Réactions en chaîne
« Non. »
Sakazuki se retourna vers son fils, affichant une expression qu'il n'avait pas l'habitude d'avoir : la surprise. Peut-être même l'incompréhension la plus totale, voir l'ahurissement. Son fils ne lui avait jamais rien refusé. Il s'était toujours comporté comme le gentil prince qu'il devait être, comprenant les tenants de sa position et que les enjeux pour le royaume passaient avant sa petite personne. De cela, son père était fier. Mais pour une fois dans sa vie, Kobby venait de se rebeller. Le prince héritier des Sylves Dorées ne pouvait avouer ce qu'il pensait véritablement au fond de lui et se mit en colère.
« - Comment ça, non ?
- Je suis navré, père. Je ne peux pas remplir mes devoirs royaux cette fois.
- Écoute, ce n'est pas une proposition amicale, Kobby. Ce n'est même pas une proposition tout court, c'est un devoir pour les Sylves Dorées.
- Père, je le répète, je ne le ferai pas.
- Et on peut savoir pourquoi ? Cette fille ne te plait pas ?
- Sugar est une princesse adorable... Cependant, la différence d'âge me rebute entièrement. Elle est tellement jeune par rapport à moi.
- Cela ne nous a pas arrêté, ta mère et moi.
- Je sais et j'en suis heureux. Mais... Sugar n'est pas pour moi.
- Bien sûr que si, elle est ta promise ! Ne comprends-tu pas ? Avec ton mariage, nous lierons un lien avec l'archipel de Sipango et ainsi, nous gagnerons un allié dans notre manche.
- J'en aime déjà une autre, père.
- Et tu crois vraiment que c'est un argument qui va me faire fléchir ?
- Oui, parce que vous n'appréciez pas le roi Doflamingo. Plus que n'importe qui.
- Tu marques un point mais... L'alliance dépend aussi du roi Sengoku.
- Hum... Je ne suis pas le spécialiste de la politique mais... Je crois que ce n'est pas le moment de faire des alliances avec Sipango de toute façon. Ils sont en guerre civile, le prince contre le roi, alors le mariage de la princesse ? Pas leur préoccupation.
- Sauf que tu oublies que nous devons soutenir le roi... Le prince doit à nos yeux paraître un rebelle même si... Oublie ça.
- Même si vous brûlez de défendre le prince Sabo ? Euh, père, je ne voulais pas vous énervez....
- Kobby, dis-moi son prénom maintenant.
- Son prénom ? Le prénom de qui ?
- De celle que tu aimes. Que j'y réfléchisse un peu. »
Le prince des Sylves Dorées se renfrogna et poussa un soupir en détournant la tête. Il ne vit pas ainsi l'immense sourire qui éclairait le visage de Kobby. Il avait gagné. La situation actuelle l'avait grandement aidé mais il avait réussi à avoir le dernier mot avec son père, ce qui n'était jamais évident. Maintenant, il fallait la jouer toute en finesse et bien emmener la présentation de la fameuse demoiselle, d'autant que son père la connaissait. Il s'agissait de Rika, la fille du chevalier Momonza. L'union de ses rêves lui tendait les bras, il allait continuer à se battre.
« Je peux même vous la présenter, père. Encore que vous la connaissiez déjà. »
L'expression du fils ainé de Sengoku montrait que son propre rejeton marquait encore des points. La partie était courue d'avance.
Presque.
« Est-ce que je peux venir discuter avec vous ? »
Law et Crystal se retournèrent, surpris. Ils se tenaient sur le rempart nord de la ville dont ils assuraient la surveillance pour la journée. Normalement, un serviteur n'avait rien à faire ici... Sauf qu'Antonio s'était débrouillé pour avoir des corvées sur ce fameux rempart et ravitailler les soldats ce jour-même. Cela lui permettait ainsi de voir sa bien-aimée. En le voyant, Crystal lui sourit discrètement mais ce fut tout ce qu'il obtint d'elle, l'éclair bleu n'étant pas du genre démonstrative. Cela lui suffisait. Le Loup semblait avoir le même genre de caractères que sa consœur, car bien qu'il se soit lié à Sasha, il ne démontrait pas de signe d'affection particulière. Law fit signe à l'échanson d'approcher.
« - Bien sûr, si le sujet t'intéresse. Nous parlons de l'état actuel de Sipango.
- Hum, ça va être le bordel en ville, soupira Crystal.
- J'ai entendu des rumeurs, avoua Antonio. Mais je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé. Est-ce que vous voulez bien me réexpliquer ?
- Une mise au point ne fait jamais de mal, approuva gentiment l'éclair bleu. Law, il semblerait que tu sois meilleur que moi pour ce genre de choses.
- Allons-y. Les détails nous sont inconnus encore mais le roi de Sipango et son fils le prince se sont disputés. Le prince Sabo accuse son père de comploter des meurtres dont le sien, tandis que le roi Doflamingo accuse son fils de vouloir prendre sa place de force. Politiquement, la situation n'est pas facile car tout le monde voudrait soutenir le prince, en étant pourtant obliger de suivre et soutenir le roi.
- J'imagine que les preuves doivent abondées contre le roi, pourtant...
- C'est là le problème, Antonio. Tout le monde sait des choses mais personne ne veut rien prouver, de peur de s'attirer l'ire du roi. Doflamingo semble ne reculer devant rien, gronda Crystal.
- Il suffirait de trois fois rien, une preuve récente de quelque chose qu'il a fait. Une preuve tangible qu'il n'aurait aucun moyen de démentir, réfléchit l'échanson.
- Le départ de son chevalier Vergo aurait pu, commença Law. Malheureusement, même après ma discussion avec Mihawk, nous ne pouvons pas l'utiliser contre lui.
- Il doit bien y avoir un moyen, poursuivit l'échanson. Et que va-t-il se passer ? Ils vont se battre ? Il va y avoir des soulèvements ?
- Sans aucun doute. Le roi aux bâtards ne va pas laisser passer cela. Son fils a quelques alliés mais trop peu pour lutter correctement. Selon toute évidence, cela va être un bain de sang, dont le prince ne sortira pas vivant. Personne ne fera rien pour les raisonner.
- Toi, Law, tu es lié à l'affaire non ? demanda Crystal.
- Oui, en tant que.... Fils illégitime. Doflamingo me voulait comme héritier plutôt que Sabo. Ironique de se dire que c'est après ma conversation avec le roi que cette... Cette guerre civile a débuté... Enfin, guerre, il n'y a que des tensions pour le moment.
- Au final, je ne vois qu'un moyen d'en finir rapidement.
- Je pense que nous voyons le même, l'éclair bleu.
- Qu'un des deux meurt, n'est-ce pas ? lança Antonio. Mais ce serait...
- Un régicide ou un... Un meurtre de prince, poursuivit Crystal. Voire un parricide si l'un des deux tue l'autre. Ce qui a peu de chances d'arriver, le roi fuira toujours le combat.
- Si quelqu'un avait le courage de le faire, poursuivit son amant.
- Pas le courage, rumina sombrement Law. La folie. Cette guerre au sein de l'archipel de Sipango ne pourrait bien se finir qu'avec une mort mais... Le tueur ferait mieux de mourir lui aussi, sinon... Sa réputation sera ternie à jamais et certains voudront peut-être se débarrasser de lui. J'admirerais cette personne mais je ne voudrais pas être à sa place.
- Il va falloir renforcer la garde. On se verra moins, Crystal.
- Oui, mais il n'y a pas le choix. Oh, d'ailleurs, avant qu'Antonio arrive, tu allais me parler d'autres choses, Law. Tu as mentionné une décision que tu as pris rapidement.
- Hum, ça, murmura le Loup, mal à l'aise. Je ne sais pas si...
- Je peux peut-être aider, proposa Antonio, sans rien savoir.
- Comment t'es venu cette idée, Law ? L'élément déclencheur ? interrompit l'éclair bleu.
- Un pressentiment. L'impression que tout peut s'arrêter n'importe quand. Je ne le fais pas tant pour moi mais surtout pour elle. Ce ne sera pas extraordinaire mais... je crois que cela lui fera plaisir. Si quelqu'un m'avait dit que je ferais ça un jour, je n'y aurais pas cru.
- Mais de quoi parlez-vous ? » demanda Antonio, perdu.
Crystal se retourna vers lui, visiblement amusée, mais elle attendait que l'autre chevalier prenne la parole. Quand Law plongea son regard dans le sien, Antonio lut une solide détermination mais aussi une étrange sensation. Comme si Law vivait chaque jour avec la pensée que sa vie pouvait s'arrêter à tout instant. Il était jeune mais il donnait l'impression d'un homme qui aurait vécu plusieurs vies. Il ne prononça que quelques mots mais toute sa résolution y était contenue.
« Nous parlions d'un mariage. »
Rarement, Sanji s'était senti aussi tendu. Il se tenait dans la grande salle qui servait de lieu de réunion pour le roi de Carm. Lui, un simple écuyer, avait été convoqué, sur demande express du prince. Il avait peur de comprendre et se força à ignorer sa peur.
Le blond étudia les personnes présentes, mise à part lui, au centre de la salle, seul à la vue de tous. Enfin, l'audience était loin d'être complète. Le roi Garp était présent, de même que la reine Dadan qui ne cessait de fixer son mari avec énervement. Lorsque Sanji croisa son regard, la souveraine parut se radoucir et cela le rassura d'avoir quelqu'un dans son camp.
De l'autre côté du roi, le conseiller Drake se tenait débout, aux aguets. De toute évidence, il n'avait qu'une vague idée de la raison pour laquelle il était ici. C'était tout. Il n'y avait personne d'autre pour le moment. Sanji devait-il prendre cela avec soulagement ou au contraire s'en inquiéter ? Il n'en avait aucune idée. Les pensées allaient trop vite dans sa tête.
« - Est-ce que ton petit-fils compte nous faire patienter encore longtemps ? s'énerva Dadan, jetant des regards exaspérés à son époux.
- Ce que j'en sais moi ! Il ne m'a même pas dit ce qu'on fait là.
- Pourtant, mon cher, c'est on ne peut plus évident.
- Je crains de ne pas saisir non plus, intervint Drake, le regard fier.
- Sanji, tu sais quelque chose ? demanda le roi.
- Pas du tout, votre majesté. Si ce n'est que Luffy voulait tous nous voir...
- Et visiblement, moi aussi ! » s'exclama un nouveau venu.
L'écuyer se retourna pour découvrir son père, le chevalier Zeff. Un malaise s'empara de lui. Qu'avait-il donc fait ? Est-ce que... La présence de Drake indiquait un possible rapport avec Nami. Le prince avait-il su qu'il avait des vues sur elle ? Les probabilités se bousculaient dans sa tête. Son paternel vint se placer à ses côtés et lui posa une main pleine de chaleur sur l'épaule qui le réconforta grandement. Le chevalier unijambiste souriait avec une forme de tendresse particulière. Bon, tout irait bien.
Le prince Luffy finit par arriver, bien vêtu comme il l'était rarement, avec des habits dignes de son rang, ce qui impliquait une cape, des broderies dorées et des épaulettes. Tant de solennité avait de quoi surprendre. Derrière lui venait une jeune femme, dont l'orange de la robe se mariait parfaitement avec ses cheveux roux. Sanji frôla l'infarctus en voyant Nami. Cette fois, il en était sûr, cela n'allait pas être bon pour lui. L'écuyer de Drake prit son masque froid, sans émotion. C'était le mieux qu'il pouvait faire pour ce qui allait lui arriver. Drake haussa un sourcil, surpris. Quand il allait apprendre la trahison de son propre écuyer, il ne serait sans doute pas très heureux. Le blond se préparait à dire au revoir à Carm et les pires scénarios venaient frapper aux portes de son imagination.
« - Ah, Luffy, pourquoi nous avoir réunis ? l'apostropha aussitôt Garp. Tu avais intérêt à avoir une bonne raison, sale gosse, on n'a pas que ça à faire.
- Oui, papy. Je tenais à dire que je ne peux pas épouser Nami ! lâcha-t-il comme une bombe, tandis que la jeune femme approuvait discrètement d'un hochement de tête.
- Quoi ?! s'exclamèrent les autres personnes présentes.
- On peut dire qu'il n'y va pas par quatre chemins, soupira la reine.
- Luffy, tu es promis à Nami enfin ! On ne revient pas sur ce genre de choses !
- Bien sûr que si, le vieux !
- Ne m'appelle pas le vieux, enfoiré !
- La paix, vous deux ! cria Dadan. Nami, tu es d'accord avec lui ?
- Nous en avons discuté, déclara simplement la rousse, sachant que ce n'était pas son rôle d'avouer l'affaire. Et le prince et moi-même sommes tombés d'accord.
- Tu ne m'en avais pas parlé, murmura Drake, songeur.
- Et pour quelle raison romprait-on un mariage organisé ? grommela Garp.
- Parce que Nami en aime un autre, répondit calmement Luffy.
- Oh oh, je vois, sourit Zeff, partant d'un petit rire de gorge et attrapant l'épaule de son fils. Et ce fameux autre est le jeune homme amoureux ici présent. »
Sanji eut subitement très chaud et devint aussi rouge que la cape du prince. Il était incapable de prononcer un mot et sans la main de son père sur son épaule, il aurait probablement fait quelque chose entre le malaise et la fuite. Le blond fixa Nami intensément et elle lui sourit avec tant de sincérité qu'il eut l'impression que son cœur s'envolait. Le silence demeura quelques instants avant que, très politiquement évidemment, le roi Garp ne décide de donner son avis sur le sujet abordé à la hâte.
« - Bon, si les choses sont ainsi, effectivement, il faut rompre les fiançailles. Quelqu'un a-t-il une raison de s'y opposer ?
- Pour une fois, je t'approuve, fit Dadan d'un hochement de tête.
- Bien sûr que non enfin ! s'exclama à son tour Zeff.
- Eh bien, si ma fille est d'accord, je n'y vois aucun mal, avoua Drake.
- Vous voyez ! sourit Luffy. Tout est bien, shihihihi !
- Et vous deux, rien à dire avant que je ne vous déclare fiancés ? demanda quand même Garp aux deux principaux intéressés.
- Il n'y a aucun problème, déclara Nami, d'une voix assurée et fière.
- Absolument aucun » bredouilla Sanji, en s'avançant vers sa promise.
Il avait l'impression de rêver quand ses mains se mêlèrent aux siennes. Oui, cela ne pouvait pas être réel et pourtant si. Tout était arrivé si vite ! Jamais Sanji n'aurait cru que le destin se montrerait si bon envers lui. Nami lui souriait et lui tremblait de joie. Désormais, pour elle, pour tous ceux présents ici, il deviendrait un chevalier aussi bon que son père. L'écuyer qu'il était allait encore redoubler d'efforts. Le bonheur lui donnait des ailes et il avait l'impression que sa vie prenait enfin un essor attendu depuis longtemps.
« - Alors vous allez bientôt partir ? demanda Sasha à Alana. Tous les trois, vous allez regagner le royaume du Roc Sombre ?
- On dirait bien que oui, soupira l'écuyère. Sauf que... Bon, on ne sera pas que trois visiblement. Zoro ramène une autre personne...
- Oh, le fils de Mihawk a trouvé quelqu'un ?
- En effet, et le père ne s'est toujours pas remis de cette nouvelle.
- Il devrait être content pour son fils. Il s'agit de Robin ?
- C'est ce nom là. Je ne l'ai pas encore rencontré.
- C'est une personne géniale... Et accessoirement ma demi-sœur comme je l'ai appris.
- Vraiment ? Alors tu fais un peu partie de la famille en tant que... Euh, voyons... Demi-sœur par alliance de Zoro ? Donc ça fait... demi-fille par alliance pour Mihawk ? Trop compliqué !
- Laisse tomber, Alana. Vous n'aurez pas à vous plaindre de Robin, j'en suis sûre. Elle est très gentille et elle a une culture impressionnante.
- Ah, Zoro gagnera peut-être des neurones alors !
- C'est à ce point ? rigola la danseuse.
- Oh que oui ! Et cela devrait rassurer le père... Même si je crois qu'il n'arrivera jamais à accepter que son fils ait une copine. Cela le vieillit trop dans sa tête.
- Pauvre Trancheur ! Je l'imagine mal sous le choc en l'ayant seulement vu pendant les tournois. Il a toujours l'air si froid et si sûr de lui, si fort.
- Quand on est son écuyer, on le connait sous d'autres facettes. On ne dirait pas mais... C'est un véritable papa poule quand il veut, Mihawk ! Je pourrais t'en raconter tellement sur lui... Mais il n'y a plus le temps hélas. D'ailleurs, ne lui dis jamais que je t'ai parlé de ça, sinon...
- Tu passerais un sale quart d'heure ?
- Un quart d'heure serait la meilleure des choses que je pourrais espérer !
- C'est dans ces moments là que je me dis que je suis bien heureuse d'être danseuse !
- Sasha, il parait que tu es avec le chevalier Law désormais.
- Eh bien, les nouvelles vont vite. Qui est le coupable ?
- L'échanson Antonio. Une véritable commère quand il veut.
- Je vois. Eh bien oui, nous sommes ensemble désormais. Je... Je dois avouer que ce n'est pas pour me déplaire. Nous nous entendons bien.
- Je suis contente pour toi. Il a l'air de quelqu'un de droit.
- Il l'est. Mais ne parlons pas trop de moi, ça me gêne. Dis moi plutôt ce qu'il en est pour toi, ma petite Alana. Tu n'as pas quelqu'un en vue ?
- Moi ?! Un garçon !? Beurk, bien sûr que non !
- Dire que je pensais que tu finirais par changer d'avis...
- Jamais. Le célibat me va très bien. Je n'ai pas l'intention de perdre ma liberté pour des bêtises telles que l'amour ou les beaux yeux d'un idiot !
- Au moins, tu as l'air bien sûr de toi !
- Hum, je ne dis pas que tu as tort d'être avec Law, bien au contraire. C'est juste que chacun doit avoir sa conception du bonheur et que pour le moment, mon bonheur, ce n'est pas ça. Je ne dis pas que je ne changerai pas un jour mais là...
- Ne t'en fais pas, je suis ouverte d'esprit, même si les gens d'Ardent sont réputés pour se croire supérieurs. Les clichés ont la vie dure, hélas.
- Nous resterons amies même en étant séparées, n'est-ce pas Sasha ?
- Bien sûr, Alana. Bien sûr !"
Les deux filles se serrèrent la main, une coutume très répandue dans le Roc Sombre alors qu'à Ardent, on préférait se donner l'accolade. L'écuyère fut très sensible à cette attention de la part de la danseuse et la prit dans ses bras, alors que tout son être lui criait la méfiance quant à cette pratique. Avec une amie, elle pouvait bien. Ainsi, Alana allait regagner ce royaume là-bas au Nord, calme et isolé, tandis que Sasha resterait dans la chaleur et l'animation d'Ardent. Chacune continuerait sa vie dans son lieu, sans oublier que l'autre existait et avait eut de l'importance un jour.
Norane se tenait sur le balcon des appartements de Carm, du côté faisant face à un petit jardin. Il y avait des chaises mais elle ne se sentait pas de s'asseoir. Quand Garp arriverait, elle entendait bien être debout. Cela faisait quelques jours que les fiançailles de Nami et Sanji avaient été proclamées. Norane se sentait heureuse d'avoir su jouer son rôle dans l'affaire et à présent, elle devait régler ses propres problèmes.
« - Comme si tu étais réellement en conflit avec le roi ! avait râlé Kidd, au détour d'une conversation sur l'oreiller. Un mot et c'est réglé.
- Je n'ai pas l'impression que ce soit si simple.
- C'est parce que tu compliques toujours tout ! Tu vas aller parler à ce bon vieux Garp, t'excuser éventuellement et ce sera bon, affaire classée.
- Oui, c'est ce que j'ai de mieux à faire, j'imagine...
- Non. Ce que tu as de mieux à faire, c'est ça ! » susurra le rouquin avec un sourire carnassier, en se jetant sur elle sans lui laisser la possibilité de résister.
La suite s'était perdue dans des draps froissés et il lui avait fallu attendre le lendemain pour aller parler au souverain. Enfin, dans un premier temps, elle avait mandé un rendez-vous, par l'intermédiaire de Drake. Ce chevalier était le contact idéal pour parler avec Garp, parce qu'il savait toujours se montrer discret et bien aborder le sujet de la façon qui plairait le plus au roi. La prise de rendez-vous fut extrêmement rapide, ce fut Sanji qui lui annonça le lieu et l'heure. L'écuyer avait l'air tellement heureux, c'était incroyable. Et voilà qu'elle se retrouvait désormais sur ce balcon. Le roi ne tarda pas à arriver, dans un silence pesant. Il s'assit sur une chaise, contrairement à elle. Poliment, Norane se retourna pour lui faire face mais aucun d'eux ne prononça un mot pendant de longues secondes.
« - Le Pourfendeur a dit que tu voulais me voir.
- Oui. Merci d'être venu, roi Garp. Je...
- Ce n'est pas trop tôt, ma petite ! Je commençais à me demander combien de temps tu allais continuer à me faire la tête.
- Ah, vous... Mon comportement a été trop excessif en effet. Je... C'était rude de l'apprendre pour moi mais je n'avais pas à vous accuser ainsi.
- Tout ça parce que j'étais celui qui t'avouait la vérité !
- Mais vous pouvez comprendre que cette révélation m'ait troublé !
- Oui, ne t'inquiète donc pas, sale gosse. Je le comprends très bien et je n'ai pas besoin d'excuse de ta part. C'est oublié.
- Roi Garp... Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi ! »
Elle s'inclina très près de lui, le regard planté sur le sol tandis que ses yeux déversaient des torrents de larmes. Il y avait toujours eu tant de gentillesse chez Garp, comment avait-elle pu l'oublier ? Tout pouvait-il s'envoler en éclats simplement parce qu'elle découvrait qu'à l'origine de sa vie, il y avait une femme égoïste et un homme reniant ses responsabilités ? Bien sûr que cela pouvait affecter mais Garp ne méritait pas que cela lui retombe sur les épaules. Une main secourable se posa sur ses épaules, une large main emplie de chaleur humaine. Norane ne se releva pas tout de suite et attendit un peu que ses larmes se sèchent. La main se retira et elle refit face à nouveau à son roi.
"- Je vous demande pardon pour ce moment de faiblesse.
- Cela arrive à tout le monde de se montrer faible, un jour ou l'autre. Quand j'ai découvert que Dragon était vraiment mon fils, le choc ! Bon, Luffy m'a prouvé qu'il y avait bien un lien entre nous finalement mais quand même. Dadan aussi avait un doute...
- Majesté... Le roi Roger... il ne sait toujours pas ?
- Je ne lui en ai pas parlé, je n'ai pas eu l'occasion de le revoir. Si tu le désires tellement, je peux peut-être t'arranger une rencontre avec ton père...
- Non, répondit-elle aussitôt.
- Ah, je pensais que tu aurais envie de le voir. Ce n'est plus le cas ?
- Il n'a jamais fait partie de ma vie et... Je n'ai pas envie que ça devienne le cas. Je préfère largement que tout reste comme il l'a toujours été. Surtout que... Hum...
- Vas-y, je t'écoute. Finis ta phrase !
- Ardent ne m'apportera rien. Carm, c'est chez moi. J'ai un frère, le prince Luffy, et vous êtes le seul grand-père dont je pourrais rêver mon roi.
- De la part de ma petite fille, cela me touche beaucoup !"
Il partit dans un grand éclat de rire et Norane se sentit bien, comme protégée. Avec un tel homme à ses côtés, rien ne pourrait jamais arriver. Il en était ainsi pour toute personne qui croisait la route du mari de Dadan. Garp prenait tout le monde sous son aile, grâce à sa gentillesse naturelle. Personne ne pouvait être indifférent à un tel homme. Personne.
Tout là-haut, dans le nord, au Roc Sombre, Teach étudiait un traité ancien sur les gisements de minéraux de son royaume. Il voulait vérifier que tout était bien exploité au sein du pays. En tant que conseiller commercial, il voulait que ce pauvre pays mette toutes ces ressources à disposition pour relancer son économie. Ainsi, Teach étudiait des ouvrages dans la bibliothèque du palais depuis maintenant plusieurs heures. Cela ne le dérangeait pas car le lieu était très tranquille et assez isolé. De plus, travailler lui permettait d'oublier sa peine.
« Kuina » murmurait-il sans s'en rendre compte.
Ce conseiller du roi Rayleigh avait été anéanti depuis le jour du décès de sa fille. Pas décès, meurtre. Il était persuadé qu'elle n'était pas coupable mais personne n'avait rien pu faire pour la sauver, pas même son seigneur et maître. Depuis, il se plongeait dans les livres, essayant d'oublier. Sa femme ? Depuis quand n'avait-il pas revu Bonney ? Cette dernière errait dans le château comme une âme en peine mais elle essayait plus que lui d'aller mieux, il le savait. Lui ne faisait que se voiler la vérité derrière des pages, se bourrer le crâne pour ne plus revenir sur cet événement tragique.
« - Je suis désolé, avait vainement tenté le roi. Je sais bien que les mots ne servent à rien mais il fallait que je les dise quand même, Teach.
- Non, vous avez raison. Les mots ne servent à rien.
- Y-a-t-il quelque chose que je peux faire pour toi ou ta femme ?
- Nous allons continuer notre vie. Nous ne voulons rien. »
Rien sinon le retour de la petite fille tant aimée. Kuina était partie, elle ne reviendrait pas, terminé, fin de l'histoire, on tourne la page. Dans la vraie vie, ce n'était hélas pas si simple. Teach savait que ses manières et son air taciturne lui donnaient une mauvaise réputation mais depuis son retour au Roc Sombre, tout le monde semblait plus bienveillant à son égard. Il crachait sur leur pitié, il n'en voulait pas. Ses doigts s'accrochèrent aux pages du traité, tandis qu'il essayait de ne pas se laisser entraîner par des pensées négatives. C'est alors qu'il remarqua qu'il n'était pas seul dans la pièce.
« Qui est là ? Je sais qu'il y a quelqu'un, montrez-vous ! »
Une ombre surgit d'un rayonnage juste devant lui. En passant devant la fenêtre, à pas lents et mesurés, Teach vit se dessiner la silhouette d'un homme qui ne lui était pas inconnu. Seulement, que faisait cette personne ici ? Ses yeux ne lui jouaient pourtant pas un tour, c'était bien Vergo, un chevalier de l'archipel de Sipango, qui se trouvait là. Y avait-il une visite de ce royaume dont on avait omis de l'informer ? Une sueur froide glissa dans son dos tandis que le visiteur se rapprochait.
« - Bonjour, conseiller Teach, salua froidement l'intru.
- Chevalier Vergo... Que me vaut le plaisir de cette visite ?
- Plaisir est un bien grand mot et je ne crois pas qu'il soit approprié à la situation. Dites-moi, on dit que c'est bien vous qui gérez les activités commerciales du royaume... Les contrats et ce genre de choses. L'information est-elle exacte ?
- Oui et je comprends la raison de votre venue. Vous souhaitez renégocier le contrat entre le Roc Sombre et votre Archipel. Cependant, j'ai déjà envoyé nos conditions à votre roi. Vos façons de payer ne correspondent pas aux accords convenus et tant qu'il en sera ainsi...
- Non, je ne suis pas venu pour ça. Il fallait seulement que je m'assure que c'était bien vous.
- Et en quel honneur ? Vous n'êtes pas venus pour...
- Je suis venu nous apprendre qu'on ne trompe pas impunément le roi Doflamingo. Retenez bien la leçon, ce sera votre dernière. »
Un objet de brillant glissa de sa manche et le conseiller put voir qu'il s'agissait d'un poignard. Il eut à peine le temps de faire le lien entre l'objet et ce que Vergo venait de dire que le métal lui mordit férocement la gorge, coupant sa respiration. Un flot de sang dévala son torse pour former une flaque au sol. Le traité si précieux était tâché de liquide rouge mais cela n'avait plus d'importance. Teach sentit la vie la quitter tandis qu'il s'effondrait au sol. La dernière chose qu'il vit fut le regard froid de Vergo. La dernière chose qu'il pensa fut que même s'il quittait sa femme, la petite Kuina devait l'attendre, quelque part là-bas.
Bientôt, ce fut le noir complet. Les ténèbres.
Même en étant enceinte, Saphir n'avait pas cessé de faire des rêves prémonitoires. Enfin, des, plutôt ce rêve qui revenait sans cesse. Toujours elle, chevauchant au milieu de cet océan de flammes, poursuivie par une ombre dont elle ignorait tout. Toujours cette voix étrange et grave qui affirmait faire quelque chose pour le bien du royaume, mais quoi et quel royaume, elle ne savait pas. Toujours Law qui articulait d'une voix d'où montait la douleur : « N'avez-vous donc pas de coeur ? ». Toujours cette flèche enflammée qui la transperçait, en lui procurant une angoisse terrible mais également un autre sentiment, qu'elle n'arrivait pas à comprendre.
« Les rêves ne sont que des rêves. »
Elle n'y croyait plus, vu comme celui-ci revenait. Pour se calmer, elle posa une main sur son ventre gonflée et le caressa. On n'était qu'un printemps et l'enfant ne devait pas naître avant l'automne, il y avait encore le temps. Cette pensée la réjouissait et lui faisait un peu peur en même temps. La naissance n'était pas sa principale préoccupation et le rêve ne l'était pas non plus actuellement. Il y avait un événement qui l'inquiétait plus que cela.
« Archipel de Sipango... Vas-tu garder ton roi si fier ou le prince montera-t-il sur le trône ? »
La question taraudait tout le monde à Ardent. Le roi Doflamingo rassemblait ses plus fidèles guerriers pour se protéger tandis que le prince Sabo, ayant déménagé dans un palais de moindre importance à l'autre bout de la ville, rassemblait des partisans. La tension était énorme et quelques heurts avaient déjà eu lieu. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'un véritable conflit n'éclate, malgré les appels au calme. Avant l'été, un des deux serait mort.
« Même le roi des rois ou le prince des princes ne peuvent rien faire. »
Ace avait bien tenté de convaincre son père de rallier le camp de Sabo, véritable frère de cœur pour lui. Il se justifiait par tous les actes ignobles accomplis par Doflamingo. Cependant, Roger ne pouvait pas prendre le parti de Sabo sans encourir des risques. L'honneur et le sens hiérarchique voulaient qu'Ardent appuie le roi contre son fils. Dans le cas contraire, certains comme les Sylves Dorées trouveraient le moyen de placer leur ennemi de toujours sur la sellette. Roger avait réussi à garder sa neutralité pour l'instant mais tôt ou tard, il devrait se prononcer. Saphir craignait par avance ce jour.
« Je ne veux pas d'un conflit entre mon mari et mon beau-père. »
Cette situation tendue réduisait le temps qu'elle passait avec Ace et cela l'attristait au plus haut point. Tous les chevaliers étaient réquisitionnés ainsi que les serviteurs et elle se sentait très seule. Le seul qui avait passé un peu de temps avec elle récemment, c'était Marco. La reine Rouge l'avait affecté à sa protection lors d'une sortie, ce qui était un très grand honneur au vu du degré d'occupation de l'homme. Saphir aimait beaucoup le chevalier qui avait une très bonne conversation et se montrait toujours d'une grande courtoisie avec elle. Cependant, elle avait l'impression que sa charge l'écrasait petit à petit. En tant que capitaine de la garde d'Ardent, meilleur chevalier du royaume et fils d'Edward le géant, il cumulait bien des rôles, le pauvre. Les cernes sous ses yeux ne mentaient pas.
« Ne vous inquiétez pas, je ne toucherai jamais vos cheveux. »
Cette phrase qu'il avait prononcée il y a si longtemps lui revint en tête, sans raison particulière. Marco avait besoin de quelqu'un dans sa vie, ce mouvement qu'il avait esquissé ce jour-là en donnait l'impression. Saphir priait de toute son âme pour qu'un jour, enfin, il trouve quelqu'un à son goût. Quelqu'un qui saurait l'aimer car à ses yeux, il me méritait vraiment.
« Chevalier Phoenix, vous trouverez quelqu'un » murmura-t-elle.
Et quelqu'un, quelque part, dut l'entendre car elle fut exaucée.
Elle lui avait donné rendez-vous à la porte Sud, celle qui donnait directement sur la forêt. C'était la porte la moins utilisée, au regard du commerce et des visiteurs, donc en théorie la plus tranquille. C'était ce dont ils avaient besoin, de tranquillité.
Borata était arrivée un long moment avant l'heure donnée. Toutes ses pensées se bousculaient dans sa tête. Demain, elle allait mettre son plan en action. Demain ou dans une semaine, en réalité, il n'y avait pas de jour fixe mais elle devait agir vite. Ses chances de succès étaient minces, elle le savait. Pourtant, elle allait le faire, rien ne l'en empêcherait.
« - Tu es bien en avance, ma petite Borata ! l'appela celui qu'elle attendait.
- Je te retourne le compliment, Killer. Le retard t'est inconnu. »
Il sourit et elle remarqua alors qu'il ne portait pas son casque, élément si typique du personnage. L'objet en question reposait dans sa main, il avait dû l'enlever il y a peu de temps. Malgré son visage recouvert de cicatrices, dues à un incendie comme elle l'avait appris, Borata le trouvait magnifique. Un des rares hommes à porter ses cheveux aussi longs, il les entretenait à la perfection. Le blond affichait également un corps de rêve qui ne la laissait pas indifférente.
« - Tu voulais me parler, Borata ? Ce n'est pas ton genre de faire des rencontres, avec autant de précision et de précipitation. Pas que cela me déplaise.
- J'avais envie de te voir ! » jeta-t-elle avec défi.
Elle n'ajouta pas que c'était peut-être la dernière fois. Cela ne servait à rien qu'il le sache sinon à ce qu'il l'empêche de mettre à bien sa mission. Sa phrase n'était pas vraiment un mensonge en plus, elle avait sincèrement envie de le revoir. Lui aussi visiblement, vu le sourire qui fleurissait sur son visage. Un ange avec une épée, c'était ce à quoi il ressemblait. Borata se rapprocha de lui et lui prit les mains, sans voix. Se dire qu'elle ne le reverrait peut-être plus après cela lui donnait envie de pleurer mais elle ne pouvait pas. Pleurer était un luxe qui lui était refusé.
« - Moi aussi j'avais envie de te revoir, ma belle. J'avais des choses à te dire.
- Vraiment ? s'étonna-t-elle. Quoi par exemple ?
- Le royaume de Carm va vraiment bientôt repartir chez lui. Garp reste pour aider le roi des rois concernant Doflamingo, mais il va bientôt se détourner de la guerre civile pour retourner dans la neutralité. C'est ce qui nous convient le mieux.
- Et tu vas me laisser derrière toi alors ?
- Non. Je voulais que tu viennes avec moi, Borata. Que tu fasses partie du royaume de Carm comme moi. Que tu sois enfin heureuse.
- Qu'est-ce qui te dit que je vais te suivre si facilement ?
- Oh, plein de choses... dont ceci. »
Il se saisit de ses lèvres avec plus d'habilité que jamais et leurs corps se serrèrent naturellement l'un contre l'autre. Ensemble, ils étaient bien, rien ne pouvait mal aller. La suite de leur échange se passa de mots, seuls les corps avaient besoin de parler. Borata se rendit compte qu'elle l'aimait comme jamais elle n'avait aimé Doflamingo. Avec ce dernier, tout avait toujours été superficiel, acheté. Avec Killer, c'était naturel et facile, elle ne se forçait pour rien. Ses mauvaises pensées la quittèrent et les heures qu'ils passèrent ensemble furent les plus merveilleuses de sa vie. Cet homme, il ne méritait que le meilleur du monde. Quand ils se séparèrent enfin, l'ancienne courtisane était résolue. Elle ne lui dirait rien de ce qu'elle comptait faire mais se sentit capable de lui faire une promesse.
« La prochaine fois que nous nous reverrons, je serai une habitante du royaume de Carm. »
Killer approuva d'un hochement de tête et ils se séparèrent à regret sur ses paroles. Bien évidemment, Borata ne lui avait pas dit que la prochaine fois qu'il la reverrait, elle ne serait peut-être plus en vie. Cela ne servait à rien, sinon à le troubler. Plus déterminée que jamais, elle partit vérifier son matériel pour la mise en place de son plan. Le compte à rebours avait commencé.
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