Divers chemins
Même s'ils étaient officiellement mari et femme, le prince Ace ne pouvait pas s'occuper tous les jours de Saphir, car des devoirs importants l'attendaient. Cela ne dérangeait pas la princesse, elle le comprenait très bien. De plus, il aurait été très déplacé de dire que son époux la négligeait car le jeune homme passait toutes les nuits à ses côtés. Avec lui, le monde se remplissait de sensations nouvelles et elle se sentait évoluer, sans savoir dans quelle direction exactement. L'intuition lui disant qu'il lui ferait du mal était toujours présente mais Saphir l'oubliait, si heureuse d'être à ses côtés. L'ancienne fille du Nord pouvait bien se passer de son prince un peu, d'autant que les divertissements ne manquaient pas. Elle avait bien des obligations également mais celles-ci lui laissaient du temps libre. Au début, elle ne savait pas qu'en faire, car ses proches étaient occupés.
« Que diriez-vous d'une promenade ? »
La proposition avait été faite par Law un jour. Le chevalier, en tant que son protecteur personnel, passait presque autant de temps à ses côtés qu'Ace, aussi s'était-il senti responsable du bien-être de la princesse. Par cette demande, il lui proposait de découvrir le royaume encore plus que tout ce qu'elle avait voir jusqu'à présent, avec son point de vue et sa sensibilité de chevalier. Régulièrement, il arrivait à proposer des nouveaux circuits, en ville ou en extérieur, qu'il connaissait bien, ayant des histoires liées à ces endroits. Chaque visite se révélait passionnante et le Loup se montrait une mine d'or de connaissances sur Ardent. Saphir se sentait proche de lui, un peu comme elle l'avait été avec son frère, Wiper, et ce sentiment la rassurait. Ce jour-là, ils visitaient un village aux toits de chaume à une heure de route de Baterilla. Un endroit plein de charmes où les paysans vendaient des confitures de pêche et d'abricot, ainsi que des petits pains aux noix délicieux. Le chevalier semblait très populaire ici. Son expression indiquait même qu'il appréciait le lieu.
« - Merci pour la balade, chevalier, sourit Saphir en croquant dans un petit pain.
- Je vous en prie, princesse. Cet endroit est vraiment agréable et il plait généralement. Je trouve toujours dommage de venir à Baterilla et de ne pas y aller.
- Comment l'avez-vous connu ? Enfin, si ce n'est pas indiscret...
- Ma mère venait de là, j'y ai passé mon enfance et... C'est là que j'ai rencontré mon maître.
- Le chevalier Corazon ? Je n'ai pas eu la chance de le connaître mais j'ai entendu parler de lui. On disait qu'il était très fort et qu'il avait beaucoup de cœur.
- C'était surtout un grand maladroit qui causait des catastrophes partout où il allait. Sa maladresse était légendaire de même que son humour douteux. Drôle de chevalier, vraiment ! En revanche, c'est vrai qu'il ne manquait pas de cœur !
- Vous ne m'avez jamais beaucoup parlé de votre maître. Enfin, ce n'est peut-être pas un sujet que vous souhaitez aborder, bien sûr...
- Non, pas du tout. C'est juste que je n'ai pas envie de vous ennuyer avec ça.
- Vous ne m'ennuierez pas, chevalier Law ! Je vous assure.
- Eh bien... Je ne sais pas trop quoi vous raconter. Comme je vous le disais, avant Marco, Corazon était le chef des chevaliers de Baterilla mais avec sa maladresse légendaire, il faisait rire beaucoup de monde et prenait largement le temps de s'occuper des écuyers, si bien que le phénix devait déjà assurer certaines de ses fonctions. Mais au combat, il était très fort et je suis fier d'avoir été un de ses élèves.
- Si tu étais ici, tu l'as rencontré en allant à la ville ?
- Non. C'est lui qui m'a trouvé. Je... Je n'ai jamais connu mon père et ma mère... Ma mère est morte quand j'étais encore jeune, d'une maladie d'hiver. Elle s'appelait Anna et quand elle est partie, je me suis retrouvé seul. C'est là que maître Cora m'a trouvé. Je n'étais qu'un sale gamin à ce moment mais il m'a dit qu'il avait vu quelque chose en moi et il m'a pris sous son aile, sans se poser plus de questions.
- C'est devenu comme un père alors ? demanda Saphir, émue.
- Oui. Le père que je n'ai jamais eu. Il a fait de moi ce que je suis devenu, Le Loup d'Ardent. Même si on le disait maladroit, j'étais fier de lui. Fier, je l'étais aussi quand il m'a choisi pour le seconder dans la mission d'exploration des terres sauvages.
- Oh, la mission dont il n'est pas revenu... Je suis désolée...
- C'est moi qui devrait l'être princesse. C'est moi qui n'ait pas su le protéger du dragon que nous avons affronter. Et... Maître Cora m'a parlé avant de s'en aller... Il m'a dit qu'il était fier et..., essaya-t-il de continuer, en vain, car les mots se tarirent dans sa gorge.
- Ne vous faites pas de mal, chevalier. Je vous remercie pour la confiance que vous m'accordez en me racontant cela. Il y a beaucoup de courage en vous.
- Merci, princesse Saphir. Vous avez le droit de le savoir car... Hum, j'ai confiance en vous. Contrairement à beaucoup de nobles, vous savez garder un côté très simple et humain. »
Ce jour-là, Saphir découvrit une facette de Law dont elle ignorait tout. Le loup, derrière ses dehors froids de chevalier, se montrait un jeune homme empli de compassion et de chaleur humaine. Quand il parlait de son maître, il avait une façon de sourire qui révélait une personne sensible, empathique même. La princesse se sentit beaucoup plus proche de son protecteur et elle réalisa que d'une certaine façon, il comblait le vide creusé par l'absence de son grand-frère Wiper. C'était exactement ce qu'était le Loup pour elle. Un frère. De son côté, Law s'attachait à la fille du Nord plus qu'il ne l'aurait cru. Au moins, il avait à cœur de protéger la princesse et cela rendait son travail beaucoup plus simple. Le chevalier savait pourtant que certains secrets devaient rester là où ils étaient, quand bien même il avait confiance en elle.
Antonio était vraiment déprimé aujourd'hui. Il était de corvée de vaisselle, ce qui arrivait rarement mais toujours trop souvent à son goût. En plus, la répartition l'avait fait se retrouver dans une pièce toute petite, où il était tout seul. Sa sociabilité en prenait un coup, lui qui aimait bien discuter. En plus, il n'avait pu voir de la journée ni Saphir ni Crystal ni personne d'autre de sa connaissance. Non, ce n'était décidément pas une bonne journée, vivement qu'elle se termine. Voir la pile d'assiettes qui semblait ne jamais diminuer le décourageait. Il s'arma de courage et poursuivit sa tâche sans entrain. Même chantonner ne l'aidait pas.
« Je peux te parler un instant ? »
Il empêcha de justesse l'assiette en porcelaine de la fée aux perles qu'il tenait à la main de tomber. Cette voix lui avait fait peur parce qu'elle n'était pas inconnue. Pourtant, cela n'avait pas de sens de l'entendre ici, dans une petite cuisine perdue au cœur du palais de Baterilla. Avec autant de dignité que possible, il se retourna en direction de la porte, d'où venait la voix, et son cœur rata un battement. Pourquoi un chevalier était-il venu le trouver ici, à plus forte raison pour lui parler ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Il garda son sang-froid en apparence, même si son cerveau bouillonnait. Avec courage, il affronta le regard profond de son interlocuteur, le célèbre Mihawk.
« - Si je peux faire quelque chose pour vous, messire, je vous en prie, répondit-il poliment, essayant de cacher désespérément le fait qu'il était tendu.
- Parler suffira. Tu m'intrigues depuis un moment... Antonio.
- Merci d'avoir pris la peine de retenir mon prénom, chevalier. Cependant, je ne crois pas posséder un quelconque talent extraordinaire, suffisamment pour retenir votre attention. Je ne suis qu'un simple échanson, rien de très glorieux.
- Ne te rabaisse pas. Aucun métier n'est plus glorieux qu'un autre, chacun possède sa manière de livrer ses combats. Tu viens donc bien du Lion Blanc ?
- C'est cela même. De Skypea, la capitale pour être précis.
- J'y suis déjà allé une fois. C'est un bel endroit. Je me souviens particulièrement de la rue de la Milky Road, qui possédait les écuries royales.
- Messire, c'est la rue où j'habitais avec ma mère pour ne rien vous cacher.
- Drôle de coïncidence, déclara Mihawk, qui n'avait pas l'air surpris. Ta mère y travaillait ?
- Oui, elle s'occupait des chevaux du roi justement. Elle adore son travail. Cela m'a permis d'obtenir un poste au palais. Nous n'étions pas riches mais heureux... Excusez-moi, je m'égare. Ces détails ne doivent pas intéresser un chevalier.
- Au contraire. Et ta mère, qui était-elle exactement ?
- Ma mère se nommait Margaret. Peut-être l'avez-vous vu ? Elle est blonde, plutôt grande et elle souriait tout le temps. Enfin, s'en rappeler, ce n'est pas si simple...
- Je l'ai déjà vue oui. Margaret, qui riait souvent et qui aimait dormir avec les chevaux. J'ai déjà rencontré ta mère, je sais même qu'elle aime le thé à la châtaigne.
- Oui... C'est vrai... Je ne... Comment pouvez-vous savoir tout ça ?
- C'est la raison pour laquelle je suis venu te voir. Je pense que tu as compris à présent, Antonio. Je me trompe ?
- Vous êtes... Vous êtes... Mon père. »
L'échanson avait l'impression que le monde s'écroulait sous lui et il ne savait plus quoi dire. Ce père si longtemps recherché était là, devant lui, et c'était le meilleur chevalier d'Oren. Cela semblait trop gros. Antonio avait effectivement la même couleur de cheveux que son géniteur mais aucune autre ressemblance pour le reste, à part éventuellement la morphologie, surtout au niveau des épaules. Il n'avait hérité d'aucun talent à l'épée. Non, il ne savait pas comment réagir et le trancheur ne l'aidait pas du tout, restant à le fixer avec une douce mélancolie dans le regard. Un silence s'installa pendant un long moment.
« - Je suppose que tu dois me haïr, soupira Mihawk. Et tu n'aurais pas tort. Qui ne détesterait pas un père qui a abandonné sa mère et qui a donné naissance à un bâtard ?
- Non mais... Pourquoi ? fut tout ce que put articuler le plus jeune.
- J'étais marié mais ce n'était qu'un mariage de raison, il n'y a jamais eu d'amour même si... Ma femme et moi nous entendons beaucoup mieux. J'ai voulu aller voir ailleurs et j'ai rencontré Margaret. Ta mère était une personne merveilleuse et nous nous sommes aimés quelques jours avant que je ne doive repartir. Elle ne m'en a pas voulu, elle m'a même remercié pour ces moments passés ensembles. Et je n'avais jamais vu l'enfant que nous avions eu jusqu'à ce voyage vers Ardent.
- Alors vous avez vraiment aimé ma mère ? Autant qu'elle vous a aimé ?
- Je l'ai aimée, oui. Et désormais, je te considère comme mon fils, au même titre que Zoro. Bien sûr, rattraper le temps perdu serait inutile mais... Je tenais à ce que tu saches la vérité.
- Merci... Zoro est donc mon demi-frère ?
- Oui mais il n'est pas meilleur que toi. Zoro aussi est un bâtard. Simplement, sa mère ne pouvait pas le garder alors je l'ai élevé.
- Si ma mère m'avait donné à vous... Vous...
- Je t'aurais élevé aussi. Mais elle ne voulait pas se séparer de toi.
- Dans ce cas... Qui est la mère de Zoro ?
- Pour ton propre bien, il vaut mieux que tu restes dans l'ignorance, Antonio. »
L'échanson ne parvenait pas à se comprendre. Il aurait dû en vouloir à Mihawk, il aurait dû le détester et avoir envie de le frapper, de lui crier sa rage pour l'avoir laissé seul, lui et sa mère. Mais il n'y avait rien de tout cela en lui. Au contraire, il était reconnaissant au chevalier d'être venu lui dire la vérité car désormais, il savait d'où il venait. Le Trancheur n'était pas le genre de père à serrer un enfant dans ses bras mais son regard froid en apparence laissait transparaître une certaine douceur qui réchauffait l'âme. Antonio était donc le fils de Mihawk le trancheur. Même s'il était un bâtard, c'était quelque chose dont il pouvait être fier car quelque part en lui, il devait y avoir le courage de son paternel. Il fut surpris de réagir si bien mais prit le parti de s'en contenter. Il avait sans doute mûrit.
Habituellement, partout où Garp allait, l'endroit devenait bruyant et un joyeux chaos y régnait. Pourtant, pas cette fois, c'était le calme qui avait vaincu. Le roi de Carm se trouvait actuellement dans une pièce du palais réservé à son royaume le temps de leur long séjour, avec pour toute compagnie celle de Sengoku, le roi des Sylves Dorées. Il soupira, songeant que cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu de discussion avec cette vieille connaissance. Dire qu'ils s'entendaient bien n'était pas représentatif de la réalité : tout le monde s'entendait bien avec Garp. Les considérer comme de vieux camarades, ayant passé leur enfance ensemble avant de se perdre de vue, voilà qui rendait un peu plus justice à la réalité. Les deux souverains se dévisageaient, attendant que l'autre parle.
« - Bon, Sengoku, tu vas finir par me dire de quoi tu voulais me parler ?
- Je croyais que c'était toi qui avais lancé l'invitation, pour qu'on parle du bon vieux temps, grinça l'autre. Tu as la mémoire courte ?
- Seulement parce que je voyais clairement que tu avais envie de parler. Quel est le problème ? Même si à mon avis, je sais déjà.
- Puisque tu sais déjà, pourquoi je gaspillerais des mots pour le dire ?
- Roger ! s'emporta Garp. Voilà ton éternel problème, non ?
- Pas si fort, gronda l'autre roi. Les murs ont trop d'oreilles par ici !
- Hum, ce n'est pas un secret que tu détestes le roi des rois, Sengoku.
- J'essaie quand même de sauver les apparences si tu ne l'as pas remarqué. Tous mes efforts et ceux de mes fils pour rester polis, ce n'est pas du vent.
- Je le sais, mon vieux. Simplement... Je n'ai jamais bien compris pourquoi tu en veux autant à Roger, demanda Garp en prenant un cookie.
- Allons, c'est une vieille rancune, j'ai dû t'en parler, forcément.
- Peut-être bien mais moi, j'ai oublié, forcément.
- Et c'est un roi qui me dit ça. Bon, je suppose que tu sais comment le titre de roi des rois fonctionne ? Tu le sais n'est ce pas ?
- Il est possible qu'il me manque quelques subtilités.
- Misère, fais un effort ! Bon en théorie, le titre de roi des rois ne revient pas seulement aux souverains d'Ardent. Un royaume est choisi à un moment, et tous les cent ans, le titre change de royaume selon un ordre bien précis. Brook aurait dû être le dernier roi des rois d'Ardent, étant donné qu'un siècle est passé depuis la nomination du premier.
- Ha oui, et cela ne s'est pas fait car Roger possède un sacré charisme et des belles richesses, si bien que quand il a réclamé le poste, personne ne s'y est opposé... Sauf toi.
- C'est moi qui devais devenir le nouveau roi des rois et mon fils Sakazuki après moi. L'honneur devait nous revenir, pas à lui. Jamais une excuse de sa part, rien. Et il sait que nous sommes contestataires, alors il ne nous aime pas spécialement.
- Sengoku, ce n'est qu'un titre. Quelle importance ? Tu n'es pas plus pauvre ni moins méritant, quel besoin d'un nom qui a si peu de sens ?
- Pour les alliances, ce nom a de l'importance. Tout le monde veut s'allier au roi des rois, personne ne veut d'un perdant. Tu le sais.
- Je n'ai surtout pas de filles à t'offrir en alliance, toussa Garp.
- Oh je l'avais remarqué. Je t'aime bien Garp mais tu as toujours été proche de Roger également. Il faudra choisir ton camp un jour.
- La neutralité me va très bien. Tu as l'intention de déclencher une guerre ?
- Non. Pas si je peux l'éviter. On ne dirait pas mais les tensions sont de plus en plus fortes. Je réclamais certaines choses en contrepartie, de l'argent au moins pour n'avoir pas eu le titre de roi des rois. Roger a des dettes envers les Sylves Dorées.
- Malheureusement, ce n'étaient que des promesses orales. Tu n'as aucun document pour le prouver, je sais ça mon vieux. Sans vouloir te vexer, ça va être compliqué...
- Pas si je peux le faire chanter d'une manière ou d'une autre. Et je le peux.
- Qu'est ce que tu veux dire par là ? Du dossier sur Roger... Cet homme ne cache rien à personne alors je ne vois pas vraiment ce que tu pourrais trouver.
- Il y a des rumeurs comme quoi il aurait été infidèle à sa femme une fois. La pauvre Rouge si elle l'apprenait... Et si c'était prouvé, le charisme en prendrait un sérieux coup. Notre cher roi des rois n'est pas Doflamingo ! » cracha-t-il en accentuant le titre.
Sengoku fixa son alter ego dans les yeux et remarqua quelque chose de très étrange. D'ordinaire joyeux, toute bonne humeur semblait avoir déserté le visage du roi de Carm. Aucun doute pour le souverain des Sylves Dorées, Garp savait quelque chose. Le père de Dragon connaissait en effet bien Roger et de ce fait, certains secrets du roi des rois lui avaient été révélés. Des souvenirs qui faisaient mal revinrent à la surface. Une femme pleura puis sourit avant de s'effacer de sa mémoire. Il fallait être fort et parfois, le passé devait rester dans l'ombre, oublié de tous. Garp était bien décidé à empêcher une guerre s'il le pouvait. Le vieil homme était également prêt à empêcher des gens de souffrir pour rien et pour cela, il était prêt à se battre, sérieux comme jamais.
On est roi ou on ne l'est pas.
Feinte à droite, taillade à gauche, un pas en arrière, saut, frappe brutale. Feinte à gauche, taillade à droite, deux pas en arrière, coup à la tête. Alana enchaînait sans cesse des séries de mouvements jusqu'à ce qu'elle les maîtrise par cœur. En soit, ce n'était pas un exercice très motivant car il devenait vite répétitif mais la présence de Zoro l'aidait. Le fait que le fils de Mihawk accepte de s'entraîner avec elle était un grand soutien pour la jeune femme. Il avait beaucoup de techniques à lui apprendre mais de son côté aussi, Alana n'était pas en reste. Sa vie de chasse et de braconnage lui avait appris des astuces utiles pour survivre, il en allait de même pour se battre.
« - Tu as encore amélioré ton agilité, Alana, remarqua Zoro, très pragmatique. Par contre, niveau force, ça n'a pas l'air d'être tellement ça.
- Même sans force, la vitesse peut me suffire. On ne peut pas être bon partout, il suffit de savoir compenser ses faiblesses, c'est tout.
- Père a eu raison de te prendre pour écuyère. Tu pourrais bien devenir aussi forte que le chevalier Crystal l'éclair bleu si ça continue... Mais pas autant que moi.
- J'espère bien te surpasser, argua-t-elle avant de reprendre à voix plus basse. C'est vrai ce que j'ai entendu ? Que ce type là, Antonio, est ton demi-frère ?
- Semblerait. C'est que m'a dit mon père. Il a l'air sympa comme gars donc ça ne me dérange pas. Au moins, on n'a pas la même mère, il a de la chance.
- Tu n'aimes pas Perona ? Je croyais qu'il y avait un lien entre vous...
- Alana, tu vois très bien ce que je veux dire, soupira l'écuyer. Tu sais que Perona n'est pas ma véritable mère. Je suis un... bâtard.
- Hum, ça me revient. Mais qui est ta vraie mère alors ?
- Je préfère qu'on change de sujet, je n'aime pas trop en parler.
- Louche tout ça ! Tu sais, mes parents n'étaient que des paysans et je n'en ai pas honte. Enfin, ils ne sont plus de ce monde maintenant... Ors, ta mère est toujours en vie.
- Oui. Mais c'était une erreur. Si on connait la vérité, les choses iront très mal, se renfrogna-t-il. Changeons de sujet tout de suite.
- Très bien, monsieur grognon. Tu veux parler de quoi ?
- Parlons plutôt de tes touches, tête de nœuds. Haruta qu'il s'appelle non, celui qui passe son temps à te tourner autour ?
- Hé, comment tu sais ça toi ? s'énerva-t-elle, toute rouge.
- Eh bien, c'est plutôt visible même pour un type comme moi... Alors ?
- Alors rien du tout ! Ce gars ne m'intéresse pas ! Si c'est comme ça, on pourrait reparler de la fille avec laquelle tu as dansé au bal... Comment s'appelle-t-elle déjà ? Ah oui, Robin ! Une bien belle demoiselle d'Ardent que voilà !
- Ta gueule Alana, tu parles trop. C'était juste pour avoir une cavalière.
- Moi au moins, je suis restée seule et je n'ai pas eu honte, très cher tête d'algues.
- Même pas le courage d'inviter quelqu'un, c'est pathétique !
- Toujours moins pathétique que d'inviter quelqu'un pour la forme ! »
Ils commencèrent à se chamailler, poursuivant leur entraînement en même temps. On aurait dit que ces deux-là ne s'entendaient pas mais c'était complètement faux. Leur relation conflictuelle avait une origine toute fraternelle et se moquer l'un de l'autre faisait partie de leurs activités favorites. Même si le royaume du Roc Sombre n'était pas au complet, avec le chevalier Mihawk, ils formaient un trio soudé, se protégeant les uns les autres, comme une famille.
Comme cela leur arrivait parfois, Crystal et Sasha mangeaient ensemble ce midi-là. Les deux jeunes femmes étaient finalement devenues amies à force de se fréquenter. Leurs caractères étaient pourtant bien opposés, Crystal étant une femme d'action quand Sasha faisait marcher sa tête mais elles se complétaient parfaitement sur bien des points. Ce qui les avait rapprochées était la perte de leurs parents. Contre toute attente, la danseuse avait pu se confier à la guerrière sur sa mère, racontant sa tragique disparition et tous les souvenirs qu'elle avait. Ce n'était pas son genre de se dévoiler ainsi mais l'éclair bleu l'avait écouté sans jugement, même avec des paroles réconfortantes. La brune décida qu'aujourd'hui, c'était à son tour d'écouter la femme chevalier.
« - Crystal, je t'ai parlée de ma mère. C'est à toi de me parler de ton père, maintenant.
- Hum, je ne sais pas si c'est une bonne idée.
- Je suis sûre que si ! Alors, c'était un chevalier célèbre non ?
- Oui, fit-elle, avec un petit sourire fier. Rien de moins que Yorki le Tonnerre.
- J'ai déjà entendu parler de lui, c'était un grand chevalier, le meilleur du Lion Blanc. Si j'en ai entendu parler, c'est qu'il devait être fort !
- Pour sûr, c'est lui qui m'a appris toutes les bases de la chevalerie. Je l'adorais, c'était mon modèle et il n'y avait personne meilleur que lui. Mais...
- Il a suivi le même chemin que ma mère, n'est ce pas ? Enfin, peut-être pas un accident comme elle mais je vois ce que tu veux dire.
- C'était une maladie. Lui qui passait sa vie à défendre les autres il est mort dans un lit, misérablement. Le destin peut-être bien cruel.
- Crystal, je suis sûre qu'il est fier de sa fille là où il est.
- Je fais tout pour. Par rapport à toi, je ne devrais pas me plaindre. Ma mère est encore vivante dans le Nord tandis que toi, tu ignores qui est ton père.
- Chacun son chemin. Au moins, j'ai de bons amis.
- Moi aussi. Peu, mais des gens sur qui je peux compter. »
Le sourire qu'elle lança était discret mais le sens en était fort. Sasha se sentait privilégiée d'être proche d'une telle personne, dotée d'une telle force, capable d'en remonter même à de puissants soldats masculins. L'éclair bleu pensait la même chose de son côté. Sasha était dotée d'une grande intelligence et d'une gentillesse naturelle, on voyait clairement qu'elle ne se forçait pas. De plus, Crystal admirait ce talent pour la danse, qu'elle n'aurait jamais osé faire de son côté. Comme quoi, chacun peut admirer l'autre et envier ses qualités, à tous les niveaux.
Borata fut surprise de voir Crocodile l'aborder alors qu'elle passait à côté de lui dans un couloir. Elle comptait juste le saluer puis retourner vaquer à ses occupations, qui consistaient principalement à arrondir ses fins de mois, maintenant que Doflamingo semblait peu se soucier d'elle. Bien que Crocodile fût un proche confident et amant du roi, elle l'aimait bien car il avait toujours été bienveillant à son égard. En un sens, il l'avait même protégée parfois et elle lui en serait toujours reconnaissante. Alors pourquoi s'avançait-il vers elle de sa démarche allongée, le regard grave ? Pourquoi sa main valide jouait-elle avec le crochet de sa voisine ? Cela ne lui disait rien de bon et elle resta sur la défensive.
« - Que se passe-t-il, Crocodile ? jeta-t-elle quand il arrivait à sa hauteur.
- On ne peut pas vraiment te prendre par surprise, toi.
- Le métier de courtisane aide beaucoup en ce sens. Alors ?
- Je venais simplement aux nouvelles. C'est vrai qu'entre toi et Doflamingo, c'est terminé ? Tu étais pourtant une de ses favorites.
- Notre roi m'a fait comprendre que je ne lui plaisais plus. Je ne vais pas insister, Crocodile. Il sait ce qu'il veut et moi, je n'en fais pas partie.
- Tu sais pourquoi il ne te veut plus, Borata ? insista-t-il soudainement.
- Non, reconnut-elle, désarçonnée. Toi, tu le sais peut-être ?
- La réponse est simple en soi. Tu n'as pas voulu lui faire d'enfants. Si tu avais accepté de porter son huitième bâtard, tu serais restée dans ses bonnes grâces.
- J'ai une conscience, Crocodile. Contrairement à toi et à d'autres, ça ne m'amuse plus de satisfaire un homme qui passe la plupart de son temps à nous rejeter.
- Pour certains, c'est un moyen de survivre. Cela dit, je respecte ton choix. Sache cependant que tu ne pourras pas t'enfuir loin de lui.
- Si je ne l'intéresse plus, je ne vois pas ce qui m'en empêcherait.
- Pour la même raison que moi je ne peux pas le fuir.
- La magie. Enfin, Crocodile, ton pouvoir à toi est intéressant. Tu contrôles un élément. De mon côté... J'ai juste le pouvoir de savoir si les gens me disent la vérité ou non.
- Dans une cour royale, ce pouvoir vaut de l'or, tu le sais.
- Certes. Mais pour l'instant, cela n'a pas trop d'importance à ses yeux.
- Pour l'instant. Je t'aime bien Borata et c'est pour cela que je suis venue te prévenir. Tôt ou tard, il essaiera de te reprendre. Si tu n'es pas d'accord, il n'en sera que plus content. »
Là-dessus, le chevalier fit demi-tour, repartant vers les appartements de l'archipel de Sipango. Borata le regarda s'éloigner, songeant à son avertissement. Dans un sens, elle l'avait toujours su au fond d'elle-même. Les utilisateurs de magie étaient tellement rares, Doflamingo n'allait pas en perdre un seul, à aucun prix. Ses rêves de liberté, de partir pour un autre royaume revinrent. Rien ne l'empêcherait de s'enfuir, se promit-elle. Et Carm semblait une destination idéale, à tout point de vue.
Le prince Luffy dormait contre un arbre dans le petit jardin de la résidence où se trouvait la délégation de Carm et Norane le gardait. Quand il dormait, il semblait si paisible. Oublié le prince turbulent, on voyait un adolescent très beau, un grand calme peint sur le visage. La jeune femme sourit en songeant que s'il faisait ce regard une fois éveillé, toutes les filles d'Oren tomberaient sous son charme. Peut-être même elle. Enfin, son type, c'était plutôt les chevaliers du genre Kidd le sanglant, à mille lieux du petit-fils de Garp. Un homme auquel elle ne pouvait pas prétendre sans connaître ses origines.
« Tu ressasses encore le passé, ma vieille. »
Passé dont elle ignorait tout, ce qui était encore plus ironique. S'éloignant un peu de Luffy, elle marcha jusqu'à une fontaine et se regarda dedans, détaillant avec précision son visage, ses cheveux, ses yeux, la moindre fossette, le moindre grain de beauté. Chaque détail compte quand on ne sait pas d'où on vient. Alors qu'elle s'attardait sur ses pupilles, le constat qu'avait fait la princesse Saphir avant son mariage lui revient en mémoire.
« Vos yeux ressemblent beaucoup à ceux du prince Ace. »
En se regardant dans l'eau, elle ne pouvait le nier. Le roi Garp lui avait dit qu'elle était née à Ardent. Se pouvait-il que... Non. Il n'y avait pas de doute à avoir, les souverains d'Ardent n'avaient eu qu'un seul enfant. La lignée royale de Baterilla venait d'un mélange très différent au départ, la grande possibilité était donc qu'elle soit l'enfant de nobles de ce pays. Cela paraissait le plus crédible. Mais de qui ? En soit, elle n'avait pas croisé de gens lui ressemblant, le prince Ace mis à part. Le problème devenait chaque instant plus compliqué.
« Ou peut-être que je n'ai pas été assez attentive ? »
L'idée la frappa. Il fallait peut-être qu'elle examine plus attentivement les nobles d'Ardent, qu'elle prête plus attention aux ragots concernant les enfants bâtards. Il y en avait tellement que ce n'était pas une mince affaire et l'idée d'être une bâtarde n'avait rien de très plaisant mais elle ne pouvait pas changer ses origines. Une autre idée lui vint : Garp avait dit que l'histoire était douloureuse. Cela voudrait dire qu'un de ses parents était mort ? Pouvait-elle consulter le registre des décès de nobles ? Rien n'était moins sûre mais elle était bien décidée à mener sa petite enquête dans son coin. Tant de chemins s'offraient à elle que cette infinité l'effrayait.
« Courage Norane. Tu finiras par trouver. Il le faut. »
La jeune femme retourna s'asseoir auprès du prince Luffy, dont la poitrine se soulevait régulièrement, au rythme de sa lente respiration. Lui au moins, il savait d'où il venait, la question ne se posait pas. Mais il n'avait jamais fait sentir à sa protectrice qu'il y avait une différence entre eux. Sa gentillesse l'entourait comme une aura de chaleur et malgré son statut de prince, il était la simplicité incarnée. Norane remit une des mèches de cheveux du petit-fils de Garp en souriant. Elle continuerait de le protéger, quoiqu'il arrive. Luffy était comme un frère pour elle et Garp comme son propre grand-père. Ce n'était pas sa vraie famille bien sûr, c'était la famille qu'elle avait choisi de posséder.
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