
Chapitre 26 : Le Conseil ✔️
Maxim se réveilla tôt. Trop tôt.
Il avait très mal dormi, et ce malgré tout le bonheur que lui procurait le petit corps d'Anya blottie contre lui.
Dans quelques heures, l'avenir de Tom et d'Élizabeth reposerait entre ses mains. Il devait convaincre le Conseil que leur arrivée ne représentait pas une menace pour Proxima. Si les Anciens lui demandaient de garder sous silence la présence d'humain sur cette planète, il le ferait. Tom et Élizabeth ne s'y opposeraient pas non plus. D'autant plus que ses amis désiraient retourner sur Terre.
Plus que lui à tout le moins.
Il ne pouvait se leurrer davantage ; il se plaisait sur Proxima. La compagnie d'Anya en était pour beaucoup, mais la vie ici était plus simple et plus naturelle. Il n'approuvait pas toutes les coutumes établies, comme l'interdiction de procréer sans autorisation ou la hiérarchie sociale génétique, mais malgré tout, les Proximiens semblaient heureux et paisibles, loin du stress quotidien sur Terre.
Toutefois, il sentait qu'il devait gagner le droit de repartir. Peu importe s'il décidait de rester ici ou non, il devait être libre de choisir.
Il jeta un œil à la jolie brune qui dormait paisiblement dans le creux de son épaule. Son bras droit et sa jambe passés par-dessus lui l'empêchaient de s'échapper de son étreinte, mais il n'en avait nullement l'intention. Si Proxima l'avait charmé, Anya, elle, avait conquis son cœur sans le vouloir.
Le regard de Maxim s'attarda sur ses magnifiques cheveux qu'elle avait détachés. Ils recouvraient son dos nu qu'il mourrait d'envie de caresser. Son visage parsemé de petites taches de rousseur, visibles que si on s'y attardait, était serein. Et ses lèvres... ses lèvres ! Oh oui, c'étaient toutes les nuits qu'il souhaitait passer à ses côtés.
— Est-ce que ça va ? chuchota soudain Anya d'une voix endormie.
Elle ouvrit ses yeux bleus et ensommeillés.
— Oui... je pensais à ce que j'allais dire au Conseil.
— Il est tôt, tu ne veux pas dormir encore un peu ?
— Non. Je n'y arrive pas...
— Tu es inquiet ?
Maxim hocha la tête. Elle lui caressa doucement la joue sans doute pour l'apaiser.
— Ça va bien aller, j'en suis certaine...
Il lui offrit un sourire contraint puis déposa un baiser sur son front avant de frotter doucement son nez contre le sien. Il remarqua au même moment qu'un air coquin s'était dessiné sur son joli visage et ses iris s'accordaient à merveille avec celui-ci.
— Tu veux que je te change les idées ? susurra-t-elle.
Cette fois, ce fut un vrai sourire qu'il lui offrit tout en lui signifiant son accord d'un baiser passionné.
***
Quelques heures plus tard, Maxim, Alexander et Anya se retrouvèrent devant la Tour des Anciens. Haute et majestueuse, elle surplombait toute la ville d'un air menaçant et dès leur entrée un homme d'âge mûr aux yeux globuleux vint les accueillir.
— Bonjour, Alexander ! J'imagine que ce sont ta petite fille et l'étranger dont tu nous as parlé ?
En prononçant le mot « étranger », l'homme dessina des guillemets dans les airs avec ses doigts.
— Bonjour, Liam, répondit Alexander, un soupçon d'agacement dans la voix. Je te présente Anya Cooper et Maxim Evans.
— Enchanté ! clama Liam, en serrant la main de Maxim avec un surplus d'enthousiasme. Je suis heureux de vous rencontrer et j'espère que votre séjour ici vous plaît ! Plusieurs d'entre nous mourront d'envie de discuter avec vous, de la Terre et ses coutumes.
Aux yeux de Maxim, Liam ressemblait à un enfant trop excité devant un magasin de bonbons. Il comprenait bien sûr qu'il pouvait être l'objet de sa curiosité, mais il n'était pas d'humeur à raconter sa vie à un étranger, ce pour quoi il se contenta de hocher la tête poliment.
Alexander, comme s'il avait lu son malaise, vint à son secours.
— Merci, Liam. Est-ce que le Conseil est prêt à recevoir Maxim ?
— Non pas encore, j'ai pour tâche de l'accompagner dans la salle d'attente pour...
— Je m'en occupe, le coupa Alexander avant de se retourner vers Maxim. Viens ! C'est par ici.
Ils traversèrent le hall principal que Maxim avait entraperçu à sa dernière visite. Ils empruntèrent les mêmes escaliers, mais cette fois-ci, ils gravirent beaucoup plus d'étages. Étrangement, malgré toutes les marches à monter, Anya et Alexander ne semblaient pas s'essouffler. Maxim, au contraire, dut faire quelques pauses pour reprendre son souffle. Il compta dix-huit paliers avant d'arriver à destination.
L'étage où ils s'arrêtèrent était sensiblement identique à celui où il avait rencontré Alexander pour la première fois. Deux couloirs perpendiculaires le traversaient, agrémentés de plusieurs pièces fermées, toutes identifiées sans exception.
Alexander les mena à une porte devant laquelle était posté un homme blond, grand et élancé. Sur une plaque à côté était gravé « Préaudience ».
L'homme devant eux les salua.
— Vous êtes le Terrien ?
Maxim acquiesça.
— Vous pouvez attendre ici, déclara-t-il en ouvrant la porte pour le laisser passer. Nous viendrons vous chercher lorsque le Conseil sera prêt.
Maxim entra dans la pièce, mais lorsqu'Anya voulut s'y faufiler à sa suite, le garde lui bloqua le passage.
— Seuls les Anciens et les personnes convoquées peuvent assister au Conseil.
Anya jeta un regard d'excuse à Maxim et ses lèvres articulèrent un « bonne chance » silencieux avant de reculer. Alexander lui souhaita la même chose et lui rappela qu'il serait dans l'assistance afin de lui offrir un support moral.
La porte se referma sur Maxim qui se retrouva dans une pièce fort peu accueillante. Quatre chaises étaient disposées en rang devant un mur blanc et vide d'artifices. Sur celui du fond, un sablier marquait le temps, comme chez Anya. Maxim regretta soudain de ne l'avoir jamais questionnée sur son fonctionnement. Il s'assit et profita du moment d'attente pour se remémorer les informations partagées par Alexander sur le Conseil.
Celui-ci était constitué de sept femmes et cinq hommes, tous Anciens et descendants des familles fondatrices de Proxima. Il se souvenait des Cooper, bien entendu, des Morgan, Bennet, Dourov, Liú et Chén pour ce qui était des membres féminins. Anya lui avait expliqué que les habitants de Proxima héritaient toujours du nom de famille de leur père ou de leur mère selon leur sexe. Les Cooper ou les Bennet, par exemple, étaient toujours des femmes. Pour les hommes du Conseil, Maxim ne se rappelait pas de tous les noms, mais il se souvenait de Voronov, dont Arkadi était un descendant, Huáng et Jerdev. Il avait oublié les autres membres fondateurs, sa mémoire lui faisant défaut. Il savait que certains étaient très progressistes et d'autres préféraient éviter le moindre dérangement aux mœurs des Proximiens. Un autre détail lui revint à l'esprit : Alexander avait beaucoup insisté sur la descendante Chén, membre du Conseil. Elle était une des plus jeunes Anciennes et selon le vieil homme, très ouverte d'esprit et favorable au changement.
Après ce qui parut une éternité pour Maxim, la porte s'ouvrit.
— Le Conseil est maintenant prêt à vous recevoir, Monsieur Evans.
Maxim se leva pour suivre l'homme jusqu'aux escaliers. Ils gravirent un étage avant d'arriver face à une immense double porte écarlate. Le garde cogna et elle s'ouvrit, laissant place à une vaste pièce.
La salle du Conseil était majestueuse. Elle lui rappelait les vieilles Églises construites sur Terre il y a bien longtemps. Le plafond, en forme de dôme, était décoré d'une formidable fresque qui représentait divers éléments de la nature. Des vitraux recouvraient la majorité des murs et laissaient filtrer une lumière bigarrée dans la pièce. Devant lui se trouvait une allée encadrée par des rangées de bancs en bois où patientaient une cinquantaine d'hommes et de femmes vêtus d'habits somptueux. Ils étaient tous beaucoup plus âgés que Maxim et tournèrent la tête dans sa direction à son entrée, ce qui amplifia l'angoisse qui coulait déjà dans ses veines.
Au bout de l'allée se tenait une partie plus élevée où trônait un alignement de bureaux avec des sièges occupés par sept femmes et cinq hommes. Les membres du Conseil.
Maxim s'avança pour s'arrêter devant l'estrade. Un homme, assis au pied de celle-ci, se leva.
— Maxim Evans. Terrien. Demande d'amnistie, déclama-t-il d'une solennellement avant de se rasseoir.
Maxim sursauta en entendant ses termes. Il ne se savait pas coupable de quoi que ce soit, pourquoi diable demanderait-il l'amnistie ?
— Monsieur Evans, commença un membre du Conseil qui présentait une calvitie avancée, est-il vrai que vous venez de la Terre ?
— Oui
Maxim remarqua que sur chacun des bureaux installés devant lui était gravé le nom d'une famille fondatrice. L'homme qui venait de le questionner devait donc être un descendant du clan Jerdev, s'il se fiait à l'inscription.
— Vous prétendez également être arrivés ici sans savoir qu'une colonie s'était établie sur Proxima. Est-ce exact ?
— C'est exact.
Il déglutit avant de continuer.
— Notre vaisseau devait rapporter une cargaison d'une lune d'Uranus et un de nos propulseurs a explosé avant notre descente sur la lune. Nous avons dérivé jusqu'ici, dans l'espoir que la planète soit hospitalière, mais nous ne savions pas qu'elle avait déjà été colonisée.
— Savez-vous si vos dirigeants en ont connaissance ? Avez-vous eu des contacts avec ceux-ci depuis votre arrivée ou avez-vous déjà entendu parler d'une tentative de colonisation de Proxima ?
— Non, nous n'avons contacté personne depuis notre arrivée, les moyens de communication ayant été endommagés avec l'explosion. Je n'ai également jamais entendu parler de plans concernant la colonisation de Proxima.
Des murmures de soulagement se firent entendre dans l'assemblée. Les membres du Conseil semblaient eux aussi satisfaits de la réponse.
Une femme aux cheveux d'ébène à la droite de l'Ancien Jerdev prit ensuite la parole. Elle détonnait parmi les autres représentants dû à son âge. Maxim l'identifia aussitôt comme l'Ancienne Chén dont Alexander lui avait parlé. Selon ses dires, on l'avait nommée Ancienne très jeune à la suite d'un problème de santé qui l'avait rendue infertile.
— Notre collègue, Alexander, nous a mentionné que vous aimeriez retourner sur Terre et que vous auriez besoin d'un nouveau propulseur, est-ce vrai ? demanda-t-elle d'une voix douce, mais directe.
— Effectivement, les membres de mon équipage désirent rentrer sur Terre, retrouver leur famille, leurs amis et leur vie.
— C'est compréhensible, admit l'Ancienne Chén.
— Mais très problématique, intervient un autre Ancien, dont l'inscription indiquait Thomson. Voyez-vous, nos ancêtres, lorsqu'ils sont arrivés ici, ont tout fait pour laisser croire à vos dirigeants que Proxima B n'était pas viable et qu'ils avaient péri durant l'atterrissage. Votre retour sur Terre mettrait en péril notre existence sur cette planète.
— Pour quelles raisons ? osa Maxim.
— Les écrits des Anciens mentionnent que les Terriens, à l'époque où nos ancêtres sont arrivés ici, étaient sur le bord d'une catastrophe écologique. Leur situation ne s'est probablement pas améliorée pour qu'ils exploitent d'autres lunes et planètes.
Maxim ne savait pas si l'Ancien Thomson lui posait une question ou affirmait un simple fait, mais il tenta tout de même d'être honnête.
— En effet, la Terre a connu de meilleurs jours. Les ressources s'épuisent, le climat change, mais nos dirigeants s'efforcent de trouver des solutions. Mais en quoi est-ce une menace pour Proxima ?
— Plusieurs Anciens ici redoutent que les Terriens s'emparent des ressources de notre planète, expliqua l'Ancienne Chén. Certains craignent également qu'ils nous chassent et détruisent notre civilisation pour prendre possession de Proxima.
— Et si nous vous promettions de ne pas mentionner Proxima lors de notre retour ? Il serait possible d'inventer une histoire pour expliquer notre survie.
— La différence entre les deux propulseurs vous trahirait, intervint un autre Ancien qui représentait la famille Bennet. Nous n'avons certainement pas la même technologie que vous.
— Et si nous le faisions exploser avant notre arrivée près de la Terre ? rétorqua Maxim du tac au tac.
Quelques Anciens échangèrent des regards pour évaluer la proposition. L'Ancien Huang prit la parole, mais en s'adressant à toute l'assemblée plutôt qu'à Maxim.
— Comment pouvons-nous lui faire confiance ? Je vous rappelle que ces Terriens ne sont pas passés par les mêmes filtres génétiques que nous. La méchanceté, la traitrise, l'orgueil et le mensonge sont peut-être encore présents dans leurs veines. Ils sont l'exemple même de notre origine imparfaite. Jamais ils ne garderont notre existence secrète !
Une discussion animée éclata dans la salle autant du côté du Conseil que de l'assemblée. Les propos de l'Ancien Huang avaient fait mouche et créaient un doute dans l'esprit des Proximiens présents.
L'Ancien Jerdev réclama le silence après quelques minutes avant de reprendre :
— Merci d'avoir répondu à nos questions, Monsieur Evans. Mes collègues et moi avons assez d'informations pour prendre une décision. Avez-vous une dernière chose à nous dire avant notre délibération finale ?
Maxim réfléchit un instant, sachant que ses dernières paroles pourraient avoir un impact décisif sur leur verdict. Il prit le temps de bien choisir ses mots avant de se lancer, l'estomac crispé par la peur.
— Mes amis et moi sommes sur Proxima depuis une trentaine de lunes déjà. Nous avons eu la chance de tomber sur la petite-fille de l'Ancien Alexander Huang. Elle nous a fait découvrir votre merveilleuse planète et votre peuple. Vos coutumes qui, à première vue, nous semblaient étranges, sont belles et respectueuses de la nature qui vous entoure. Je détesterais voir votre nation ainsi que cette planète être ravagés par des gens assoiffés de richesses ou aveuglés par la différence. Vous pouvez me croire lorsque je vous dis que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher cette horreur, quitte à mentir à mon propre peuple à de nombreuses reprises, à accepter la torture ou même mourir.
Le discours de Maxim se termina dans un silence lourd et écrasant.
Après un moment, l'Ancienne Chén s'adressa de nouveau à lui :
— Merci, Monsieur Evans. Vous pouvez disposer. Le Conseil vous convoque demain en matinée, pour la décision finale.
Maxim se retourna et remonta l'allée, accompagné du garde qui l'avait escorté jusqu'ici. Alexander lui fit un léger signe de tête lorsqu'il croisa son regard, un sourire confiant sur les lèvres. Le garde le conduisit jusqu'à la sortie de la Tour, où Anya faisait les cent pas à l'attendre.
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