitta sa chaise. J'arquai un sourcil, suivis ses déplacements. Il verrouilla la porte de la chambre et commença à retirer ses chaussures.
— Qu'est-ce que vous faites ? l'interrogeai-je amusée.
— Je vais te faire passer le temps plus vite.
Mon humeur plutôt joueuse s'envola en même temps que son pull. J'allongeai mes jambes en percevant le changement brutal de ma respiration. La salive me manquait soudain. Je léchai mes lèvres et m'exprimai d'une voix que je voulais neutre.
— Vous me paraissez trop sûr de vous.
— Et toi, beaucoup moins, répliqua-t-il
Touché. La balle au centre. Je me mordis l'intérieur des joues. Des joues en feu face à ce corps que j'avais pourtant admiré toute la nuit et toute la matinée. Je serrai mon entre-jambes pour éradiquer cette sensation qui trahissait un plaisir naissant. Seulement, au lieu de l'atténuer, ce mouvement le décuplait et ma poitrine gonflait d'une excitation trop brutale pour la maîtriser avec ce PDG au pied du lit aux iris ardents incrustés dans les miens.
Il monta sur le matelas d'un air nonchalant dans les gestes, mais prédateur dans son regard. Je m'allongeai à son avancée et à ma hauteur, il happa mes lèvres. L'une de ses mains immobilisa mon poignet tandis qu'il ne détachait pas cette émotion de désir dans ses yeux qui me brûlait le sexe. Sa bouche m'agaçait à jouer avec mes nerfs et je me refusais à céder à cette tentation qu'il créait magnifiquement bien. Je me forçais à garder l'arrière de la tête collée à l'oreiller. Mon inactivité payait. Je m'en délectais dans ses prunelles enflammées, dans la contraction de ses muscles. Son plaisir s'accroissait autant que le mien. Et je ne pus dire lequel de nous deux craqua en premier.
Je me pendis à son cou, embrassai cette bouche à en perdre mon souffle. Ses mains se faufilèrent sous mon vêtement, serpentèrent sur ma peau chaude. Une douceur à se damner. Je gémissais dans ce baiser que ni lui ni moi ne voulions terminer. J'écartai mes jambes, l'encerclai, serrai son bassin pour qu'il l'écrase contre le mien. Et ce dernier me remerciait d'apaiser cette douleur. Même pour une seconde..., car elle s'empirait aux ondulations de nos hanches.
Mon haut vola dans la pièce. Comparée à la veille, la douceur dans nos gestes n'existait pas. Je manquais d'assurance, j'enchaînais les maladresses, mais rien ne m'arrêtait quand cet homme me noyait dans cette eau bleue tempétueuse. Je retirai sa ceinture avec ses lèvres baisant ma clavicule. Je soulevai mon bassin pour l'aider à m'enlever mon pantalon et il en profita pour se débarrasser du sien au bord du lit. Et il ne bouga plus.
De sa position, à genoux, il épiait mon corps. Les agitations saccadées de ma poitrine, le creux que l'excitation engendrait dans mon ventre, ma bouche entrouverte impatiente de retrouver la sienne, mes joues rouges, mon ensemble de sous-vêtements noir que Hanji avait pris soin de mettre dans ma valise. Si seulement il pouvait contempler juste ça et ne pas s'attarder sur mes cicatrices, sur mes marques. Mais le voile sombre devant ses yeux ne me trompait pas sur ses pensées.
Je m'attendais à ce qu'il me bombarde de questions, à ce qu'il ne lâche rien jusqu'à lui avoir révélé une vérité parmi tant d'autres étant donné que je ne lui en avais pas donné l'autorisation hier soir. Mais que nenni. Pas de haussements de voix sur mon refus d'obtempérer. Pas de regards écœurés sur mon corps dénudé en plein jour. C'était tout le contraire.
Il se pencha, s'abaissa au-dessus de mon visage et tout mon être frémit au profil de sa main chaude sur ma peau. Mon souffle s'échappa pour se mêler au sien. Il déposa un baiser fiévreux sur mes lèvres et les glissa sur mon cou. Il longea mon sternum, aggrava la brûlure dans mon sexe quand il s'approcha de mon entre-jambes. Et lorsque l'information de ce qu'il s'apprêtait à faire arriva à mon cerveau, un rire nerveux menaça de briser le sérieux de la situation. Je me plongeai dans le noir, essayai de me reconcentrer en me disant qu'il l'avait déjà fait dans ma chambre... Seulement, c'était différent. Je suivais la descente de ma culotte et en m'imaginant les jambes écartées, sa tête au milieu, je mordis la lèvre pour ne pas exploser d'un rire gênant. Jusqu'à ce qu'une main forte pétrissant ma fesse, ses ongles plantés dans ma chair m'arrachent un gémissement. J'ouvris mes paupières et Livaï se ramena en ancrant une expression joueuse dans mes iris. Et les traits amusés de mon visage disparurent dès l'instant où ses doigts s'orientèrent dans mon sexe.
— Voilà...
Je m'accrochai à son biceps, expirai ce sentiment de bien-être qu'il me prodiguait. Mes hanches remuaient, s'enfonçaient dans le matelas à mesure qu'il accélérait ses mouvements en moi. Je perdais ma voix, le contrôle de tout mon corps sous la satisfaction de cet homme. Ma nervosité s'abandonnait à ce brasier qui m'implorait de le laisser s'exprimer. J'acceptai dès que Livaï retira ses doigts, se protégea et me pénétra.
Nos bassins claquèrent. Je ne retenais rien et lui non plus. J'embrassais tout ce qui passait à hauteur de mes lèvres. Je griffais son dos, malaxais ses fesses musclées, accentuais mon déhanché pour qu'il suive la vitesse que je rêvais qu'il atteigne.
Je nouais mes bras à son cou, emmêlai mes jambes aux siennes et par une forte pulsion, je le retournai. Il tomba sur le matelas, ses mains sur mes cuisses, et à mon tour, je profitai de ma position pour contempler ce corps parfait. J'ondulai à ma guise, basculai ma tête en arrière, déposai mes marques sur ses pectoraux contractés. Mes gémissements se nourrissaient de ses plaintes, de ses à-coups profonds.
Il se redressa d'un bon, dégrafa mon soutien-gorge d'un geste trop rapide et s'acharna sur ma poitrine comme je venais de torturer la sienne. Avec délice. Avec passion. Brutalité. Je hurlais de plaisir sous les morsures de ses dents. Je tirai sur ses cheveux, et à sa voix dans mes oreilles, à ce timbre grave, enroué par l'excitation, je partis en vrille.
— Tu vas me tuer, (T/P).
Tu auras ma peau, bien avant, pensai-je en un éclair. Je hurlais cette vague déferlante qui s'empara de mon être en même temps que Livaï aggravait ses coups de boutoir. Je me cambrai dans ses bras, appréciai cette béatitude avant d'être pris de vitesse par toutes les douleurs musculaires qui allaient suivre une fois que je redescendrais sur Terre.
Je m'écroulai sur son torse. Les yeux clos, la respiration haletante, la peau moite de sueur. Il me rallongea sur le matelas en douceur pour s'extraire du lit et après quelques minutes, je l'imitai et m'enfermai aux toilettes.
Je retournai à ma place respective avec l'entrecuisse à moitié irrité. Avec cet orgasme qui coulait encore dans mes veines, je ne regrettais absolument pas. Sous les draps, je les écartai, mais les refermai aussitôt lorsque Livaï décida de me rejoindre. Mon regard surpris ne l'étonnait pas. Il se positionna de profil dans ma direction, un bras sous l'oreiller, et me couva d'une attention qui ne ressemblait pas à son personnage. Doux. Protecteur. C'était l'homme d'hier soir et je ne réfléchis pas pour me blottir contre lui.
Son rythme cardiaque toujours irrégulier me berçait. Et un sourire fatigué se dessina sur mon visage en pensant que je ne voulais pas que l'avion me ramène au sol. Quand je franchirai la porte de ma maison, la parenthèse de ce week-end se refermera. Et tous mes remords me tomberont dessus.
Livaï raffermit sa prise.
***
La voix grave du pilote me tira de mes songes. Je grognai sous la couverture en l'entendant nous annoncer que nous allions atterrir sur le sol japonais. Je me mis sur le flanc, mais des bras me ramenèrent sur le dos, accompagnés d'un tendre baiser sur ma tempe.
— Habille-toi, et rejoins-moi à côté.
Un vent glacial violenta mes pores à l'ouverture de la porte principale. Je croisai mes bras contre ma poitrine et descendis les marches de la passerelle. Une voiture noire nous attendait en bas avec son chauffeur à côté. Un employé rangeait mes affaires dans le coffre. À mon arrivée, le conducteur déverrouilla la portière et avant que je me réfugie au chaud, une main me tira et des lèvres se plaquèrent sur les miennes avec avidité. Livaï couvrit ma nuque de ses paumes et les glissa vers mes joues rougies par le froid. Je m'accrochai à sa veste, répondis à ce baiser qui surprenait tous les spectateurs sur la piste d'atterrissage en plus de moi.
En s'éloignant, ses yeux bleus s'arrimèrent à mes prunelles. Une myriade d'émotions assombrissait cette couleur. Dans l'incompréhension, j'attendais ses paroles en écartant ses belles mèches noires sur son front. L'encourageais. Mais elles ne vinrent jamais. À la place, il me laissa entrer dans la voiture. Il claqua la porte, échangea quelques mots au conducteur et marcha jusqu'à son véhicule.
***
— Une revenante ! explosa Hanji
Je sortis de ma chambre avec de petits yeux épuisés. Je les frottai pour retirer ces taches floutées et enfilai un gros pull par-dessus mon pyjama. Les rayons du soleil dans le salon grillèrent mes pupilles et déclenchèrent un mal de crâne dont je m'en serais bien passée.
— Je ne t'ai pas entendu rentrer hier soir, m'avoua-t-elle derrière le comptoir.
Je me dirigeai vers la cuisine et gagnai une étreinte étouffante ainsi que des acouphènes par sa voix aigüe.
— Tu m'as manquée ! s'extasia-t-elle, je veux tout savoir !
— hmm... répondis-je encore dans le coaltar.
Elle me libéra avec un regard vicelard qui signifiait que je ne quitterais pas la maison avant des explications détaillées. Je montai sur une chaise haute. Hanji s'attarda à me préparer une boisson chaude et lorsqu'elle me la servit, elle s'accouda face à moi, silencieuse, mais avec un énorme sourire qu'elle ne put contrôler. Je soufflai du nez.
— Oui, lâchai-je simplement.
— PUTAIN DE MERDE ! hurla Hanji en faisant vite le lien.
J'appréciai ce liquide me brûler la langue et l'œsophage. Ma colocataire bondissait de joie sur le canapé derrière moi, seulement lorsqu'elle revint au comptoir et qu'elle vit mon air perdu, elle se calma.
— (T/P)...
— C'est une catastrophe... crachai-je
Tout défilait. L'avion. Le congrès. Cette nuit. Je savais que la culpabilité allait me dévorer, mais me détruire à ce point, non. Les larmes menaçaient de monter alors que je n'en avais pas le droit. Néanmoins, ce n'était pas des larmes de regret. J'avais aimé tous ces moments qu'il m'avait fait vivre. Les plus belles depuis ma naissance. Un petit écart dont je me devais de lui remercier.
— Je dois me reprendre..., m'ordonnai-je, Eren compte sur moi et moi, qu'est-ce que je fais ? Je m'envoie en l'air avec ma victime !
— Rien ne t'interdit à prendre du bon temps et d'accomplir ta mission après. Sauf si....
Hanji laissa sa phrase en suspens. Je croisai ses yeux marron, lui fis un signe de tête pour qu'elle s'explique. Elle semblait hésiter avant de continuer.
— Sauf si des sentiments entrent en jeu. Là... c'est sûr que ça ne va pas être une partie de plaisir...
J'emmêlai mes doigts à mes cheveux en pagaille et tirai dessus pour camoufler cette soudaine douleur dans ma poitrine. Mon boss apparaissait devant moi. J'inspirai longuement, étirai les muscles de mon cou en basculant d'avant en arrière ma tête et descendis de la chaise.
— Aucun sentiment. Ce week-end, je devais connaître son point faible. Et je m'en rapproche. Je dois juste mettre tout ce que j'ai appris au clair et je pourrais passer à l'action, lui expliquai-je mécaniquement.
— Et la (T/P) humaine, elle en pense quoi ?
Je fusillai Hanji et m'enfermai dans la salle de bain. Je me retrouvai en tête-à-tête avec moi-même devant le miroir. Et tout ce qu'il m'envoyait en pleine face ne me plaisait pas. Je filai sous la douche, m'arrangeai à l'arrache et décampai de cette maison. J'empruntai le même chemin depuis six ans. Je passai par le parc, me promenai près du fleuve et m'arrêtai au milieu d'un pont en observant les poissons et quelques pétales de sakura nappant la surface de l'eau.
— Bonjour...
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