Chevalier d'honneur
Malgré le printemps qui s'installait durablement, des averses pointaient tout de même le bout de leur nez sur Baterilla. Le plus souvent, il s'agissait de petites pluies précédant un orage, comme c'était le cas en ce jour. Sasha remontait la rue jusqu'au palais, attendue dans l'après-midi pour y donner une représentation de danse. En temps normal, elle aurait couru pour être le moins mouillé possible, malgré le gros manteau qui la protégeait entièrement, elle et son costume. Mais pas cette fois. Au contraire, elle avançait presque lentement, prenant tout son temps et fixant un point dans le vague. Pour Sasha, il n'y avait rien d'heureux à Baterilla en ce moment et elle ne savait pas comment elle parvenait à se tenir encore debout.
Le tragique évènement était arrivé trois jours plus tôt. La danseuse se trouvait chez elle en compagnie de sa mère et toutes deux raccommodaient une robe en prévision de la représentation qui allait avoir lieu. Elles discutaient joyeusement et une bonne ambiance régnait, ce qui n'était pas toujours le cas car Margarita désapprouvait le travail de sa fille pour les nobles. Seulement, voilà qu'en cousant la robe, le fil doré vint à manquer. Maudit fil doré ! Margarita savait où en acheter et sortit donc de chez elle pour se rendre à la fameuse boutique. Mais à peine posa-t-elle un pied dans la rue et commença à traverser la route qu'une charrette dévala la pente, droit dans sa direction, son frein ayant lâché. Margarita vit l'événement arriver mais ne put l'éviter et le véhicule la heurta de plein fouet, la tuant sur le coup. Pire encore, de la fenêtre, sa fille avait tout vu.
Depuis lors, une grande solitude l'avait envahi, ce qui ne l'empêchait pas de se rendre au palais, sous la pluie qui tombait drue. Il fallait bien qu'elle continue à vivre, elle. En remontant la rue, elle maudissait le fil doré pour la énième fois car sans lui, rien de tout cela n'aurait eu lieu. Sasha avait même mis une autre robe pour l'occasion, pas aussi belle mais tout à fait acceptable. La cérémonie pour laquelle elle allait devoir danser se déroulait pour le retour d'une troupe de chevaliers, revenue de mission. Si elle se rappelait quelque chose à leur sujet, Sasha n'avait pas envie de s'en souvenir.
« Pourquoi fallait-il qu'ils rentrent là ? Que les évènements s'enchaînent ainsi ? »
Bien sûr, les chevaliers n'avaient rien demandé mais il fallait bien un coupable à la jeune femme et en cet instant, elle les détestait profondément. Elle réaliserait son travail mais sans la moindre passion ce soir et encore moins avec de la joie. La douleur de la perte de sa mère restait encore trop forte, même si elle ne s'était jamais très bien entendue avec elle, mais la jeune femme parvenait à ne plus pleurer. Dans le monde d'Oren, si on n'était pas assez fort, mieux valait mourir tout de suite. Les sentiments restaient en elle, bien cachés et jamais elle ne les montrerait au grand jour. Jamais.
« Sois forte, Sasha ! s'encourageait-elle. Pour ta mère. »
Peu de gens étaient au courant de cette terrible nouvelle. Les nobles, elle n'avait pas jugé utile de leur dire, ils n'en avaient probablement pas grand chose à faire et même ceux qu'elle aimait bien comme le prince Ace ou la princesse Saphir, elle avait préféré ne pas les déranger avec ce désagrément. Le voisinage avait forcément été mis au courant, ainsi que les quelques badauds présents lors du drame. Sasha en avait simplement parlé à Crystal qui avait compati à sa douleur, ayant perdu son père il y a quelques années, mais la femme chevalier n'avait pas insisté ni essayé de la consoler. Elle avait simplement encouragé la danseuse. Cela au moins l'avait aidé à reprendre pied dans ce moment difficile.
Le palais se dressa enfin devant elle, grand et froid. Sasha entra par une porte réservée aux domestiques, ignorant les gens qui l'accueillaient. Elle n'avait pas besoin d'hypocrites et de parvenus aujourd'hui. Rapidement, elle se prépara en compagnie d'autres danseuses, n'échangeant presque aucun mot avec elles. La cérémonie allait être importante, une bonne partie de la cour serait là pour les regarder, l'erreur ne serait pas permise. Sasha fut prête en même temps que toutes les autres et elles s'installèrent discrètement derrière des paravents dans un coin de la grande salle, attendant qu'on les convie. La jeune femme se plaça de telle sorte qu'elle pouvait voir absolument toute la scène sans se faire remarque. Tout le gratin du château était là, seuls les chevaliers pour qui la cérémonie était organisée manquaient à l'appel.
« - Sasha ? demanda une voix féminine. Tout va bien ?
- Ah, dame Nojiko ! sursauta la danseuse avant d'ajouter en souriant : oui, tout va bien. Et pour vous, ce n'est pas trop difficile ?
- Oh, ça ? sourit-elle en désignant le panier de fruits qu'elle portait. Oui, je dois subvenir à la faim de toute cette salle et ce n'est pas vraiment évident car il y a beaucoup de monde mais je vais y arriver. Surtout avec l'aide de mon fils.
- Bonjour, Sasha ! s'inclina un garçon qui venait d'arriver, portant une cruche de vin.
- Bonjour Haruta, répondit avec le plus de joie possible la danseuse. Les chevaliers doivent-ils bientôt arriver pour vous permettre une pause ?
- D'une minute à l'autre, déclara le garçon. C'est pour cela que nous nous permettons déjà une petite pause. De toute façon, Papa nous défendrait...
- Bon, retournons-y ! l'interrompit sa mère. Bon courage à toi, Sasha.
- Merci, que les Trois Dieux soient avec vous ! » répondit-elle.
La fille de Margarita les regarda retourner auprès des invités, la mère avec son corps fin et ses cheveux bleus, ainsi que le fils, un petit brun au sourire facile. Sasha songeait que leurs histoire n'était pas la plus simple. Nojiko était l'épouse du chevalier Genzo mais jamais elle n'avait eu d'enfant de lui et pourtant, Haruta était né. Quand on demandait qui était le père, les regards se tournaient toujours vers Edward le géant. Cette théorie semblait confirmée par les regards que lançait la vendeuse de fruits à ce grand seigneur. Son fils avait pu devenir échanson malgré sa bâtardise connue et il l'aidait chaque fois qu'il le pouvait. Sasha s'entendait bien avec lui mais l'amitié s'arrêtait là. Haruta devait très probablement savoir qui était son père et si c'était bien le géant, il fallait se méfier. Quelqu'un qui a des liens hauts placés dans une cour royale ne pourra pas être pris à la légère, la règle d'or perdurait.
« Mesdames et messieurs, clama soudain un serviteur. Les chevaliers sont de retour ! »
Le calme se fit et tout le monde se tourna alors vers la grande porte. Quelques chevaliers revenant d'un long voyage entrèrent alors, la tête haute. La plupart était des inconnus au bataillon, des guerriers sans grand prestige. Sasha parvenait en général à se souvenir de leurs noms mais quelque chose l'étonna. Elle était persuadée que ce n'était pas le même chef lors du départ que celui qui les guidait à présent. La mémoire lui revint alors.
« J'y suis, le chef de l'expédition était Corazon le charmeur. Mais pourquoi n'est-il pas là ? Et pourquoi est-ce que c'est lui qui est à leur tête ? »
Lui, c'était un jeune chevalier qui avait obtenu toute l'attention de la cour quelques années plus tôt et rien de moins que le disciple du fameux Corazon. C'était un jeune homme d'une grande beauté qui avait charmé bien des femmes et qu'on appelait le Loup. Son véritable nom était Law. Du point de vue de Sasha, il s'agissait plutôt d'un homme froid un peu prétentieux, sans origine précise mais ce n'était que son avis. Il affichait le même air neutre qu'avant son départ, paraissant toutefois un peu tendu. Il n'avait pas quelque chose de très heureux à annoncer au roi de toute évidence. La cour se concentra sur lui tandis qu'il s'avançait vers le souverain à la place de Corazon, qui manquait vraiment à l'appel. Le silence se fit un moment et chacun attendit que le roi des rois s'exprime.
« - Chevaliers, vous voilà revenus des terres sauvages, proclama Roger. J'espère que vous avez pu y trouver des trésors ou quoique ce soit pouvant aider notre royaume à gagner des ressources.
- Hélas mon roi, commença Law, gardant son air froid. Il n'y a rien là-bas que des créatures monstrueuses. Ce sont des terres désolées, sans aucun intérêt et nous revenons donc les mains vides, sinon un peu plus fort et avec quelques rares butins.
- Revenir est un bien grand mot... Mais où est le chevalier Corazon ? Il devrait être présent aussi, à la tête de votre expédition. »
Le Loup ne parla plus pendant quelques secondes, fixant le sol. Il semblait chercher ses mots, essayer de mettre ses pensées au clair. Sasha pensa qu'il voulait sans doute être certain de cacher ses sentiments au monde. Elle aurait fait de même.
« - Corazon le charmeur ne reviendra pas, murmura le Loup. Il y avait de terribles créatures là-bas, nous avons rencontré un dragon et... Il n'a pas pu en revenir.
- Voilà une bien triste nouvelle, soupira le roi avec une réelle tristesse.
- Le chevalier Corazon, murmura le prince, affecté également.
- Il a été vengé bien sûr, ajouta le chevalier, le regard brillant.
- Je n'avais aucun doute sur cela. Néanmoins, malgré cette triste nouvelle, nous célébrons aujourd'hui ceux qui reviennent, même si vous revenez les mains vides. Venez vous asseoir à mes côtés, Law dit Le Loup, nouveau chef de cette expédition. Vous autres aussi, chevaliers, et profitez de l'accueil chaleureux que nous vous réservions ! »
Law et ses pairs s'exécutèrent rapidement sous les acclamations de la foule. Dès qu'ils furent installés confortablement, Sasha et les autres danseuses se placèrent au centre de la pièce. Elles en avaient l'habitude désormais, danser devant autant de monde ne leur faisait plus rien. La musique se lança alors et les jeunes femmes suivirent les pas sans problème. Cela fit du bien à Sasha car dès qu'elle dansait, tous ses soucis s'envolaient là-haut dans le ciel, disparaissant derrière les nuages. Aucun doute, elle était née pour cela.
" Maman, tu n'approuvais peut-être pas mais je continuerai. Je le dois. Sinon, je n'aurais aucun autre moyen de survivre. "
Le public semblait apprécier le spectacle, tapant des mains en rythme avec la musique. Cela encourageait les artistes qui tâchaient de faire de leur mieux. Sasha tourbillonnait littéralement, entourée de nombreux rubans que ses mains agitaient en tous sens, de façon très harmonieuse. Son regard croisa alors complètement par hasard celui de Law, alors qu'elle dansait face au roi. Leurs yeux furent comme reliés pendant quelques instants, comme s'ils se jaugeaient et se transmettaient des messages. Ce moment fut très intense puis la danse reprit, sans interruption. Sasha croisa également le regard compatissant de Crystal ainsi que le sourire de Saphir mais ne trouva pas Antonio. Qu'importe, il fallait continuer à danser, danser tant que la musique durerait.
Le chevalier avait regardé cette jeune femme qui dansait divinement bien sans réelle émotion. Il se sentait vide depuis la mort de son maître Corazon, comme si plus rien ne pourrait jamais rallumer cette flamme de joie en lui Pourtant, en regardant cette danse, inconsciemment, quelque chose revint à lui, une petite motivation supplémentaire. Après tout, cette jeune femme lui ressemblait un peu par son expression, il le voyait bien. Du coin de l'oeil, Law vit le prince Ace se rapprocher de lui et il se retourna automatiquement pour saluer. Ce genre de politesse devenait rapidement une seconde nature chez les chevaliers.
« - Law, je suis content de vous voir revenu. Le royaume a besoin de personnes comme vous et les bons chevaliers ne sont pas de trop.
- Je vous en prie, mon prince. Baterilla n'a pas changé depuis mon départ.
- Je suis désolé pour votre maître. C'était un homme admirable, je l'aimais beaucoup.
- Il faut vivre avec, murmura simplement le Loup qui ne savait plus que dire.
- Vous affrontez la douleur avec beaucoup de courage. Je n'aimerais pas vous avoir en ennemi, chevalier du Loup.
- Cela n'arrivera pas. Et j'apprends que je reviens à temps pour votre mariage.
- Oui ! sourit le noble. Et à ce propos, j'aurais un service à vous demander.
- Je vous écoute, mon prince.
- Comme vous le savez, le commandement des chevaliers va revenir à Marco car c'est son rôle Cependant, je trouve injuste de ne pas vous mettre à l'honneur et c'est pourquoi j'aimerais vous 'attribuer une nouvelle charge, le temps de vous permettre de monter dans la hiérarchie
- C'est un grand honneur que vous me faites là, prince. De quoi s'agit-il ?
- Vous voyez là-bas la jeune femme aux longs cheveux bruns ? Il s'agit de ma promise.
- La femme à côté de celle avec les cheveux bleus ? Elle est très belle.
- Celle avec les cheveux bleus est d'ailleurs une femme chevalier du Nord.
- Vraiment ? Cela promet d'être intéressant. Je suppose qu'elle protège votre fiancée ?
- En effet, mais c'est la protection accordée par sa famille. J'aimerais moi aussi lui accorder ma protection, si vous voyez ce que je veux dire.
- Vous voudriez donc que je devienne son chevalier lige ?
- Oui, uniquement si vous êtes d'accord.
- C'est un honneur immense pour quelqu'un comme moi qui ne vient de nulle part. Je tâcherai de ne pas vous le faire regretter.
- Tout ira bien, je le sais. Allez, viens, les autres chevaliers veulent entendre votre récit et moi de même. Ce combat contre le dragon, celui qui a tué Corazon... C'est vous qui l'avez achevé ? »
Law aurait voulu s'en aller mais il ne pouvait pas et suivit donc le prince vers les autres chevaliers. Encore une fois, il allait devoir revivre la mort de Corazon et ce combat désespéré contre un monstre sanguinaire. Il ne fit même pas semblant de sourire et garda ce même visage froid qui lui avait valu en partie son surnom. C'était le mieux à faire.
Les danses continuaient encore et Kalgara les regardait avec bonne humeur. Sa femme aurait adoré cela, elle aussi. En attendant, c'était sa fille qui profitait du spectacle. Dire que ses deux autres enfants allaient arriver dans quelques jours ! Il était très impatient de les retrouver, n'aimant pas se séparer de sa famille. Quand il était loin d'eux, il avait la désagréable impression qu'ils n'existaient plus à cause de la distance et cela le dérangeait réellement. Une violente toux le prit soudain et il fit de son mieux pour être discret, même si ce n'était pas facile. Il dut sortir un petit bout de tissu qu'il gardait toujours avec lui et cracha une légère quantité de sang. Cela faisait quelques jours que cela avait commencés et visiblement, ce mal ne voulait pas s'arrêter.
« - Tout va bien mon ami ? demanda soudain Roger, s'approchant de lui.
- Ne vous inquiétez pas pour moi, ce n'est rien. Une petite maladie de printemps, je suppose. Et dire que je n'attrape jamais de rhume !
- Haha, oui, ce doit être un petit virus attiré par la chaleur. J'en ai déjà eu plusieurs années de suite. C'est désagréable mais cela finit toujours par passer.
- Dans ce cas, il n'y a pas à s'inquiéter alors.
- Passez tout de même voir mon médecin. On ne sait jamais, avec votre organisme nordique, cela pourrait vous gêner plus qu'un autochtone.
- Je n'y manquerai pas, merci de votre prévenance.
- Entre futurs beaux-pères, c'est normal non ? D'ailleurs, à ce propos, les préparatifs avancent bien et vite. Ce sera une fête grandiose, avec un tournoi fabuleux !
- Vous vous donnez beaucoup de mal, mon roi.
- C'est mon fils unique, vous savez, je ferai n'importe quoi pour lui. De même que beaucoup de mes chevaliers donneraient leur vie dans l'instant pour Ace si je le leur demandais.
- Je n'en doute pas une seconde.
- Quand doivent arriver vos autres enfants ?
- Dans quelques jours, je ne peux être plus précis. Ils me tardent de les voir.
- Moi aussi. Il faut tout de même que je rencontre ma belle famille ! Mais regardez un peu nos enfants là-bas, comme ils sont adorables ! »
Kalgara se tourna dans la même direction que Roger et vit le prince se rapprocher de Saphir qui souriait doucement. Les deux semblaient très heureux d'être ensemble, du moins c'était l'impression qu'il donnait. Le roi du Lion blanc espéra que le roi des rois n'avait pas remarqué les regards mauvais que Crystal lançait à son fils. Il faudrait qu'il en parle à la jeune femme. Pour le moment, tout se déroulait plutôt bien, il fallait simplement espérer que cette maladie de malheur disparaîtrait le plus vite possible. Kalgara n'en doutait pas un seul instant pour ce dernier point.
Antonio n'avait pas été convié officiellement à la fête pour le retour des chevaliers, même en tant que serviteur. Suite à un conseil du roi Kalgara, il avait donc préféré ne pas s'y montrer. Dans cette cour, mieux valait ne rien se permettre, surtout lorsqu'on était un invité de bas rang. Le garçon se promenait donc dans la basse-ville, malgré la pluie. Il avait connu pire avec la neige à Skypea. Il apprit ainsi à découvrir les ruelles ainsi que la façon dont elles se connectaient entre elles. Cela pouvait toujours servir. Pourtant, au bout de deux heures de déambulation, il commença à fatiguer sérieusement et décida de se prendre un peu de repos dans une petite taverne.
« Bon, je n'ai qu'à aller dans celle-là ! »
La fameuse taverne dont il venait de parler se nommait L'Oro Jackson et elle était très connue non seulement pour ses bons alcools mais aussi parce qu'elle servait des sirops de fruits délicieusement frais aux parfums très variés. Il entra donc à l'intérieur, salua les occupant et commandat un sirop de cassis avant de s'installer tranquillement sur une petite table, écoutant les ragots autour de lui. C'est alors qu'il remarqua trois personnes installées non loin, qui en toute logique auraient dû être présentes à la cérémonie de retour des chevaliers.
« Hum, pourtant, ce monde-là devait être invité. Il faudra que je demande à Crystal. »
Les trois personnes étaient un homme et deux femmes, d'âges différents. Si le garçon et une des femmes ne devaient avoir que peu de différence en jouissant d'une belle jeunesse, l'autre femme était bien plus mûre, tout en conservant une beauté renversante avec ses longs cheveux blancs et ses traits fins. Antonio l'avait appris, elle se nommait Olivia et était la plus grande historienne de tout le royaume, peut-être même de tout Oren. Elle aurait donc dû être présente auprès de la cour. Pourtant, elle était là, dans cette taverne, en compagnie de ses deux enfants.
Son ainé était un garçon aux traits extrêmement fins, habillé plus correctement que de nombreux hommes de noble naissance et se tenant bien droit. Ses cheveux bruns étaient coiffés parfaitement, tout en lui respirait l'élégance. Il se nommait Izou et était un courtisan, maîtrisant de nombreux arts tels que la musique ou la danse, un jeune homme capable de servir les riches. Sa sœur ressemblait encore plus à leur mère si cela était possible, bien qu'elle partageât ses longs cheveux sombres avec son ainé. Pour le reste, Robin était une Olivia miniature qui ne manquait pas de charme. Il était difficile de croire qu'une femme comme l'historienne qui gardait aussi farouchement son célibat ait pu avoir des enfants mais la réalité s'imposait clairement. Antonio continua de boire son verre, tout en écoutant aussi discrètement qu'il le pouvait leur conversation.
« - Mère, pourquoi n'êtes-vous pas au palais ? demanda Izou.
- Je n'avais pas envie d'y être, répondit-elle nonchalamment, sans exprimer aucune émotion.
- Pourtant, vous êtes l'historienne d'Ardent, une érudite, lui rappela sa fille. Votre absence sera très probablement remarquée.
- Je n'avais pas envie de voir le père de l'un d'entre vous...
- Il nous est facile de deviner qu'il s'agit d'Edward, murmura Robin à voix si basse qu'Antonio parvint à peine à tout entendre. Nous savons qui sont nos parents. Le géant est le père d'Izou tandis que mon père est étranger et...
- Ne parle pas de cela en public ! grinça sa mère.
- Le sujet n'est pas là. Ce n'est pas votre genre de faire des manières, constata son fils. Pourquoi nous avez vous fait venir ici ? Je sais qu'il y a quelque chose et pour nous faire rater la cérémonie, ce doit être important.
- Ce n'est pas si important... Ou plutôt, cela pourrait l'être, souffla Olivia. Au moins ici, il y a moins de monde, surtout pendant cette fameuse petite fête et ainsi, je suis certaine que des oreilles indiscrètes ne nous entendront pas.
- Il y a un problème ? s'étonna Robin, tandis qu'Antonio commençait à s'inquiéter.
- Ce que je vais vous dire n'est qu'un avertissement, souvenez-vous en. J'ai l'impression qu'un complot se trame quelque part, dans cette cité.
- Un complot ? murmurèrent ses deux enfants, baissant encore d'un ton.
- Oui. Je ne peux vous révéler les propos que j'ai entendus, ni même de qui je les ai entendus mais j'ai bien peur que quelqu'un ne cherche à corrompre ce royaume, peut-être même à le détruire en partant de ses fondations.
- Quelqu'un voudrait tuer le roi ? devina Izou. Mais pourquoi ? Notre royaume est florissant sous le règne de Roger et il est un roi bien aimé.
- Cela, je le sais mais justement. C'est toujours quand les choses vont pour le mieux qu'un coup d'état arrive, l'histoire ne l'a que trop prouvé. Un mariage princier serait de plus un endroit parfait, avec autant de monde, soit autant de présumés coupables. N'oubliez pas également que je me renseigne sur les autres royaumes et certains sont loin d'être sages...
- Pourquoi ne pouvez-vous pas nous en dire plus ? demanda sa fille.
- Mes soupçons pourraient vous mettre en danger. Je voulais simplement vous lancer un avertissement car je prends la chose très au sérieux : méfiez-vous de tout le monde lors du mariage et des festivités. Peut-être que ce n'était que des paroles d'ivrogne, mais j'ai vraiment du mal à y croire. De plus...
- Oui, l'encouragèrent ses enfants.
- Vous n'êtes pas des enfants légitimes alors... Vous seriez facilement accusés, j'en ai peur, d'autant que vos pères ne sont pas n'importe qui. »
Antonio en avait entendu assez et il ressortit dehors sans se faire remarquer. Il fallait qu'il raconte cela à quelqu'un mais à qui ? Saphir ? Non, il n'avait pas le droit de l'inquiéter pour rien. Crystal ? Même à elle, il avait peur qu'il ne lui arrive des ennuis, parce qu'elle voudrait se mêler de choses qui ne la regardaient pas. Alors Sasha ? Non, il ne la connaissait pas encore assez. Pour l'instant, il préféra garder l'avertissement pour lui-même et le révéler à quelu'un uniquement s'il y avait un danger immédiat, ce qui n'était pas le cas pour l'instant. Quand il retourna vers l'appartement du Lion Blanc, il espéra que ce ne serait jamais le cas. Voir Crystal et Saphir qui rentraient de la cérémonie lui remit du baume au cœur. Ces deux-là étaient ses amies, il ne laisserait rien leur arriver. Du moins, s'il pouvait l'éviter...
Quelques jours plus tard, la famille royale du Lion blanc arriva, avec les enfants de Kalgara, leur famille, une suite de chevaliers, de seigneurs et de serviteurs. Ni la mère d'Antonio ni la mère de Crystal n'étaient présentes, car il fallait bien que certaines personnes gèrent le domaine. Le vieux Shandia avait également été laissé en arrière pour s'occuper du royaume, une lourde tâche compte tenu de son âge mais qu'il appliquerait à merveille. On pouvait se fier aux seigneurs du Lion blanc. Saphir fut très heureuse de retrouver sa sœur et son frère. Ce dernier demeura assez froid avec le prince Ace, tout en essayant de rester poli. Il n'avait toujours pas accepté qu'on lui prenne sa petite sœur. Wiper s'avérait être une vraie tête de mule, selon ce qu'avait dit Musse, mais avec le temps, cela s'arrangerait. Probablement.
Ainsi donc, la délégation du Lion Blanc prit place dans les mêmes appartements que les autres qui parurent subitement beaucoup moins grands. Le temps avançait et l'été était plus proche que jamais. Il ne manquait plus qu'à attendre l'arrivée des autres royaumes qui allait survenir très rapidement et le mariage pourrait ensuite être célébré. C'était un évènement que tout Baterilla attendait car on aimait beaucoup le prince et personne n'avait rien contre la demoiselle du Nord. La chaleur grimpa encore dans le royaume d'ardent et le thermomètre ne semblait pas prêt à baisser.
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