POINT DE VUE D'HARRY

Ça avait commencé avec un cauchemar.

Les jours passaient empli de cris perçant, de marmonnements dérangés, des minutes de solitude interminables et le très peu de temps avec Rose. Ça consistait à dormir, le déjeuner, le repas, puis dormir de nouveau avec des groupes d'activités de merde entre temps. C'était une routine. Tout était fade et terne. Rien ne sortait de l'ordinaire ou du moins ce qui était ordinaire pour un asile. Les employés faisaient leur travail et les patients faisaient ce qu'ils faisaient.

Ou du moins c'était ce qui semblait à tous sauf notre petit groupe de quatre. Mais nous trafiquions définitivement quelque chose en coulisse. Lori et Kelsey nous procuraient discrètement ce dont nous avions besoin avec le plus grand soin, pendant que moi et Rose portions nos meilleures cette-institution-est-de-la-merde-nous-resterons-ici-jusqu'à-la-fin-de-nos-jours expressions. Et je devais donner mon soutien à Lori et Kelsey parce qu'elles risquaient leur emploi pour nous. Malgré mon attitude, j'étais sincèrement reconnaissant, spécialement Lori pour qui j'avais toujours été reconnaissant. Même si je ne réussissais pas à comprendre la raison exacte, elles semblaient être loyales envers nous.

Et présentement nous avions un plan en travail. Il était vraiment risqué, très spécifique et en même temps difficilement rabiboché. Mais si nous avions ne serait-ce que la plus minime des chances de sortir d'ici dans les prochaines semaines, j'étais prêt. Parce que chaque tortueuse seconde en présence de Rose me rappelait ce qui allait arriver si nous restions. Je devais la sortir d'ici et rapidement. Rapidement par contre n'était pas ce qui arrivait. Nous avancions parmi les jours avec une patience agonisante, comme si nous descendions le cours d'une rivière calme alors que nous devrions être dans des glissades d'eau.

Jusqu'à ce cauchemar. Tout commençait à prendre de la vitesse après cet affreux cauchemar. Ça avait commencé comme le reste. C'était froid et sombre et j'étais entièrement conscient du danger qui se cachait dans le noir. Sauf que cette fois je commençai à courir. Je ne pouvais pas me souvenir de quoi exactement et tout ce que je pouvais voir était des arbres déformés. Mes pieds me transportaient avec le vent qui balayait mes cheveux et ma peau. Je courrais et courrais comme si c'était une course jusqu'à la fin avec une vitesse que mes poumons de fumeur avaient de la difficulté à garder. Et quelque chose comme un courant électrique transporta de l'adrénaline dans mon corps meurtri. Je commençai à sentir une certaine agitation alors que je courrais sur le gazon, pied nu. Le vent semblait me transporter alors qu'il rugissait à mes oreilles et mon cœur tambourinait et je courrais de plus en plus vite. Ça faisait longtemps que je n'étais allé à l'extérieur, depuis que j'étais enfermé et je me sentais si invincible en ce moment.

Enfermé. Mon esprit euphorique y réfléchie. Enfermé? Où avais-je été pour être enfermé?

Wickendale.

Je me souvins soudainement pourquoi je courrais. Mes pieds rapides commencèrent à perdre de la vitesse et mon sourire heureux commença à se faner. Il y avait quelque chose que j'oubliais. Il manquait quelque chose. Mes jambes ralentirent à la vitesse d'un jogging. Maintenant, les arbres terrifiants semblaient couper le ciel comme pour me rappeler que j'étais en danger. Je commençai à marcher. Un corbeau descendit dans le ciel et croassa en traversant le noir en signe d'avertissement. Mon cœur pompait comme un fou dans ma poitrine, mais pas par essoufflement. L'air devint pesant avec de la brume. Il y avait un sentiment de mauvais augure dans l'atmosphère. Ce qui fit apparaître de la chair de poule sur ma peau et les poils sur mes bras se redresser.

Mais j'avançai doucement dans la brume, dépassant le gazon et les arbres intimidants. Le sol était humide, au loin il semblait y avoir de l'eau. Mes yeux se plissèrent dans l'air épais pour révéler un espèce de lac. Même cela ne semblait pas bien. Mais je ne pouvais reculer. Alors j'approchai la bordure de la vallée et attendis un moment, écoutant le moindre son qui pourrait confirmer mes redoutables suspicions. J'observai les ondulations grises sous la pleine lune, regardant pour un possible prédateur.

Il y avait quelque chose dans l'eau. Un rouleau sombre comme de l'encre. Je décidai d'approcher, mes bottes éclaboussèrent dans le lac. Puis un autre pas. Puis quelques autres, jusqu'à ce que l'image devint plus claire et que la brume se dissipe. C'était les cheveux d'une fille qui flottaient annonçant le poids d'une mort. Je pus sentir le sang disparaître de mon visage. Et mon Dieu, je ne voulais pas la retourner, parce que je savais que ce n'était pas seulement une fille, mais une fille morte, la raison de ma peur. Mais malgré cela mes mains s'approchèrent et touchèrent le tissu sous les tresses sombres. Je grimaçai alors que je la retournais à contre cœur.

Puis je criai.

Ici, dans l'eau se trouvait la chose oubliée, le danger troublant et anonyme. Je fermai immédiatement mes yeux, ne pouvant pas regarder plus longtemps. Ici, gisait Rose et sa peau pâle, ses lèvres rouges légèrement entrouvertes et ses cheveux qui flottaient dans tous les sens dans l'eau, la faisant apparaître comme une déesse. Mais en-dessous de cela, à la base de son cou était ce qui me donnait envie de vomir. Sa peau avait été pelée de son magnifique corps. Elle était toute en chair et en muscle, comme un animal de boucherie, recouverte par le rouge profond de son sang.

Mon cœur rata un battement et ma voix se déchira alors que j'essayais de me retourner, mais mon esprit ne me le permettait pas. L'image restait. Rose qui avait été ma force dans cet échappement fut la seule chose que je n'arrivai pas à protéger. Et ma punition était de la voir dans cet état, un visage magnifique, mais un corps sans tout en chair et en muscle sans plus aucun signe de vie.

Ou du moins jusqu'à ce que les cris apparaissent dans mon rêve et dans ma conscience alors que je me réveillais avec un hurlement grave qui sortait de ma gorge. Mes yeux cherchèrent dans le noir pour Rose, celle qui était en vie, mais je trouvai seulement ma cellule crasseuse et poussiéreuse et ma respiration agitée.

Mais le soulagement était suffisant. Je savais que Rose était en vie et qu'elle était dans sa cellule tout comme les autres fois ou ses affreux rêves prenaient place. Tout irait bien. Je savais que Rose était en sécurité. Ce que je ne savais pas par contre était que cet horrible cauchemar allait marquer le début de notre évasion.

POINT DE VUE DE ROSE

Les jours étaient d'un ennui et je ne ressentais aucune joie ou agitation, mais je ne me sentais pas plus de tristesse ou de malheur. Je ne faisais qu'avancer avec de l'appréhension. Je voulais sortir et le faire maintenant et la patience n'était pas vraiment mon point fort.

C'était pourquoi j'étais excitée lorsque Kelsey me donna des nouvelles. Je ne pouvais attendre de les partager avec Harry, sautillant à travers les couloirs de l'aile. J'avais probablement l'air plus folle que la plupart des patients qui se trouvaient ici.

J'envoyai valser les portes et marchai vers lui, contenant difficilement mon sourire. Il me salua avec un de ses sourires éblouissants. Après s'être salué et donné un rapide baiser, je voulais aller droit au but, mais Harry parla en premier.

''Pourquoi penses-tu qu'elles font cela pour nous?'', questionna-t-il.

''Quoi?'', dis-je, troublé par sa question.

''Pourquoi Kelsey et Lori nous aident-elles à s'évader? Elles risquent leurs emplois et tout pour cette merde.''

''Parce qu'elles savent qu'on a aucune raison d'être ici. Kelsey est ma meilleure amie et veut que je sorte d'ici et Lori avait parlé de prendre sa retraite pendant que je travaillais encore avec elle. Peut-être qu'elle veut faire cette dernière chose avant de partir''

Harry hocha la tête alors qu'il prenait ce que je venais de dire en considération. Je m'étais demandé cette question plusieurs fois, espérant que ce n'était pas un piège ou quelque chose du genre; parce qu'avec tout ce qui était arrivé ça ne m'aurait pas surpris. Mais je croyais que Kelsey et Lori voulaient réellement aider.

Je pris le moment de silence d'Harry pour annoncer la bonne nouvelle. ''J'ai la clé'', murmurais-je.

"Tu quoi?", questionna-t-il, un sourire se formant immédiatement sur ses lèvres.

"Kelsey me l'a donné. Nous avons un plan, nous avons la clé, Lori a nos sacs lorsque nous nous enfuirons. Harry, nous sommes prêt à nous enfuir de Wickendale."

Des pattes d'oie apparurent au coin de ses yeux et son sourire était le plus pure et éclatant que j'avais eu la chance de voir depuis longtemps. "C'est une foutue de bonne nouvelle", dit-il en m'attirant à lui dans un câlin. "Nous allons enfin sortir d'ici", murmura-t-il dans mon oreille. Je ris face à son agitation, amis je sentis que je n'aurais pas dû. Je n'étais pas aussi excitée. Et Harry sembla l'avoir remarqué, il devait avoir entendu l’absence dans mon rire et ma nervosité.

"Quoi?", questionna-t-il, se décollant pour me regarder dans les yeux. "Qu'est-ce qui ne va pas?". Il semblait pris au dépourvu que je ne partage pas sa joie.

"C'est seulement....Je ne sais pas, j'ai juste peur. Je sens que ça ne peut pas être aussi facile, mais après tout si ça l'est vraiment? Les policiers vont être à nos trousses jusqu'à notre mort Harry."

"Je sais", répondit-il calmement. "Mais c'est mieux de s'enfuir d'ici que d'y rester. Nous avons réussis à traverser tous les ennuis que Mme Hellman nous a donné, alors c'est à notre tour de lui en donner un peu."

J'hochai la tête, mais je n'étais pas encore convaincue. Il y avait beaucoup de choses risquées impliqué dans notre complot et je ne voulais pas tout rater. Bien sûr, j'étais excité de goûter de nouveau à la liberté, mais j'étais aussi une boule de nervosité.

"Rose je promets devant Dieu que nous allons sortir d'ici" Le ton d'Harry redevint calme et apaisant. "Alors peut-être que quelque chose ira mal, mais je vais me battre. Nous allons sortir de ce foutu bâtiment et je vais te protéger durant tout le trajet, compris?"

Ses lèvres se pressèrent contre ma tempe. "Je vais te garder en sécurité Rose"

J'hochai la tête et involontairement, une larme coula le long de ma joue. Nos chaises étaient si près l'une de l'autre que je plaçai facilement ma tête sur son épaule, un de mes bras enroulé autour de son ventre alors qu'on des siens restait sur mes épaules.

"Et après qu'on se soit évadé?", questionnais-je.

"Après qu'on se soit évadé, nous allons courir. Nous allons courir et courir à des kilomètres d'ici,  puis finalement être assez éloigné pour prendre l'avion et partir quelque part. Je pensais peut-être aux Iles Fiji ou peut-être les Bahamas. Quelque part en dehors du territoire et un endroit tropical où nous allons pouvoir avoir du sexe sur la plage et boire des pina coladas. Personne n'entendra parler de notre fuite de Londres et nous serons en sécurité et heureux. Est-ce que ça te paraît bien?", questionna-t-il, essuyant la seule larme qu'il y avait sur ma joue à l'aide de son pouce.

L'idée était évidemment un de ses rêves plutôt qu'un futur réaliste, mais je souris de toute manière. Les secrets ou meurtres à venir d'Harry se dispersaient dans l'air aux moments comme celui-ci et je savais qu'il n'y avait pas une meilleure personne pour m'évader d'une institution psychiatrique que lui.

"Ça paraît parfait", riais-je.

Un garde me lança un regard, mais n'agit pas malgré ma proximité avec Harry. Personne ne se souciait vraiment de nous depuis que nous étions des patients, mais jamais ils ne se doutaient qu'ils allaient bientôt s'en soucier profondément dans très peu de temps.

"Alors quand Kelsey et Lori veulent-elles mettre le plan en action?", me demanda Harry.

"Demain. Lori et Kelsey sont toutes les deux prêtes"

Je pus le sentir bouger derrière moi et laisser échapper un soupir. "Merde", dit-il. "Nous nous évadons deWickendale demain?"

"Oui", dis-je, bien plus normalement que ce comment je me sentais. Harry et moi allions nous évader d'un asile de fou demain.