Saphir se sentait beaucoup plus sereine depuis son mariage. Elle portait toujours le deuil de son père mais le côté dominateur d'Ace avait cessé de la terrifier. Maintenant, elle savait qu'il pouvait se montrer doux et que le reste n'était finalement qu'une façade. Il serait appelé à régner sur le continent après tout, et elle devrait être à ses côtés. Ce rôle la terrifiait mais elle se sentait plus apte à y faire face. En bien peu de temps, la princesse avait changé, pour le meilleur à son avis. Son père aurait été probablement fier d'elle mais il n'était pas là de toute façon. Saphir le garderait dans son cœur pour toujours.

En y réfléchissant, cela lui faisait bizarre de le laisser ainsi de côté, d'oublier son chagrin et de le cacher derrière un masque mais elle sentait que c'était la chose à faire. Désormais, la princesse n'était plus une lionne du nord mais une fille du Sud. Une fille du feu, comme disait souvent Ace avec ce sourire mystérieux qui faisait comprendre qu'il lui cachait quelque chose.

« - Fille du feu ? demanda-t-elle. C'est à cause d'Ardent peut-être ?

- Pas vraiment. Je t'expliquerai bientôt mais... Pas aujourd'hui.

- Pourquoi non, mon prince ? s'étonna-t-elle, un peu déçue.

- Aujourd'hui, tu dois redevenir un peu une fille du Nord, non ? »

Il avait raison car en ce jour, sa famille rentrait au Lion Blanc. Elle savait que cela devrait arriver mais la nouvelle lui avait fait tout de même un choc. Bien sûr, il était évident que Wiper allait repartir un jour. Il était le roi à présent, il avait tant de questions à régler dans le Nord, il lui fallait prendre la place de son père et ce ne serait pas une tâche facile, loin de là. Wiper devait se montrer digne de succéder au grand Kalgara, alors il allait retourner sur ses terres. Ce n'était pas un choix mais une nécessité. Elle l'avait toujours su, mais quand la réalité s'affichait sous ses yeux, Saphir la trouvait bien dur. Si son frère repartait, tous ses chevaliers suivraient et alors elle resterait la seule nordienne à Ardent.

« Pas la seule. Crystal et Antonio resteront, je le sais. »

Voir son frère et sa sœur partir lui faisait pourtant bien mal au cœur. Elle s'efforça de le cacher quand le jour en question arriva mais ne put s'empêcher de mettre une robe qui venait de son pays natal. Peu lui importait que la chaleur ne soit pas commode pour ce vêtement, il fallait qu'elle le porte pour ainsi rendre hommage à sa nation. Sans attendre aucune escorte, ni aucun chevalier servant, la princesse quitta ses appartements, les appartements du prince Ace également, pour se rendre dans la cour où la délégation allait prendre le départ. Elle marchait lentement, espérant qu'ainsi, sa fratrie passerait plus de temps. C'était stupide mais elle était prête à se raccrocher à n'importe quel espoir. La cour arriva de toute façon bien trop vite. Les visages avaient l'air si grave qu'elle prit un masque neutre. Ses beaux-parents étaient là avec son époux, pas question de se ridiculiser !

« - Alors il faut se dire au revoir, petite sœur, soupira le roi Wiper.

- On dirait. Le nord a besoin de toi, je sais que tu seras à la hauteur.

- Je tâcherai de l'être. Le Nord se languira de sa petite princesse mais tu seras heureuse ici. Tu nous feras honneur, Saphir, n'en doute jamais un instant.

- Le Nord me manquera mais c'est ici chez moi à présent et je m'y sens bien.

- Roi Wiper, je prendrai soin de votre sœur, assura Ace avec sérieux.

- Nous prendrons tous soin d'elle, ajouta Rouge avec sa gentillesse naturelle.

- Nous garderons contact, roi Wiper. Nous sommes de grands alliés désormais.

- Oui, roi des rois. Mon soutien vous est acquis et je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi. Maintenant, j'ai un royaume à remettre en ordre. »

Cela ne l'empêcha pas de serrer sa petite sœur dans ses bras et de rester un long moment à la tenir contre son cœur. Leur sœur Musse les rejoignit aussi et voir la fratrie ainsi réunie se révélait riche en émotions. Ace percevait leur unité et se rendait compte de ce qu'il demandait à Saphir d'accomplir en les quittant. Pourtant, il n'y avait pas le choix, la politique passait avant tout. Même le prince des princes ne pouvait changer les événements à ce point. Lui-même serra cordialement la main du roi Wiper, sentant clairement une menace s'il ne prenait pas soin de sa chère petite sœur. La princesse Musse fut plus douce et le sourire qu'elle lui lança avait beaucoup de chaleur. Puis sans rien ajouter de plus, la délégation du Lion Blanc partit et laissa un froid, jeu de mots tellement pathétique. Tous repartirent, sauf Saphir qui resta un moment à regarder s'éloigner les siens vers le lointain. Quand elle revint, elle était bien silencieuse et le prince dut user de tout son talent pour lui redonner un semblant de sourire.

Le lendemain, ce fut au tour du royaume de la fée aux perles de regagner ses pénates. Le roi Roger resta un moment discuter avec le roi et son charpentier, concernant les bateaux qu'il souhaitait obtenir. Le prince Ace put assister à la discussion, afin d'être informé de ce qui se préparait pour le royaume. Depuis son mariage, son père avait plus de considérations pour lui et cela lui faisait vraiment du bien. Il se tenait bien droit, essayant de ne pas penser qu'il aurait préféré être ailleurs.

« - Roi des rois, je me fais fort de vous construire les dix navires que vous m'avez demandé d'ici deux années si ce délai vous convient, déclara Robb Lucci, une lueur d'avidité dans les yeux car en cet instant, il avait un grand pouvoir sur les deux rois par ses compétences.

- Ce délai me parait long mais la construction prend du temps. J'accepte. Roi Neptune, je compte sur vous pour veiller aux engagements de votre charpentier.

- Il les respectera, soyez sans crainte, répondit l'homme-poisson.

- Je l'espère bien. Cette flotte sera une grande fierté pour Ardent et j'entends la voir sur pied le plus tôt possible. Merci de votre aide.

- Merci de votre demande, roi des rois. Pour un charpentier, c'est inespéré.

- Nous allons devoir reprendre la route à présent. Veuillez nous laisser prendre congé, roi des rois. Que la trinité divine vous bénisse dans tous vos actes.

- Que la trinité divine veille sur vous. Au revoir, mon ami.

- Faites bonne route, roi Neptune, ajouta Ace, tandis que les deux membres du royaume de la fée aux perles s'en allait. Père, puis-je vous parler ?

- Que veux-tu, Ace ? Quelque chose te dérange ?

- Pour parler franchement, oui. Pourquoi avons-nous besoin de dix nouveaux bateaux ? Cela n'a pas de sens, nous ne sommes pas en guerre

- Voilà pourquoi tu n'es encore que prince. Parce que tu n'as pas vu que nous sommes au contraire dans un conflit à peine voilé.

- En conflit ? Avec les Sylves Dorées n'est-ce pas ?

- Oui. Derrière tant de manières, Sengoku me déteste toujours car il juge que je ne mérite pas la place de roi des rois. Il tentera probablement quelque chose... Quand, je ne sais pas, mais le fait qu'il ne soit pas encore parti le prouve. Connais ton ennemi, dit-on !

- Voilà également la raison de l'alliance avec le Lion Blanc...

- Tu ne vas pas me dire que tu en es déçu quand même, jeune homme ?

- Non, pas du tout. Je regrette simplement la raison fondamentale de ce choix.

- On ne fait pas toujours ce que l'on veut, même quand on est le roi des rois.

- Y-a-t-il d'autres royaumes que nous devons craindre ?

- A mes yeux tous. Sauf peut-être Carm et le Roc Sombre... Et le Lion Blanc.

- Pourtant, le prince Kuzan est une personne très amicale. Je l'aime bien.

- Le prince Kuzan n'est que troisième.... Même quatrième en comptant le prince Kobby dans la ligne de succession. Et ne me dis pas que tu aimes Sakazuki.

- Certes non. Mais est-on vraiment obligé d'arriver à une guerre ? N'y-a-t-il pas de moyen de régler ce conflit par un autre moyen ?

- Je l'ignore. Pour l'instant, je me contente de surveiller les royaumes que j'ai sous la main. Essayons, toi et moi, de rallier le plus de monde à notre cause. Tu as compris ?

- Oui, soupira-t-il. Je le ferai pour Ardent, père.

- Très bien. Et tu as d'autres choses à faire pour Ardent...

- Ne parlez pas d'elle comme si elle était un objet ! » s'énerva Ace, quittant subitement la pièce sans un seul regard de plus pour son paternel.

Le prince traversa les couloirs, furieux. Son père lui rappelait sans cesse depuis son mariage qu'il lui fallait un héritier par le biais de petites interventions qui le hérissaient. Ce n'était pas faute d'essayer mais il ne possédait pas la magie pour contrôler ce genre de chose. Non, pas cette magie là. Il marchait sans but, d'un pas vif qui résonnait bien fort, montrant que son humeur n'était pas au beau fixe. C'est ainsi qu'il tomba par hasard sur le chevalier Marco, près de la salle d'armes. Au moins quelqu'un qui pourrait le comprendre et lui redonner un peu de calme, il fallait l'espérer.

« - Ah Marco, un visage que j'avais envie de voir !

- Quelque chose ne va pas, prince Ace ? Vous semblez en colère.

- Une discussion avec un roi ne se fait pas toujours calmement mais ne t'en fais pas, ce n'est pas si grave. Remonte-moi le moral plutôt ! Des bonnes nouvelles ?

- Hum, le royaume du Désert Argenté doit repartir bientôt... Et nous serons, sauf votre respect, soulagés du départ de la reine Hancock. Je ne la déteste pas mais ses manières ont une bien mauvaise influence, si vous voyez de quoi je veux parler.

- Le départ de..., commença Ace avant d'exploser de rire. Ah, Marco, tu étais vraiment la personne qu'il fallait que je vois pour retrouver le moral !

- Je vous en prie, mon prince. Si j'ai pu me rendre utile, j'en suis heureux.

- Marco... J'ai l'impression que plus le temps passe et plus un fossé se creuse entre nous. Tu es... Tu es toujours plus poli avec moi et c'est étrange.

- Prince Ace... Je ne suis qu'un simple chevalier. Je ne peux pas être si proche de vous. Même si je le veux, ce n'est pas convenable. Je suis votre subordonné.

- Marco, tu es le chef des chevaliers. Et mon ami. Et aussi...

- Je suis touché, votre majesté mais je préfère garder ma place. De plus, je suis navré, en ce moment, j'ai beaucoup de travail, je dois réorganiser la chevalerie du royaume. Mon prédécesseur est parti trop vite, je dois poursuivre son œuvre.

- Dans ce cas, je te propose une balade dans les bois au Sud de Baterilla !

- Une balade ? Vous voulez dire, maintenant, mon prince ?

- Tout à fait ! Je suis persuadé que ça te fera du bien au moral et à moi aussi. Ce n'est pas un ordre de ton prince, c'est un ordre de ton ami Ace ! »

Le chevalier sourit, sachant qu'il n'avait pas le choix. Ace et lui se dirigèrent donc vers les écuries. Le prince était heureux que le Phénix ait accepté de l'accompagner. Il l'aimait bien, ce chef des chevaliers et il avait l'intention de réussir à la décoincer, comme avant. Pourquoi ne pouvait-on pas revenir à cette époque heureuse ? La question n'avait pas de réponse.

C'était au tour de la délégation du Désert Argenté de regagner son pays. Le départ était difficile pour certains. Par exemple, le chevalier Satch avait réellement des vues sur la princesse Violette mais il devait la laisser rentrer chez elle. Il se promit de lui écrire, sans savoir ce que la jeune femme ressentait vraiment. Voir le roi Riku partir attristait le peuple car c'était un homme très sympathique. En revanche, on regrettait beaucoup moins sa femme qui, malgré sa beauté, avait un caractère que même les gens du Sud détestaient. Il n'y avait qu'une seule personne à qui la reine Hancock espérait manquer un peu et elle se trouvait justement en sa compagnie, dans une petite pièce isolée des regards indiscrets. Le roi Doflamingo la tenait contre lui, avec des intentions très claires. Les mains du blond se baladaient à leur guise sur le corps de la belle femme qui se laissait parfaitement faire.

« - Alors comme ça, tu rentres chez toi, Hancok ?

- Oui, hélas, dans ce royaume à mourir d'ennui. J'aurais tant aimé rester un peu plus avec toi mais hélas, ce n'est pas possible, mon amour. L'honneur ne le permet pas.

- Au point où en est ton honneur, ma belle...

- Ah, tais-toi ! Si j'étais ta reine, les choses seraient plus simples.

- Sans aucun doute, mais tu ne l'es pas et cela rend tout plus excitant. Le mariage est terrible. Pourquoi ne devoir jamais rester qu'avec une personne ? Cela me paraît si ennuyeux et absurde.

- Pourtant, mon roi ne va jamais voir ailleurs, se moqua-t-elle. Je le sais, je le surveilles. Et toi, la reine Monet se désintéresse-t-elle de toi de temps à autre ?

- Jamais. Quand on m'appartient, on ne peut pas aller voir ailleurs.

- Serait-ce un message caché pour ma personne ?

- Peut-être bien... Nous nous reverrons. Tôt ou tard, Hancock.

- Oui, roi Doflamingo. Ces nuits resteront gravées en moi pendant encore longtemps.

- Et ce ne seront pas les dernières, fuffufufu. »

Ne voulant pas la laisser partir si facilement et si rapidement, il essaya de l'embrasser. Joueuse, elle résista un peu avant de se laisser complètement faire. Hancock savait très bien qu'il aimait cela, qu'on lui résiste un peu. Se soumettre trop rapidement n'avait rien d'excitant. Elle aimait le roi blond pour son côté dominateur, presque animal, ce côté sauvage et si délicieux. Tout ce qu'il lui offrait, jamais elle n'aurait pu rêver l'avoir avec ce vieil époux qu'on lui avait imposé. La brune aurait tellement voulu être la reine de Doflamingo et dans le fond, c'était compréhensible. Alors, ils restèrent un moment encore tous les deux, avant que la délégation du Désert Argenté ne prenne la route pour de bon.

Bizarrement, Borata passa à côté de la porte alors qu'ils étaient ensemble. Pas besoin de lui faire un dessin, elle savait très bien ce qu'il se passait et qui était avec le roi. Ce n'était pas si inhabituel finalement, quand elle réalisa que si, quelque chose était différent. Elle s'en moquait. Elle n'en avait rien à faire. La femme jubilait intérieurement, songeant que c'était là une sensation particulièrement agréable. Elle n'attachait plus d'importance à ce roi démoniaque qui avait gouverné son cœur trop longtemps. Le monde lui-même semblait devenu plus beau. Cela ne datait pas d'aujourd'hui mais sans doute du mariage. Quand elle avait dansé avec ce fameux Killer. Un homme étrange, portant un masque mais qui lui avait rendu son sourire. Il faudrait qu'elle le revoie bientôt. Toute souriante, Borata partie à sa rechercher. Tout, jusqu'à sa façon de se tenir, montrait que sa vie allait bien mieux.

Rester à Ardent. Norane essayait de déterminer si c'était une bonne nouvelle de savoir qu'elle ne rentrerait pas tout de suite dans son cher pays de Carm. Finalement, elle décida que c'était sans doute positif. Pourquoi ? Déjà parce que toute la délégation restait ici, tous les chevaliers et donc forcément Kidd le sanglant. La brune était certaine de l'aimer à présent, mais elle préférait ne rien lui dire. Pour le moment, elle voulait prendre le temps de mettre les choses bien au clair dans sa tête. Ce qui l'intéressait plutôt actuellement, c'était découvrir son passé. Savoir qu'elle venait d'Ardent l'intriguait et Garp n'avait toujours pas voulu lui en dire plus. Norane avait donc bien l'intention de trouver les réponses par elle-même. Ne sachant où commencer, elle profitait des instants où elle n'avait pas à surveiller Luffy pour se promener, comptant sur le hasard pour entendre quelque élément qui pourrait l'aider. Qui sait ?

S'exercer, encore et encore, ne jamais faiblir. Même si ce n'était pas pour un combat, Sasha devait garder la forme en tant que danseuse de la cour royale. Il s'agissait d'un art exigent qui ne pouvait tolérer la moindre baisse de niveau mais qu'elle aimait toujours autant. Sans savoir d'où lui venait ce talent, elle tâchait de le préserver de son mieux. Sa mère n'avait jamais aimé la voir danser pour les nobles mais sa mère n'était plus là désormais. Petit à petit, elle l'acceptait, tout comme elle admettait que les chevaliers qui étaient revenus le lendemain du décès n'étaient pas responsables. Elle se sentait un peu idiote d'en avoir voulu à Law, mais à l'époque, il lui fallait un coupable, quelqu'un contre qui diriger sa haine. Maintenant, ce n'était plus de la haine qu'elle lui destinait. Sasha se reconcentra sur ses pas, songeant que le Loup n'était pas son principal problème. Retrouver l'identité de son père aussi l'importait et elle allait mener l'enquête de son mieux, entre deux danses.

Même si le mariage était fini, le travail ne manquait pas à Ardent puisque certaines délégations d'autres pays restaient, il fallait bien s'en occuper. Antonio était heureux d'avoir été affecté au service de Saphir. Enfin, pas directement au service de Saphir mais servir le prince Ace revenait au même. Il lui fallait aider en cuisine aujourd'hui. Au moins, ses tâches étaient variées et son travail n'avait rien de pénible à ses yeux. Il trouvait dur de se retrouver dans le Sud, au milieu de serviteurs qu'il ne connaissait pas mais le brun apprit rapidement à se faire des amis. C'était même une de ses qualités et on l'appréciait autant pour son côté travailleur que pour sa gentillesse naturelle. Lui-même se plaisait, regrettant simplement de ne pas voir plus Saphir et surtout Crystal. Crystal qu'il aimait plus que tout mais dont il ignorait les sentiments. Si elle était son amie, pouvait-elle devenir plus que cela un jour ?

Dans la cour, Crystal avait gagné le droit de s'entraîner avec les autres sans que jamais personne ne lui fasse de remarque. Qu'ils essaient un peu et elle leur montrait sa valeur. Parfois, Law ou Marco intervenaient même en sa faveur. La jeune femme avait gagné leur respect, par ses actes et non par des mots creux. Même Satch avait arrêté de l'embêter, se montrant plus agréable et capable de la complimenter, à sa grande surprise. Il s'éloignait du cliché machiste qu'elle s'était faite ces dernières semaines et ce n'était pas plus mal. Pour l'heure, elle devait s'entraîner, afin de pouvoir protéger Saphir contre... Contre qui ? N'importe quel danger ! Peut-être même contre le prince Ace, elle ne lui faisait pas confiance. Au moins, l'éclair bleu avait des hommes comme le Loup ou L'Invincible pour l'aider à protéger la princesse. Il y avait Antonio aussi. Certes, ce n'était pas un véritable guerrier mais à son niveau, il pouvait faire quand même agir contre certains problèmes.

Alana passait son temps à espionner l'entraînement des chevaliers, quand elle ne s'exerçait pas elle-même à l'épée, comme son maître le lui ordonnait. Regarder les autres était très instructif et sa discrétion n'était plus à prouver. Voir une femme chevalier lui redonnait le moral aussi, l'espoir qu'un jour, elle aussi serait acceptée dans le cercle de la chevalerie. Pour l'instant, elle digérait une nouvelle apprise il y a peu. La délégation du Roc Sombre rentrait enfin au pays. Les raisons étaient obscures mais elle les devinait sans mal : avoir une responsabilité dans la mort du roi Kalgara les mettait mal à l'aise. Cependant, le roi Rayleigh tenait à ce qu'une présence de son pays demeure à Baterilla et c'est ainsi que Mihawk avait été choisi. Puis, le Trancheur avait décidé que sa disciple resterait. L'idée de remplir cette mission la rendait fière mais pourtant, quitter beaucoup des siens la rendait aussi un peu triste.

« - Vous auriez voulu rester plus longtemps, père ? demanda Shanks.

- Ne t'inquiète pas pour cela ! » rétorqua Rayleigh pour la énième fois.

Tous les membres du Roc Sombre, exceptés Mihawk et son écuyère, avaient pris congé le matin même de la famille royale de Baterilla, très rapidement, avec un certain malaise. Le roi des rois n'avait aucune rancune contre eux, de même que la princesse du Lion Blanc mais le souverain avait cru bon de ne pas trop s'attarder. Ce lien avec la mort du grand Kalgara avait entraîné une légère impopularité de leur part qu'il ne voulait plus souffrir. Ce beau monde était donc à cheval sur les routes, chevauchant dans un silence pesant. Le prince et son père discutaient tranquillement. Le rouquin se tenait le moignon qui restait de son bras gauche, baissant les yeux. S'il avait survécu, au bonheur de ses proches, la culpabilité était là et ses parents ne supportaient pas de le voir ainsi.

« - Nous avons des choses à régler au Roc Sombre, nous n'avons pas le temps de rester plus longtemps chez ce vieux Roger de toute façon.

- Père, cela ne sert à rien de m'épargner. Je ne suis peut-être pas coupable mais on ne peut pas nier ma responsabilité dans cette affaire. Si Kalgara est mort, c'est...

- Non, ce n'est pas de ta faute. Il faut que tu t'en souviennes, tu n'es pas responsable, Shanks. C'était un accident, comment aurais-tu pu prévoir ce qui allait arriver ?

- Personne mais... J'aurai pu refuser la joute. Peut-être qu'il serait encore vivant... Et la petite Kuina qui n'avait rien fait mais il n'y avait de preuves contre personne d'autre. Le monde avait besoin d'un coupable et j'aurai préféré que ce soit moi plutôt qu'elle.

- Je t'interdis de dire ça ! J'ai failli perdre mon fils ce jour là et tu es toujours en vie ! Tu comprends ? Tu es toujours en vie et pour cela, je ne remercierai jamais assez le destin ! Alors je t'interdis de dire que tu aurais voulu mourir, tu m'entends ?

- Oui, souffla le rouquin, ému intérieurement.

- Quoi que les autres diront, ça ne changera rien. Mes raisons pour nous éloigner de la cour sont autres, si tu veux vraiment savoir.

- Autres ? Il s'agit de cette histoire de complot dont nous avions parlé ?

- Complot incertain mais quelque chose se prépare à Ardent qui ne me plait pas et je préfère que nous ne soyons pas là quand la tempête éclatera. Ils vont traverser une période de calme, mais bientôt, j'ai l'impression que tout ira de travers.

- Ce n'est peut-être qu'une rumeur. Non ?

- J'aurais aimé le croire mais une tension règne dans l'air. J'espère me tromper, réellement mais je crains que mon intuition n'est pas fausse.

- Mihawk ne court-il pas un danger dans ce cas ?

- J'ai confiance en sa force, c'est pour cela que je le laisse en arrière. Et puis, il nous faut quelqu'un pour nous tenir au courant de ce qu'il se passe à Baterilla, savoir à quoi nous tenir pour les alliances. Au moindre problème, Mihawk reviendra chez nous. »

Cela donnait froid dans le dos d'entendre de tels propos alors qu'Oren était théoriquement en paix mais Shanks ne doutait pas des paroles de son père. Le roi Rayleigh avait trop d'expériences pour se tromper, il fallait juste espérer que les choses soient moins terribles que ce à quoi il s'attendait. Le prince priait pour qu'il n'y ait pas de guerres ouvertes. Une mort était déjà bien assez pénible pour en supporter davantage et quoi qu'on en dise, le royaume du Roc Sombre ne voulait que la paix.

Pour l'instant, Ardent était encore un joyeux pays qui venait de marier son prince à une fille du Nord et aimait ses dirigeants. Petit à petit cependant, le ciel s'était assombri et ce fut une période bien difficile qui a frappé Ardent. Une période où il fallait se méfier de tout le monde, même de ses amis. Une période où le meilleur moyen de ne jamais être déçu était peut-être de vivre seul. Une période où un sourire pouvait faire aussi mal qu'un couteau. Tout portait à croire que les choses iraient bien, que la vie sourirait à la belle capitale de Baterilla mais la triade divine en avait décidé autrement. Ceux qui assistèrent à ces événements en parlent encore aujourd'hui avec effroi, comme l'élément qui changea profondément Oren et aucun de ces conteurs n'oublie de lancer une petite prière pour se prémunir du malheur.

« Que Merry me donne la sagesse. Que Sunny éclaire mon chemin. Que Moby Dick me donne la force d'affronter les épreuves. »

La mort de Kalgara n'était que le premier engrenage d'un grand mécanisme plus complexe, la première scène d'une pièce bien plus grande.