Chapitre 19 : Greluches et mâchoires de bois.
Élizabeth observait Arkadi qui semblait bien s'amuser près du feu. Il était entouré d'un troupeau de femmes en chaleur trop peu habillées selon elle. Elles se battaient manifestement pour son attention, comme si c'était le seul mâle des environs.
Certes, Arkadi ne passait pas inaperçu dans cette foule. Il faisait une tête de plus que la plupart des autres et avait la carrure d'un dieu grec. Le colosse attirait les regards, c'était incontestable.
Néanmoins, Élizabeth lui en voulait de ne pas repousser les avances des plus téméraires qui se penchaient vers lui afin d'offrir une meilleure vue sur un décolleté plongeant. Certaines allaient même jusqu'à palper ses biceps ou jouer dans ses cheveux. Et qu'est-ce qu'il faisait pendant ce temps ? Il bavardait et riait avec elles !
— Je crois qu'il va avoir une sale gueule de bois demain, lança Tom, la sortant de ses pensées.
— Hmm... mouais, probablement.
— Anya aussi semble éméchée.
Élizabeth jeta un regard vers le couple qui s'était éloigné de la foule pour discuter en tête à tête. Anya parlait de manière énergique à Maxim, ses bras se faisant aller de gauche à droite, ses joues rougies par l'alcool. Elle n'avait jamais vu Anya si dynamique dans une conversation.
— Tu crois qu'ils ont déjà bu de l'alcool ? demanda-t-elle.
— Nope ! répondit Tom.
Élizabeth tourna la tête vers son ami. Il semblait pompette lui aussi.
— Bon... je sens que si ça continue je vais tous vous ramasser à la fin de la soirée, déclara-t-elle. Je pense que je vais aller me coucher avant que ça se produise.
— Comme tu veux ! Moi je vais rejoindre le fan-club d'Arkadi pour me dénicher une petite Proximienne.
Élizabeth haussa les sourcils, surprise. Elle n'avait pas souvent entendu Tom parler de la sorte. Il devait être plus bourré qu'elle le croyait. Elle le jaugea un instant, alors qu'il marchait vers Arkadi. Elle l'avait trouvé étrange depuis son arrivée à New Hope. Il était cerné et toujours perdu dans ses pensées. Peut-être s'ennuyait-il de la Terre...
Quoi qu'il en soit, elle était maintenant seule assise à une grande table, argument de plus afin de quitter la fête et aller rejoindre son lit.
Elle n'eut pas de difficulté à retrouver son chemin jusqu'à l'auberge, New Hope était plus petite qu'elle ne l'avait cru au début.
Une fois dans sa chambre, elle retira sa tenue proximienne pour ne garder que ses sous-vêtements avant de se glisser sous les draps.
***
Élizabeth se réveilla quelques heures plus tard, désorientée. Elle avait l'impression qu'un bruit l'avait tiré de son sommeil. Elle se redressa dans son lit, attentive aux sons qui l'entouraient. Une voix étouffée provenait du couloir, mais c'était impossible d'en comprendre les paroles. Elle attrapa son drap qu'elle enroula autour d'elle et attacha sur sa poitrine avant d'ouvrir la porte et jeter un regard dans le corridor.
À deux chambres de la sienne, une grande silhouette gesticulait devant quelqu'un.
— Eto moya spal'nya ! lança une voix qu'elle reconnut immédiatement : celle d'Arkadi.
— Quoi ? Mais tu fais quoi là ? Je dormais moi ! répondit l'inconnu contrarié devant lui.
Élizabeth s'avança pour comprendre le problème.
— Ukhodi ottuda !
— Arkadi ? appela-t-elle.
Le colosse se retourna vers elle, les yeux vitreux.
— Il a pris ma chambre... articula-t-il avec difficulté.
Élizabeth ne put s'empêcher de sourire. Il était complètement saoul. Elle s'approcha de lui, passa la main sous son biceps pour le tirer avec douceur et l'éloigner.
— Non, ta chambre et ici Arki. Tu t'es trompé. Viens, on va te coucher.
— Oh... t'es certaine ?
— Oui je suis certaine, répondit-elle retenant tant bien que mal son fou rire.
Elle le guida vers sa chambre, non sans lancer un regard d'excuse au Proximien qu'il avait probablement réveillé. Celui-ci marmonna des paroles incompréhensibles avant de claquer la porte derrière lui.
Une fois dans la chambre d'Arkadi, elle l'amena jusqu'à sa couche et le poussa doucement d'une main sur son torse pour qu'il s'assoie. Il tomba, comme une roche, dans le lit qui grinça en signe de protestation. Se souvenant qu'elle n'avait qu'un simple drap pour la couvrir, elle s'assura que celui-ci était bien enserré autour de sa poitrine avant de se pencher pour l'aider à se déchausser. Elle hésita un instant à lui retirer ses vêtements, mais décida qu'elle pouvait au moins lui enlever sa tunique et sa chemise. Après cinq bonnes minutes à se battre avec un pantin géant désarticulé, elle réussit à le dévêtir en partie et l'étendre dans le lit.
— Voilà, maintenant reste allongé sagement ici et repose-toi bien.
Élizabeth le recouvrit d'un drap, se redressa et l'observa un moment. Ses yeux étaient fermés, sa bouche entrouverte. De le voir si vulnérable tout à coup réchauffa sa poitrine. Un sourire habilla ses lèvres sans s'en rendre compte.
Elle s'apprêta à quitter la chambre, mais dès qu'elle fit un pas, Arkadi lui agrippa la jambe pour l'arrêter.
— Mm... reste avec mnoy, s'li voulplait !
Elle pivota pour le regarder à nouveau. Ses yeux dorés, maintenant ouverts, semblaient éteints, perdus. Il n'avait plus toute sa tête.
— Bon d'accord, mais promets-moi de ne pas me vomir dessus !
— M-mmh.
Élizabeth le poussa légèrement et s'étendit dos à lui. Il se tourna vers elle pour l'amener dans ses bras comme à son habitude. Il empestait l'alcool, mais sa chaleur était réconfortante.
Il enfouit son nez dans ses cheveux et déposa quelques baisers sur sa nuque. Un délicieux frisson parcourut son échine et son corps s'enflamma, exigeant davantage. Néanmoins, elle savait très bien qu'il n'avait pas toute sa tête. C'était préférable de faire comme si de rien n'était, du moins, c'était ce que sa tête lui dictait de faire. Son corps, lui, était d'un tout autre avis.
Elle n'eut cependant pas le loisir de tergiverser plus longtemps; un long ronflement retentit derrière elle. Il dormait déjà.
Elle poussa un soupir, s'attendant à une très longue nuit dans les bras d'un Arkadi qui ronflait bruyamment dans son oreille.
***
— Govno!!
Élizabeth se réveilla, au son de la voix pâteuse d'Arkadi. Elle se retourna dans le lit pour constater qu'il se tenait la tête à deux mains, couché sur le dos.
— Bien dormi? demanda-t-elle pour le taquiner.
— Mmhhh, je sais pas trop...
Un effluve d'alcool et de poisson pourri agressa les narines d'Élizabeth.
— Ouf! Tu as une haleine à tuer un éléphant.
— Un quoi? grommela-t-il.
— Laisse tomber. Tu as mal à la tête?
Il hocha mollement du chef, les yeux toujours fermés.
— Attends-moi ici, j'ai ce qu'il faut pour t'apaiser.
Élizabeth réajusta le drap autour de sa poitrine qui avait glissé durant la nuit et sortit afin d'aller lui chercher à boire. Dans le couloir, elle tomba nez à nez avec un Tom aussi mal en point qu'Arkadi.
Il la salua d'un signe nonchalant de la tête, sans remarquer son accoutrement. Il continua son chemin vers sa chambre, un verre d'eau à la main.
Elle traversa le couloir pour se retrouver dans sa propre chambre. Elle s'habilla à la hâte avec les mêmes vêtements que la veille puis attrapa sa gourde et le sac de premier soin qu'elle avait trimbaler dans le désert avec elle.
Lorsqu'elle revint dans la chambre d'Arkadi, elle le trouva assis sur le bord du lit, pencher par en avant, la tête entre ses mains. Elle sortit des analgésiques qu'elle lui tendit avec sa gourde.
— Tiens, prends ça. Ça devrait soulager ton mal de tête.
Sans aucune méfiance, il avala les cachets avec une grande gorgée d'eau.
— Qu'est-ce qui s'est passé hier? Pourquoi j'ai si mal au crâne? demanda-t-il une fois son verre terminée.
— Tu as trop bu.
Il releva sa tête vers elle, étonné.
— On peut trop boire?
— De l'alcool oui. C'était la première fois que tu en prenais?
— De l'alquoi?
— De l'alcool. C'est un liquide fermenté qui a la fâcheuse tendance à causer des trous de mémoire lorsqu'on en prend trop et à nous donner une sale gueule de bois.
Arkadi se redressa, paniqué, et tâta sa mâchoire à plusieurs endroits. Il balaya la pièce du regard à la recherche d'un miroir.
— Calme toi Arki! C'est une expression! L'alcool ne transforme pas ton visage en bois!
Le colosse la regarda, complètement perdu. Élizabeth se serait sans doute moqué de lui en temps normal, mais pour l'instant il avait l'air si désemparé qu'elle se retint.
— Pourquoi en boire si ça nous rend malade?
Élizabeth souleva ses épaules.
— Je ne sais pas... en petit quantité ça nous détend, nous rend plus heureux. Mais il faut savoir bien doser.
Arkadi grogna, avant de s'affaler dans le lit, un bras sur ses yeux.
— Je te laisse te reposer encore un peu, le temps que les comprimés agissent. Je reviens un peu plus tard avec un peu de nourriture.
— Mmmhhh
Élizabeth l'observa un instant, touchée par ce grand colosse qui semblait si mal en point. L'homme qui l'avait aidé à s'enfuir du palais, qui l'avait sauvée dans le désert et qui se montrait protecteur envers tous ses amis; il avait lui aussi, parfois, besoin qu'on prenne soin de lui.
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