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Chapitre 5

J'ai toujours imaginé les boîtes de nuit comme des lieux discrets, habilement situés dans l'ombre de ruelles excentrées et dont le seul accès serait une petite ouverture gardée par un cerbère en costume noir. Je me les figurais un peu comme les limbes : dissimulées aux yeux du monde extérieur, chaotiques et brûlantes à l'intérieur. À la place du Styx, je voyais les pistes de danse endiablées. Dans mon imagination, le brasier de l'enfer prenait l'apparence plus inoffensive de néons aveuglants et les âmes égarées qui fréquentent ce genre de clubs jouaient le rôle des damnés. Toutefois, si le Lust semblait aller dans le sens de ma métaphore, l'Eclipse parvient à ébranler légèrement mes préjugés. De dehors, du moins.

Cyclopéen, plus lumineux qu'un sapin de Noël et aussi discret que les montres en or que mon oncle exhibe à son poignet, le bâtiment s'étend sur une bonne cinquantaine de mètres en plein cœur de l'île. Une colonie de palmiers artificiels encadrent le périmètre. Des effets d'éclairage et des projections animées peignent l'imposante façade du club et créent l'illusion d'une cascade en mouvement. Dorée, la cascade. Pour la discrétion, on repassera. Un énorme Phoenix sculpté ouvre grand ses ailes enflammées au sommet de la gigantesque porte centrale.

Il n'y a pas que la porte qui soit gigantesque, je note en claquant derrière moi la portière du véhicule de Diego. La file d'attente qui débute dans l'ombre du volatile mythique se poursuit tout le long du trottoir et semble sans fin. Je n'en distingue pas le bout. En étirant mes membres gourds, je tente de déterminer la vitesse à laquelle la queue se réduit. C'est lent. Très lent. J'espère que Mia a prévu une tente et du matériel de camping parce qu'à ce rythme, je ne pense pas que l'on posera un orteil dans la boîte avant trois heures du matin.

C'est aussi bien, je songe avec une coupable pointe d'espoir. Je pourrais attendre ici toute la nuit. Il fait étonnamment bon. La canicule nous accorde une trêve et une agréable et tempérée chaleur souffle sur nous son haleine nocturne. La voûte céleste est tapissée d'une ribambelle d'étoiles pâles comme des miettes de pains, luisantes comme des joyaux égarés. Je pourrais les compter, me perdre dans leur contemplation et oublier tout le reste. Oublier jusqu'à mon nom. Mon nom tous les autres. Oui, rester dehors me semble soudain une bonne option, la meilleure qui s'offre à moi. 

- Qu'est-ce qui te fait sourire ? s'enquière Mia en s'adossant au faux palmier le plus proche.

Son frère s'est éloigné pour payer le parcmètre et elle a sorti une cigarette de sa poche. Beurk. Je m'écarte discrètement lorsqu'elle expulse sa première bouffée de poison vers le ciel d'encre.

- Rien. 

- Lily.

- Je me demande juste comment tu espères entrer là-dedans avant l'aube. 

- T'inquiètes pas pour ça. J'ai un passe VIP, lance-t-elle avec un clin-œil énigmatique. 

Je dissimule ma déception derrière une moue sceptique.

- Donc on ne va pas faire la queue ?

- Non.

Bien que j'ai un peu de mal à le croire, je n'insiste pas. Mais plus je regarde la foule assoiffée qui se presse avec un enthousiasme vorace à l'entrée du club et plus j'angoisse. Je m'égare dans les éclats lumineux qui font scintiller le bâtiment et mes mains deviennent moites de stress. J'ai l'impression d'émerger d'une séance d'hypnose. Je n'en ai jamais suivi, mais j'imagine que c'est ce que l'on ressent. Je retrouve soudain la totalité de mes facultés mentales et me rends compte de l'énormité de la situation. Mais qu'est-ce que je fais là, bon sang ? Comment est-ce que j'ai pu songer, ne serait-ce que l'espace d'une seconde, que sortir faire la fête après la journée que je viens de passer pourrait être un plan acceptable ?

Le déni, ma chère. Le déni...

C'est comme d'être somnambule et de se réveiller à quelques centimètres d'un profond ravin, en équilibre sur la pointe de ses orteils. N'importe quelle personne sensée s'éloignerait coûte que coûte du précipice en revenant à la raison. J'essaye aussi de reculer  : telle un pauvre ballon crevé, je me dégonfle à toute vitesse.

- Mia... je ne crois pas que... je ne suis même pas habillée comme il faut, j'improvise, poussée par un vent de panique irrationnel. Il y a sûrement un code vestimentaire... 

C'est la vérité en plus. Presque toutes les filles que je vois sont en robes et talons. La colombienne ne cille pas, comme si elle attendait le moment où je tenterais de faire marche arrière. Elle m'adresse une petite moue entendue, mais n'entre pas dans mon jeu. 

- Qu'est-ce c'est ? m'interroge-t-elle en pinçant l'ourlet de mon chemisier entre ses doigts. Du Ralph Lauren ? Armani ? Gucci ?

Je ne réponds pas, piquée au vif, et rougis légèrement quand elle me contourne pour lire la marque sur l'étiquette du vêtement. Zut. Je grimace d'embarras devant sa mine victorieuse.

- C'est bon, t'es dans le dress code, me coupe-t-elle l'herbe sous le pied avant de se tourner vers Diego qui est de retour avec une mine un peu sombre. Ça y est ?

- Ouais, maugrée-t-il en se plantant près de nous. Au prix de la place de parking, ils devraient me refaire la peinture et vérifier le niveau d'huile. 

- Arrête de râler. On y va ?

Diego secoue la tête.

- Non. On attend les autres.

Mia croise les bras, dissimulant le charmant slogan de son top, et soupire bruyamment d'ennui.

- Quoi ? Pourquoi ? Il faut qu'on leur tienne la main pour entrer, en plus ?

Diego ne relève pas, visiblement immunisé contre le sarcasme mordant de sa sœur. Il se contente de lui prendre sa cigarette des mains pour inspirer à son tour une bouffée de nicotine.

- Faut que t'arrêtes de fumer, lâche-t-il sombrement en soufflant des arabesques de tabac par le nez.

Les volutes grises s'enroulent une secondes autour de ses boucles avant de s'égarer dans la noirceur du ciel.

- J'arrêterai quand t'arrêteras.

- Tu comptes payer ta place avec quelle thune, Jeff Bezos ? demande le latino sans réagir au chantage de Mia.

- Pas besoin de payer. Lily va nous faire entrer gratos, affirme très calmement la colombienne.

Plait-il ?

Mes yeux devient ronds comme des billes et je dévisage mon amie en attendant la chute de la blague. Soit la plaisanterie est vraiment très longue, soit ça n'en est pas une et on risque d'avoir un problème.

- Euh... Mia, ça ne me dérange pas de payer nos entrées, mais je ne suis pas magicienne et ce club n'est pas à moi...

- Non. Mais il est à ton oncle.

Je marque un temps d'arrêt pour digérer l'information. Inutile de préciser qu'elle passe très mal. C'est pire que d'avaler un trognon de pomme et de le sentir racler la paroi de votre œsophage en s'y engouffrant.

- Pardon ?

- Eh ouais, tonton sexy possède un Night Club. Qui l'eut cru ? s'amuse Mia en se méprenant sur la raison de ma mine effarée.

Je suis moins choquée par le fait que mon oncle détienne une boîte de nuit qu'inquiète à l'idée de passer ma soirée de fugue dans un endroit qui lui appartient. Quoi de plus stupide ? Evidemment, je ne peux pas l'expliquer à Mia parce que cela impliquerait de parler... du reste. Pour le moment, je m'échine à garder cette mascarade à bonne distance de mon esprit. 

Muette, je plisse les yeux et les rive à nouveau à l'Eclipse. Maintenant que je suis au courant, je reconnais bien l'extravagance et le penchant pour la démesure et le blingbling de mon oncle. Je scanne d'un regard angoissé la file qui ne rétrécit pas. Sans surprise, je ne reconnais personne, mais je suis prête à parier que ce ne serait pas le cas de Chris. Il a probablement tout un tas de connaissances ici, qui n'attendent que de pouvoir lui rendre service. Il a déjà des yeux et des oreilles partout sur cette île, je n'ai pas la moindre chance de passer inaperçue dans ce club. 

Cette conviction se mue en certitude absolue lorsque trois énormes et bruyantes motos inondées de la lumière blanche des réverbères débarquent sur la route dans un concert de pétarades et dérapent sans grâce au bord du trottoir. Evidemment, tous les regards de la petite bourgeoisie qui grossit la file d'attente convergent de concert vers les nouveaux arrivants comme si ces derniers s'apprêtaient à donner un spectacle.

Quand le premier conducteur retire son casque, révélant sa très reconnaissable chevelure de neige, mon estomac a une sorte de spasme de désespoir. L'albinos descend en remettant un peu d'ordre dans ses cheveux. Génial.  Impeccable. Ne manquait plus que l'espion attitré de mon oncle pour me faire passer du point "en très mauvaise posture" au "on frise la catastrophe". 

Mes inquiétudes se tarissent toutefois rapidement, éjectées au fin fond de ma conscience, lorsque le second "motard" gare son véhicule. Mon cœur s'affole et s'emballe sans transition. Il est vraiment idiot.

Royce ne porte pas de casque. Il n'en porte jamais. Ses cheveux malmenés par le trajet à l'air libre sont dressés sur sa tête, les mèches sombres semblent se livrer un duel acharné au sommet de son crâne. J'imagine qu'il doit être aussi ébouriffé au saut du lit. Mince. Pourquoi je pense à ça, moi ? Il faut croire que je deviens un peu folle sur les bords. Qui a besoin de savoir à quoi le mécanicien ressemble au réveil ? Pas moi, en tout cas.

Mais je ne peux pas m'empêcher de le regarder et, une fois de plus, je songe qu'il aurait été parfait dans ces films des années cinquante et soixante où les acteurs échevelés et séduisants dans leurs blousons de cuirs avaient tellement plus de classe que les hommes d'aujourd'hui. Il serait comme un... un James Dean des temps moderne, en plus brun et moins avenant. À moins que ce ne soit un Clint Eastwood ? Et moi, je serais juste la fille qui soupire de langueur dans ses popcorns en le regardant sur un grand écran. 

Ça va ? C'est bientôt fini ?

Royce donne un petit coup de pied pour sortir la béquille de l'engin qu'il cadenasse à un poteau en deux-trois gestes fluides. Hunter et Michael l'imitent et j'emboîte machinalement le pas à Diego quand il traverse la place pour rejoindre ses trois acolytes. Mia nous suit en grommelant des insanités dans la barbe qu'elle n'a pas. J'essaye de ne pas trop regarder Royce qui trifouille dans le boitier de son véhicule, mais je le fais quand même un peu. 

Il s'est assis sur le siège de sa moto, tout au bord de l'assise en cuir. Ses jambes sont tendues devant lui, ses bras croisés sur son torse. Il porte les mêmes vêtements que ce matin. Sa chemise noire est toute froissée. Malgré cela, le tissu chiffonné à le culot de flatter son buste puissant. En plus, il a remonté les manches du vêtement, exposant ses avant-bras musclés. Qui a besoin de savoir à quel point ses avant-bras sont agréables à regarder ? Encore une fois, pas moi. Son jean sombre encadre joliment ses longues jambes athlétiques et... stop ! 

Je me gratte nerveusement l'oreille et baisse les yeux au moment où son regard atterrit sur moi, pas plus déchiffrable que les hiéroglyphes de mon médecin traitant, à Londres. Je sens qu'il cherche à croiser le mien, mais je fixe la direction opposée, trop perdue pour m'inquiéter maintenant de son état d'esprit à lui. Dans ma tête, je liste toutes les choses qui pourraient mal tourner ce soir. Il y en a bien trop. 

L'albinos s'est figé en me découvrant ici. Pendant un court instant, je peux percevoir son malaise. Ses yeux étranges s'étrécissent et exécutent un aller-retour éclair entre Royce et moi. Une lueur inquiète danse dans ses iris. Ça ne dure pas très longtemps, mais je n'ai pas de difficulté à deviner ce qui peut lui traverser l'esprit à ce moment. Il se demande si je l'ai dénoncé à ses amis. J'aurais peut-être dû. Quand je pense que je me suis tue pour couvrir mon oncle alors que lui...

Mon esprit s'emballe comme une machine, lutte pour se libérer de la cage dorée dans laquelle je l'ai provisoirement enfermé. Je cligne des yeux et me focalise de toutes mes forces sur l'instant présent pour ne pas dériver vers le cauchemar qui m'attend chez moi.

Chez moi...

Je ne suis même plus sûre de savoir où c'est.

Michael se reprend très rapidement et gomme toute trace d'anxiété de son expression pour retrouver son air antipathique habituel. Bizarrement, il m'évoque une version maléfique de Jack Frost. Il porte un T-shirt Tommy Hilfiger complètement taché et un jean de marque usé. C'est à son tour de sortir son paquet de cigarette. Il prend tout son temps pour s'en allumer une et la porter à ses lèvres narquoise.

- Comment ça va, Mini-Cooper ? me nargue-t-il, snobant complètement le regard d'avertissement réfrigérant que lui décoche Royce.

Ce dernier se lève de sa bécane pour se placer entre l'albinos et moi. Michael ricane. Même son rire est désagréable, grinçant et faux. En temps normal, je me serais probablement empourprée comme une fraise en contemplant mes souliers. Mais j'ai eu une journée affreuse et l'euphémisme est très doux. Je ne suis vraiment pas d'humeur à supporter le manque flagrant de courtoisie de cet homme. 

Passer dix-huit ans à me chamailler avec Nathan m'a permit d'acquérir un certain sens de la répartie. Même s'il ne se déclenche que très rarement et fait la sourde oreille à chaque fois que j'ai besoin de lui, il lui arrive de se manifester, de temps en temps.

- Si je suis une Mini-Cooper, toi qu'est-ce que tu es ? Une Fiat 500 ou une trottinette ? je rétorque froidement en levant le menton pour fusiller du regard l'importun.

Hunter éclate brusquement d'un gros rire éraillé, Diego s'esclaffe discrètement et même Royce laisse échapper un rictus étonné. Michael ne parait pas spécialement déstabilisé, son expression se fait plus retorse et il s'incline vers moi pour me souffler en même temps qu'un magma de fumée :

- T'as refait ma soirée, gamine. Williams sait que t'es ici ? demande-t-il, l'air de rien et je suis la seule à saisir le message subliminal.

Le message... que dis-je ? La menace.

Je prends une profonde inspiration qui emplit mes pauvres poumons de l'air saturé de tabac. Ma peau se refroidit abruptement. Mes quelques couleurs prennent la poudre d'escampette. Michael doit cependant se douter qu'il joue avec le feu parce qu'il n'insiste pas sur le sujet. À la place, il choisit de m'enfoncer un peu plus.

- Au fait, on peut savoir ce qu'elle vient foutre ici ? Ce club fait l'option garderie et je suis pas au courant ? me rabaisse-t-il sans même me regarder.

- Commence pas, siffle sèchement Royce au moment où l'albinos se prend une claque à l'arrière de la tête de la part du latino.

- C'est vrai que dans le genre trash, il parait que ce club est pas mal, commente Hunter en me collant une petite pichenette sur la tempe. Vous auriez pas pu trouver plus soft ? 

- C'est pas trash, c'est luxueux, se défend Mia.

- Ouais, j'ai entendu dire que les putes sont luxueuses, par ici, rigole Hunter.

Je me raidis. Mon appréhension atteint des sommets.

Royce se pince l'arrête du nez.

- Et voilà, ça commence, se plaint Michael en roulant des yeux. Sérieux, je déconne pas, mec. Ça vous dit pas, on ramène d'abord la gosse chez son oncle ?

Je tressaille à peine. Au fond, je me fiche bien de ce qu'ils vont décider. Si je reste, je vais probablement passer une soirée infernale dans un endroit qui ne me ressemble pas à fuir le regard de Royce et à ruiner l'ambiance avec mes airs de sainte-ni-touche. Et puis, s'ils décident que je n'ai rien à faire ici, je me retrouverais seules avec mes idées noires dans une chambre d'hôtel trop grande pour moi. Entre la peste et le choléra...

Les mains nouées autour de mes bras, je me détourne du petit groupe et fixe mon attention sur la route encombrée pour me détacher explicitement de la discussion. Les feux des véhicules m'éblouissent à tour de rôles. 

- C'est vous qui vous êtes incrustés, ducon ! s'échauffe Mia. Et la "gamine" comme tu dis, c'est ton pass d'entrée, alors tu la boucles ou tu restes dehors.

À ma droite, Michael hausse les épaules et bascule la tête en arrière pour regarder les émanations de sa cigarette monter en chandelle et se faire engloutir par la nuit noire. 

- T'excite pas, je disais ça comme ça. 

- C'est bon, lâche lui la grappe, mec,  me défend gentiment Hunter en passant l'un de ses énormes bras autour de moi. 

Son membre pèse environ deux tonnes et demi sur mon épaule et son haleine de chips au paprika me chatouille les narines, mais je le laisse faire. Je lui offre même un sourire hésitant, reconnaissante de son soutien. Après tout, sans lui, j'aurais probablement été réduite en charpie dans cette ruelle glauque, hier.

- Elle va nous plomber l'ambiance, c'est tout.

- Mais non, ça va être marrant, au contraire, assure gaiement le colosse. Comme à la course de motos. Lily, t'es déjà sortie en boîte ?

Tous les regards convergent vers moi, plus ou moins curieux. Je me crispe, déstabilisée par cette soudaine attention, et ma bouche se met en mouvement sans me consulter.

- Oui. Plein de fois même, je mens bêtement en rosissant. 

Au fond, des clubs de ce genre, j'en ai vu tout un tas dans des séries et des reportages. Ça revient à peu près au même, je crois. Et puis, il y a le Lust. Cet endroit ne peut pas être pire.

- Ton nez s'allonge, Pinocchio, raille l'albinos, mais je décide une bonne fois pour toutes de l'ignorer.

- Bon, on y va ou quoi ? s'impatiente Hunter en s'écartant de moi pour exécuter des mouvements d'échauffement.

- Passez devant, tranche Royce en émergeant de son mutisme, on vous rejoint.

En même temps qu'il prononce l'ordre, sa grande main tiède se referme sur mon poignet pour me retenir. Le bout de ses doigts un peu rugueux presse sensiblement ma peau. C'est plus fort que moi, je frisonne et ma poitrine se réchauffe instantanément. Mon corps aime bien quand Royce me touche, je n'y peux strictement rien et les restes effrités de l'article de journal que mon cerveau a conservé n'ont aucune influence là-dessus. Je n'essaye pas de me dégager.

Michael lève ostensiblement les yeux au ciel avant de jeter son mégot par terre et de s'éloigner sans cérémonie. Hunter m'adresse un clin d'œil enjoué et emboîte joyeusement le pas au dépigmenté. En revanche, peu disposée à lever le camp, Mia écarte les jambes, bottines résolument ancrées sur le goudron, et pose les mains sur ses hanches, posture universelle de l'opposition.

- Non, y a pas de "on vous rejoint" qui tienne, lâche-la. Elle est pas venue ici pour taper la discute avec toi ! En plus on peut rien faire sans Lily, c'est elle qui va nous faire entrer.

Le mécanicien ressert sa poigne autour de moi, comme inconsciemment. L'agacement est plus que perceptible sur son expression, il rend les angles déjà aiguisés de son visage plus prononcés. Mais Royce ne se donne pas la peine de répondre à la colombienne, il se contente d'un bref signe de tête en direction de Diego. Le latino hoche la tête, resserre son bandana, et entraîne sa sœur de force dans le sillage des deux autres. Si des prunelles pouvaient tuer, lui et Royce seraient en ce moment même étendus raides morts sur le sol. 

Mia ne lutte pas très longtemps, elle se laisse traîner, non sans avoir affublé les deux hommes d'un regard hérissé. Elle marche à reculons pour ne pas nous perdre de vue et lève bien haut son doigt favori à l'intention de Royce.

- On est ici pour s'amuser alors me la rends pas avec le moral éclaté, connard, lui ordonne-t-elle avant de se dégager de la poigne de son frère pour rejoindre Hunter et Michael près de la file d'attente.

Je continue de les observer pendant une minute entière pour retarder le moment où je devrais me confronter à Royce. Le grand blond ne perd pas son temps : il a déjà initié un jeu de séduction très peu subtile avec trois filles sur leur trente-et-un au milieu de la queue. L'albinos est absorbé par son portable. La lumière de l'écran qui se réfléchit sur sa figure lui donne un air encore plus diabolique. Quant au frère et à la sœur, ils sont plongés dans une discussion animée, leurs mains expressives voletant en tous sens. Comme les aiguilles d'une boussole, leurs regards ne cessent de revenir pointer dans notre direction.

Royce ne m'a toujours pas lâchée. Sa paume n'est pas si chaude, mais elle me brûle quand même la peau. Il presse mon poignet. Pour attirer mon attention, je crois. Il n'en a pas besoin en réalité, la  moindre fibre de mon être est déjà tournée vers lui, bien trop consciente de son imposante présence. Je lève quand même le nez et il libère mon bras pour glisser ses mains dans les poches à l'avant de son jean. 

Bien qu'il se soit rassis sur sa moto, il doit baisser la tête pour me regarder. Je ne pourrais pas le jurer, mais il a l'air sur ses gardes, dans l'expectative. Du moins c'est ce que semble dire son langage corporel. Je ne sais pas... c'est un peu comme s'il attendait une certaine réaction de ma part, mais je ne vois pas laquelle. Son regard pénétrant se rive au mien et me dérobe mon oxygène pendant une seconde.

Incendie volontaire... 17 victimes...

Ses yeux sur moi, son attention, sa proximité... cela me fait le même effet que d'ordinaire, mais en même temps... c'est différent. Un peu comme si mon esprit avait planté une épaisse barrière protectrice devant mes sentiments. Ou projeté une ombre menaçante dessus. Tout se brouille, parasité par un malaise qui ne dit pas son nom.

Scène de crime... soupçonné de meurtre...

Je danse d'un pied sur l'autre en m'obligeant à regarder le mécanicien en face. À présent, j'ai un mal fou à démêler ce que je ressens pour lui. Je ne sais plus où s'arrêtent ma fascination et mon attirance, ni où débutent mes craintes et mes doutes. Au fur et à mesure que Royce me scrute, son visage se ferme. De la même façon que les rideaux se tirent sur une scène de théâtre à la fin de la pièce, ou que l'eau s'échappe, aspirée par une bonde ouverte, toute trace d'émotion s'estompe de sa figure. 

Je n'ai pas la moindre idée de ce à quoi il pense, pour changer. Son expression est plus lisse que la surface impeccable d'un miroir. Il pourrait aussi bien être en train de songer à la réception désastreuse à laquelle il a assisté ce matin qu'à son repas de midi ou à la dernière voiture dans laquelle il a plongé les mains. Il parait tout de même un peu tendu, les tendons de son cou ressortent plus que d'habitude.

Il ouvre la bouche, bizarrement hésitant, mais semble se raviser et la referme en soupirant. Muette, je le regarde se passer une main sur les paupières pour finir par ratisser son cuir chevelu.

- J'ai une course à faire. Tu t'amènes ?

Je fronce les sourcils, égarée. D'abord parce que je n'ai pas l'habitude d'entendre Royce proposer - en principe, il se contente d'ordonner -, ensuite parce que, quelque soit ce qu'il a besoin d'acheter, je ne saisis pas pourquoi il veut que je l'accompagne. J'hésite. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, ni si j'ai envie de me retrouver seule avec lui. Ou alors, je sais que j'en ai envie et que c'est une mauvaise idée. Mes yeux font plusieurs aller-retours entre Royce et le petit groupe qui patiente un peu plus loin, à l'écart de la file d'attente.

Michael balaye la foule de son regard dédaigneux et supérieur, Hunter essaye d'attirer notre attention par des pitreries et les deux colombiens continuent de nous observer sans même s'en cacher. Pour ce que ça change, le mécanicien ne leur prête pas la moindre attention. Mutique, il attend ma réponse sans montrer d'impatience ou d'agacement. D'ailleurs, il ne montre rien du tout. Son visage pourrait être celui d'une sculpture tant il est impassible. Et encore, il me semble que David exprime plus d'émotion.

- Et les autres ? je souffle.

- Ils attendront dix minutes, ça va pas les buter.

- D'accord, j'acquiesce enfin parce que ça n'a pas tellement d'importance.

Au fond, rien n'a plus vraiment d'importance, non ?

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