Chapitre 1
- Vous avez cinq jours pour remplir le contrat. Largement suffisant selon les rumeurs que j'ai entendues à votre égard, révéla-t-il de sa voix rocailleuse, il faut faire passer sa mort pour un accident.
- Vingt pour cent, lançai-je d'une voix autoritaire.
- Je veux vingt pour cent de la paye immédiatement, explicitai-je
Les feuilles du contrat se froissèrent dans sa grande main poilue. Une longue veine bleue tressautait sur son cou pâle. Il encaissait ma demande comme il le pouvait. De toute manière, il n'avait pas le choix. J'attendis sa réponse en sentant une pointe d'agacement naître en moi.
- Soit. Vous les aurez demain, accepta-t-il enfin.
- Alors je ne commencerai que demain, conclus-je
Il tiqua. Son large front se couvrait de sueur à mesure que le temps passait en ma compagnie. Et pour ma défense, je ne faisais rien pour le retenir. Bien au contraire. Si je pouvais décamper de cet endroit moisi, je le ferais avec joie. Ses yeux verts, ridés et bridés brillaient de rage sous la faible lumière jaunâtre accrochée au plafond. Son visage imberbe virait au rouge et sa mâchoire arrondie se contractait. S'il pensait être capable de m'effrayer, il pouvait se mettre le doigt là où je pense. Il ne trompait personne, enveloppé dans un long manteau. Il tremblait de tout son être et je m'en amusais.
Je soutenais son regard dans un silence pesant et au bout de quelques secondes à peine, il capitula et relâcha ses épaules crispées.
- Très bien. Mais cela doit être parfait ! cracha-t-il
Ma jambe droite s'abattit en toute violence contre la vieille table en bois. Les pieds cédèrent sous le choc et le bois se fissura en deux. Ce quarantenaire sursauta d'un pas en arrière, les yeux figés sur cette pauvre table au sol. Les papiers du contrat glissèrent de sa main moite et s'éparpillèrent dans cette pièce lugubre et poussiéreuse pendant que j'agrippai son col d'un coup sec.
- Faites attention à ce que vous dites. Après lui, ma prochaine victime pourrait parfaitement être vous. Et je peux vous jurer que sa mort sera douce en comparaison à la vôtre.
Ma cagoule gênait ma respiration, mais j'articulais chaque mot pour qu'il les imprègne dans sa cervelle. Ses membres tremblaient et sa pomme d'Adam descendait et montait rapidement. Certes, il faisait une tête de plus que moi, mais cet homme n'avait aucune force dans son corps. Il ne résistait pas à ma poigne, paralysé par mon geste soudain. Je n'eus pas besoin d'aller plus loin. Il avait compris dans quelle situation, il s'était embarqué.
Je le relâchai, prenant la peine de défroisser son col. Une action qui accentua davantage sa peur. Je reculai de sa zone de confort pour le laisser reprendre sa respiration et récupérai la feuille la plus importante au sol. Je l'entendais se racler la gorge. Il ne me semblait pas y être allée aussi fort. Qu'en avais-je à faire ? Cet homme était pathétique. Comme tous les autres qui faisaient appel à moi. À nous.
Je soupirai et retournai la feuille du bon côté en retirant une petite pelote de poussière. Je la lus.
Nom : Ackerman
Prénom : Livaï
Âge : 34 ans
Sexe : Masculin
Taille : 1 mètre 60
Cheveux : noir
Yeux : bleu
Nationalité : Française
Profession : PDG de « Ackerman-K »
Caractères : autoritaire - sang-froid remarquable - calculateur - possessif - intelligent - manipulateur
Autres : pratique le combat au corps-à-corps - célibataire - pas d'enfant - grande fortune personnelle - le travail avant tout
- Est-ce vous qui avez rempli les cases caractères et autres ? demandai-je, un peu amusée.
- C'est exact, répondit-il la voix voilée.
Je fixai ce nom de famille, un peu sceptique et hésitante. Depuis mon arrivée sur le terrain, j'avais refusé à trois fois les contrats concernant cette personne. Elle était trop puissante et intouchable. C'était trop risqué. Une seule erreur et c'était fini. Cependant, aujourd'hui, l'argent me manquait. Et pire, le temps défilait.
Livaï Ackerman. La plus grande fortune du Japon. Une vie privée cachée à la perfection au grand désespoir des médias. Il entretenait une image d'homme d'affaires qui influençait les plus jeunes. Il acceptait que quelques interviews dans l'année. Ses rivaux le respectaient dans son travail malgré son air supérieur. C'était un excellent homme d'affaires ayant gravi les échelons jusqu'à créer sa propre boîte de réseau qui, maintenant, contrôle toute l'Asie de l'Est.
Et malgré tout, cela ne l'empêchait pas d'avoir des ennemis capables de vouloir véritablement sa mort.
Livaï Ackerman était un homme venu de nulle part et certains journaux ne se privaient pas pour combler ce vide inconnu par des histoires ridicules qui nous convenaient. Il aurait couché pour atteindre son objectif. Il aurait tué, volé, joué de son charisme imbattable.
Il était normal de savoir le secret de sa réussite. C'était la question qui traversait les esprits des Japonais. Une partie des habitants le voyait comme un espoir pour la jeunesse en difficulté et une autre partie le percevait comme une menace, un profiteur, une vermine à exterminer. Exactement le cas pour l'homme, planté en face de moi.
Lorsqu'on me contactait, c'était la plupart du temps pour me demander d'éliminer un membre de leur propre famille, un ami, un collègue de travail et j'en passais. Je ne demandais pas de détail sur la raison. Le contrat, lu et approuvé, je m'exécutais dans la seconde. Leur décision de passage à l'acte ne me regardait pas et du moment, qu'ils ou elles me payaient, j'exauçais leurs souhaits. J'avais bien sûr des limites. Je ne touchais pas aux enfants et je me réservais le droit de décider pour mettre fin à la vie des femmes. Pour les hommes, leur sort ne m'importait guère. Et si je ne réussissais pas la mission, cela fera comme si le contrat n'aurait jamais existé. Ces conditions se trouvaient en bas du contrat. Dont d'autres. Si à la fin de mon travail, la somme exacte ne m'était pas versée, je tuais mon client.
La majorité d'entre eux ne lisait pas ces petites lignes. Ils prenaient leur stylo, signaient pour se débarrasser de ce stress infernal et partaient, me laissant leur âme. Six ans que je pratiquai ce métier, six ans qu'ils n'y voyaient que du feu. Certains en payaient le prix en me hurlant que je les avais manipulés, refusant d'assumer jusqu'à leur dernier souffle.
Je m'apprêtai à accepter le contrat le plus difficile de ma maudite carrière. Cet homme d'affaires sera difficile à approcher et différent de mes autres victimes. Mais soit, elle marquera en beauté la fin d'un travail horrible. Ou pas.
Je devrai trouver un moyen d'être seule avec lui plusieurs fois. Je devrai gagner sa confiance. J'en soupirai. Avec les autres victimes, je pouvais faire la gentille fille cruche de leurs rêves, accepter leurs invitations à dîner, trouver leurs points faibles et les achever.
À la différence de mes collègues, je ne tuais pas. Je les amenais au suicide. Et avec ce nouveau contrat, la tache me paraissait périlleuse et compliquée.
Cinq jours me semblaient impossibles. Il me fallait plus de temps. Une semaine pour connaître au maximum ses activités, ses déplacements, même si ces dernières doivent changer chaque semaine. Une autre pour rentrer en contact avec lui en évitant que cette rencontre se passe mal et une autre pour mettre un plan à exécution.
- Donnez-moi vingt-cinq jours, exigeai-je
- C'est impossible ! gueula-t-il, c'est beaucoup trop long.
Je soufflai dans ma cagoule, impatiente de m'en débarrasser et repris d'un ton plus ferme.
- Vingt-cinq jours. Ou rien.
La salle plongea dans un silence oppressant. Je scrutai son regard et lui tendis la feuille. Une goutte de sueur s'écoulait vers sa tempe. Il hésita un instant et tomba ses épaules.
- Vingt-cinq. Pas un seul jour de plus, abdiqua-t-il en soupirant.
Il prit le papier et sortit un stylo de la poche intérieure de son manteau d'une main tremblante. Comme je m'y attendais, il signa sans rien lire. Je ramassai les trois autres feuilles volantes au sol et une fois gribouillées de sa marque, je les rangeai dans une chemise.
- Vous pouvez compter sur moi. La mission débutera quand vous m'aurez versé les vingt pour cent, terminai-je en le contournant.
Ses doigts passèrent dans sa chevelure noire, mélangée à sa sueur. Toute la tension accumulait pendant cette entrevue redescendait en trombe. Ses jambes tremblaient et j'eus peur que ses genoux vacillent et ne soutiennent plus son poids. J'imaginais que c'est ce qui se produisait lorsque je lui tournais le dos pour quitter cette pièce nauséabonde.
Je marchai en direction de cet éclat de lumière au bout du couloir étroit. Je retirai cette laine étouffante et coiffai mes cheveux avant d'être aveuglée par les rayons du soleil. J'appréciai cette légère et agréable brise printanière et respirai à plein poumon.
J'admirai ce ciel bleu sans nuages en rentrant chez moi et mon portable professionnel vibra dans ma veste.
« Le montant a été transféré. »
J'esquissai un bref sourire, impressionnée par sa rapidité.
Mon travail pouvait commencer. Demain.
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